COMPTE-RENDU, critique, concert. METZ, Arsenal, le 22 nov 2019. MOZART, RAVEL. Orchestre National de Metz / David Reiland. Il est toujours rĂ©vĂ©lateur voire Ă©difiant de faire dialoguer au cours dâune mĂȘme soirĂ©e les deux compositeurs ; le premier, Mozart, gĂ©nie de lâĂ©lĂ©gance et de la sincĂ©ritĂ© incarnĂ©es ; le second, Ravel, grand admirateur du premier, restant le modĂšle absolu du raffinement et de lâincandescence… On regrette mĂȘme la cĂ©sure rĂ©alisĂ©e entre les deux parties du concert messin Ă lâArsenal, tant leur gĂ©nie respectif parle, dans lâĂ©criture orchestrale, dâune mĂȘme lumiĂšre, dâune mĂȘme exigence.
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Le National de Metz Ă son meilleur
GrĂące brillante, introspective de Mozart
VoluptĂ© Ă©ruptive de Ravel…
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David Reiland, directeur musical de l’Orchestre National de Metz © C Guir / CitĂ© musicale METZ
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Directeur musical du National de Metz, David Reiland a le souci du dĂ©tail comme de l’architecture; passĂ© par Salzbourg, il connait lâĂ©quilibre subtile qui fait rayonner une sonoritĂ© spĂ©cifique Ă l’orchestre en particulier dans la symphonie concertante pour violon et alto de Wolfgang, un sommet de tout ce qui, relevant de lâesprit des lumiĂšres, fut capable en intelligence, lĂ©gĂšretĂ©, esprit de conversation. Le tapis instrumental entre cordes et bois redouble de flexibilitĂ© bondissante, de vivacitĂ© Ă©lĂ©gante, de nerf comme d’Ă©loquence, en particulier au niveau des cordes toujours magnifiquement galbĂ©es sous le pilotage du chef.
Les deux solistes invitĂ©s Alena Baev (violon) et Adrien la Marca (alto), affirment une indĂ©niable musicalitĂ©, brillant comme deux gemmes complĂ©mentaires ; elle, du fait de la tessiture et du timbre mĂȘme de son instrument, solaire et vibrante ; lui, complice attentionnĂ©, tel son double noir, sombre Ă©videmment- instrument que jouait Wolfgang lui-mĂȘme, sĂ©duisant, percutant par cette gravitas, moins bavarde, plus subjective, directe. La personnalitĂ© des deux tempĂ©raments rayonne enveloppĂ©s, portĂ©s par un tel Ă©crin orchestral. Du moins on note une disposition plus solistique chez elle comparĂ©e Ă son partenaire⊠qui en plusieurs reprises et appels en regards complices, … nâest guĂšre exaucĂ©. Quâimporte la musicalitĂ© est lĂ , rayonnante.
De son cĂŽtĂ©, la direction du chef Ă©blouit indiscutablement, ciselant un Mozart dâune acuitĂ© expressive directe mais nuancĂ©e en particulier dans le formidable Andante central qui atteint une profondeur hors temps suspendue, dĂ©jĂ romantique. Selon cette clairvoyance visionnaire dont est capable Mozart et dont il garde le secret spĂ©cifique.
La deuxiÚme partie, purement orchestrale, confirme la complicité créative, engageante entre chef et musiciens.
Les Ravel sont tout autant passionnants. Ils rĂ©vĂšlent sous le feu flamboyant des instrumentistes la part de luciditĂ© et de clairvoyance finalement terrifiante dâun compositeur rattrapĂ© par le cynisme le plus impitoyable. La Valse tout dâabord dĂ©roule des rubans de soie voluptueux et melliflus, mais le rythme enivrant implose bientĂŽt en plein vol, produisant des sirĂšnes Ă©tourdissantes ; spasmes et convulsions dâune irrĂ©pressible douleur : tĂ©moin de la guerre et de la barbare sanguinaire, Ravel tire la sonnette dâalarme orchestrale. On oublie souvent sous les effets dâune voluptĂ© amplifiĂ©e, oublieuse, et de plus en plus affirmĂ©e, le cri de cette conscience douloureuse. David Reiland et son orchestre expriment cette implosion graduelle qui fait basculer un Ă©lan prĂ©alablement enivrĂ©… en cauchemar formellement dĂ©tonant.
MĂȘme accomplissement pour le BolĂ©ro, entĂȘtant et envoĂ»tant Ă souhait mais aussi dâune prĂ©cision millimĂ©trĂ©e que nâaurait pas reniĂ© Ravel lui-mĂȘme, passionnĂ© de mĂ©canique et d’horlogerie (grĂące Ă son pĂšre). On y dĂ©tecte dans la prĂ©cision et une transparence rythmiquement hypnotique (cf le mordant imperturbable de la caisse claire et sa formule rythmique dâun bout Ă lâautre, Ă©noncĂ©e comme un compte Ă rebours), un mĂȘme cycle de destruction qui passe de lâivresse mĂ©lodique Ă la convulsion orgiaque.
AssurĂ©ment un concert rondement dĂ©fendu qui confirme le niveau acquis grĂące Ă lâentente du chef et des instrumentistes du National de Metz lesquels au terme de plusieurs bis nâhĂ©sitent pas Ă saluer comme le fait le public plus quâenthousiaste, le charisme engageant de leur directeur musical. VoilĂ qui positionne idĂ©alement le National de Metz ainsi Ă©lectrisĂ© par son chef, parmi le top 6 des meilleurs orchestres hexagonaux. A suivre.
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COMPTE-RENDU, critique, concert. METZ, Arsenal, le 22 nov 2019. MOZART, RAVEL. Orchestre National de Metz / David Reiland.
Critique précédente concert David Reiland / Orchestre National de Metz (13 sept 2019) :
COMPTE-RENDU, critique. MEZT, Arsenal, le 13 sept 2019. Concert dâouverture saison 2019 2020. Mozart : Symphonie n°41 « Jupiter » / BERLIOZ : Harold en Italie. Adrien Boisseau, alto. Orchestre National de METZ. David Reiland, direction. TrĂšs rĂ©ussi et mĂȘme passionnant premier concert du National de Metz Ă lâArsenal : pour lâouverture de sa nouvelle saison 2019 â 2020, lâOrchestre National de Metz jouait ce vendredi 13 septembre 2019, Mozart puis Berlioz sous la direction de son directeur musical, depuis septembre 2018, David Reiland. La 41Ăš faisait ainsi son entrĂ©e au rĂ©pertoire de la phalange messine ; un point important car il sâagit aussi pour le maestro dâĂ©largir et dâenrichir toujours les champs musicaux des instrumentistes messins. David Reiland a dirigĂ© la 40Ăš ici mĂȘme en 2015, alors quâil nâĂ©tait pas encore directeur musical. Le maestro nous offre deux lectures investies, abouties, Ă©tonnamment ciselĂ©es et vivantes.
