CD critique Ă©vĂ©nement : « FREUDVOLL UND LEIDVOLL » / JONAS KAUFMANN / LISZT : lieder (Helmut Deutsch (1 cd SONY classical, juin 2020) – Après ses albums Verdi, Puccini, Jonas Kaufmann revient Ă l’essence mĂŞme du dire, du chant, de la poĂ©sie ciselĂ©e, celle du lied ; mais avec la complicitĂ© d’un magicien hors pair, le pianiste Helmut Deutsch qui tout en lui instillant le goĂ»t de la phrase lisztĂ©enne, est l’acteur majeur de cette rĂ©ussite et aussi un expert visionnaire dont les doigts agiles, suggestifs, ressuscitent ce que nous ignorions jusque lĂ : le gĂ©nie du Liszt diseur. L’inventeur du poème symphonique, le virtuose du clavier sait aussi articuler et nuancer comme personne les poèmes de Heinrich Heine, Goethe (dont « Freudvoll und Leidvoll » donne le titre du programme) ; Nikolaus Lenau… mais aussi Redwitz, Freiligrath, Rellstab, Herwegh… L’art du chant se fait prosodie sur le souffle, oĂą le naturel, la prĂ©cision des accents, attaques, respiration… doivent Ă©clairer le texte d’un sincĂ©ritĂ© aiguĂ«. Parmi cette gerbe poĂ©tique idĂ©alement incarnĂ©e, perce le triptyque de PĂ©trarque, ces 3 sonnets marquĂ© du sceau de l’emprise amoureuse (Ă Laure) dont le style et toute l’architecture rĂ©capitulent l’opĂ©ra italien, du dĂ©chirement impuissant (Sonetto 47), Ă la prière extatique et aux hallucinations angĂ©liques du dernier Sonetto (123).
Certes l’articulation féline du ténor vedette peut sonner parfois âpre et courte, et son legato, à peine déployé. Mais la franchise des accents, et cette raucité du timbre, proche de l’animal blessé, offrent une lecture et une couleur (parfois vériste), proprement troublantes. En outre, le piano de Helmut Deutsch éblouit constamment pas son intelligence expressive, son intériorité souple et profonde ; le dialogue, et la fusion même, qu’il sait insuffler à ce récital à 2 voix égales.
Ici la complicité, l’entente, la compréhension des deux artistes relèvent assurément du prodige. D’autant qu’il s’agit d’une transmission artistique totalement assumée : le pianiste passionné et révélateur des lieder de Liszt ayant transmis sa passion au chanteur, lui-même transfiguré par cette découverte.
Le résultat est là , à la fois envoûtant et déchirant, explorateur d’un continent lyrique à réestimer. Liszt a composé l’essentiel de ses 90 lieder entre 1840 et 1847, les 7 années où il s’affirme sur la scène européenne comme un prodige du piano inégalable. La gravité et la profondeur des lieder contrebalaçant alors les performances techniciennes du pianiste génial et volontiers surdémonstratif.
L’érudition, la sensibilité, les harmonies audacieuses, l’écriture littéraire de Liszt s’écoutent ici sans limites. Le clavier exprime l’infini d’un art qui tend continûment vers l’audelà des notes, l’invisible et l’éther. Tout ce que son gendre, Wagner, a su recueillir à son contact : une séduction indéfinissable qui appartient à la suprême élégance et la volonté d’expérimentation. Magistral.
CD critique Ă©vĂ©nement : « FREUDVOLL UND LEIDVOLL » / JONAS KAUFMANN / LISZT : lieder / Helmut Deutsch, piano (1 cd SONY classical, juin 2020) – Plus d’infos sur le site de SONY CLASSICAL / Jonas Kaufmann :
https://www.sonyclassical.de/alben/releases-details/jonas-kaufmann-liszt-freudvoll-und-leidvoll
Programme LIEDER de FRANZ LISZT :
Vergiftet sind meine Lieder, S. 289
Freudvoll und leidvoll I, S. 280
Freudvoll und leidvoll II, S. 280
Der König von Thule, S. 278
Im Rhein, im schönen Strome, S. 272
Die Loreley, S. 273/2
Ihr Glocken von Marling, S. 328
Die drei Zigeuner, S. 320
3 Sonetti del Petrarca, S. 270 :
Benedetto sia ‘l giorno, S. 270a/2
Pace non trovo, S. 270a/1
I’ vidi in terra angelici costumi, S. 270a/3
Es muss ein Wunderbares sein, S. 314
O lieb, solang du lieben kannst, S. 298
Die stille Wasserrose, S.321
Ein Fichtenbaum steht einsam, S. 309
Es rauschen die Winde, S. 294
Ich möchte hingehn, S. 296
Der du von dem Himmel bist I, S. 279
Der du von dem Himmel bist II, S. 279
Ăśber allen Gipfeln ist Ruh, S. 306