COMPTE-RENDU, concert. SALON DE PROVENCE, Château de l’Empéri, le 4 août 2019. BEETHOVEN, SCHUMANN, SCHUBERT, QUATUOR MONA, S. IM, T. FOUCHENNERET. Nous ne le cacherons pas : ce qui fait le prix de ce concert c’est, comme chaque fois que l’oeuvre figure au programme, le Quintette « La truite » de Schubert. Je ne connais pas de partition de musique de chambre qui permette autant aux musiciens qu’au public de communier dans la joie. Ce soir le public a été aux anges, et les musiciens enthousiastes ont tous été admirables. L’équilibre entre eux a été parfait et la somptueuse acoustique de la cours Renaissance du Château de l’Empéri a joué sa partie à merveille. Il a été possible comme nous rêvons de le faire (les salles trop réverbérées ne nous le permettent pas) de porter notre attention sur chaque musicien à tour de rôle ou ensemble. J’ai été très sensible au rôle prépondérant en terme de gardien du tempo et relance du rythme, de la contrebasse d’Olivier Thiery.
L’âme de la Musique ? …
La Truite de Schubert bien sûr !
Ce jeune musicien nous avait déjà beaucoup ému et ce soir sa joie, sa manière d’entraîner vers plus de liberté et d’humour le violoncelliste Aurélien Pascal, tout en gardant une connexion intime avec le piano, nous ont complètement séduit. Le piano de Théo Fouchenneret a lui aussi été une merveille de présence exacte tout du long. Cette partie est difficile à équilibrer car souvent prépondérante mais le pianiste a été un modèle dechambrisme, sachant détacher sa partie ou la nuancer avec un art subtil dans une écoute complète de chaque instant. La sonorité liquide de son piano a été un vrai bonheur. Le violoncelle d’Aurélien Pascal a brillé dans ces moments très beaux et il est agréable de voir comment cet artiste plutôt timide musicalement jusqu’à présent a su s’engager davantage dans cette « Truite ». L’altiste Joachin Riquelme Garcia a une présence bonhomme et il a trouvé des couleurs superbes tout du long, partenaire attentif et bienveillant. Quand à la violoniste Karen Gomyo, elle est magnifique de présence ondoyante ; elle sait conduire admirablement sa partie dans de très belles nuances. C’est certainement les contrastes et l’ampleur des nuances qui marquent cette interprétation et cette fusion parfaitement équilibrée des timbres. Ce n’était que du bonheur et dans une acoustique absolument parfaite qui a permis de ne pas perdre une miette de musique !
Avant cette apothéose de « la Truite », le Trio « Des Esprits » a été très bien interprété, tout en équilibre, élégance et mystère. Le Largo qui donne son nom au Trio, sous le soleil déclinant, entre chien et loup, dans un air si bon, a pris un coté mystérieux absolument délicieux. Claudio Bohorquez au violoncelle, a été particulièrement subtil et en osmose avec le violon lumineux de Karen Gomyo comme avec le piano élégant d’Eric Le Sage. Ce violoncelliste a une présence heureuse et très chaleureuse. Le trio de Beeethoven a été un très beau moment musical d’ouverture.
Ensuite, le charme féminin a pris place sur scène. Le jeune Quatuor Mona a été tout de tendresse émue dans cette adaptation pour Quatuor à Cordes de 6 lieder de Schumann. La soprano Sunhae Im semble prendre beaucoup de plaisir à mêler sa voix aux cordes. Son expression en allemand est très convaincante, tout à fait remarquable pour une voix si aiguë. Au delà du charme réel de cette version, je crois que l’esprit de Schumann qui fait du dialogue piano / chant, son crédo, n’était pas vraiment présent. Un quatuor à cordes n’offre pas le même soutien, ni la même intensité que le piano de Schumann. Une forme d’hédonisme a été plus présente que le romantisme triste, contenu dans ce cycle de l’amour non partagé.
La partie classique du concert s’est donc terminée après cette « Truite » mémorable. Après l’entracte, un autre type de concert, avec un autre cérémonial, d’autre priorités et d’autres émotions nous a été proposé mais avec la même excellence musicale en invitant deux artistes prestigieux. Eric Le Lann est l’un des papes du Jazz français et son duo avec le jeune pianiste Paul Lay, rapproche les générations. Leur hommage à Louis Armstrong est basé sur l’invention, l’improvisation, le charme. Chacun jouant un personnage, qui le trompettiste bougon, qui le pianiste désarticulé et à la position avachie… Ils ont fait se succéder des moments d’improvisation, seuls, en écho ou ensemble. Du grand art : des audaces pianistiques fulgurantes et un jeu de trompette de vieux crooneur à la voix rocailleuse. Dans le ciel étoilé de Provence, d’autres concerts de jazz de cette qualité auraient à nouveau tout à fait leur place, avis aux organisateurs. Pourtant en quittant le Château, ce sont bien les airs entêtants de la Truite qui m’accompagnaient….
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COMPTE-RENDU, concert. Salon de Provence, Château de l’Empéri , 4 Aout 2019 ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Trio n°5 en ré majeur « Trio des esprits » Op.70 N°1 ; Robert Schumann (1810-1856) : 6 Lieder Op.107, arrangés pour quatuor à cordes par Aribert Reinmann ; Frantz Schubert (1797-1828) : Quintette pour piano et cordes Op.114, D.667 « La Truite » ; Sunhae Im, soprano ; Karen Gomyo, violon ; Joachin Riquelme Garcia, Alto ; Claudio Bohorquez, Aurélien Pascal, violoncelles ; Olivier Thiery, contrebasse ; Quatuor Mona : Verena Chen , Roxana Rastegar, violons ; Ariana Smith, alto ; Caroline Sypniewski, violoncelle ; Eric Le Sage, Théo Fouchenneret, Piano. Thanks a million : Hommage à Louis Amstrong ; Eric Le Lann, trompette ; Paul Lay, piano. Illustration : © Hubert Stocklin