ARTE. Dim 6 fev 2022, 18h15. CARMINA BURANA. Pour fĂȘter les 120 ans du label de cd Deutsche Grammophon, le chef chinois Long Yu dirige en octobre 2018, le Symphonique de Shanghai dans la cantate spectaculaire et chef dâoeuvre composĂ©s en 1935 par Carl Orff â et créé en 1937 ; il reste inimaginable que cet Ă©rudit amateur de poĂ©sie mĂ©diĂ©vale ait pu faire acte dâallĂ©geance au rĂ©gime hitlĂ©rien lui offrant plusieurs fleurons de sa propagande musicale. Les choses Ă©tant dites, voici donc une partition qui saisit toujours par son architecture dramatique, surtout sa flamboyante orchestration, et lâalternance des sĂ©quences chorales, solistes⊠soulignons lâordre des textes collectĂ©s. LĂ se rĂ©vĂšle le goĂ»t et lâintelligence de Orff.
Une dramaturgie se dessine que dĂ©voile avec une nouvelle sensibilitĂ© le chef et ses troupes (solistes trĂšs sollicitĂ©s, choeur Ă©ruptif, orchestre percutant et lyrique) : lâexaltation du printemps, lâivresse des sens quâil fait naĂźtre, les paillardises et dĂ©bordements alcoolisĂ©s des compagnons de taverne, lâorgueil dĂ©risoire du guerrier dont le destin croise au final celui du cygne rĂŽti et servi, lâenchantement surtout des cours dâamour, rĂ©fĂ©rence plus raffinĂ©e aux rites de lâamour courtois⊠tout cela suscite en contrastes vertigineux, une succession de sĂ©quences finement caractĂ©risĂ©es.
La tapisserie sonore scintille dâun Ă©clat instrumental manifeste; dâautant que lâorchestre comme le choeur partage une vĂ©hĂ©mence souvent mordante.
Peu de tĂ©nor, maĂźtrisant leur voix de tĂȘte sont capable dâexprimer la dĂ©chirante priĂšre du cygne rĂŽti, et Ă travers lui, la priĂšre de la nature universelle : câest une dĂ©ploration hallucinĂ©e grinçante purement surrĂ©aliste; quant au soprano clair, angĂ©lique qui rayonne en fin de cycle, il faut un talent hallucinĂ© et aĂ©rien pour exprimer les visions brĂ»lantes du texte, ses crĂȘtes, son sommet poĂ©tique final (Dulcissime, apothĂ©ose Ă©blouissante de Cour dâamours). Le cadre pĂ©kinois, la brochette de solistes invitĂ©s (excellents Ludovic TĂ©zier en guerrier vĂ©nusien, ivre des plaisirs terrestres ; Toby Spence, maniant voix de tĂȘte et de tĂ©nor pour incarner le cygne sacrifiĂ© en sa bouleversante priĂšre…), le chĆur en tout point excellent, mordant / prĂ©cis (la Wiener Singakademie, collectif familier de l’Ćuvre), et la probitĂ© du chef font la valeur de cette production de 2018. Depuis cd et dvd ont su fixer les arguments manifestes de cette cĂ©lĂ©bration convaincante.
____________________________________________________
Carl Orff : Carmina Burana
EN REPLAY sur ARTE concert jusquâau 7 mars 2022
120 ans de Deutsche Grammophon, 2018. CitĂ© interdite Ă PĂ©kin. Avec lâOrchestre symphonique de Shanghai dirigĂ© par Long Yu, la soprano Aida Garifullina, le tĂ©nor Toby Spence, le baryton Ludovic TĂ©zier et la Wiener Singakademie. ATTENTION Accessible en REPLAY jusqu’au 7 mars 2022 seulement.