Angers Nantes OpĂ©ra : somptueuse Ville morte de Korngold jusqu’au 17 mars 2015. Superbe production Ă l’opĂ©ra de Nantes en mars 2016, première dès demain, dimanche 8 mars 2015 14h30 : La Ville morte du jeune Korngold (1920) d’après le roman de l’Ă©crivain symboliste Rodenbach. AidĂ© par son père, Korngold Ă peine âgĂ© de 20 ans compose l’un de ses meilleurs opĂ©ras qu’Angers Nantes OpĂ©ra propose Ă l’affiche du Théâtre Graslin pour 5 reprĂ©sentations absolument incontournables. La production est bien connue des connaisseurs et amateurs, et lĂ©gitimement saluĂ©e Ă sa crĂ©ation en 2010 (alors sur les planches de l’opĂ©ra de Nancy). C’est que le metteur en scène allemand (nĂ© Ă Bonn), Philipp Himmelmann souligne le dĂ©lire fantastique qui assaille l’esprit du hĂ©ros, Paul,(tĂ©nor), jeune veuf plutĂ´t catholique : Paul. En homme de théâtre subtil mais aussi mordant, le metteur en scène joue sur la fragmentation psychique et crĂ©e un plateau kalĂ©idoscopique dont l’action Ă©clatĂ©e dans l’espace exprime très justement l’esprit diffus, dĂ©truit du jeune homme.
Sa rencontre rĂ©elle, fantasmĂ©e avec la jeune comĂ©dienne Marietta nourrit sa folie dĂ©pressive, car l’actrice lui rappelle Ă©trangement son Ă©pouse perdue. Le jeu d’acteurs emprunte au théâtre le plus exigeant, le dispositif scĂ©nique insiste sur l’incompatibilitĂ© des ĂŞtres acteurs dans un songe qui bascule dans le cauchemar grimaçant et angoissant. Le tableau le plus saisissant demeure certainement l’intĂ©gration exceptionnellement rĂ©ussie de la vidĂ©o qui permet d’inscrire de façon naturelle et juste la part de magie fantastique qui se dĂ©veloppe dans l’esprit du jeune homme endeuillĂ©, amoureux inconsolable après la perte de son Ă©pouse Marie.
Dépressive et flamboyante Bruges
Dans la fosse, Thomas Rösner ici mĂŞme saluĂ© pour un Lucio Silla de Mozart orchestralement vif argent, confirme une sensibilitĂ© Ă©clatante dans l’une des partitions les plus flamboyantes du rĂ©pertoire. Korngold malgrĂ© son jeune âge s’y montre en effet aussi imaginatif que furieusement sensuel, MahlĂ©rien et Straussien inspirĂ© (La Ville morte semble en maints endroits prolonger La femme sans ombre de Strauss créé en 1919), n’hĂ©sitant jamais Ă parfois raffiner jusqu’Ă l’extrĂŞme et sans le surcharger l’accomplissement du drame. Le chant exaltant et postromantique de l’orchestre nourrit de magistrale façon le dĂ©lire onirique de Paul… Cest aussi dans le prolongement du roman de Rodenbach, un parcours hypnotique oĂą le chatoiement permanent des instruments convoque sur la scène lyrique la prĂ©sence mortifère, maladive mais ensorcelante de “Bruges la morte” telle que l’exprime Rodenbach dans son texte paru Ă l’origine sous la forme de feuilleton dans les pages du Figaro. …
Voici assurĂ©ment l’un des ouvrages lyriques les plus envoĂ»tants jamais Ă©crits, servi Ă Nantes comme souvent, dans une Ă©blouissante rĂ©alisation.
Korngold: La Ville Morte (créé Ă Cologne et Hambourg, 1920.) NANTES, Théâtre Graslin. 5 reprĂ©sentations Ă ne pas manquer d’autant que la distribution s’y montre particulièrement convaincante-, Ă Nantes, Théâtre Graslin, les 8 (14h30) puis 10, 13, 15 et 17 mars 2015 (Ă 20h). N’hĂ©sitez pas pour retenir votre place tant qu’il en reste encore. Choc esthĂ©tique, plateau ensorcelant, fosse Ă©ruptive et onirique : c’est le spectacle Ă ne pas manquer cette saison, comme ce fut le cas du fabuleux Tristan und Isolde par Olivier Py, sommet dans la proposition d’Olivier Py Ă l’opĂ©ra (et qui n’est toujours pas “montĂ©” jusqu’Ă Paris !). La Ville morte de Korngold prĂ©sentĂ©e Ă Nantes est un Ă©vĂ©nement Ă ne pas manquer. RĂ©servation, informations sur le site de l’OpĂ©ra Graslin / Angers Nantes OpĂ©ra.
LIRE notre prĂ©sentation complète de l’opĂ©ra La Ville morte de Korngold d’après Rodenbach Ă Nantes dans la mise en scène de Philipp Himmelmann…
Illustrations : Jeff Rabillon © 2015 pour Angers Nantes OpĂ©ra : tableau gĂ©nĂ©ral Ă l’acte I, le tĂ©nor Daniel Kirch et la soprano Helena Juntunen dans les Ă©crasants / hallucinants rĂ´les de Paul et de Marietta / Marie.