jeudi 28 mars 2024

COMPTE-RENDU, critique récital et CD. SALLE CORTOT, Paris, le 20 mai 2019. Kotaro Fukuma, piano. Haydn, Schubert, Fauré, Poulenc, Satie, Trenet, Ravel.

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Kotaro Fukuma-JBM-8189©Jean-Baptiste MillotCOMPTE-RENDU, critique récital et CD. SALLE CORTOT, Paris, le 20 mai 2019. Kotaro Fukuma, piano. Haydn, Schubert, Fauré, Poulenc, Satie, Trenet, Ravel. Le pianiste japonais Kotaro Fukuma donnait, le 20 mai dernier, un récital bien particulier salle Cortot dans la série « Les Nuits du piano ». Premier prix à vingt ans du Concours International de Cleveland, il fut l’élève de Bruno Rigutto et de Marie-Françoise Bucquet au Conservatoire de Paris, et prit le temps de recueillir les conseils de Leon Fleisher, Mitsuko Uchida, Alicia de Larrocha, Maria Joao Pires et Aldo Ciccolini. Cet artiste à la personnalité singulière vient de publier un CD: il y signe son attachement à la France et à sa musique, celle impérissable de la première moitié du XXème siècle, où mélodies de salons et chansons de cabaret tissent des liens joyeux sous la plume de nos plus grands compositeurs. Une grande partie du concert leur était consacrée.

KOTARO FUKUMA INONDE DE LUMIÈRE SCHUBERT, RAVEL… ET TRENET!

Quel rapport existe-t-il entre la sonate D 960 de Franz Schubert, et « Je te veux » d’Erik Satie, ou « Vous oubliez votre Cheval » de Charles Trenet? Aucun. Mais pour Kotaro Fukuma il en existe un évident avec La Valse de Maurice Ravel: « J’ai voulu rendre hommage à deux grandes capitales européennes, Paris et Vienne », explique-t-il au moment du concert. Tout semble permis à cet artiste aux moyens techniques phénoménaux, sans que l’on n’ait à s’en offusquer. Tout passe: sa générosité, son enthousiasme, sa liberté assumée, sa bonne nature pourrait-on dire y sont pour beaucoup, ainsi que son jeu sans faute de goût. Et dans la morosité ambiante, un moment de belle humeur n’est pas de refus. Quoi qu’il joue Kotaro Fukuma demeure dans la lumière, c’est ainsi, cela émane de lui. La sonate D 960 de Schubert n’y échappe pas, sonne alors clair, et ce n’est pas par hasard si le pianiste la précède de la Fantaisie en do majeur Hob. XVII.4 de Haydn, lumineuse et colorée, bourrée d’esprit et justement de fantaisie. On aura beau creuser, rien qui pose et qui pèse du marasme romantique: elle tend pour lui vers le majeur, et regarde vers le classicisme. On y entend tout avec une telle netteté, les chants et contre-chants, l’inexorable équilibre jusqu’au cœur tempêtueux de l’adagio sostenuto, sans que rien ne voile et n’assombrisse profondément le fil de l’œuvre. Le dernier mouvement, allegro ma non troppo, est sans conteste le plus réussi, justement parce que l’optimisme trouve dans sa légèreté de ton apparente son terrain d’expression, tout comme la jovialité, et par endroits une forme d’espièglerie.

La seconde partie du concert est toute française et présente une sélection tirée du disque « France Romance ». Ici le cœur de Kotaro Fukuma parle: « chacune de ces œuvres est liée à un évènement important de ma vie de pianiste ». Le musicien s’y trouve dans son élément. Du 2ème Nocturne de Gabriel Fauré où le naturel du chant va de soi au-dessus des basses discrètes et laisse place à de superbes envolées, aux arrangements fabrication maison, ou transcriptions, l’esprit de légèreté se double tantôt de tendresse, tantôt d’étincelant panache. Quel chic d’un bout à l’autre! Quelle séduction! Dans l’Improvisation n°15 « Hommage à Edith Piaf » de Francis Poulenc il donne à respirer le parfum des chansons de rue par le prisme du jazz. Puis il nous entraîne dans « Je te veux » d’Erik Satie agrémentant la mélodie originale d’une foison de variations et d’ornements stupéfiante de charme et de générosité. On se laisse prendre dans ce flot sans résistance! En 2014, Kotaro Fukuma découvrait les arrangements par Alexis Weissenberg des chansons de Charles Trenet, joyaux dont il était « tombé amoureux » quelques années auparavant: Coin de rue, Vous oubliez votre cheval, En avril à Paris, des titres éternels comme aussi Boum!, Vous qui passez sans me voir, et Ménilmontant qui complètent la série au disque. Qu’y a-t-il de plus joyeux et tendre que ces airs? C’est en tout cas ce que le pianiste nous donne, pris au jeu d’enfant (pour lui) des difficultés redoutables de ces arrangements comme s’il improvisait lui-même, façon jazz.

KOTARO FUKUMA cd classiquenews critique cd review cdAvec La Valse de Ravel, peur de rien! Déjà il l’arrange à sa sauce, pas convaincu par la version de Ravel lui-même! (C’est ce qu’il explique dans le livret du disque). Le « tournoiement fantastique et fatal » aux accents sombres et morbides, se mue alors en un hommage appuyé à la tradition viennoise, ce que cette valse aurait dû être à l’origine. C’est une hyper-valse dans laquelle le pianiste cède à la griserie, multiplie les notes, les traits plus virtuoses les uns que les autres, nous entraîne dans un tourbillon éclatant de folie, accumule les prouesses techniques (déplacements d’une rapidité incroyable). C’est brillant et spectaculaire, époustouflant! Le piano se plie à la formidable énergie du musicien, jusqu’aux derniers « coups de canons » surprenants de force. La salle Cortot pleine à craquer lui fait un triomphe. Trois bis pour prolonger le plaisir: en hommage au Japon (l’ambassadeur est dans la salle!) une jolie chanson japonaise dans un arrangement de Weissenberg, un arrangement d’une vraie valse de Strauss, et pour finir sur une note de cœur « Parlez-moi d’amour » somptueusement transcrite.

Après ce concert qui fait du bien, on ne se privera pas du plaisir de toutes les autres belles surprises que réserve le CD « France Romance », paru chez Naxos Japan. (Debussy, Fauré, Satie, Ravel, Poulenc, Trenet…)

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