Intrigues, exclusions… Rien ne va plus sur la Colline. Bayreuth a-t-il perdu son âme ? On connaissait les tractations cyniques des Gibichungen dans le CrĂ©puscule des dieux : en Ă©tant devenu le cadre des règlements de compte et des querelles Ă rĂ©pĂ©titions, le temple lyrique wagnĂ©rien dĂ©passe les prĂ©dictions… Le nouveau Tristan du Bayreuth 2015 est dĂ©voilĂ© depuis samedi 25 juillet, soirĂ©e d’ouverture du festival de Bayreuth 2015. En ouverture du festival estival, l’arrière petite fille de Richard, codirectrice (un peu malgrĂ© elle depuis 2009), a dĂ©voilĂ© sa mise en scène du chef d’oeuvre de 1865, Tristan une Isolde : tout le gratin politico mĂ©diatique que compte l’Allemagne, premier crĂ©ancier de la GrĂŞce exsangue, est prĂ©sent, Chancelière Merkel en tĂŞte (d’autant plus motivĂ©e cet Ă©tĂ© que pourtant passionnĂ©e d’opĂ©ras et de Wagner, la Chancelière n’avait pas pu faire le dĂ©placement l’an dernier, une absence remarquĂ©e…). La reine K : Katharina Wagner, 37 ans, va bientĂ´t rĂ©gner en maĂ®tresse absolue (après le retrait annoncĂ© opĂ©rationnel Ă la fin de cet Ă©tĂ©, de sa belle soeur co directrice Eva Wagner-Pasquier, 70 ans). Qu’a fait l’élue jusque lĂ pour mĂ©riter un tel hĂ©ritage ? Peu de chose en vĂ©ritĂ© et des vellĂ©itĂ©s de mises en scène plutĂ´t bancales. Jeu de filiations et d’adoubement, Katharina a prĂ©alablement mis en scène Les MaĂ®tres chanteurs ici mĂŞme dans un dispositif passablement encombrĂ©, confus, riche en gadgets, avare en idĂ©es… la magie Bayreuth en a souffert et continue d’en souffrir. La Colline verte, c’est un fait, semble renouer avec les pires annĂ©es de son histoire, Ă l’heure oĂą (Cosima, l’autre femme exclusive et conservatrice) dirigeait le Festival de son Ă©poux dĂ©funt, en se repliant sur une activitĂ© jalouse, rĂ©ductrice, bien peu glorieuse pour le renom du théâtre dessinĂ© par Richard et totalement financĂ© par Louis II. Aujourd’hui, Bayreuth n’est plus que l’ombre d’elle mĂŞme : une coquille vide, tenue par une direction brouillonne et sans projets visionnaires. Or pour maintenir l’opĂ©ra et soutenir la musique, il faut faire rĂŞver, public comme mĂ©cènes. Force est de constater que toutes les productions scĂ©nographiĂ©es depuis 20 ans Ă Bayreuth restent anecdotiques et
petitement provocatrices, Ă©reintant la beautĂ© de la musique wagnĂ©rienne : on ne compte plus les rĂ©alisations scĂ©niques invitant accessoires en plastic et costumes dĂ©calĂ©s dans des visions modernisĂ©s… Ă grand renfort d’effets vidĂ©os les uns plus kitch que les autres (voir ici le très contestĂ© Ring actuellement programmĂ© depuis 4 Ă©ditions, signĂ© Frank Castorf qui semble prendre un malin plaisir Ă non pas servir Wagner mais s’en servir pour recycler tout ce que le Regie theater a comptĂ© de symboles contestataires depuis l’après guerre – certes on a connu des Ring « scandaleux » et vivement critiquĂ©s, mais celui lĂ n’a pas le souffle poĂ©tique ni la pertinence politique du duo Boulez/ChĂ©reau de 1976 (aussi sifflĂ© Ă ses dĂ©buts qu’aujourd’hui devenu lĂ©gendaire) … Plus grave, les grands chanteurs, Ă part quelques tĂŞtes d’affiches (Les Lohengrin rĂ©cents de Klaus Florian Vogt ou de Jonas Kaufmann), ou quelques maestros d’ampleur (Kiril Petrenko) attirent l’attention : mais quelques pĂ©pites peuvent-elles accomplir ce théâtre total rĂŞvĂ© par Richard ? (Illustration : le nouveau Tristan une Isolde Ă Bayreuth 2015)
Intrigues et conflits : Katharina pousse dehors Eva
Poeple et gossips obligent, les pires intrigues ont sĂ©vi sur la Colline verte en cet Ă©tĂ© 2015 : justement autour de ce nouveau Tristan : chef (Christian Thieleman qui semble avoir une revanche Ă prendre au sujet de Wagner) et Katharina en personne, forment le nouveau tendem, assurant d’une main de fer, la direction artistique du Festival ; ils ont oeuvrĂ© de concert pour empĂŞcher la codirectrice Eva d’assister aux rĂ©pĂ©titions de la nouvelle production (histoire d’Ă©viter les fuites et stopper les premières critiques assassines ?) ; plus significatif, le chef Kiril Petrenko, si discret jusque lĂ , a vivement critiquĂ© la façon avec laquelle le tĂ©nor canadien Lance Ryan (correct Siegfried du Ring qu’il dirige) a Ă©tĂ© brutalement congĂ©diĂ© Ă quelques jours des premières reprĂ©sentations). De mĂŞme, Anja Kampe compagne de Petrenko, prĂ©vue dans le rĂ´le d’Yseult, a Ă©tĂ© Ă©galement remerciĂ©e (au profit d’Evelyn Herlitzius : lire ci-après)… ambiance sur la Colline. La rĂ©cente nomination de Petrenko comme nouveau directeur musical du Philharmonque de Berlin (Ă la succession de Simon Rattle) serait-elle liĂ©e Ă cet abandon ? On sait Thielemann particulièrement jaloux de son confrère. On vous l’a dit : Bayreuth Ă©gale les manigances et conflits Ă peine masquĂ©s que l’on peut dĂ©nicher dans le propre Ring de Wagner (Illustration : les deux codirectrices du Festival de Bayreuth : Katharina Wagner et Eva Wagner).
Bayreuth Ă l’heure d’internet. Heureux wagnĂ©riens internautes : sur les 60 000 tickets en vente chaque Ă©tĂ©, 45.000 sont proposĂ©s Ă la vente, dont plus de 20.000 sont proposĂ©s sur la billetterie en ligne, quand 15.000 sont automatiquement destinĂ©s aux amis du Festival. Armez vous de patience cependant car les places filent très vite (en dĂ©pit des rĂ©alisations douteuses et provocantes, des distributions bancales, l’acoustique du théâtre dessinĂ©e par Wagner lui-mĂŞme vaut toujours le dĂ©placement et attire les foules), avec jusqu’10 ans d’attente sur certains spectacles. Evidemment, en font partie Parsifal et… Tristan une Isolde. A Bayreuth, règne dĂ©sormais un Wagner kitch, toc et superficiel…
Noir, sans issue et foncièrement cynique, le nouveau Tristan und Isolde (qui devrait sévir ainsi pendant au moins 3 éditions à Bayreuth) est dans la vision dépoétisée de Katharina Wagner, une leçon de désenchantement amoureux. Dans le rôle d’Yseult, morte d’amour absolu, Evelyn Herlitzius, choisie tardivement après la désaffection de la soprano initialement prévue, a été sifflée à la fin du spectacle…
Prochaine critique du nouveau Tristan und Isolde du Bayreuth 2015 Ă venir sur classiquenews.com.