CRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. ARIANNA SAVAL : LE LABYRINTHE DâARIANE (1 cd Alia Vox, 2018). Sublime rĂ©cital. Câest un tour europĂ©en que nous offre Arianna Savall, harpiste inspirĂ©e et chanteuse au charme Ă©vident. DĂšs le XIIIĂš, lâItalie, la France et lâEspagne savent cultiver un rĂ©pertoire unique pour la harpe, vĂ©hicule dĂ©signĂ©e pour la cĂ©lĂ©bration des passions humaines, sacrĂ©es et profanes. Arianna Savall sâen fait lâambassadrice la mieux investie. La premiĂšre chanson de Gautier de Coinci au dĂ©but du XIIIĂšme rĂ©alise le rĂȘve et l’idĂ©al de tout croyant; en une priĂšre humble, il remercie le Fils et la MĂšre misĂ©ricordieuse dans une paix absolue et suspendue, puis aprĂšs un court intermĂšde instrumental, Arianna Savall chante une mĂȘme humilitĂ©, celle lĂ , aimante et alanguie, du chansonnier de Sant Joan de Los abadesses sur un regsitre plus aigu qui semble implorer tout en berçant.
Dans ce premier album comme chanteuse et harpiste, Arianna Savall enchante littĂ©ralement jouant des multiples ressources de sa riche collection de harpes historiques dont elle enchaĂźne aux cĂŽtĂ©s des piĂšces vocales plusieurs plages purement instrumentales oĂč brĂ»le une mĂȘme vocalita sincĂšre, active, portĂ©e par le fort caractĂšre sonore de chaque instrument.
SirĂšne, prophĂ©tesse inspirĂ©e, musicienne accomplie, la chanteuse fait parler ses harpes dans la tradition ancienne des conteurs et passeurs douĂ©s d’une trĂšs riche et gĂ©nĂ©reuse culture vivante. Les textes de ce « labyrinthe » conçu comme un cheminement personnel et hautement spirituel Ă©voquent les feux de l’amour, amour sacrĂ© ou profane comme tragique comme en tĂ©moigne la chanson de la jeune fillette amoureuse faite nonnette “outre son gré », manifeste contre lâenfermement, causant langueur et mĂ©lancolie Ă celle qui fut ainsi martyrisĂ©e… La voix franche et le timbre cristallin dâArianna Savall incarne cette chanson bouleversante du français Jean chardevoine [1576]. A plus d’un titre dans ce scintillement des (7) harpes anciennes diverses, choisies,- harpe gothique, romaine, rota, harpe double d’Aragon, arpa dopia Ă 3 registres pour les toccatas de Kapsberger et Trabaci,….- dans les thĂšmes tendres et graves qu’a favorisĂ©s et sĂ©lectionnĂ©s l’interprĂšte, du moyen-Ăąge au premier baroque, de Coinci Ă Merula (chanson au verbe rĂ©aliste comme une leçon philosophique : « parle qui veut, parle qui sait »), voici l’un de ses programmes les plus cohĂ©rents et les plus accomplis, entre enchantement et sincĂ©ritĂ©, onirisme et humanisme, culture, sensibilitĂ©, poĂ©sie. Lâaccord maternel des cordes pincĂ©es et de la voix qui berce produit une collection de piĂšces mĂ©connues envoĂ»tantes, trĂšs habilement enchaĂźnĂ©es (avec en guise de final dĂ©lirant, les rythmes ibĂ©riques frĂ©nĂ©tiques des baroques Ribayaz puis Sanz dont Les folies dâEspagne retentissent avec Ă©clat sur la Arpa cruzada de dos Ăłrdones / le tout prĂ©ludĂ© par la sublime ritornello per lâarpa de lâOrfeo de Monteverdi⊠: superbe cheminement harmonique et mĂ©lodique). Du baume dâune dĂ©lectable justesse. Du nectar bienfaisant en ces temps d’inquiĂ©tude et dâincertitude. Merci Arianna !
CRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. ARIANNA SAVAL : LE LABYRINTHE DâARIANE (1 cd Alia Vox, 2018) – Enregistrement au ChĂąteau de Flawinne, Belgique les 23 et 24 mai et les 2 et 3 octobre 2018 – CLIC de CLASSIQUENEWS Ă©tĂ© 2021.