COMPTE-RENDU, critique opéra. PARIS, Opéra-Comique, le 20 fév 2020. BOIELDIEU : La Dame blanche. Pauline Bureau / Julien Leroy. Le soir de la première de La Dame Blanche, le 10 décembre 1825, les musiciens de l’Opéra-Comique (où l’on reprend donc l’ouvrage ces jours-ci…) vinrent donner la sérénade à François-Adrien Boieldieu sous ses fenêtres. Quand il s’agit de faire monter tout le monde chez le Maestro, il y eut des problèmes de place. Rossini, qui habitait le même immeuble, ouvrit son appartement et c’est chez le champion de la clarté latine que fut célébré le triomphe de la vogue des fantômes et des châteaux hantés (écossais). Car à l’époque, l’opéra suivait la mode et Walter Scott faisait alors fureur.
La Dame blanche consacrait aussi le succès de l’opéra-comique français, qui allait connaître ses grands jours, en même temps que celui de Boïeldieu, dont la carrière, commencée pendant la Révolution, était déjà parsemée de jolis succès dans le genre gracieux qui avaient pour titre Ma Tante Aurore ou Les Voitures versées. Reprise pour la dernière fois in loco en 1997 (dans une mise en scène de Jean-Louis Pichon), l’ouvrage est le quatrième plus gros succès de l’institution parisienne (dépassant les 1500 représentations), mais peine à retrouver aujourd’hui les faveurs de nos théâtres hexagonaux. Le problème ne semble pas venir de la partition : les accents rossiniens, l’orchestration léchée, les mélodies qu’on chantonne à la sortie ont tout pour plaire encore…
Le problème est que le livret s’avère un défi à la bonne volonté des metteurs en scène et des spectateurs : cette histoire d’héritier d’une grande famille écossaise, ignorant de sa véritable identité, qui se retrouve sans faire exprès dans le château de ses ancêtres et décide de la racheter avec l’aide discrète d’une jeune orpheline dont il est amoureux depuis qu’elle l’a sauvé à l’issue d’une bataille… prête en effet à sourire gentiment. Mais le ridicule culmine quand la demoiselle se déguise en fantôme (la fameuse « Dame blanche ») pour lui donner des conseils sans qu’il reconnaisse l’objet de sa flamme…
Fort bien dirigée par le jeune chef français Julien Leroy très à l’aise dans la légèreté du propos, l’équipe vocale (entièrement française) fait ce qu’elle peut, et la conviction du jeu ferait presque tomber toute réserve. Dans le rôle-titre, la jeune soprano Elsa Benoît (Anna) est une bien belle découverte et l’on goûte particulièrement à son timbre à la fois charnu et ductile, qui lui permet d’affronter avec aisance les nombreuses vocalises de sa partie. Le timbre sec et anguleux de Sophie Marin-Degor retire en revanche toute séduction au personnage de Jenny. Dans le rôle de George Brown, notre ténor rossinien national Philippe Talbot fait un sort à ses deux airs « Ah quel plaisir d’être soldat ! » (si proche de « Ah mes amis quel jour de fête » de Tonio) et « Viens, gentille dame », et l’on apprécie – à défaut d’une puissance et projection toujours suffisantes – sa netteté vocale, son irréprochable diction, et ce charme qu’on associe immédiatement à la galanterie française.
A ses côtés, l’excellent Yann Beuron (Dickson) n’a pas à pâlir, d’autant qu’il est moins exposé, et projette mieux sa voix. Ce solide quatuor est complété par le non moins solide Gaveston de Jérôme Boutillier, d’une sombre insolence, tandis qu’Aude Extrémo apporte une mélancolie touchante à la fileuse solitaire et rêveuse qu’est Marguerite. Une mention, enfin, pour le MacIrton très présent – en terme de présence comme de vocalité – de Yoann Dubruque.
Quant à la mise en scène, confiée à Pauline Bureau (qui avait déjà monté ici-même Une Bohème, notre jeunesse…), elle peut paraître un peu sage mais s’avère néanmoins délicate, le spectacle étant truffé de détails d’un humour subtil. Il respecte la naïveté de cette fable qu’elle met en scène comme le plus charmant des contes de fées. Sous sa direction, l’excellent chœur Les Eléments, presque devenu les protagonistes, participent à l’action à l’égal des solistes, même si le monumental décor conçu par Emmanuelle Roy ne facilitent la direction d’acteurs, au demeurant assez discrète en ce qui concerne les solistes. Mais nous n’avons pas boudé notre plaisir de cette plaisante redécouverte, à l‘instar d’un public parisien visiblement sous le charme de cette musique !
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Compte-rendu, critique opéra. Paris, Opéra-Comique, le 20 février 2020. François-Adrien Boïeldieu : La Dame blanche. Pauline Bureau / Julien Leroy.