Rien qu’à voir la mine ravie et épanouie des jeunes instrumentistes qui compose l’Orchestre du Festival, la réussite de l’événement s’annonce totale. En plus de la qualité de l’interprétation grâce à un engagement général, le premier festival de Puteaux (Rencontres Musicales de Puteaux) qui vit à partir de la soirée d’ouverture du 6 décembre, ses premières heures, se distingue d’abord côté public, par son projet pédagogique à l’adresse des plus jeunes: 700 enfants sont venus le 5 dans l’après-midi pour assister à la répétition générale. En outre, au sein des musiciens du Festival, les jeunes instrumentistes, élèves des classes de perfectionnement, en voie de professionnalisation, ou déjà membres des orchestres professionnels, vivent l’expérience formatrice du concert publique, apprennent l’écoute, méditent et découvrent pour certains les partitions à jouer… recueillent les conseils d’un chef charismatique, Marco Guidarini, appelé ainsi à veiller à la ligne artistique du nouvel événement dans le 92. Il était temps que le département des Hauts de Seine compte un festival de musique classique prestigieux, exigent, généreux, ouvert. Voilà chose faite grâce à l’initiative de Youra Simonetti (Productions Suds Art & Music) dont l’action permet que se réalise à Puteaux, cet événement promis à un essor naturel.
Maestro solaire
Dans le théâtre intimiste de Puteaux, où se produiront ensuite Roberto Alagna et le pianiste Cyprien Katsaris, le concert d’ouverture porte l’espoir et l’énergie d’un première édition. Déjà, le fil du programme distingue la personnalité du maestro, ailleurs, directeur musical du Philharmonique de Nice, l’une des meilleures baguettes contemporaines, ici porteur d’une vision volontiers dynamique et engagée, humaniste et critique, soucieuse de qualité certes, mais aussi d’éducation et du renouvellement des publics. Dans la ville où s’est éteint Vincenzo Bellini, comme il aime à nous le rappeler, Marco Guidarini dont la maestrià dramatique chez Verdi et Puccini est avérée, nous promet demain un voyage musical enchanteur où pourraient paraître aux côtés de Bellini, ses contemporains français… défrichement musical et théâtral qui pourrait faire de Puteaux un événement musical désormais incontournable.
Pour l’heure, le concert d’ouverture du 6 décembre, devant une salle conquise, met en perspective un cycle méconnu de Nino Rota (dont tous les opéras demeurent à redécouvrir), le double Concerto pour violon de Bach, une Haffner conquérante et lumineuse.
Voir Marco Guidarini diriger est un grand moment de musique: au geste élégant, hyperactif, volontaire, le maestro communicatif mêle la profondeur et la poésie du geste. La mise en place des cordes dans le Rota est impeccable: tendue, palpitante, électrique. Avec Bach, c’est là encore une belle figure de transmission et de complicité qui s’exprime grâce à Régis Pasquier et sa fille Mathilde. Les deux solistes se passent d’un violon à l’autre, l’arabesque aérienne des mélodies du compositeur baroque, avec une musicalité attendrie. En fin de soirée, le chef nous gâte et nous offre l’une des Symphonies Haffner parmi les plus abouties et les plus engageantes que nous ayons écoutées.
Haffner mémorable
Le dialogue entre les pupitres, la suavité opulente des timbres (bois et vents) font merveille, rendant grâce à une écriture qui en plus de la brillance fait entendre une science supérieure des couleurs (flûtes, hautbois, clarinettes, bassons par deux)… En plus de l’arche triomphante et solennelle, Marco Guidarini a coeur de souligner la tendresse et l’engagement émotionnel d’un Mozart toujours proche du sentiment. Composé (juillet 1782) au moment où il fait représenter son opéra en allemand, L’Enlèvement au Sérail, le premier grand ouvrage lyrique dans la langue de Goethe (singspiel), Mozart qui vient d’épouser Constanze signe alors l’une de ses premières symphonies Viennoises. Agitation, mieux versatilité; solennité, mieux activité émotionnelle rare et déterminisme juvénile…, la lecture de Marco Guidarini qui recherche de chaque musicien, une couleur juste et fluide, souligne combien le futur auteur des Noces de Figaro, connaît la science et la magie de l’orchestre. « Le premier allegro doit être joué avec beaucoup de feu, le dernier aussi vite que possible » écrivait Mozart à son père à propos de sa symphonie dédiée à Siegmund Haffner, bourgmestre de Salzbourg qui venait d’être anobli. L’ardeur et la nervosité, la précision et l’hédonisme découlent de la rencontre à Puteaux, entre le chef et les musiciens. C’est une prouesse de disposer d’une telle sonorité et d’un tel niveau, en cette première édition, pour ce premier concert d’ouverture. Voilà qui augure le meilleur pour les futures éditions des Rencontres Musicales de Puteaux. Rendez vous est pris en décembre 2009.
1ères Rencontres Musicales de Puteaux. Prélude. 2 concerts à venir: récital de Cyprien Katsaris (piano), le 12 décembre à 20h30. Récital de Roberto Alagna, ténor: « poésies non choisies », avec Jeff Cohen (piano), le samedi 13 décembre 2008 à 20h30.
Puteaux. Théâtre des Hauts de Seine, le 6 décembre 2008. Prélude aux Rencontres Musicales. Concert d’ouverture. Nino Rota (1911-1979): concerto per archi. Jean-Sébastien Bach (1685-1750): Concerto pour deux violons et orchestre en ré mineur BWV 1043. Ludwig van Beethoven (1770-1827): Romance en fa opus 50. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791): Symphonie n°35 « Haffner » en ré majeur K 385. Régis Pasquier, Mathilde Pasquier, violons. Orchestre du festival. Marco Guidarini, direction
Illustrations: Marco Guidarini, Mozart (DR)
