vendredi 29 mars 2024

Compte rendu, opéra. Lille. Opéra de Lille, le 12 janvier 2017. Haendel : Il trionfo del tempo e del disinganno. Le Concert d’Astrée, orchestre. Emmanuelle Haïm / Krysztof Warlikowski

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handel haendel classiquenewsCompte rendu, opéra. Lille. Opéra de Lille, le 12 janvier 2017. Haendel : Il trionfo del tempo e del disinganno. Ying Fang, Franco Fagioli, Michael Spyres… Le Concert d’Astrée, orchestre. Emmanuelle Haïm, direction musicale. Krysztof Warlikowski, mise en scène. Première Lilloise d’Il Trionfo del tempo e del disinganno de Haendel / Warlikowski ! Une soirée neigeuse et heureuse sous la direction musicale d’Emmanuelle Haïm et son ensemble le Concert d’Astrée, avec un beau quatuor vocal composé de la soprano Ying Fang, le contre-ténor Franco Fagioli, le ténor barytonant Michaël Spyres et la contralto Sara Mingardo.

L’oratorio profane est composé par Haendel lors de son premier séjour en Italie, la première a lieu à Rome en juin 1707. Le livret est de la plume de son admirateur le Cardinal Benedetto Pamphili, qui est aussi l’auteur des textes de quelques cantates italiennes d’Il Caro Sassone, dont la fabuleuse et révélatrice « Tra le fiamme ». Un regard profond sur la correspondance existante et une analyse des textes que le cardinal a écrit pour le compositeur cosmopolite révèle des rapports de mécénat non dépourvus d’intérêt romantique et … sexuel. Aussi, le livret au ton moralisateur apparent est bel et bien une œuvre profane avec aucune citation de la Bible et dont le mot « Dieu », si insupportable pour certaines personnes, n’est mentionné que deux fois.
Or, le concept de cette coproduction est un acte où l’on décrie et l’on dénonce, plutôt modestement qu’ouvertement, l’Eglise Catholique ; avec des clichés bien dosés et parfois subtiles pour rappeler au public de 2017, la souffrance bien vivante des gens toujours bouleversés par les ravages historiques de l’institution religieuse depuis des siècles. Un parti pris qui touche facilement (un peu trop) le public non habitué aux transpositions contemporaines. Un parti pris rayonnant de pragmatisme et d’efficacité, aux coutures évidentes, certes, mais jamais anti-musical ni vulgaire. Ici, Beauté est une jeune fille insouciante de liberté qui suit Plaisir en boîte. Ils se droguent et puis l’overdose. Les parents, le Temps et le Désenchantement (une des maintes traductions approximatives pour le personnage « Disinganno », que je préférerais nommer tout simplement « Vérité »), viennent tout gérer, bien évidemment, et exhortent Plaisir à quitter le foyer imaginé. Ensuite, la Beauté de Warlikowski ne veut plus vivre sans son Plaisir ; donc elle se suicide à la fin… Ou comment remplacer gravitas par … pathos.

Warlikowki, provocateur ma non troppo
Haendel rayonnant d’enthousiasme et de fraîcheur

Et puis il y a la musique. La plus rayonnante et virtuose de la plume de Haendel est interprétée avec maestria par la fabuleuse distribution. Si la Beauté de la soprano Ying Fang est touchante à souhait par sa fragilité, et que l’instrument rayonne de jeunesse et d’humanité, elle campe une performance solide, à l’investissement théâtral saisissant et surtout avec un style baroque plein de brio et de légèreté. Elle fait démonstration de sa technique notamment dans les da capo de ses airs, toujours réussi et parfois même innovants ! Le plus virtuose fut peut-être lors du célèbre air « Un pensiero nemico di pace ». La virtuosité vocale est le domaine de Plaisir et du contre-ténor Franco Fagioli, qui réussit bien ses airs à la colorature pyrotechnique. Le sommet est plus son « Come nembo che fugge col vento » vers la fin, redoutable à souhait, que le très bel air « Lascia la spina » (connu surtout sous le nom de « Lascia ch’io pianga » de l’opéra Rinaldo). Dans le dernier, il est un peu touchant et ce fut beau, mais il nous impressionne plus par la maîtrise de son instrument et ses envolées virtuoses que par l’intériorité ou la profondeur.

Ces qualités sont incarnés plutôt par les parents, malgré la volonté d’en faire d’eux des clichés d’autorité. La musique triomphe à la fin et Michaël Spyres comme Sara Mingardo sont superlatifs dans leur interprétation et musicale et scénique. Le Temps du ténor à la voix généreuse et saisissante fait presque peur lors de son air « Urne voi », et entraîne par la force de sa bravoure endiablée lors du « È ben folle quel nocchier ». La Mingardo quant à elle a la voce e lo stile, et nous laisse 100% impressionnés ! Que ce soit dans ses airs comme dans l’incroyable quatuor « Voglio tempo per risolvere » : la perfection.
Le Concert d’Astrée sous la baguette d’Emmanuelle Haïm honore l’opus avec une performance pleine de brio et de swing baroque, avec une belle prestation des vents (y compris l’orgue sublime de Benoit Hartouin -aussi chargé du continuo impeccable). A voir et surtout écouter à l’Opéra de Lille encore les 17, 19 et 21 janvier 2016.

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Compte rendu, opéra. Lille. Opéra de Lille, le 12 janvier 2017. Haendel : Il trionfo del tempo e del disinganno. Ying Fang, Franco Fagioli, Michael Spyres… Le Concert d’Astrée, orchestre. Emmanuelle Haïm, direction musicale. Krysztof Warlikowski, mise en scène.

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