Jeune chef français, le brillant Lionel Bringuier dirige le Tonhalle de Zurich depuis cette saison. Il se présente en tournée avec son orchestre et Toulouse était fière de l’accueillir. N’avait t il pas dirigé en 2007 l’Orchestre du Capitole avec grand succès ? Un Public nombreux était venu l’entendre à la Halle aux Grains à l’invitation des Grands Interprètes. Aussi jeune (28 ans chacun) et talentueuse que le chef, la pianiste chinoise Yuja Wang n’a pas démérité. Il sera toutefois permis de dire combien ces artistes doués ont encore une marge de progression devant eux.
Deux beaux talents en maturation
Le Concerto n°3 de Rachmaninov n’est pas le plus harmonieux. Composé pour mettre en valeur le compositeur lui même dans sa tournée aux USA, il ne comporte pas moins de trois cadences fulgurantes. Le début du concerto qui expose pianissimo le magnifique thème qui inonde ensuite toute la partition, a été magnifiquement joué par un chef attentif aux nuances et aux couleurs, un orchestre de rêve et une pianiste sensible. C’est d’ailleurs dans les moments chambristes que l’entente entre chef, soliste et orchestre a été la plus aboutie. La mise en place limpide, la précision de la battue et l’attention portée à la soliste font de Lionel Bringuier une baguette intéressante par sa belle musicalité. La marge pourra être portée plus haut en ce qui concerne le brillant et une sorte de folie contenue dans ce Concerto. La sagesse du chef et l’application de la pianiste brident les effets dans les moments symphoniques plus larges et les cadences écrites par et pour les mains gigantesques de Rachmaninov (presque deux octaves pour sa main gauche). La délicate pianiste s’en est bien sortie mais n’a pas eu le panache que certains « monstres » du piano peuvent y mettre. Le coté hollywoodien de la partition est resté bien poli chez notre jeune chef. Un compositeur plus « classique » leur aurait probablement mieux convenu.
Les deux bis offerts par la pianiste, une paraphrase de Carmen et une transcription des Ombres heureuse d’Orphée de Gluck, ont démontré sa parfaite maitrise technique mais aussi une capacité plus limitée à chanter.
La Suite de l’Oiseau de feu de Stravinski (1919 )a permis à Lionel Bringuier de déployer les nuances et les couleurs somptueuses dont son orchestre Suisse est capable. La direction nette, le discours franc ont bien convenu à cette partition. L’orchestre a fait montre d’une belle personnalité avec des sonorités toujours très musicalement justes, loin du son standard de certains grands orchestres.
En final, la Valse de Ravel ne nous a pas enthousiasmé : sage et propre, elle n’a pas eu la souplesse voir le rubato limite canaille que les grands chefs savent y mettre. Encore trop prudent et poli, Lionel Bringuier gagnera en personnalité dans les années à venir. C’est un jeune chef qui tient ses promesses et peut encore progresser dans une collaboration avec un très bel orchestre qui lui semble acquis.