FRANCE MUSIQUE, en direct des CorĂ©gies dâOrange 2022. Vendredi 8 juillet 2022, 21h15. Pour la premiĂšre fois Ă lâaffiche des ChorĂ©gies, LâElisir dâamore, opera buffa gĂ©nial signĂ© Donizetti lequel retrouve la vivacitĂ© facĂ©tieuse, pathĂ©tique de Rossini⊠Les ChorĂ©gies dâOrange rĂ©unissent pour se faire deux solistes prometteurs : Pretty Yende (Adina), RenĂ© Barbera (Nemorino dont lâair « Una furtiva lagrima » reste la piĂšce maĂźtresse dâune partition Ă la fois touchante et tendre, cynique et dĂ©lirante,⊠aux cĂŽtĂ©s du baryton Erwin Schrott en Dulcamara. Le chef Giacomo Sagripanti dirige les ChĆurs des OpĂ©ras Grand Avignon et de Monte Carlo et les instrumentistes du Philharmonique de Radio France : superbe soirĂ©e dâopĂ©ra en perspective !
Concert donnĂ© en direct le 8 juillet 2022 au Théùtre antique dâOrange dans le cadre des ChorĂ©gies dâOrange 2022.
Gaetano Donizetti
âšLâElisir dâamore
Opéra comique en 2 acte sur un livret de Felice Romani
crée au Teatro della Canob- biana de Milan le 12 mai 1832
René Barbera, ténor, Nemorino
Pretty Yende, soprano, Adina
Andrei Filonczyk, baryton, Belcore
Erwin Schrott, baryton, il Dottor Dulcamara
Anna Nalbandiants, soprano, Giannetta
Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction : Giacomo Sagripanti
COMPRENDRE LA PARTITION, LES ENJEUX de LâElisir dâamoreâŠ
LâĂ©criture de Donizetti est lâune des plus diversifiĂ©e et subtiles qui soient. EncouragĂ© par Simone Mayr, le jeune compositeur renforce sa vocation musicale ; il Ă©tudie ensuite Ă Bologne chez le pĂšre Stanislao Mattei, professeur de Rossini⊠de fait il y a de la finesse et un raffinement indiscutable chez Gaetano dont la majoritĂ© des interprĂštes font un auteur surexpressif et prĂ©verdien. En retrouvant lâesprit, lâintelligence et la facĂ©tie de Rossini chez Donizetti, beaucoup de productions valoriseraient leurs apports en servant mieux le caractĂšre et lâintelligence dâun auteur, fin dramaturge, plus psychologique souvent que strictement narratif, et que lâon croit connaĂźtreâŠâšPremier opĂ©ra Ă occuper sans la quitter lâaffiche, LâElisir dâamore, créé en 1832 Ă La Scala de Milan, est un chef dâoeuvre buffa, comme le sera Don pasquale (Paris, 1843), 20 ans plus tard. Une Ă©lĂ©gance exceptionnelle dans lâinvention mĂ©lodique (bellinienne), la saveur de situations comiques piquantes (rossiniennes), et aussi un jeu formel qui interroge jusquâaux limites expressives du genre : Donizetti est un gĂ©nie dramatique, car mĂȘme sâil sâagit dâun théùtre comique et bouffon, le profil des caractĂšres, leur profondeur et leur trouble dĂ©signent non plus de types comiques, mais des individualitĂ©s qui souffrent et dĂ©sirent.
Ainsi lâopĂ©ra en deux actes, exploite toutes les possibilitĂ©s comiques des contrastes : Nemerino (tĂ©nor) aime Adina (soprano), sans savoir si la jeune beautĂ© lâaime en retour⊠Il est pauvre, ne sait pas lire ; elle est riche et cultivĂ©e (mĂ©dite sur les pages de la lĂ©gende de Tristan et Iseult). Mais trĂšs fiĂšre : jamais elle nâavouera un sentiment pour le jeune homme, de surcroit, rustre et maladroit⊠Pour susciter sa jalousie et lâinviter Ă se dĂ©clarer, Adina se fiance avec le sergent Belcore (baryton)⊠Survient un marchant bonimenteur, Dulcamara (basse), qui vend un elixir magique : en boire, permet de sĂ©duire tous les coeurs, câest Ă dire ĂȘtre irrĂ©sistible. AprĂšs pĂ©ripĂ©ties et faux semblants, Ă la fin du I, Adina pense Ă©pouser Belcore.âšToute action lyrique a son moment de bascule : le dĂ©tail, la sĂ©quence habilement prĂ©parĂ©e par tout ce qui a prĂ©cĂ©dĂ©, et durant laquelle une mĂ©tamorphose a lieu â magie du spectacle (quand les interprĂštes sont au diapason de cet accomplissement).
LARME ENCHANTERESSE⊠Au II, alors quâelle retarde son mariage avec le soldat, et quâelle apprend que Nemorino sâest lui-mĂȘme enrĂŽlĂ© dans lâarmĂ©e pour elle, Adina laisse sâĂ©couler dune larme furtive (Una furtiva lagrima), dĂ©couvrant dans la personne du jeune homme, celui quâelle attendait. Sans mot dire, Nemorino a saisi le sens de cette goutte inespĂ©rĂ©, dâun pur amour⊠en son air solo : « Una furtiva lagrima », dâune intensitĂ© elle aussi pure et sincĂšre (lâun des airs pour tĂ©nor parmi les plus envoĂ»tants de la littĂ©rature lyrique et qui a sacrĂ© les lĂ©gendes tels Alfredo Kraus, Luciano Pavarotti, Carlo Bergonzi, JosĂ© CarrerasâŠ), le jeune homme exprime la dĂ©couverte dâun amour enfin rĂ©ciproque : Adina lâaime. Câest bien le sommet â point maximal de lâĂ©motion, subtilement dosĂ©e par un Donizetti qui se montre psychologue positif, avisĂ©, tendre⊠du coeur et des sentiments humains.