MONTPELLIER. AL. SCARLATTI : Il Primo Omicidio, 16 mai – 1er juin 2021. Oratorio fulgurant, dâune poĂ©sie lyrique dâune ineffable sensualitĂ©, Il Primo Omicidio Ă©voque le meurtre dâAbel par CaĂŻn. Sujet de la haine fratricide, de la jalousie destructrice, ce « Premier Homicide » dĂ©voile le gĂ©nie dramatique et lyrique du pĂšre de Domenico : Alessandro Scarlatti. Sa langue dâun raffinement exceptionnel cisĂšle et embrase la violence du drame biblique, crĂ©ant aussi un dĂ©fi vocal pour les solistes. Les personnages des deux fils opposĂ©s CaĂŻn et Abel, le portrait de leurs parents Adam et Eve, lâintercession de Dieu, lâĆuvre de Lucifer composent un tableau saisissant par sa tendre humanitĂ©. A chaque chef et ensemble dâen caractĂ©riser selon leur sensibilitĂ©, ce joyau du Baroque Italien.
Lâoratorio Ă©crit en 1707 Ă Venise, est en deux parties ; il met en scĂšne le 4Ăšme chapitre de la GenĂšse rapportant lâhistoire poignante et tragique de Cain le cultivateur et dâAbel le pasteur.
AprĂšs RenĂ© Jacobs qui lâavait rĂ©vĂ©lĂ© en crĂ©ation mondiale (1997), Philippe Jaroussky Ă la tĂȘte de son ensemble Artaserse entend en donner sa propre conception, entourĂ© dâun plateau de chanteurs qui pourraient sâavĂ©rer particuliĂšrement convaincants sous la direction de lâex haute contre Philippe Jaroussky, dont il sâagit du premier oratorio comme directeur musical.
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Alessandro Scarlatti : Il primo omicidio
Concert enregistrĂ© / filmĂ© Ă lâOpĂ©ra national de Montpellier
Opéra Berlioz / Le Corum
Diffusion les 16, 27, 29 mai et 1er juin 2021
sur le site de lâOpĂ©ra de Montpellier
PLUS DâINFOS sur le site de lâOpĂ©ra de Montpellier
https://www.opera-orchestre-montpellier.fr/evenement/il-primo-omicidio
Avec Bruno de SĂĄ, Abel
Filippo Mineccia, Cain
Inga Kalna, Ăve
Kresimir Spicer, Adam
Yannis François, Lucifer
Paul-Antoine Benos-Dijan, La voce di Deo
Ensemble Artaserse
Philippe Jaroussky, direction musicale
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Approfondir
LIRE aussi notre dossier CAIN et ABEL
http://www.classiquenews.com/paris-il-primo-omicidio-dales-scarlatti-1707/
Jaloux, Cain assassine son propre frĂšre plus jeune car ce dernier lui semblait ĂȘtre le prĂ©fĂ©rĂ© de ses parents⊠Au final câest Dieu qui tranche et mesure la violence rentrĂ©e de CaĂŻn, en prĂ©fĂ©rant lâoffrande de son jeune frĂšre Abel. La jalousie de CaĂŻn produit le premier meurtre de lâhistoire humaine : une faille et une malĂ©diction pour le genre humain dans sa globalitĂ© que la civilisation actuelle doit toujours assumer.
Au dĂ©but de lâAncien Testament, le sujet du Premier Homicide originel nous renvoie Ă la violence contemporaine des sociĂ©tĂ©s, au pĂ©ril des guerres et des meurtres gĂ©nĂ©ralisĂ©s sur la planĂšte.
Scarlatti fait de CaĂŻn un personnage trouble,- comme tous les bourreaux Ă lâopĂ©ra : humain et mĂȘme touchant car traversĂ© et rongĂ© par la culpabilitĂ© et le sentiment dâĂȘtre maudit. Il est bien par ce sentiment profond, primordial, le pĂšre de lâhumanitĂ© : la jalousie obsessionnelle porte Ă la folie criminelle qui mĂšne Ă la haine et Ă la violence, deux actes que lâhumanitĂ© nâa toujours pas rĂ©solu et qui la mĂšne Ă sa perte.
Le premier homicide est comme Don Giovanni (la pulsion du dĂ©sir qui fait Ă©clater lâordre social) ou Orfeo (lâimpossible maĂźtrise des passions), un thĂšme qui plonge aux origines de notre humanitĂ©. Le sujet sâinscrit dans la fibre de la sociĂ©tĂ© moderne, revĂȘtant une dimension actuelle contemporaine qui nĂ©vrotique, interroge depuis Alessandro Scarlatti, donc le XVIIIĂš (premier baroque) notre identitĂ© propre au XXIĂš. Il est Ă©tonnant que des gĂ©nies de lâopĂ©ra ou de lâoratorio, tels Haendel, ou Rameau en France, ne se soient pas emparĂ© de ce sujet qui illustre la violence et la haine dont lâhomme est capable. Ce questionnement nous renvoie Ă notre Ă©chec humain, aux guerres et aux scandales, aux crimes et aux malversations qui ne cessent dâalimenter lâactualitĂ©.
LE MEURTRE ORIGINEL
La GenĂšse Ă©tablit le crime et la jalousie aux dĂ©but de lâhistoire humaine.
Le meurtre dâAbel par son frĂšre CaĂŻn fascina un siĂšcle (dĂ©but du XVIIIĂš) Ă©pris de questions thĂ©ologiques. Ce premier meurtre engendre lâHumanitĂ©, inscrivant la figure ambiguĂ« de CaĂŻn comme le pĂšre de la civilisation. Dieu Ă©prouve CaĂŻn, mesure sa propension Ă la violence. Il dĂ©voile ce qui est aux origines de lâhomme : le dĂ©sir de meurtre.
AprĂšs Moses und Aron, le metteur en scĂšne Romeo Castellucci revient Ă lâOpĂ©ra de Paris dans cet oratorio dont il explore la dimension mĂ©taphysique, ciblant lâĆuvre du mal dans le projet divin. Contradictoirement Ă son sujet, la musique de Scarlatti Ă©voque le fratricide avec une douceur Ă©quivoque, « comme une fleur de la maladie ». Proche des sepolcri viennois du XVIIĂš, lâoratorio de Scarlatti analyse le sujet central Ă travers de sublimes portraits musicaux, ceux du couple originel, Adam et Eve, confrontĂ©s Ă la violence de leur fils Cain⊠Les allĂ©gories divine et infernale sont Ă©galement prĂ©sentes, pilotant lâaction en une confrontation de plus en plus tendue, Ăąpre, jusquâĂ son terme tragique
LIRE aussi La MORT DâABEL, opĂ©ra sacrĂ© de Kreutzer (1810-1825)
www.classiquenews.com/rodolphe-kreuatzer-la-mort-dabel1810-1825livre-2-cd-palazzetto-bru-zane/
Voici un nouveau jalon mĂ©connu de lâopĂ©ra français, tragique et pathĂ©tique, nouveau chaĂźnon manquant entre le théùtre de Gluck et lâĂ©closion de Berlioz. De sorte que la nouvelle collection discographique ainsi amorcĂ©e par le Palazzetto Bru Zane ne pouvait trouver meilleure ouvrage ayant valeur dâemblĂšme. Versaillais, Kreutzer est surtout un violoniste virtuose (Beethoven lui a dĂ©diĂ© sa Sonate pour violon n°9 opus 47), mort en pleine aube romantique en 1831. Il est professeur de violon au Conservatoire depuis sa crĂ©ation en 1795 jusquâen 1826 ; câest aussi un chef estimĂ© qui dirige lâochestre de lâOpĂ©ra (vers 1817). Comme compositeur, il affirme sa parfaite connaissance des derniĂšres tendances viennoises: câest Ă Vienne quâil rencontre Beethoven en 1798 comme musicien au service de lâambassadeur de France, Jean-Baptiste Bernadotte, futur souverain de SuĂšde et de NorvĂšge. Ses affinitĂ©s germaniques sont dâautant plus naturelles que son pĂšre Ă©tait allemand et quâil a aussi suivi les leçons de Stamitz.
Il en dĂ©coule un style dâun Ă©quilibre parfait, classique Ă la maniĂšre de Haydn: Ă©lĂ©gance, expression, prĂ©cision et raffinement. Lâouvrage est dâailleurs une rĂ©sonance française de lâoratorio La CrĂ©ation du Viennois, créé Ă Paris devant un parterre impĂ©rial totalement subjuguĂ©. TragĂ©die créée Ă lâAcadĂ©mie impĂ©riale en 1810, La mort dâAbel renseigne sur les caractĂšres stylistiques en vigueur Ă Paris dans les annĂ©es 1810.