jeudi 18 avril 2024

CRITIQUE, ballet. NICE, le 4 oct 2022. GUÉRIN: Démons et merveilles / ARAIZ : Rhapsody. BALLET NICE MÉDITERRANÉE. Orch philh de Nice. Léonard Ganvert

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CRITIQUE, ballet. NICE, Opéra, le 4 octobre 2022. GUÉRIN: Démons et merveilles / ARAIZ : Rhapsody. BALLET NICE MÉDITERRANÉE. Orch philh de Nice. Léonard Ganvert, direction.   –   Excellente soirée de danse classique contemporaine dont la clarté et la sensualité des deux écritures (Guérin / Araiz) assurent l’unité tout en abordant chacun selon son tempérament, la magie des fusions amoureuses; démoniaques et fantastiques chez Julien GUÉRIN, l’un de nos chorégraphes actuels les mieux inspirés ; fauves, crépusculaires, sensuelles chez Oscar ARAIZ dont l’élégance linéaire souligne combien la musique de Rachmninov convient à l’explicitation et la sublimation des attractions corporelles.

 

DÉMONS et MERVEILLES … Julien Guérin vient de créer son Ballet La Princesse de Clèves (Metz, mars 2022) ; pour l’Opéra de Nice, il exploite intelligemment la diversité des épisodes dramatiques dont il fait un festival de figures à deux ; une magistrale maîtrise des ensembles continûment expressifs, entre élégance et action aux gestes collectifs superbement synchronisés.
« Démons » car ici règne les intrigues d’un diable manipulateur à travers les agissements magiques, maléfiques de ses deux sbires ; « merveilles » car en dépit de la machine machiavélique, l’amour pur, l’alchimie des attractions naturelles et sincères… triomphent finalement. Dans le tableau final, le démon démuni, saisi, éprouve même la palpitation des cœurs amoureux ; d’où ses battements de cœur qui résonnent dans toute la salle.
D’après le film « les Visiteurs du soir » de Marcel Carné, tourné d’ailleurs à Nice [studios La Victorine], le ballet est composé de 8 tableaux, chacun spécifiquement caractérisé, d’où ne manque aucun ressort dramatique : harmonie initiale collective, désordre [le ballet des tables], envoûtements, superbe duos enlacés et même duel tragique produisant la mort d’un danseur…

Le chorégraphe exauce en réalité un superbe travail sur les duos ; sur la figure des couples envoûtés par les agents du désordre ; dirigés par l’assistant du cinéaste [silhouette facétieuse à la Puck, clap en mains, assénant à plusieurs reprises ses « coupez ; moteur » car nous sommes aussi sur un tournage].

C’est de bout en bout une intelligence narrative, claire et vivace d’autant que la musique de Maurice Thiriet mais aussi de Max Richter, sait fusionner action et allant avec une gravité prenante [sombre solo de violoncelle qui accompagne le dernier envoûtement, quand Démon tente de séduire pour mieux la perdre la dernière danseuse qui résistait… ] ;
L’esthétisme des figures enchaînées, la froide et efficace référence à l’art déco, ce jeu entre manipulations et illusions qui compose un labyrinthe fantastique, le style même de la chorégraphie, néo classique dans ses références aux figures académiques, contemporain aussi dans la fluidité et l’expressivité des postures, séduisent indiscutablement ; d’autant plus percutants qu’ils sont idéalement défendus par un corps de ballet très engagé. Le baryton requis ajoute une couleur mélancolique et chante pour 2ème et ultime prière, comme l’emblème de ce déroulé furieusement romantique : « la mort de la jeunesse et de nos amours ».

 

La seconde partie de la soirée permet la reprise d’un ballet fascinant également sur le thème amoureux, conçu créé en 2013, il y a presque déjà 10 ans par l’argentin Oscar Araiz.

RHAPSODY peut s’entendre comme une fantaisie nocturne où la passion le dispute à des séquences d’infinie poésie selon la mélancolie de Rachmaninov (dont la partition livre la musique du ballet). Araiz sait exploiter cette odyssée à la fois onirique et sentimentale que le chant du piano rehausse encore en lui conférant un souffle romantique souvent irrésistible. Cela est d’autant plus perceptible grâce à l’excellente tenue de l’Orchestre là encore sous la baguette vive et détaillée de Léonard Ganvert.

La musique de Rachmninov se prête idéalement à un traitement chorégraphique ; comme « La Nuit transfigurée » de Schoenberg, le piano et l’orchestre semblent s’immerger dans la relation intime des couples qu’une pulsion première [premier tableau où sont distribuées les cartes] met en branle.

L’écriture chorégraphique associée aux crépitements de la partition expose davantage qu’une réflexion sur l’onde d’un mouvement primordial ; le spectateur peut y détecter les étapes d’un long cheminement amoureux, celui d’un couple dans la nuit d’une étreinte enivrée, aux éclats crépusculaires.
On se souviendra longtemps des deux sublimes pas de deux, d’une élégance sensuelle parfaitement synchronisée avec la musique : en particulier, où la danseuse suit précisément chaque accent du piano.
Une succession de figures parfaitement enchaînées grâce à la réalisation précise et fouillée dans les détails qu’en donne les danseurs dirigés par Éric Vu An à Nice et qui fait de l’institution un lieu d’accomplissement chorégraphique à suivre désormais. Les deux couples solistes semblent y détailler dans ses moindres nuances troubles, les indices d’une relation fusionnelle, plus qu’intense. ARAIZ n’a jamais semblé mieux inspiré que dans ce somptueux enchantement des corps en attraction qui s’unissent et se désunissent sur les vagues miroitantes d’un piano noctambule. Fascinant.

Encore deux dates à l’opéra de Nice, les 5 et 6 octobre 2022. Prochain spectacle de danse à l’opéra de Nice : dès le 21 déc, Éric Vu-An chorégraphie le sommet du ballet classique romantique : Coppelia. Événement incontournable.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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CRITIQUE, ballet. NICE, Opéra, le 4 octobre 2022. GUÉRIN: Démons et merveilles / ARAIZ : Rhapsody. BALLET NICE MÉDITERRANÉE. Orchestre philharmonique de Nice. Léonard Ganvert, direction / Photos : © Dominique Jaussein

 

Vidéo Démons et merveilles : https://www.facebook.com/watch/?v=2421065344688222

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