2021 marque le centenaire de la mort de Camille Saint-SaĂ«ns : esprit libre, Ă©lectron gĂ©nial, dĂ©fenseur de la musique française (contre l’hĂ©gĂ©monie des Allemands et de Wagner). Le musicien fut pianiste et compositeur, d’une rare culture, voyageur rĂ©gulier, solitaire polĂ©miste dont l’acuitĂ© de l’esprit inspire toujours. Ayant connu Berlioz, tĂ©moin des Ćuvres de Debussy et Ravel, Saint-SaĂ«ns traverse le XIXĂš avec Ă©clat par ses audaces formelles, son goĂ»t du théùtre oĂč se dĂ©ploie la passion des anciens. C’est un Baroqueux avant l’heure : passionnĂ© par Lully et Marc Antoine Charpentier, Rameau et Gluck (comme Berlioz)… Voici quelques thĂ©matiques clĂ©s pour mieux approcher la diversitĂ© d’un gĂ©nie romantique difficile Ă classer.
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SAINT-SAĂNS ET LE MILIEU PARISIEN. Sâil est populaire, sa musique jouĂ©e et apprĂ©ciĂ©e, connue et cĂ©lĂ©brĂ©e en Province comme Ă Paris, Saint-SaĂ«ns est « boudé » par les autoritĂ©s parisiennes qui font et dĂ©font la gloire des artistes. En rĂ©alitĂ©, son gĂ©nie lâa propulsĂ© naturellement au devant de lâestrade jusquâĂ devenir le compositeur officiel de la IIIĂš RĂ©publique. Pianiste et organiste virtuose, Saint-SaĂ«ns a composĂ© dans tous les genres, innovant souvent en crĂ©ateur sans entraves et douĂ© dâune imagination fĂ©conde : Danse Macabre, IIIĂšme symphonie pour orgue (dĂ©diĂ©e Ă la mĂ©moire de Liszt). Ses opĂ©ras sont Ă redĂ©couvrir, saisissant tous par leur originalitĂ© et leur parure dâun raffinement inouĂŻ : orientalisme (Samson), historicisme (Ascanio, Henry VIII, âŠ)âŠ
2021, annĂ©e d’une rĂ©habilitation espĂ©rĂ©e…
Camille SAINT-SAĂNS :
le plus grand génie romantique français
aprĂšs BERLIOZ ?
Voyageur régulier, ambassadeur du goût français
Mobile, actif, Saint-SaĂ«ns voyage beaucoup ; aimant passionnĂ©ment lâOrient, surtout lâAfrique : il meurt Ă Alger. Partout, il joue ses Ćuvres, exporte ainsi le goĂ»t et lâĂ©lĂ©gance française. Encore en 1915, pour lâexposition musicale de San Francisco, il est prĂ©sent, pourtant octogĂ©naire, incarnant lâexcellence française tel un envoyĂ© officiel.
Saint-Saëns écrivain
PersonnalitĂ© publique et polĂ©miste, Saint-SaĂ«ns comme Berlioz sait Ă©crire et il est publiĂ© dans les medias dâalors, moins la presse grand public que spĂ©cialisĂ©e ; il prend la parole, participe au dĂ©bat, nâhĂ©site pas Ă affronter et rĂ©pondre, en dĂ©fenseur du bon goĂ»t. Ce qui lui a collĂ© Ă la peau, surtout Ă la fin de sa carriĂšre oĂč il paraissait conservateur et obtus, Ă©tranger Ă la modernitĂ© naissante (PellĂ©as de Debussy). Mais il sâobstine contre la critique parisienne, arrogante et cassante car il a pour lui, lâadhĂ©sion populaire, et comme sa musique, un style ardent, clair et construit.
En 1890, lâĂ©crivain qui se fixe Ă Dieppe, se fait aussi poĂšte et dramaturge : il Ă©crit un recueil de poĂšme (Rimes familiĂšres) et la comĂ©die « La Crampe des Ă©crivains », soulignant son humour, trait toujours gommĂ© chez les biographes, et qui le rapproche dâun Rossini ; suivra encoreLe Roi Apepi, créé Ă BĂ©ziers en 1903.
La correspondance privĂ©e commence Ă rĂ©vĂ©ler ses trĂ©sors, soit plus de 18 000 lettres dont celles avec son Ă©diteur Auguste Durand, bien documentĂ©e de 1835 Ă sa mort. Entre les affaires dâĂ©dition et le travail musical, le compositeur dĂ©voile lâhomme : un esprit curieux, esthĂšte, universaliste qui attend toujours une biographie fidĂšle et plus nuancĂ©e. Lâaisance Ă©pistolaire et la vitalitĂ© de son style Ă©crit paraissent au grand jour grĂące Ă deux ouvrages Ă©ditĂ© par Actes Sud : Correspondance avec FaurĂ© et Saint-SaĂ«ns globe trotter.
Saint-SaĂ«ns et lâopĂ©ra
Câest Ă lâĂ©gal de Vivaldi, un chantier encore vierge tant les ouvrages sont nombreux et pourtant mĂ©connus. Aux cĂŽtĂ©s du cĂ©lĂšbre Samson et Dalila, Ă juste titre jouĂ© rĂ©guliĂšrement (et qui fut créé grĂące Ă lâaide de son ami Liszt Ă Weimar), il faut absolument réécouter et réévaluer FrĂ©dĂ©gonde, La Princesse jaune, Les noces de PromĂ©thĂ©e, PhrynĂ©, Etienne Marcel⊠ou Proserpine, Les Barbares, Le Timbre dâargent, surtout Ascanio rĂ©cemment enregistrĂ©s. La reconnaissance du Saint-SaĂ«ns lyrique a souffert du fait que le trop jeune musicien (16 ans) nâobtint pas le Prix de Rome (tremplin pour le genre), mĂȘme sâil fut lâĂ©lĂšve lumineux dâHalĂ©vy (lâauteur vĂ©nĂ©rĂ© de La Juive). Une seconde tentative pour Rome Ă 28 ans se solde lĂ encore par un Ă©chec (pas assez inexpĂ©rimentĂ©, selon une formule attribuĂ©e Ă Berlioz ou Ă Gounod). On comprend que Saint-SaĂ«ns ait dĂšs lors choisi de suivre son propre chemin.
Avec Samson et Dalila, Saint-SaĂ«ns offre avant Carmen, une figure fĂ©minine vĂ©nĂ©neuse et toxique, amoureuse libre et passionnĂ©e et voix de contralto (Pauline Viardot) ; un portrait qui ne colle pas avec la France post 1870, puritaine et patriote, dâautant que soutenu par Liszt, Saint-SaĂ«ns est considĂ©rĂ© comme germanique.
Saint-Saëns et les sujets lyriques
Pour lâexposition universelle de 1867, il compose la cantate Les noces de PromĂ©thĂ©e (1er Prix dĂ©cernĂ© par le jury qui rĂ©unit alors Verdi, Gounod, Rossini, Auber, Berlioz !). PromĂ©thĂ©e est créé aussi Ă Weimar en mai 1870 grĂące Ă Liszt qui encourage Saint-SaĂ«ns dans lâĂ©laboration de Samson. Outre son affection pour la Renaissance, source historique et française qui offre une belle alternative au wagnĂ©risme ambiant, le compositeur, amateur des anciens, de Lully Ă Rameau, affectionne particuliĂšrement les sujets mythologiques : en tĂ©moignent Les Noces de PromĂ©thĂ©e (1867), Proserpine (1887), PhrynĂ© (1893), DĂ©janire (1898, créé au théùtre des ArĂšnes de BĂ©zier pour refonder localement une tradition musicale et lyrique) ; puis les Barbares (1901 : relecture nĂ©o antique de lâhistoire romaine auquel lâauteur apporte sa lecture du conflit franco-prussien : Rome est assiĂ©gĂ© par les teutons) ; les musiques de scĂšne pour Andromaque de Racine (1903) ; HĂ©lĂšne (1904)⊠Sur le plan symphonique aussi les 4 poĂšmes symphoniques : Le Rouet d’Omphale (1871), PhaĂ©ton (1873), La Danse macabre (1874), La Jeunesse d’Hercule (1877), offre fĂ©conde certainement inspirĂ© par le crĂ©ateur du genre Liszt, son ami de toujours. Outre son opĂ©ra biblique, dĂ©sormais cĂ©lĂšbre, Samson et Dalila (1877), Saint-SaĂ«ns laisse un important corpus inspirĂ© par la Renaissance française : Etienne Marcel (1879), Henry VIII (1883), Ascanio (1890), âŠ
Saint-Saëns mélodiste
Le compositeur cultivĂ©, esthĂšte qui avait le goĂ»t des textes et de la poĂ©sie a laissĂ© environ 160 mĂ©lodies, dont le cycle La cendre rouge, Ă©crit pendant la premiĂšre guerre mondiale⊠des perles qui elles aussi, comme ses opĂ©ras, sont Ă redĂ©couvrir. Câest un chantier pourtant essentiel comptant des chefs dâoeuvres aussi marquants que les Ćuvres de Gounod, FaurĂ© (lâĂ©lĂšve de Saint-SaĂ«ns) et Massenet.
Ardent défenseur de la musique française
Patriote, Saint-SaĂ«ns sâengage trĂšs tĂŽt pour la redĂ©couverte des auteurs anciens ; inaugurant mĂȘme le mouvement baroque avant lâheure ; sâil crĂ©e la SociĂ©tĂ© Nationale le 25 fĂ©vrier 1871, favorisant les compositeurs français contemporains, Camille collectionne les partitions anciennes et organise leur Ă©dition critique moderne : ainsi les rééditions de Gluck (Ă la suite de Berlioz), Charpentier et de Rameau. Mais aussi Lully dont il rĂ©orchestre Armide pour les ArĂšnes de BĂ©ziers en 1904. Il sâintĂ©resse dĂ©jĂ aux notions dâornementation, dâorganologie (prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© des instruments anciens), prĂ©figurant le souci actuel de restitution sonore historique. Il sâinterroge sur lâinterprĂ©tation des oeuvres de Leclair et Mondonville, comme celles de Corelli et Bach. Rameau est une source rĂ©guliĂšre pour lâinterprĂšte comme le compositeur : Saint-SaĂ«ns pianiste a jouĂ© du Rameau dans ses rĂ©citals ; comme compositeur, il a Ă©crit Ă la maniĂšre Baroque, plusieurs ballets « historiques », nĂ©o baroques et aussi nĂ©o Renaissance, pour Henry VIII et pour son chef dâoeuvre Ă redĂ©couvrir, Ascanio (page des plus raffinĂ©es). Enfin, Marc-Antoine Charpentier lui doit sa premiĂšre rĂ©surrection, comme gĂ©nie mĂ©connu, « contemporain de lully », enfin redĂ©couvert grĂące entre autres Ă son enthousiasme pour MĂ©dĂ©e dont il souligne lâĂ©criture « impeccable »âŠ
SAINT-SAĂNS et WAGNER
Jusquâen 1885, lors dâune tournĂ©e en Allemagne, Saint-SaĂ«ns alors reconnu comme lâambassadeur du bon goĂ»t français, se rebiffe dĂ©finitivement contre le wagnĂ©risme et surtout contre les wagnĂ©riens. Quand Carvalho, directeur de lâOpĂ©ra-Comique lui propose de reprendre Lohengrin, lâauteur de Samson et Dalila sâoppose nettement. Depuis la dĂ©faite de 1870 de la France face Ă la Prusse, Wagner ne cesse dâĂȘtre instrumentalisĂ© comme emblĂšme de la supĂ©rioritĂ© du gĂ©nie germanique vis Ă vis des autres cultures, dont Ă©videmment la culture et la musique française. Un revers mal vĂ©cu par Saint-SaĂ«ns qui soldat rejoint le 4Ăš bataillon de la garde nationale ; il sera alors trĂšs affectĂ© par le mort de son ami, le peintre orientaliste et chanteur Henri Regnault (la Marche hĂ©roĂŻque lui est dĂ©diĂ©e).
Pourtant, presque 10 ans auparavant, dĂšs 1876, Saint-SaĂ«ns fait le pĂšlerinage Ă Bayreuth, assistant au festival inaugural ; tĂ©moignant son enthousiasme pour lâopĂ©ra wagnĂ©rien : il est peut remerciĂ© en retour ; Wagner reconnaissant surtout lâexcellent pianiste, moins le faiseur dâopĂ©ras ! Peu Ă peu, Saint-SaĂ«ns que la reconnaissance du patrimoine musical français prĂ©occupe, mĂšne un combat de plus en plus aigu contre la wagnĂ©rite qui sâempare de la France dans les dĂ©cades 1880 et 1890. Autre manifestation du « combat » antiwagnĂ©rien de Saint-SaĂ«ns : la crĂ©ation du conservatoire amĂ©ricain de Fontainebleau (dans lâaile Louis XV du chĂąteau), en 1921, destinĂ© Ă rompre lâhabitude des jeunes musiciens amĂ©ricains Ă se former en Europe Ă Berlin ou Leipzig, citĂ© musicale internationale oĂč Bach, Mendelssohn, et tant dâautres ont Ă©bloui le monde. AprĂšs 1918, les Français souhaitent imposer le leadership culturel et musical dâautant plus face Ă lâAllemagne affaiblie.
Longévité florissante
Saint-SaĂ«ns nĂ© lâannĂ©e de la crĂ©ation au Théùtre Italien des Puritains de Bellini (1835), compose encore lâannĂ©e de sa mort, 1921. Le 16 dĂ©cembre 2021 marque donc le centenaire de sa mort. Une longĂ©vitĂ© impressionnante pour ce reptile tenace et combattif qui aura vĂ©cu 86 ans, connu tous les rĂ©gimes, les genres, les styles, les Ă©poques et aussi Rossini, Berlioz, Meyerbeer, Debussy, Ravel. Câest le dernier des classiques romantiques, qui assure le pont entre Berlioz et Ravel. La mĂ©moire incarnĂ©e de la musique française au XIXĂš jusquâĂ la rĂ©volution symboliste et impressionniste du dĂ©but du XXĂš.
Un malade chronique
De santĂ© fragile, tuberculeux depuis la naissance, Camille cultive un rapport singulier avec la faucheuse ; dâautant quâil a perdu ses deux fils en bas Ăąge (1878). Conscient de sa faiblesse constitutive, mais toujours combatif ; prĂ©fĂ©rant le vertige des ocĂ©ans Ă celui de la maladie ; ses voyages (en AlgĂ©rie et en Egypte surtout oĂč il sĂ©journe presque 20 fois, dâoĂč le Concerto pour piano n°5 dit « lâĂ©gyptien ») entretiennent une rĂ©sistance Ă toutes Ă©preuves : Ă 80 ans, il embarque pour lâAmĂ©rique latine ; celui qui a vu tous ses amis partir, meurt sur le mĂ©tier, au travail, Ă Alger, le 16 dĂ©cembre 1921, orchestrant alors la Valse nonchalante.
Saint-Saëns et la célébrité
Voyageur permanent, Camille a toujours su se prĂ©server des paparazzi et autres demandeurs en tout genre ; lâidentitĂ© inventĂ©e de « Charles Sanois » lui garantit ainsi un anonymat primordial Ă la bonne rĂ©alisation de ses sĂ©jours. Loin du milieu parisien, il compose en tranquillitĂ©.
De mars Ă avril 1890, sa supposĂ©e disparition, en terre lointaine, est montĂ©e de toute piĂšces et alimentĂ©e par la presse Ă sensation, toujours apte Ă brĂ»ler ses idoles pourvu quâelle vende des milliers dâexemplaires (dont le quotidien Le Matin). Dans les faits, le compositeur est aux Canaries, isolĂ©, protĂ©gĂ©, aprĂšs le dĂ©cĂšs de sa mĂšre (1888) et aussi le report de la crĂ©ation Ă lâOpĂ©ra de Paris de son opĂ©ra Ascanio. Revenu en 1890 Ă Dieppe oĂč en son honneur un musĂ©e lui est dĂ©diĂ© ; mais il repart aussitĂŽt pour Ceylan. On ne change pas un esprit qui a le goĂ»t des voyages. Tout Saint-SaĂ«ns est lĂ , dans ce mouvement perpĂ©tuel ; celui dâun pur esprit mobile, libre, jamais convenu ni prĂ©visible ; toujours original et pertinent : en 1908, il compose la premiĂšre musique de film pour le cinĂ©ma, tout en servant son goĂ»t pour la Renaissance française : Lâassassinat du duc de Guise. Un moderne sous couvert dâĂ©lĂ©gance classique. Saint-SaĂ«ns est comme Berlioz qui rĂ©formateur, adepte de Gluck, se disait « classique ».
Approfondir
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Société Camille Saint-Saëns
Exposition « Saint-SaĂ«ns : un esprit libre » / BnF et lâOpĂ©ra national de Paris, au Palais Garnier, Ă partir du 5 mars 2021 – jalon fĂ©dĂ©rateur des cĂ©lĂ©brations pour le centenaire de la disparition du musicien en 1921. Jusqu’au 20 juin 2021. PARIS, BibliothĂšque-musĂ©e de l’OpĂ©ra de Paris, Palais Garnier : tous les jours 10h-17h.
A redécouvrir
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CD, Ă©vĂ©nement, critique. SAINT-SAĂNS : Ascanio, 1890 (Tourniaire, 2017, 3 cd B records). Le label B-records crĂ©e lâĂ©vĂ©nement en octobre 2018 en dĂ©diant une Ă©dition luxueuse Ă lâopĂ©ra oubliĂ© de Saint-SaĂ«ns, Ascanio, créé en mars 1890 Ă lâOpĂ©ra de Paris. Câest aprĂšs le grand opĂ©ra romantique fixĂ© par Meyerbeer au milieu du siĂšcle, lâoffrande de Saint-SaĂ«ns au genre historique, et comme les Huguenots de son prĂ©dĂ©cesseur (actuellement Ă lâaffiche de lâOpĂ©ra Bastille), un ouvrage qui sâinscrit Ă lâĂ©poque de la Renaissance française sous la rĂšgne de François Ier, quand le sculpteur et orfĂšvre Benvenuto Cellini travaillait pour la Cour de France. Saint-SaĂ«ns sait traiter la fresque lyrique avec un sens maĂźtrisĂ© de la couleur et de la mĂ©lodie : dâautant que, au moment oĂč il fait reprĂ©senter Ascanio, le genre, objet de critiques de plus en plus sĂ©vĂšres, se cherche une nouvelle forme, capable de prĂ©senter une vĂ©ritable alternative au wagnĂ©risme ambiant. AprĂšs Etienne Marcel (1879), Henri VIII ( 1883), Ascanio revitalise un sujet français et historique, tout en prenant rĂ©fĂ©rence au Benvenuto Cellini de Berlioz qui a prĂ©cĂ©dĂ© et dont lui aussi, la carriĂšre Ă lâOpĂ©ra sera brĂšve.
Requiem, dédié à la mémoire de son mécÚne Albert Libon (qui lui avait fait avant de mourir un don de 100 000 francs en 1877)
CATALOGUE
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Â
5 concertos pour piano,
5 symphonies dont une avec orgue,
4 poĂšmes symphoniques (dont Danse macabre),
Opéras
Samson et Dalila (1877)
Le Timbre dâargent (1877)
Henry VIII (1883)
Proserpine (1887)
Ascanio (1890)
Les Barbares (Opéra de Paris, 1901)
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 LIVRES
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LIVRE Ă©vĂ©nement, compte-rendu critique. StĂ©phane LeteurĂ© : Camille Saint-SaĂ«ns, le compositeur globe-trotter (1857 â 1921), Actes Sud. MUSIQUE et POLITIQUE.  Voici lâĂ©tendue des dĂ©placements et un premier portrait du Saint-SaĂ«ns voyageur, en Europe (Allemagne, Angleterre, Italie), dans cet Orient « africain » quâavant lui Delacroix ou FĂ©licien David ont parcouru (AlgĂ©rie et Egypte), mais aussi en USA. Lâauteur entend nous dĂ©voiler Ă travers lâexpĂ©rience du compositeur romantique français, une premiĂšre analyse inĂ©dite celle dĂ©veloppĂ©e sous le prisme dâune « gĂ©opolitique musicale ». A lâheure de la mondialisation artistique, et aux projets esthĂ©tiques qui sâexpatriant en atteignant une internationalisation standardisĂ©e, le cas Saint-SaĂ«ns confrontĂ© aux convulsions politiques de son Ă©poque, met a contrario en avant lâobligation pour lâartiste crĂ©ateur de prendre parti, selon le mouvement des nationalismes affrontĂ©s (en particulier entre France et Allemagne), selon les postures de la diplomatie dont, dans ses propres dĂ©placements, il ne peut Ă©carter les implications. IntĂ©ressant dâinterroger ainsi la conscience politique dâun compositeur au hasard de ses dĂ©placements⊠Surtout Ă notre Ă©poque oĂč bien peu (trop peu) de musiciens, artistes ou compositeurs, prennent parti pour tel ou tel combat : ce nâest pourtant pas les causes qui manquent dans notre monde dĂ©rĂ©glĂ©, perverti, corrompu. Bref. Ici, le monde de Saint-SaĂ«ns ne connaĂźt pas lâhorreur de nos temps prĂ©sents.
La mission « volontaire » et assumĂ©e de Saint-SaĂ«ns favorise le rayonnement de la culture française Ă travers la diffusion de sa musique, câest bien ainsi que lâauteur entend privilĂ©gier cette prĂ©fĂ©rence nationale, cette volontĂ© de suprĂ©matie dans le goĂ»t international, surtout Ă partir de 1905, quand il rejoint les membres du Conseil supĂ©rieur des Beaux-Arts. Dâautant que les deux AmĂ©riques, vers cet Ouest « futuriste et rĂ©solument moderniste » sont par exemples estimĂ©es tels de nouveaux eldorados, â opportunes issues aux compositeurs français qui peinent Ă se faire entendre et jouer dans leur propre pays. Dâailleurs lâaxe France-USA se cristallise encore aprĂšs la premiĂšre guerre avec la crĂ©ation du Conservatoire amĂ©ricain de Fontainebleau.
Dans ce concert des nations oĂč Saint-SaĂ«ns veut jouer sa propre partition, lâauteur montre par exemple sâagissant des relations avec lâAllemagne, comment le Français renforce peu Ă peu un combat direct contre le wagnĂ©risme, sâinsurgeant contre la divinisation du maĂźtre de Bayreuth dont il a Ă©tĂ© lâun des premiers festivaliers. AprĂšs la mort de Wagner, en 1882, et avec lâessor du wagnĂ©risme, Saint-SaĂ«ns sâaffirme en dĂ©fenseur de lâart français, oeuvrant pour la crĂ©ation dâun rĂ©seau francophile international oĂč des chefs sensibilisĂ©s / alliĂ©s sont nommĂ©s Ă des postes clĂ©s pour favoriser la musique romantique hexagonale, la soutenir, lâencourager, la faire jouer. Comment alors ne pas justement considĂ©rĂ© ce goĂ»t pour lâorient comme la rĂ©ponse du Français, au wagnĂ©risme envahissant de son Ă©poque ?
CD
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CD, Ă©vĂ©nement, critique. SAINT-SAĂNS : Ascanio, 1890 (Tourniaire, 2017, 3 cd B records). Le label B-records crĂ©e lâĂ©vĂ©nement en octobre 2018 en dĂ©diant une Ă©dition luxueuse Ă lâopĂ©ra oubliĂ© de Saint-SaĂ«ns, Ascanio, créé en mars 1890 Ă lâOpĂ©ra de Paris. Câest aprĂšs le grand opĂ©ra romantique fixĂ© par Meyerbeer au milieu du siĂšcle, lâoffrande de Saint-SaĂ«ns au genre historique, et comme les Huguenots de son prĂ©dĂ©cesseur (actuellement Ă lâaffiche de lâOpĂ©ra Bastille), un ouvrage qui sâinscrit Ă lâĂ©poque de la Renaissance française sous la rĂšgne de François Ier, quand le sculpteur et orfĂšvre Benvenuto Cellini travaillait pour la Cour de France. Saint-SaĂ«ns sait traiter la fresque lyrique avec un sens maĂźtrisĂ© de la couleur et de la mĂ©lodie : dâautant que, au moment oĂč il fait reprĂ©senter Ascanio, le genre, objet de critiques de plus en plus sĂ©vĂšres, se cherche une nouvelle forme, capable de prĂ©senter une vĂ©ritable alternative au wagnĂ©risme ambiant. AprĂšs Etienne Marcel (1879), Henri VIII ( 1883), Ascanio revitalise un sujet français et historique, tout en prenant rĂ©fĂ©rence au Benvenuto Cellini de Berlioz qui a prĂ©cĂ©dĂ© et dont lui aussi, la carriĂšre Ă lâOpĂ©ra sera brĂšve.
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CD, opĂ©ra, Ă©vĂ©nement. SAINT-SAĂNS: Le timbre dâargent (Roth, 2 cd P. Bru Zane, 2017). Perle lyrique du Romantisme français : premier opĂ©ra de Camille Saint-SaĂ«ns, Ă©crit en 1864-65, Le Timbre dâargent renaĂźt ainsi par le disque et mĂ©rite la timbale dâor. Tout le mĂ©rite en revient au chef et Ă son orchestre sur timbres dâĂ©poque : François-Xavier Roth et ses « SiĂšcles ». Venu tard Ă lâopĂ©ra, Camille compose la mĂȘme annĂ©e, Samson et Dalila, son plus grand succĂšs encore actuel, et Le Timbre dâargent, totalement oubliĂ© depuis 1914. Entre romantisme et fantastique, lâaction relĂšve de Faust et de Pygmalion Ă lâĂ©poque du wagnĂ©risme triomphant. Pourtant Saint-SaĂ«ns rĂ©invente lâopĂ©ra romantique français avec une verve et un imaginaire inĂ©dit, qui se moque des conventions et apporte une alternative exemplaire aux contraintes du temps. Le compositeur use de collages, multiplie les clichĂ©s dĂ©calĂ©s, en orfĂšvre Ă©rudit.
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CD, critique. SAINT-SAĂNS : PROSERPINE (1887). VĂ©ronique Gens, FrĂ©dĂ©ric Antoun, Andrew Foster-Williams⊠Ulf Schirmer, direction (2 cd ediciones singulares / Pal. Bru Zane, 2016). En couverture du livre cd, le corset de la courtisane Proserpine, et son prĂ©nom en lettres dâor, inspirant un drame tragique qui créé en 1887, sans trop de succĂšs malgrĂ© lâestime que lui portait Saint-SaĂ«ns (qui le tenait pour son meilleur opĂ©ra, ou lâun de ses meilleurs), offre un rĂŽle fĂ©minin dâune ampleur aussi accomplie que celle des hĂ©roĂŻnes de Massenet. Dâailleurs, le style parfois ampoulĂ© et souvent pompier du compositeur, se rapproche de lâauteur de Manon (1884) ou de ThaĂŻs (autre pĂȘcheresse repentie magnifique, créé en 1894)⊠voire la rare Esclarmonde (OpĂ©ra-Comique Ă©galement, créé en 1889). RĂȘvant son hĂ©roĂŻne comme Bizet avait conçu Carmen, Saint-SaĂ«ns souhaitait une voix large, puissante, dramatique, ⊠à la Falcon. Mais la rĂ©alitĂ© fut plus sournoise et lâauteur dut faire avec les interprĂštes Ă sa disposition ; il sopranisa le rĂŽle. DâemblĂ©e lâintonation et le style de VĂ©ronique Gens (au français impeccable qui affirme toujours la diseuse / cf ses rĂ©cents albums de mĂ©lodies françaises romantiques, dont lâexcellent âNéÚreâ), son style altier voire aristocratique (elle nâa pas chantĂ© toutes les hĂ©roĂŻnes mythologiques de Gluck, ou presque, pour rien), la finesse de lâincarnation permettent de facto dâexprimer lâĂ©paisseur du personnage : une courtisane vĂ©nĂ©rĂ©e comme VĂ©nus, qui tombant amoureuse dâun jeune homme, Sabatino…
 ApprofondirÂ
LIRE notre dossier biographique thĂ©matisĂ© Dossier Camille SAINT-SAĂNS : centenaire SAINT-SAĂNS 2021 : entre libertĂ© et classicisme, patriotisme et Ă©clectisme…
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Dossier rĂ©guliĂšrement actualisĂ© pendant l’annĂ©e SAINT-SAĂNS 2021.