CRITIQUE, opéra. TOULOUSE, le 20 avril 2022. Léos JANACEK : Jenufa. N. JOËL, M.A. HENRY, C.HUNOLD, F. KRUMPÖCK.

CRITIQUE, opéra. TOULOUSE, le 20 avril 2022. Léos JANACEK : Jenufa. N. JOËL, M.A. HENRY, C.HUNOLD, F. KRUMPÖCK – Félicitons Christophe Ghristi pour sa persévérance à vouloir remonter cette somptueuse production malgré les aléas sanitaires. Datant de 2004, c’est l’une des plus parfaites productions de l’équipe de Nicolas Joël. Car il faut bien reconnaître que le quatuor de Nicolas Joël à la mise en scène, avec les décors d’Ezio Frigerio, les costumes de Franca Squarciapino, les lumières de Vinicio Cheli forment un tout parfaitement cohérent. Christian Carsten avec une fidélité religieuse a rendu toute sa splendeur à ce travail d’équipe bouleversant.

 
 

Une Jenufa à couper le souffle

 

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 Jenufa agenouillée face à l’inflexible Sacristine (DR)

 

 

 

Rarement un décor a été aussi puissant, des costumes aussi beaux que discrets et les lumières qui amplifient l’action et magnifient le tout. Cette grande roue du moulin, est également la roue du destin, elle a une présence, inexorable voire menaçante ; même immobile durant le début de l’acte 1, elle se remet en mouvement colorée en rouge-sang lors de l’infanticide. L’immense pierre qui surplombe l’acte 2, est la matérialisation du poids écrasant de la société. Puis lorsqu’elle se fissure et descend sur la Sacristine au retour de l’infanticide, elle matérialise les remords et la culpabilité mortelle qui la terrasse. Enfin la passerelle au troisième acte est comme un chemin de croix. La finition des costumes est incroyable avec des détails de costumes régionaux, tout en leur gardant une sorte d’universalité ; en cela ils offrent une dimension d’éternité à l’histoire. Et chaque personnage est défini par ses costumes et s’y déplace avec une totale aisance. La fulgurance des éclairages est encore plus spectaculaire avec les moyens modernisés. Cette production ne devait pas rester dans les entrepôts pour y être oubliée. Quelle splendeur !

La grandeur d’un directeur d’opéra est sa capacité à trouver des distributions superlatives. Christophe Ghristi a ce goût et ce don. Peut-on imaginer distribution plus adéquate et parfaite ? Et d’un niveau international ? Je ne le crois pas. Déjouant le report, les désistements et autres aléas, les voix, le chef et l’orchestre ont été au diapason de cette production afin de créer pour les amateurs d’opéras les plus exigeants un souvenir inoubliable.
Les deux rôles principaux sont écrasants. Jenufa est sur scène presque en continu et la puissance des scènes de la Sacristine est redoutable. L’équilibre entre ces deux rôles est fondamental. Ce soir, à n’en pas croire nos oreilles, deux volcans se sont affrontés. Marie-Adeline Henry EST Jenufa. Entre douceur et puissance ravageuse, la voix ne connaît aucune faiblesse. L’émission est fantastique, cela coule et irradie. Le timbre est somptueux. Nous nous étions promis de suivre cette artiste après son extraordinaire Fiordiligi in loco en 2011. La transformation est sidérante. Comment la délicate jeune femme trouve-t-elle une voix si puissante ? Le jeu est sidérant de justesse comme d’émotions contrastées. La Jenufa de Marie-Adeline Henry restera une incarnation totale et idéale pour plus d’un.
La Sacristine de Catherine Hunold, rôle appris en un temps record, est tout aussi inoubliable. La largeur de la voix est connue du public du Capitole, comment oublier son Ariane à Naxos ? Mais la puissance est également celle de l’actrice tant ce personnage hors normes trouve en la cantatrice française, une interprète hallucinante. Ce n’est pas faire injure que de dire qu’à coté de tels monstres scéniques et vocaux les autres interprètes sont un peu plus pâles ; mais c’est ainsi que cet opéra est construit. Tout repose sur ces deux rôles principaux.
Les deux ténors ont des rôles bien moins intéressants. Marius Brenciu en Laca et Mario Rojas en Steva sont parfaits. Le premier arrive à incarner le jaloux aussi malheureux que méchant et rendre crédible son évolution amoureuse. La voix est claire, le chant subtil. Quant au rôle de ténor de charme, tant par son allure élégante que sa voix solaire, Mario Rojas est un Steva aussi séduisant que veule. Mario Rojas et Marius Brenciu sont des chanteurs-acteurs accomplis. Cécile Gallois est une Grand-Mère toute de tendresse et de compassion. Jérôme Boutillier s’impose sans difficultés tant vocalement que scéniquement dans ses deux rôles d’autorité. La présence de Mireille Delunsch en femme du Maire apporte une belle élégance à la Noce.
Le Chœur du Capitole joue et chante à merveille et participe activement au drame. L’orchestre du Capitole est en grande forme et la musique de Janacek sonne magnifiquement. La direction de Florian Krumpöck permet une écoute analytique ; elle habite le drame avec une puissance dévastatrice. Quelle splendide direction dramatique ! On sort laminé de la fureur de cet opéra. C’est somptueusement beau et anéantissant… Le public sonné met un peu de temps à réagir mais il fait un vrai triomphe aux interprètes.
Un nouveau très GRAND moment d’opéra nous a été donné à Toulouse. Scène nationale assurément !

 

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. TOULOUSE, Théâtre du capitole, le 20 avril 2022. Léos Janacek (1854-1928) : Jenufa, opéra en trois actes d’après Grabriela Preissova. Créé le 21 janvier 1904 au théâtre de Brno. Production du Théâtre du Capitole de 2004. Mise en scène, Nicolas Joël ; Reprise de la mise en scène, Christian Carsten ; Décors : Ezio Frigerio ; Costumes, Franca Squarciapino ; Lumière, Vinicio Cheli ; Avec : Marie-Adeline Henry, Jenufa ; Catherine Hunold, La Sacristine ; Marius Brenciu, Laca ; Mario Rojas, Steva ; Cécile Gallois, Grand-Mère Buryjovka ; Jérôme Boutillier, le Contremaître, le Maire ; Mireille Delunsch, La Femme du Maire ; Victoire Bunel, Karolka ; Svetlana Lifar, Une Bergère ; Eléonore Pancrazi, Barena ; Sara Gouzy, Jano ; Orchestre National du Capitole, Chœurs du Capitole ( chef de chœur : Gabriel Bourgoin) ; Direction musicale : Florian Krumpöck. / photos : © M Magliocca / Capitole de Toulouse.

 

 

 

 

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 19 avril 2022. Fazil SAY, W.A. MOZART. CAMERATA SALZBURG, G. AHSS, F.SAY.

SAY_fazil_pianoCRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 19 avril 2022. Fazil SAY, W.A. MOZART. CAMERATA SALZBURG, G. AHSS, F.SAY – En ce soir pluvieux, dernière semaine avant une élection angoissante, ce concert a ouvert un ciel serein au public toulousain convié par la sagacité des Grands Interprètes. Fazil Say sait mettre en place une communication particulière avec son public et la magie ce soir a opéré. Ce n’est pas la technique du pianiste qui impressionne, ni la finesse de son interprétation ou le génie de ses compositions mais un engagement inhabituel, un dialogue avec le piano, l’orchestre et le public totalement fusionnel. Le programme est parfaitement équilibré avec deux Å“uvres de jeunesse de Mozart, toutes de fraîcheur et de pure beauté et deux Å“uvres de Fazil Say aux rythmes fascinants et à l’inclassabilité assumée. La Camerata Salzburg est un orchestre qui joue sous la direction de son premier violon, Gregory Ahss. L’entente avec Fazil Say semble naturelle et évidente. Le petit effectif permet une concentration idéale des instrumentistes. Beaucoup de regards complices et de sourires disent la communion des musiciens.

Mozart et Fazil Say : la belle énergie !

La Chamber Symphonie de Fazil Say permet de découvrir la perfection des cordes, tant en pizzicati, coups sur les instruments, que phrasés larges. La solidité impressionne ainsi que la division des familles de cordes allant presque jusqu’au jeu soliste. La partition est foisonnante, joue de toutes sortes de références et d’hommages avec une incroyable richesse rythmique. Puis le concerto n°12 de Mozart nous permet de découvrir Fazil Say au piano après avoir entendu le compositeur. Fazil Say semble déguster les qualités de l’orchestre durant l’introduction, jouée avec une belle ampleur. Le pianiste instaure de suite un dialogue fécond avec les musiciens de l’orchestre. Tout avance avec facilité rien ne résiste à des interprètes si engagés. Les rythmes sont précis, les nuances richement offertes. Ce Concerto est facile d’écoute ; il est riche d’élégantes beautés. La lumière est belle, aucune ombre ne vient assombrir le propos.
Après l’entracte, la pièce d’orchestre avec piano, Yürüyen Kösk de Fazil Say lie avec art, Orient et Occident. Le piano et l’orchestre trouvent des moments d’accords ou de complémentarité, originaux et surprenants. Cette courte pièce est d’une fraîcheur assez mozartienne. La situation est semblable, Mozart également jouait ses œuvres composées pour lui-même avec orchestre comme Fazil Say ce soir. Le concert s’est terminé avec une puissante interprétation de la 29ème Symphonie de Mozart. L’orchestre soigne les rythmes et les nuances, il magnifie les couleurs. Voici une belle interprétation qui ajoute à la soirée une bonne dose de bonheur en musique. Nous avons vécu le concert idéal en cette période inquiétante qui permet au public d’affronter le retour chez soi avec légereté. Mozart et Fazil Say même musique du bonheur !

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CRITIQUE, concert. TOULOUSE. Halle-aux-grains, le 19 avril 2022. Fazil Say (né en 1970) : Chamber Symphony pour orchestre à cordes, op.62 ; Yürüyen Kösk, Hommage à Atatürk pour piano et orchestre, op.72 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-791) : Concerton°12 pour piano et orchestre en la mineur, K.414 ; Symphonie n°29 en la majeur, K 201. Camerata Salzburg ; Gregory Ahss, violon et direction ; Fazil Say, Piano .

CRITIQUE, opéra. TOULOUSE, le 22 mars 2022. RAMEAU: Platée. Vidal, Perbost. Niquet / C. et G. Benizio

rameau platee opera toulouse shirley dino opera classiquenewsCRITIQUE, opéra. TOULOUSE, le 22 mars 2022. RAMEAU: Platée. Vidal, Perbost. Niquet / C. et G. Benizio – Étrange opéra que cette Platée. Chez un musicien très conventionnel dans ses autres choix, ce sujet auquel Rameau tenait beaucoup, continue de nous intriguer. Chaque metteur en scène devant affronter une Å“uvre inclassable et dérangeante doit faire des choix. L’entente avec le chef d’orchestre et le chorégraphe est également une nécessité tant le moindre faux pas peut faire chavirer ce navire ingouvernable. La cruauté et la méchanceté de l’histoire sont bien connues : les dieux puissants se moquent d’un être disgracieux dans une machination diabolique. Shirley et Dino, à la ville Corinne et Gilles Benizio, sont des êtres charmants et sympathiques (il n’y a qu’à voir leur numéro de marcheurs étrangers passant par le village), ils mettent en scène cet ouvrage avec bonté et drôlerie légère. En y gommant toute la noirceur, ils trouvent une vraie complicité avec Hervé Niquet à la baguette et Kader Belarbi en maître de la danse.

 

 

Élégante et légère, Platée séduit le public

 

 

platee mathias vidal toulouse classiquenews critique operaL’union fait la force et l’humour d’Hervé Niquet très actif dans la mise en scène (il ira jusqu’à déranger des éléments de décors) allié à la décontraction et la simplicité des danses imaginées par Kader Belarbi, conviennent parfaitement au couple metteur en scène. Ajoutons que le décor d’Herman Penuela et les costumes vont vers cette même simplicité et cette bonhommie générale. Il n’y a donc rien de dérangeant dans cette production même l’escamotage du prologue ou le changement de la profonde mare en une ville du sud de l’Italie toute en hauteur ; l’habileté de chacun nous convainc de ces choix. Le spectacle passe donc avec facilité, le public rit souvent et l’ennui ne s’installe pas.
Les chanteurs sont habiles comédiens et les voix sont impeccablement homogènes. Personne ne démérite ni personne ne domine. Il y a un vrai équilibre scénique et vocal. La prosodie est fluide, le jeu semble facile, tout est d’une parfaite lisibilité. La Platée de Mathias Vidal est vocalement élégante avec un équilibre parfait sans abuser de la voix de tête pour donner un caractère burlesque. Le jeu étant juste et sans excès, la Nymphe retrouve une part de divinité. La Folie de Marie Perbost a une présence éclatante et s’est avant tout son énergie qui domine. La direction d’Hervé Niquet est tout aussi élégante et fluide, sans effets, ni faiblesse. Son orchestre et son chœur du Concert Spirituel sont de vieux complices, c’est limpide. Le Ballet du Capitole s’intègre à merveille à la production, plein de vie et les danses de Kader Belarbi sont d’un comique toujours équilibré.
Il est bon en cette période compliquée, pleine de difficultés et d’angoisse, d’assister à ce spectacle facile, surtout qu’il avait été répété avant le premier confinement. Comme le dit le chef en introduction « nous sommes au taquet » c’est vrai, je confirme le travail d’équipe est remarquablement efficace, c’est réconfortant. Bravo ! Une belle tournée à cette production !

 

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. TOULOUSE. Théâtre du Capitole, le 22 mars 2022. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Platée ballet bouffon (Comédie lyrique) en trois actes. Livret d’Adrien-Joseph Le Vallois d’Orville d’après Jacques Autreau. Crée le 31 mars 1745 au Grand Manège de Versailles. Coproduction Théâtre du Capitole, Opéra Royal/Château de Versailles Spectacles, le Concert Spirituel. Corinne et Gilles Benizio (Shirley et Dino) : mise en scène, costumes, comédiens ; Kader Belarbi : Chorégraphie Herman Penuela : décors ; Patrick Méetis : Lumières ; avec : Mathias Vidal, Platée ; Marie Perbost, La Folie ; Pierre Derhet, Mercure ; Jean-Christophe Lanièce, Momus ; Jean-Vincent Blot, Jupiter ; Marie-Laure Garnier, Junon ; Marc Labonnette, Cithéron ; Lila Dufy, Clarine ; Chœur et Orchestre du Concert Spirituel ; Ballet du Capitole ; Hervé Niquet : direction. Photo : M. Magliocca (la Platée de Mathias Vidal).

 

 

CRITIQUE, concert. TOULOUSE. HALLE-AUX-GRAINS, le 21 janvier 2022. V.SILVESTROV. C. DEBUSSY. E. SATIE. F. CHOPIN. R. SCHUMANN. H. GRIMAUD, piano.

water-cd-helene-grimaud-cd-deutsche-grammophon-annonceCRITIQUE, concert. TOULOUSE. HALLE-AUX-GRAINS, le 21 janvier 2022. V.SILVESTROV. C. DEBUSSY. E. SATIE. F. CHOPIN. R. SCHUMANN. H. GRIMAUD, piano. – Dans la sérénité d’une jeunesse quasi éternelle, Hélène Grimaud entre en scène, radieuse, auréolée d’une douce lumière dorée. Telle une fée, elle nous entraîne dans un monde magique. Celui de la poésie la plus délicate faite d’eau, de brumes, de fraicheur, de nature immaculée. Il paraît trivial devant une telle magie de chercher à la décrire. Les compositeurs se suivent en un dialogue aussi original que génial. La découverte pour beaucoup sera le nom du compositeur né à Kiev, Valentin Silvestrov qu’Hélène Grimaud affectionne. Remarquable également la redécouverte des compositeurs mieux connus qui gagnent une autre dimension au contact de la musique si délicate de Silvestrov. Les nuances piano diaphanes, les tonalités surprenantes, la fraîcheur des doigts comme immatériels, tout cela crée une ambiance inouïe dans une salle de concert.

   

La présence féerique d’Hélène Grimaud à son piano

 

Comme si nous étions transportés en pleine nature au bord d’un lac, dans une forêt aux différents moments de la journée. Un voyage avec une fée qui trouve une délicatesse de toucher magique. Hélène Grimaud a également le don d’écriture (elle a écrit trois livres) ainsi décrit-t-elle ce programme avec la beauté et la précision de son écriture : « Une séquence de miniatures cristallines capturant le temps ». Certes, mais l’abolissant également avec un délicieux sentiment d’abandon du présent pour l’auditeur. Un moment de grâce bienvenu dans notre époque si angoissante.

Hélène Grimaud est également une personnalité très contrastée pleine d’énergie et de passions. Elle milite pour les droits humains et la reconnaissance des loups. La poésie qui l’habite sait laisser s’exprimer quand il le faut l’audace de son énergie créatrice et ses capacités d’organisation efficaces.

La surprise vient d’une deuxième partie de programme inattendue qui contraste en tous points avec le début du concert. Une seule œuvre emblématique d’un compositeur : Les Kreisleriana de Robert Schumann. Son jeu est extraverti et conquérant, animé par une énergie farouche. Des nuances opposées avec des forte puissants, une colère exprimée avec rage, de la tendresse comme par surprise. Le coté presque rugueux de son interprétation peut surprendre. Il donne beaucoup du relief à la partition protéiforme de Schumann qui devient prophétique de la fin dramatique du musicien. Le jeu impeccable de la pianiste donne dans des tempi rapides, une impression d’envol mais sans atteindre la plénitude entrevue. Schumann se livre tout entier dans cette œuvre comme Hélène Grimaud offre toute sa passion dans son interprétation. Un moment fulgurant après cette si tendre introduction.

Le public est charmé par la personnalité si riche de l’artiste qui souriante avec son regard pur et son sourire heureux offre trois bis avec générosité…. 3 études-tableau de Rachmaninov, tout à fait flamboyantes.

Une belle rencontre entre le public et une artiste très attachante que nous devons aux Grands Interprètes (les si bien nommés). Kissin (Halle aux grains le 18 janv 2022) et Grimaud la même semaine ! Bravo ! !

   

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CRITIQUE, Concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 21 janvier 2022. Valentin Silvestrov (1937-1995) : Bagatelles 1 et 2 ; Claude Debussy (1862-1918) : Première arabesque en mi majeur, La plus que lente, Claire de lune extrait de suite bergamasque, Rêverie ; Frédéric Chopin ( 1810-1849) : Nocturne n°19 en mi mineur Op.72n°1, Mazurka en la mineur Op.17 n°4, Grande valse brillante en la mineur Op.34 n°2 ; Erik Satie (1866-1925) : Gnossienne n° 1 et 4, Danse de travers n°1 et 2 ; Robert Schumann ( 1810-1856) : Kreisleriana, Op.16 ; Hélène Grimaud, piano. / photo : couverture du CD “WATER” par Hélène Grimaud, paru en 2015 (DR)

   

   

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 18 janv 2022. J.S. BACH. W.A. MOZART. L.V. BEETHOVEN. F. CHOPIN. Evgeny KISSIN, piano.

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Phénoménal Evgeny Kissin !

Et une ligne directrice qui nous entraîne dans cette immensité musicale sans possibilité de résister. L’Adagio de Mozart en si mineur prend un ton très dramatique, le phrasé est élégant, les doigts capables de la plus grande douceur. Et à nouveau, ces notes graves incroyablement présentes, nobles et belles. Cela nous rappelle combien le Mozart de Kissin, particulièrement dans les concertos, est célèbre et apprécié dans sa discographie.
Le monde si complexe de l’avant dernière sonate de Beethoven, l’opus 110, va devenir lumineux sous les doigts incroyables de Kissin. C’est du très beau et du très grand piano, majestueux, profondément phrasé absolument magnifique. Le final avec son incroyable fugue tient du génie interprétatif tant le discours est clair, tous les plans précis et la direction incroyablement fédératrice :  Kissin nous entraîne où il veut. La beauté de son piano envoûte et la vigueur de ses phrasés nous emporte sans efforts. Et toujours cette maîtrise incroyable de l’interprète, maîtrise supra humaine, que seules des syncinésies du visage révèlent à nos yeux.

Le public applaudit généreusement avant le court entracte qui pour beaucoup est une simple parenthèse d’attente émue. Car la deuxième partie est consacrée au compositeur chéri de l’interprète comme du public : Frédéric Chopin.  Largement enregistré et joué par Evgeny Kissin depuis le début de sa carrière, Chopin lui va comme une évidence. Car depuis son début de carrière, il est capable d’en offrir un parfait équilibre entre virtuosité transcendantale et mélancolie.
Le choix de 7 mazurkas variées et de plusieurs époques propose un palmarès de ce que Chopin a écrit de plus personnel. La manière d’aborder les rythmes, parfois superposés donne une grande modernité à cette musique intemporelle. La beauté sonore répond à la beauté des phrasés et aux audaces du rubato. Le tout avec un goût exquis car n’oublions pas que ces danses fort savantes, sont partagées par tous en Pologne au XIXème siècle tant dans les salons que dans les campagnes et les salles de bal. Chopin en a sublimé les tempi mouvants, binaires et ternaires. Evgeny Kissin est un interprète très inspiré qui met en valeur toutes leurs richesses. L’Andante spianato et la Grande Polonaise permettent une montée en puissance de l’interprète qui termine avec une virtuosité triomphante.

Le public explose de joie et lui fait un triomphe proche de la standing ovation. La séparation avec le public tout autour de lui s’est faite doucement avec quatre magnifiques bis qui ont prolongé la magie du concert. La tournée est dédiée à la grande pédagogue Anna Pavlovna Kantor (1923-2021) qui a été sa seule professeure et qui est restée proche de lui : « Tout ce que je peux faire au piano je le lui dois » avoue Evgeny Kissin. Bravo madame Kantor  !

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CRITIQUE, concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 18 janv 2022. Jean -Sébastien Bach (1685-1750), transcription de Carl Tausig (1841-1871): Toccata et Fugue BWV 565 ; Wolfgang-Amadeus Mozart (1756-1791) : Adagio pour piano en si mineur K.540 ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827 ) : Sonate pour piano n° 31 en la majeur Op.110 ; Fréderic Chopin (1810-1849) : 7 Mazurkas : Op.7 n°1, Op.24 N° 1 et 2, Op.30 N° 1 et 2, Op.33 N°3 et 4 ;  Andante spianato en mi bémol majeur et Grande Polonaise brillante en mi bémol majeur Op.22. Evgeny Kissin, piano.

CRITIQUE opéra. TOULOUSE. Théâtre du Capitole, le 19 Novembre 2021. A. BERG. WOZZECK. S. DEGOUT. S. KOCH. L. HUSSAIN / M.FAU.

CRITIQUE opéra. TOULOUSE. Théâtre du Capitole, le 19 Novembre 2021. A. BERG. WOZZECK. S. DEGOUT. S. KOCH. L. HUSSAIN / M.FAU – Cette nouvelle production capitoline met en valeur toutes les qualités maison. La qualité du travail en amont permet un approfondissement de la production qui accède à une cohérence et à une perfection qui laissent le public sans voix entre les actes, pour exploser au final. Les maîtres d’œuvre, Michel Fau et Leo Hussain, main dans la main guident les artistes de la production vers la lumière d’une interprétation particulièrement aboutie. Le parti pris de Michel Fau est génial. Il ose saisir le chef d’œuvre de modernité de Berg pour l’ouvrir vers l’onirique. Toute l’histoire tragique du soldat Wozzeck est vécue par l’enfant qu’il a eu avec Marie. En insistant ainsi sur ses douleurs, le tragique un peu abstrait de cet opéra de la noirceur de l’âme humaine, devient plus proche de nous et la plus grande compassion nous saisit souvent. Le décor magnifique en sa fausse naïveté est d’une intelligence remarquable. La misère de la chambre de l’enfant est terrible, ses peurs d’enfants premières ne sont que bien menues à coté de toutes les atrocités auxquelles il va devoir assister de force.

 

 

 

Wozzeck au Capitole
SPLENDEURE VOCALE, MUSICALE ET SCÉNIQUE !

 

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 Le médecin et Wozzeck en figures diaboliques, hallucinées (DR)

 

 

 

 

En mettant ainsi le focus sur les effets sur un enfant innocent des persécutions dont son père est victime et des douleurs de sa mère, tout nous est plus proche et plus insupportable encore. Comme dans les rêves se sont les images qui prennent tant de place ; l’utilisation de costumes beaux et colorés permet des tableaux de grande émotion. Les personnages sont comme des images d’Épinal avec des attitudes proches de marionnettes. Le jeu des acteurs est remarquable, très précis, maîtrisé. Le jeu de l’enfant, est particulièrement touchant et entendre enfin sa délicate voix à la toute fin de l’opéra nous rappelle qu’il a été muet tout du long et pourtant si expressif. Dimitri Doré est un jeune acteur remarquable.

Le Wozzeck de Stéphane Degout est une prise de rôle très aboutie. La cohérence vocale et physique est totale. La beauté de la voix fait irradier l’humanité et la gestuelle si artificielle illustre la douleur interne de sa folie. Le jeu de l’acteur est si accompli qu’il arrive à illustrer le fond de la pathologie schizophrénique dont souffre notre héros. Il vit deux émotions contradictoires en même temps ; son sourire désespéré et heureux avant de tuer celle qu’il aime tant, est absolument renversant. Le résultat est tout à fait bouleversant. Quel artiste complet ! Marie, sa bien-aimée qui lui est ravie avec tant de perfidie, est sur le même registre de perfection vocale. Sophie Koch également fait une prise de rôle tout à fait remarquable. Poupée, femme enfant, mère tendre, âme trop confiante, Marie est vue par les yeux de son enfant : maman est la plus belle. La tragédie de son destin n’en ressort qu’avec davantage de force. Son jeu met en évidence la force de vie qui anime le personnage. Tout en lui demandant ce jeu de marionnette qui la laisse désarticulée lorsqu’elle est abandonnée sur le lit (de son fils) par la Tambour major après son trivial exploit sexuel et par Wozzeck qui lui donne la mort dans un sourire. La voix de Sophie Koch est d’une splendeur totale.

 

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Les persécuteurs pervers qui démolissent ce couple sont traités avec la même fausse naïveté d’image d’Épinal. Le tambour-Major est beau comme un soldat de plomb, ivre de sa puissance virile. Nikolai Schukofff donne à ce rôle bien court une puissance folle avec sa voix de stentor et son jeu brutal. Le Capitaine de Wolfgang Ablinger-Sperrhake est beau comme un sou neuf, vain comme une image de papier glacé et personnifie la suffisance narcissique dévastatrice. Sa voix est admirablement conduite dans cette tessiture impossible. Il est un personnage délicatement odieux. Mais la violence et la perversion du médecin sont bien plus angoissantes encore avec un jeu qui révèle sa folie irrécupérable. La composition de Falk Struckmann est un tout, absolument parfait et ce personnage est carrément terrifiant. Thomas Bettinger en Andres a une belle voix qui convient bien à sa véritable sympathie pour Wozzeck. Anaïk Morel en Margret est un véritable luxe. Belle poupée avec une voix qui mérite un bien plus grand rôle pour pouvoir l’apprécier vraiment.
Les costumes de David Belugou sont de toute beauté et prennent bien la lumière, illuminant toute la scène. Les lumières et tout particulièrement les ombres dans leur dimension cauchemardesque si importante, sont magistrales de précision et d’efficacité. Joël Fabing réalise un éminent travail à la précision parfaite. Les chœurs et la Maîtrise sont impeccables dans leurs courtes mais décisives interventions dans des costumes somptueux. Le reste de la distribution tient bien ses parties on ne peut que féliciter l’engagement généreux de Mathieu Toulouse et Guillaume Andrieux en ouvriers et Kristofer Lundin en idiot.

L’autre personnage principal de cet opéra est l’orchestre, un Orchestre du Capitole en forme somptueuse. On sait que Berg demande beaucoup de concentration, la grande complexité de la partition est bien connue. Avec les musiciens toulousains, la beauté sonore de chaque instant illumine la partition. La direction de Leo Hussain semble à la fois obtenir la plus grande précision, toute en agrégeant les éléments si composites de la partition dans une avancée terrible. Le drame avance inexorable, et chaque élément est d’une précision parfaite. Il est bien rare d’entendre Berg si clairement sur tous les plans. Voilà un chef majeur dans un répertoire difficile.

 

 

 

Au total cette production est d’une cohérence parfaite et permet d’ouvrir ce chef d’œuvre noir sous une lumière tragique avec une audace enrichissante et une vocalité plus développée que l’habitude qui privilégie le sprechgesang. Le parti pris de Michel Fau est magistral, il a su fédérer tout son plateau (de premier plan) et la fosse (musiciens suprêmes). Si une partie du public a pu sembler inquiète par la difficulté de l’ouvrage, cette production démontre que Wozzeck est un vrai opéra.

 
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CRITIQUE, opéra. TOULOUSE, Théâtre du Capitole, le 19 novembre 2021. Alban BERG (1885-1935) : Wozzeck. Opéra en trois actes sur un livret du compositeur d’après la pièce de Georg Büchner. Mise en scène : Michel Fau ; Décors : Emmanuel Charles ; Costumes : David Belugou ; Lumière : Joël Fabing ; Distribution : Wozzeck, Stéphane Degout ; Marie, Sophie Koch ; Le Tambour-Major, Nikolai Schukoff ; Andres, Thomas Bettinger ; Le Capitaine, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke ; Le Médecin, Falk Struckmann ; Premier Ouvrier, Mathieu Toulouse ; Deuxième Ouvrier, Guillaume Andrieux ; Un idiot, Kristofer Lundin ; Margret, Anaïk Morel ; L’Enfant de Marie, Dimitri Doré ; Orchestre national du Capitole ; Chœur et Maitrise du Capitole (chef de chœur, Gabriel Bourgoin) ; Direction musicale : Leo Hussain.

Crédit photo : Mirco Magliocca

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 15 oct 2021. Lio KUOKMAN… Q. CHEN, MENDELSSOHN, MOUSSORGSKI, RAVEL.

200x200_photo-kuok-man-lio-okCRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 15 oct 2021. Q. CHEN, MENDELSSOHN, MOUSSORGSKI, RAVEL. M. BAREMBOIM / Lio KUOKMAN. Je ne crois pas au hasard et pourtant. Il y a un an le concert du chef Lio Kuokman (lauréat du Concours Svetlanov 2014 / NDLR), avait été le dernier avant la deuxième fermeture des salles de spectacles pour raisons d’épidémie. Pour moi le concert de ce soir est le retour à la vie musicale après des soucis de santé dont le Coronavirus. Et quel concert ! Le chef Lio Kuok-man dégage dès son entrée une énergie heureuse et communicative qui galvanise l’orchestre et subjugue le public. La courte partition de Qigang Chen créée en 1998 semble avoir été très appréciée et a recueilli un grand succès. Il faut dire que l’écriture est brillante et magnifique d’originalité de timbre, de rythme et de nuances subtiles.

 

 

KUOKMAN / M BARENBOIM : une association de musiciens
au sommet comme dans un rêve

 

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Les très courts mouvements se complètent et se répondent avec beaucoup de finesse, d’intelligence. Les solistes de l’Orchestre du Capitole sont superbement mis en valeur de même que les subtilités d’une orchestration aux limites de la tonalité avec beaucoup d’hédonisme. La mise en place complexe est réalisée avec une simplicité déconcertante par le chef dont les gestes sont limpides et souples. La difficulté de la partition avec Lio Kuokman est comme un jeu et le public est subjugué. C’est bien davantage sur une pièce contemporaine qu’il est possible de dire combien Lio Kuokman est un fin musicien qui communique magnifiquement tant avec l’orchestre que le public.

Après ce beau succès, l’entrée du violoniste Michael Barenboim est également énergique et joyeuse. Le subtil 2ème Concerto de Mendelssohn débute comme un rêve avec un legato du violon, un son plein et délicatement nuancé qui est un véritable ravissement. L’équilibre avec l’orchestre est parfait. Lio Kuokman est le tact même permettant au violoniste de nuancer avec la plus grande délicatesse sans jamais risquer d’être couvert par l’orchestre (pourtant très présent). Cette alchimie musicale si passionnante fonctionne à merveille. Le deuxième mouvement plane haut et le final est une véritable joie partagée. Dans le bis offert par le violoniste son humour se révèle. Ce jeune musicien, fils de Daniel Barenboim et d’Elena Bashkirova, est né sous des étoiles musicales éblouissantes. Tout est musique en lui, tout lui est facile, évident et la plus grande virtuosité n’est que pure émotion musicale, sans jamais la moindre ostentation. Quelle relève dans ces enfants de grands musiciens. Michael Barenboim n’a pas de difficulté à se faire un prénom et je rappelle cet été les immenses qualités d’Alexandre Kantorow et de Paolo Rigutto à la Roque d’ Anthéron, dignes fils musiciens de parents également doués d’une génération à l’autre.
Après une courte pause le jeune chef revient et dirige par cœur les somptueux Tableaux d’une exposition de Moussorgski dans la sensationnelle orchestration de Ravel. Dès l’introduction de la promenade par la trompette solo, le ton est donné : liberté et beauté sonore. Le chef lâche la bride et le trompettiste joue magnifiquement dans un phrasé de rêve. Puis le chef prend toute la main pour obtenir de l’orchestre en très grande forme une interprétation remarquable. Le mélange de souplesse, de précision et de gourmandise dans la direction de Lio Kuokman est passionnant à observer pour le public tant il semble annoncer ce que l’oreille va entendre. L’écoute et le regard se rencontrent comme rarement en assistant à un concert dirigé par ce jeune chef séduisant.
Que dire de cette fin de soirée si ce n’est que la jubilation était partout. La construction de chaque « tableau », de chaque « promenade » s’inscrit dans la totalité de l’œuvre avec ce magnifique crescendo final dans la « Grande porte de Kiev ». Mais avant, le « Veccio Castello » permet une fusion parfaite du rare saxophone dans les sonorités confortables du basson puis les bois : la poésie irradie. « Le ballet des poussins » est une horlogerie suisse parfaitement réglée. La magnificence des gros cuivres dans « Catacombes » est terrible et impressionnante. La puissance et la précision des contrebasses dans « La cabane sur des pattes de poules » provoquent un effet délicieusement effrayant. Vraiment une très belle interprétation signant une vraie fusion musicale entre les musiciens de l’orchestre et le chef. Si Lio Kuokman n’était pas déjà si engagé dans de nombreux projets, il serait possible de penser à lui pour l’avenir de l’Orchestre du Capitole. Du moins nous l’espérons comme chef régulièrement invité !

 

 

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CRITIQUE, concert. TOULOUSE. Halle-aux-Grains, le 15 octobre 2021. Qigang Chen (né en 1951) : Wu Xing ; Félix Mendelssohn (1809-1847) : Concerto pour violon n°2 en mi mineur op.64 ; Modeste Moussorgski (1839-1881) / Maurice Ravel (1875-1937) : Les Tableaux d’une exposition ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Michael Barenboim, violon ; Lio Kuok-man, direction.

 

 

 

Approfondir :

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LIO KUOKMN est aussi chef principal du Hong-Kong Philharmonic, depuis déc 2020.
Photo : © TAT KENG TEY/ JAN REGAN

VOIR Lio Kuokman : https://www.youtube.com/watch?v=iLiDhqblAqs

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON, le 16 août 2021. MENDELSSOHN, VIARDOT, C. SCHUMANN, FARRENC. David KADOUCH, piano.

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON, le 16 août 2021. MENDELSSOHN, VIARDOT, C. SCHUMANN, FARRENC. David KADOUCH, piano. David Kadouch est un pianiste français que j’avais découvert en 2011 au festival Piano aux Jacobins. Il était à l’époque encore obligé de prouver sa virtuosité et jouait très bien mais très fort. Le temps a fait son œuvre et le virtuose a pu révéler sa musicalité et ses sensibilités multiples. En effet plusieurs programmes de ses récitals sont construits en lien avec des œuvres littéraires ou des thèmes complexes. Ainsi nature, révolution et aujourd’hui Madame Bovary. Le musicien se fait diseur entre des périodes musicales présentant son amour pour l’héroïne de Flaubert, articulant les œuvres avec la problématique du roman mais également la place sacrifiée de la femme dans la société bourgeoise. Espérons qu’il enregistrera ce magnifique programme qui met en valeur l’extraordinaire richesse des compositions de femmes musiciennes.

Tout en délicatesse,
David Kadouch aurait séduit Emma Bovary elle-même.

 

 

kadouch-david-piano-portrait-cd-concert-annonce-classiquenewsAinsi en filigrane, prenons nous parti pour Fanny la sœur de Felix Mendelssohn, de Clara épouse de Robert Schumann, de Louise Farrenc qui a pu ouvrir sa classe de composition à Paris mais dont les œuvres sont restées confidentielles. Les compostions des hommes ici sont tolérés pour argumenter le propos. La qualité des compositions de Fanny Mendelssohn est grande, les mois tirés de son recueil « Das Jahr » sont très différents avec une écriture très variée, extrêmement sensible, ne cédant rien à la virtuosité et avec des audaces parfois plus grandes que son frère. A découvrir la qualité des quatre mois joués par David Kadouch je ne doute pas un instant que le cycle complet doit être fascinant. De même la qualité de la Sérénade de Pauline Viardot n’a rien à envier à un quelconque musicien masculin contemporain. Clara Schumann est un peu moins inconnue et ses magnifiques variations sur un thème de Robert, une nouvelle fois apparaissent comme mémorables, égales à celles de Robert sur son thème. Les partitions masculines concernent les trois op. 9 de Chopin dédiés à mademoiselle Pleyel sans omettre la paraphrase de Liszt sur Lucia di Lammermoor, opéra qui a une part si importante dans le roman de Flaubert. Le bal de Leo Delibes extrait de Coppelia en ses ambiances variées semble être celui auquel Emma Bovary s’est rendue. (Photo D Kadouch, DR).
La manière dont David Kadouch touche son piano est admirablement respectueuse, délicate, belle. Il donne toutes leurs chances aux œuvres qu’il défend, car il s’agit bien de cela encore aujourd’hui : faire reconnaître la valeur de ces œuvres écrites par des femmes, Il en révèle la grande qualité d’écriture mais également la virtuosité et l’originalité. La poésie qui se dégage de ce concert est très particulière par ce mélange de musique, de littérature, d’histoire et d’un peu de politique ; sa manière de s’adresser constamment au public est très agréable.  Le succès du jeune pianiste est complet et l’originalité de son concept conquiert le public. Les applaudissements nourris obtiennent deux beaux bis : Mélodie op.4 n°2 de Fanny Mendelssohn et la Valse op.64 en do dièse mineur de Chopin. Très beau concert.

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LIRE aussi notre critique du cd de David Kadouch : “révolution”, CLIC de CLASSIQUENEWS (août 2019)  par Hugo Papbst : https://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-revolution-david-kadouch-piano-1-cd-mirare-2018/

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du Parc, le 13 août 2021. SCHUBERT. Michel DALBERTO, piano.

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du Parc, le 13 août 2021. SCHUBERT. Michel DALBERTO, piano. Michel Dalberto possède un bien vaste répertoire et ce récital tout Schubert nous rappelle son implication dans l’œuvre du compositeur viennois. Son intégrale Schubert (2009) mériterait une réédition. Cette immersion dans le Schubert de Michel Dalberto est très intéressante car le pianiste a évolué depuis 2009 tout en gardant un fil particulier. L’écoute gagne en clarté sur bien des plans. La surprise est même possible avec des moments qui sonnent comme jamais nous les avions entendus. C’est une des constantes de son interprétation et que le temps semble avoir développé : la capacité à établir des relations de contrastes très fortes dans les œuvres de Schubert ; une précision rythmique implacable qui change l’écoute. Beaucoup de ruptures sont ainsi mises en valeur et les thèmes souvent répétés et repris chez Schubert deviennent un peu agressifs par ce martèlement de rythmes très détachés.

 

 

 

Magnifique Schubert de Dalberto

 

 

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Ainsi le moment le plus surprenant est le trio dans le troisième mouvement de la sonate D.960 (« Allegro vivace con delicattezza »). Michel Dalberto est capable de la plus subtile délicatesse nous le savions et le début du mouvement est de pure grâce. Subitement il accentue tellement les contrastes que le trio prend une allure inquiétante avec une main gauche qui « balance » des notes graves comme des cailloux qui troublent l’eau pure. C’est intrigant d’abord, puis percutant, au final extrêmement convainquant.

Le découpage des moments est ainsi également plus lisible quand d’autres interprètes les gomment pour faire avancer dans une recherche d’unité leur interprétation. L’implication totale du pianiste le rend très proche du public. La chaleur de la soirée, sans air frais, semble l’éprouver comme une partie du public mais c’est au prix de cette tenue et de tels efforts que l’avancée du concert permet la confrontation salutaire à Schubert.

Voilà une grande soirée consacrée au génie de Schubert par un artiste qui le connaît bien et sait renouveler l’écoute du public. Deux très beaux bis ont été offerts par Michel Dalberto au public très heureux. Schumann (féérique Oiseau-prophète des Scènes de la forêt op. 82 joué avec une délicatesse extrême) et ensuite le chant éperdu dans un legato de rêve de la transcription par Liszt du Lied de Schubert « Der Muller an der Bach ». Les talents de Michel Dalberto sont nombreux !

 

 

CRITIQUE, concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du parc Florans, le 13 août 2021. Frantz Schubert (1797-1828) : Moments musicaux D.780 n°1 ; 3 ; 5 ;6 ; Mélodie Hongroise en si mineur D.017 ; Impromptu en si bémol majeur op342 n°3 ; Sonate n°23 en si bémol majeur D.960. Michel Dalberto, piano – Photo : © Valentine Chauvin 2021 / La Roque d’Anthéron 2021

 

 

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du Parc, le 14 août 2021. PURCELL, HAENDEL, JS. BACH. VARVARA.

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du Parc, le 14 août 2021. PURCELL, HAENDEL, JS. BACH. VARVARA. La jeune femme est belle, blonde, élancée et son jeu est à l’unisson. La concentration avant chaque pièce témoigne du grand sérieux avec lequel la pianiste russe tient les anciens en estime. Puis la grâce et la liberté qu’elle met dans son jeu nous emportent vers la joie d’un piano qui peut tout jouer. Certes Purcell, Haendel et Bach ont écrit pour le clavecin et l’orgue, Varvara le sait très bien et ne cherche pas à imiter ces instruments. Elle assume franchement le jeu au piano et se sert des possibilités du « piano moderne » afin de libérer la joie contenue dans ces suites de danse. Le Ground de Purcell est extraordinaire alors que la suite était extrêmement souple, limpide et vivante sous des doigts particulièrement agiles. Haendel est si vivant, si élégant et si joueur sous les doigts de la pianiste russe que nous pourrions en écouter longtemps sans aucune lassitude. C’est facile, clair joyeux. Un vrai bonheur (cf son irrésistible CD consacré aux suites de Haendel).

Piano à La Roque 2021
VARVARA : LE CHARME DANS TOUS SES ÉTATS

 

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L’humour du caprice de Bach est magnifié par le jeu enjoué de Varvara. Le prélude et fugue en si bémol mineur extrait du Clavier bien tempéré montre combien le jeu est parfaitement organisé, clairement structuré, impeccablement réalisé. Du grand art ! Pour prendre une métaphore dans l’art pictural, je dirais qu’après la peinture à l’huile des grands soirs romantiques et virtuoses ce travail évocateur d’estampes, gravures à la pointe fine, donne à la musique une pureté bien séduisante.

Ce qui marquera c’est un charme sans égal. De même que ce choix de se faire nommer pour la scène par son joli prénom. Sa manière souriante au moment des saluts est un régal. Les deux bis restent avec Bach le grand : un extrait planant de la cantate de la chasse et le thème des variations Goldberg joués tous deux … en un rêve éveillé. Voilà une artiste très attachante et fine musicienne. L’apparente simplicité des grands anciens trouve dans cette interprète par ailleurs grande virtuose, une alliée de choix.

CRITIQUE, concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du parc Florans, le 14 août 2021. Henry Purcell (1659-1695) : Suite en ut majeur ; Ground en ut mineur ; George Frédéric Haendel (1685-1759) Chaconne en sol mineur HWV 435 ; Suite en sol majeur HWV 437 ; Suite en sol mineur HWV 432 ; Jean- Sébastien Bach (1685-1750) : Caprice sur le départ de son frère bien aimé BWV 992 ; Prélude et fugue en si bémol mineur BWV 867 ; Varvara, piano – Photo : © Valentine Chauvin 2021 / La Roque d’Anthéron 2021

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du parc, le 11 août 2021. LISZT, GINASTERA, RAVEL. Benjamin GROSVENOR, piano

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du parc, le 11 août 2021. LISZT, GINASTERA, RAVEL. Benjamin GROSVENOR, piano. Découvert ici même en 2019 Benjamin Grosvenor nous avait conquis. Cf Chronique. Sa discographie a toutes les faveurs de la rédaction de Classique news. Ce récital reprend pour moitié le dernier CD qu’il a enregistré pour Decca, sobrement intitulé : Liszt (CLIC de classiquenews 2021).

Dès les premières notes des Sonnets de Pétrarque, le ton est donné, celui d’une lecture châtiée, élégante, d’une précision incroyable. La virtuosité intrinsèque chez Liszt trouve en Benjamin Grosvenor un interprète idéal qui rend musical tout trait, même le plus virtuose. D’autres mettent davantage le chant en avant, car ces sonnets sont premièrement des lieder. Ici le parti pris peut sembler plus intellectuel que sensuel et permet une mise en valeur de la grande complexité des partitions.

 

Un piano entre rêve et réalité, absolument magique…
Benjamin Grosvenor … une perfection digitale

 

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Puis la Sonate en si mineur si expérimentale prend sous les doigts de Benjamin Grosvenor une dimension quasi cosmique. Les tempi sont élastiques, les nuances hyper creusées, les couleurs infiniment chatoyantes ; cela permet de mettre en lumière des aspects incroyablement variés de cette partition tout à fait inclassable. C’est bien cette dimension de totale liberté, reposant sur une technique superlative faisant penser que « tout, absolument tout est possible » à cet artiste qui fait de cette interprétation une référence qui fera date. La maturité acquise par le jeune homme de 29 ans laisse pantois.

Une courte pause, mais sans entracte (interdiction préfectorale) et voilà notre artiste qui nous entraîne avec cette précision diabolique dans l’univers peu contrôlé de Ginastera et ses « danzas argentinas ». Des doigts qui semblent se démultiplier, des bras qui semblent s’allonger, un piano qui semble développer des sonorités nouvelles. Un incroyable mélange de brillant et de virtuosité nous est offert dans ces partitions complexes sans aller jusqu’à la folie latine.

Ravel et son si difficile « Gaspard de la nuit » constitue l’apothéose de ce concert virtuose.
Gaspard de la nuit, spécialité de Martha Arguerich, semble trouver en Benjamin Grosvenor un digne héritier de cette virtuosité sidérante faite expression musicale totale. Chez Benjamin Grosvenor, Ondine est un piano fait en élément liquide avec le brillant des rayons de lune dans l’eau. C’est incroyablement précis et flou en même temps afin de créer une dimension onirique. Un piano entre rêve et réalité, absolument magique. Le Gibet avec des sonorités d’un froid glacial change totalement le son du piano. Benjamin Grosvenor ose des effets de grande inquiétude. C’est Scarbo qui offre la plus grande virtuosité et exige le plus de mise en scène musicale. Grosvenor comme dans ses Liszt garde la tête froide et les doigts souverains. Rien ne lui échappe et la clarté du jeu permet de tout entendre dans cette partition pourtant tout à fait diabolique. Comment est-il possible d’obtenir cette précision à cette vitesse ? Voilà un secret bien gardé par le jeune homme si doué et aussi appliqué dans sa recherche de perfection. Avec peu de sorties de disques, des concerts reprenant un répertoire bien travaillé Benjamin Grosvenor est un sage parmi les jeunes pianistes plus frénétiques.

Le public très enthousiaste obtient deux bis. Liszt avec un diabolique Sherzo, Gnomenreigen, grand cousin de Scarbo. Ginastera avec une Danza de la moza donoza op.2 n°2, toute de délicatesse. Voilà un grand musicien virtuose de l’avenir car sa toute jeune maturité ne peut que se développer.

 

 

 

CRITIQUE,concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du Parc. Frantz Liszt (1811-1886) : Sonate en si mineur ; Années de pèlerinage, 2 ième année (Italie) Sonnets de Pétrarque 104 et 123 ; Alberto Ginastera ( 1916-1983) : Danzas argentinas op.2 ; Maurice Ravel (1875-1937) : Gaspard de la nuit ; Benjamin Grosvenor, piano. Photo © Valentine Chauvin / La Roque d’Anthéron 2021

 

 

 

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium, le 10 août 2021 à 21h. JS BACH, SCHUBERT, ALBENIZ. N. GOERNER, piano

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium, le 10 août 2021 à 21h. JS BACH, SCHUBERT, ALBENIZ. N. GOERNER, piano. Nelson Goerner est un artiste tout à fait particulier, qui par des choix personnels défendus bec et ongles, arrive à renouveler totalement notre écoute certains soirs au point de perdre notre connaissance intime d’une œuvre. Il aura fallu arriver au terme du concert pour comprendre le parti pris incroyablement original de notre pianiste (en état de transe). Rien n’aura été interprété comme « de coutume ». Et le dernier bis (sur lequel je reviendrai) a couronné le tout avec un bonheur inouï.
Sur le papier le programme paraissait presque trop classique : Bach, Schubert puis Albéniz. Chronologie, variété de style, œuvres connues.

NELSON GOERNER, interprète de génie
chante une ode à l’improvisation toutes époques confondues

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Dès les premières notes de la Fantaisie de Bach, la surprise est de taille. Rien de grand, de puissant d’impressionnant. Tout en délicatesse, dans des nuances infinitésimales, Nelson Goerner se lance dans une véritable improvisation du « Stylus Phantasticus » si prisé au XVIIè siècle en Allemagne. La liberté totale que s’autorise le pianiste argentin n’est en rien iconoclaste mais respecte l’esprit de ce Stylus Phantasticus si cher à Bach. Rappelez-vous, il a fait le voyage à pied jusqu’à Lubeck pour écouter Dietrich Buxtehude et savoir de quoi il retournait exactement avant de s’approprier le procédé. Cette fantaisie représente cette liberté en couleurs, nuances, tempi, que Nelson utilise avec son piano sans complexe par rapport à l’orgue. C’est complètement déstabilisant, ces nuances pianissimi, ces rythmes exagérés, ces tempi variés. Mais comme cela sonne bien et permet de s’évader ! La beauté surnaturelle de certains moments était totalement insoupçonnable. Voilà un interprète qui vous révèle une œuvre !

La même méthode est appliquée à Schubert dans les quatre Impromptus de l’opus 142. Schubert semble comme jamais un héritier légitime de Bach. Et ces Impromptus deviennent des moments de liberté absolue. N’est-ce pas exactement ce que le titre promet ? Quelque chose d’inclassable de nouveau, de libre, comme l’était le Stylus Phantasticus des anciens. Rien ne ressemble au Schubert que j’aime et que je croyais connaître. Tout est surprise, réécoute, redécouverte. L’admiration se mêle à la reconnaissance et au bonheur d’entendre des choses nouvelles dans des musiques si écoutées. Il n’est pas possible de décrire par le détail cette somme d’intelligence, d’audace, d’originalité, de virtuosité que Nelson Goerner réalise. C’est prodigieux. Ce qui peut être la spécificité la plus certainement sienne est cette absolue capacité à maîtriser les nuances au-delà du raisonnable. Le son juste avant le silence lui est possible ! Ces quatre Impromptus nous laissent anéantis sans aucune possibilité de critiquer l’interprétation. C’est juste renversant !

Que va-t-il faire avec Isaac Albéniz cantonné dans son Espagne natale ? Il lui donne de l’air, de la grandeur, du désordre, de la folie. Les mêmes qualités du Stylus Phantasticus … Et bousculant une partition « trop sage » il en fait une sorte d’improvisation folle, avec des nuances extrêmes, des rythmes instables, des accords comme enrichis. Les moyens techniques sont phénoménaux ; rien ne lui semble impossible. Il est inimaginable le nombre de touches sur le piano qu’il couvre de droite à gauche et inversement dans des gestes sans tenue. Il ose tout, réussit tout et termine en nage (et en transe). Le tout dans une démarche artistique on ne peut plus sérieuse et organisée. La musique est improvisation et doit le rester, loin d’interprétations « bien séantes » habituelles. Les bis vont aller dans ce sens et encore plus loin. « Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir » de Debussy deviennent de l’ivresse pure mise en musique… « Si oiseau j’étais à toi je volerais ! », l’étude d’Adolphe von Henselt devient une délicate déclaration d’amour dans des nuances incroyablement subtiles. Et pour finir l’estocade qui nous met KO, le nocturne n°20 op. posthume en do dièse mineur de Chopin : au bord du silence, éperdu de tendresse, beau à vouloir mourir car rien ne sera plus pareil. Comment ose-t-il nous voler ainsi toutes les interprétations aimées de ce Nocturne ? C’était si beau et c’est déjà fini… Seule la beauté de la nuit étoilée pourra consoler le public. Tant d’intelligence, tant de beauté. C’était merveilleux. Comme il est précieux notre Nelson Goerner. Il reviendra, nous le retrouverons, si, si …

CRITIQUE, concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du parc, le 10 Août 2021 à 21h. Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Fantaisie chromatique et fugue en ré mineur BWV 903 ; Frantz Schubert (1797-1828) : Quatre Impromptus op.142 ; Isaac Albéniz (1860-1909) : Ibéria, IVème cahier. Nelson Goerner, piano. Photo : © Valentine Chauvin 2021 / La Roque d’Anthéron 2021

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Espace Florans, le 10 août 2021 à 17h. F.MENDELSSOHN . J. BRAHMS. TRIO ARNOLD. et S. MAZARI

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Espace Florans, le 10 août 2021 à 17h. F.MENDELSSOHN . J. BRAHMS. TRIO ARNOLD. et S. MAZARI, piano. L’Espace Florans découvert l’an dernier en raison du confinement, est un coin de parc face à une allée de platanes pluri centenaires. Cette vue derrière l’estrade participe à un bonheur indicible, à l’ombre quand il fait chaud. La beauté des arbres rencontre celle de la musique pour des instants précieux. Une très habile sonorisation amplifie légèrement le son pour les derniers rangs. Ce concert de musique de chambre nous fait redécouvrir Mendelssohn (le trop mal connu) et retrouver Brahms.

 
 

La musique de chambre : une quête sans fin

 
 

TRIO ARNOLD. S. MAZARI concert roque antheron 2021 aout 21 critique concert classiquenews

 

 

Le Quatuor avec piano est toujours une composition un peu particulière car les équilibres ne sont pas évidents. C’est cette question des équilibres qui va nous intéresser cette après-midi. Les 3 jeunes hommes du trio Arnold sont de brillants solistes qui cherchent un son commun d’une totale plénitude. Ce son large, très compact fait merveille et souvent cette puissance de beauté un peu extravertie colore d’une nouvelle manière certains moments. Dans le Quatuor de Mendelssohn l’équilibre avec le piano délicatement mozartien de Selim Mazari fait merveille. L’œuvre s’y révèle très belle, avec des moments de grande élégance et de légèreté. Les musiciens en sont conscients car c’est l’adorable Andante de ce quatuor qu’ils bisseront. Les accords entre les musiciens sont de toute beauté, violon et alto, alto et violoncelle, violoncelle et piano permettent de grands moments et un équilibre parfait s’y trouve souvent. La beauté de ce quatuor et l’habileté des interprètes seront une belle découverte pour une partie du public.

Pour le quatuor de Brahms la recherche de cet équilibre est plus difficile et au final ne sera pas vraiment trouvée. Trop hédonistes, les cordes en grande recherche de sons puissants à la beauté ravageuse n’écoutent pas suffisamment le piano plus délicat de Selim Mazari. La sonorisation ne compense pas ce léger déséquilibre, au contraire elle semble l’accentuer. La recherche en musique de chambre est longue et relève de la quête du Graal. Ces sympathiques artistes ont cherché devant nous, ils trouveront c’est certain. Car il est nécessaire de trouver le répertoire qui convient à chacun et à tous. Sans hésitation Mendelssohn oui, vraiment oui ! Le bis de l‘ andante, encore plus beau que la première fois, le démontre. Brahms probablement pas encore.

 
 

CRITIQUE, concert. La Roque d’Anthéron. Espace Florans, le 10 Août 2021 à 17h. Felix Mendelssohn (1809-1847) : Quatuor pour piano, violon, alto, violoncelle en si mineur op.3 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Quatuor pour piano et cordes en ut mineur op.60 ; Trio Arnold : Shuichi Okada, violon ; Manuel Vioque-Judde, alto ; Bumjun Kim, violoncelle ; Selim Mazari, piano. Photo : Sélim Mazari et le Trio Arnold 10 © Valentine Chauvin 2021

 
 

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTERON. Auditorium du parc, le 10 août 2021. W.A. MOZART. R. SCHUMANN. F. CHOPIN. M.RAVEL. B. RIGUTTO. P. RIGUTTO

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTERON. Auditorium du parc, le 10 août 2021. W.A. MOZART. R. SCHUMANN. F. CHOPIN. M.RAVEL. B. RIGUTTO. P. RIGUTTO. Bruno Rigutto est le grand artiste que le festival connaît bien, admire. Ici l’an dernier son intégrale des Nocturnes de Chopin demeure un souvenir précieux pour beaucoup. Au matin du 10 août (9h45),l’auditorium se réveille avec le soleil naissant et son cortège de chapeaux de paille (offerts par le festival) l’habille. Ces récitals du petit matin sont périlleux et ne peuvent être comparés à ceux du soir ici même. Nous prenant par la main en grande douceur et en élégance délicate, Bruno Rigutto nous offre la sonate pour deux pianos de Mozart. Cette œuvre solaire, enthousiaste et joyeuse est une excellente entrée en musique au petit matin. Le duo qu’il forme avec son fils Paolo Rigutto, est enthousiasmant. La simplicité des thèmes et leur enchevêtrement subtil construisent une musique envoûtante. Les deux interprètes dans une complicité de chaque instant s’écoutent, se répondent, proposent, surenchérissent avec un bonheur visible. Paolo le jeune pianiste à la belle carrière est bien plus expressif corporellement que son père qui garde dans tout ce qu’il joue cette retenue de port qui donne toute place à sa sensibilité.

 

 

Bruno et Paolo : les Rigutto en concert
La Roque sous le soleil de matin…
Belle matinée musicale en famille

 

 
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Paolo n’est pas élève de son père mais a été élève de Brigitte Engerer, belle mozartienne s’il en est. Cette sonate du bonheur partagé met le public dans la confidence sans rien de calculé, en toute évidence et simplicité. Le bonheur de jouer ensemble une si belle musique lie le père et le fils et tout le public. Notons qu’à cet horaire le public accueille bien des enfants.
Ceci est bienvenu puisque la suite du récital est consacrée par Bruno Rigutto aux Scènes d’enfants de Schumann. Sa lecture est marquée par une sorte d’évidence qui permet au kaléidoscope schumanien de virevolter d’une émotion à l’autre. L’ interprétation nous relie à ce que chacun a de plus cher en lui, un peu d’enfance encore vivante. Le Scherzo de Chopin éclaire dans le jeu ample du pianiste, des sonorités plus larges et des phrasés plus amples. Un Chopin bien charpenté qui chante et émeut comme il en a le secret.

Pour finir avec le soleil haut dans le ciel, le choix d’Alborada del gracioso de Ravel est superbe. Tout y est soleil, ardeur, brillant, danses et un petit peu de piment car ce bouffon du tableau est un peu inquiétant. Bruno Rigutto sait faire sonner Ravel comme peu : il suggère l’Espagne complexe mise en musique par le compositeur français.

Un concert très applaudi. Le premier bis est un air italien composé par Bruno Rigutto. Le charme de l’Italie avec un peu de Chopin ? Le public un peu frustré de ne pas avoir davantage entendu de piano à quatre mains se voit réconforté par le père et le fils dans un allegro gracioso de Dvorak plein de joie. Un récital à quatre mains est à présent attendu car la complicité de ces deux artistes est jubilatoire, c’est le public qui le fait savoir !

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CRITIQUE, concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du Parc Florans, le 10 Août 2021. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonate pour deux pianos en ré majeur K.448 ; Robert Schumann (1810-1856) : Scène d’enfants op.15 ; Frédéric Chopin (1810-1849) : Scherzo n°2 en si bémol mineur op..31 ; Maurice Ravel ( 1875-1937) : Alborada del gracioso, extrait de Miroirs ; Paolo Rigutto ( Mozart) et Bruno Rigutto, piano. Photo : © Valentine Chauvin

 

 
 

 

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON, le 8 août 2021. MOZART. SINFONIA VARSOVIA. A. V. BEEK. A. QUEFFELEC.

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON, le 8 août 2021. MOZART. SINFONIA VARSOVIA. A. V. BEEK. A. QUEFFELEC. Anne Queffélec pianiste célébrée dans le monde entier peut jouer tous les répertoires mais semble prédestinée à rester pour les mélomanes une mozartienne hors pair. Ce soir avec le magnifique Sinfonia Varsovia, elle ne cache pas son immense plaisir à jouer deux concertos de Mozart sous les platanes de La Roque d’Anthéron. Ce soir, la température est idéale. L’orchestre s’installe tranquillement, le public scanné et masqué attend patiemment l’arrivée de la grande dame. Le rendez-vous annoncé avec Mozart a lieu et la soirée peut revêtir le caractère de magie tant la beauté enveloppe l’air du soir tout du long.

queffelec-piano-roque-antheron-aout-2021-critique-concert-classiquenewsAnne Queffelec a la délicatesse requise pour offrir toute la poésie, la beauté de l’âme mozartienne tant on sait combien Mozart se livrait dans les concertos qu’il jouait lui-même. Le n°12 en la majeur est encore de première facture. Le dialogue piano-orchestre est très pondéré et les ritournelles mettent en valeur des couleurs d’orchestre encore dominées par les cordes avec juste un léger appui des bois et des cors. Le piano est un soliste virtuose qui dialogue avec l’orchestre assez sagement. La poésie de ces échanges sans vraies surprises, toujours agréables permet un début de concert tout en douceur. La délicatesse de toucher et de phrasé d’Anna Queffélec trouve dans la direction du chef Arie van Beek un partenaire attentif. Ses gestes assez originaux, sans baguette, magnifient les larges phrasés et recherchent des nuances bien marquées. L’orchestre est magnifique, engagé, réactif.

La grâce de Mozart dans le parc Florans : un vrai bonheur partagé

 

Le n°24 en ut mineur permet aux interprètes de montrer un engagement assez extraordinaire. Anne Queffélec développe un jeu magnifique, précis et souple à la fois. La tonalité mineure douloureuse permet des moments de grande tendresse triste, qui sont très réussis. Le sentiment qui se dégage mêle les émotions de plusieurs plans ; la conscience d’abord de bénéficier d’un lieu magique, puis la présence d’une pianiste parfaitement mozartienne, et d’un orchestre et d’un chef en parfaite osmose. Ce concerto est très intense émotionnellement en raison d’une écriture plus originale permettant au piano des moments de grande liberté d’improvisation, offrant à l’orchestre des passages virtuoses chambriste, au bois de toute beauté et surtout une construction musicale entre le piano et l’orchestre qui annonce déjà la complexité des concertos à venir. Le « Sturm und Drang » est à son apogée, ou plus exactement le « Dramma Giocoso ». Jamais rien de véritablement tragique, toujours cette bienséance du cœur qui reste au bord des larmes et de la plainte sans jamais s’y engouffrer. Les artistes de ce soir savent exactement doser ces éléments ambivalents. La manière dont Anne Queffélec apprécie par ses mouvements de tête les interventions de l’orchestre, la façon dont elle communique visuellement avec les bois illustrent bien cette osmose nécessaire à la musique d’ensemble.

Le public est ravi et le manifeste par des applaudissements nourris. Anne Queffélec offre de bonne grâce un bis magique de Bach. Cet extrait de son album Bach « Contemplation » élève et apaise. Je ne peux que recommander ce CD pour sa beauté inouïe. Je l’ai découvert à la sortie du concert et écouté avec beaucoup d’émotions j’y ai retrouvé toutes les qualités musicales, poétiques et humaines de cette grande dame du piano.

Puis proposant un « vrai bis », la pianiste obtient du chef de rejouer le final du concerto en ut mineur. La beauté des entremêlements des bois avec le chant du piano reste le moment de grâce absolu de la soirée. Le réentendre en bis, encore plus beau, est un bonheur céleste. Les étoiles brillent à La Roque, la musique de Mozart y est chez elle. Merci !

CRITIQUE, concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du Parc, le 8 Août 2001. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano et orchestre n°12 en la majeur K.414 ; Concerto pour piano et orchestre n°24 en ut mineur K.491. Sinfonia Varsovia. Anne Queffélec, piano ; Arie van Beek, direction. Photo : © V Chauvin / La Roque d’Anthéron 2021

CRITIQUE, concert. La ROQUE D’ANTHERON, le 7 août 2021. Alex., JJ Kantorow. CHOSTAKOVITCH, SAINT-SAENS. SINFONIA VARSOVIA.

CRITIQUE, concert. La ROQUE D’ANTHERON, le 7 août 2021. Alex., JJ Kantorow. CHOSTAKOVITCH, SAINT-SAENS. SINFONIA VARSOVIA. Concert attendu dans la peur de l’orage qui a su rester à distance fort heureusement. Le ciel est favorable à la musique et le parc après l’orage a vu quelques étoiles briller en fin de soirée. Le génie musical de Jean-Jacques Kantorow, violoniste et chef d’orchestre à la renommée planétaire reprenait ce soir la baguette d’un orchestre qu’il a dirigé souvent et qu’il connaît bien. Un enregistrement des concertos de Camille Saint-Saëns avec Alexandre Kantorow il y a quelques années est une véritable pépite qui prouve le lien qui unit père et fils.

 

 

Kantorow père et fils sont toute musique !

 

 
Kantorow-jean-jacques-alexandre-kantorow-concert-la-roque-antheron-piano-critique-concert-classiquenews-aout-2021

 

 

Le Sinfonia Varsovia en formation réduite joue deux adaptations de Daniel Walter. Le Quatuor à cordes n°3 de Dimitri Chostakovitch dans sa transcription pour quintette à vent et quintette à cordes est réalisé dans une formation type orchestre Mozart. Jean-Jacques Kantorow garde une allure dynamique ; il semble retrouver toute sa jeunesse. La grande bienveillance qui se dégage de sa direction ne laisse rien passer et obtient une précision parfaite de la part de chaque instrumentiste. L’orchestration particulièrement réussie donne aux vents et au cor toutes les particularités que Chostakovitch leur réserve. La direction est précise, claire, très efficace. La partition se développe avec clarté et l’énergie est constamment renouvelée par le chef. L’osmose entre chef et orchestre est magnifique et la partition de Chostakovitch devient limpide. Un grand moment de musicalité, lumineux, émouvant, découle de l’écoute de ce quatuor transformé si intelligemment et si habilement joué. Les qualités instrumentales du Sinfonia Varsovia sont tout à fait excellentes avec des bois particulièrement beaux et des solistes de chaque famille de cordes magnifiques. Insistons sur la qualité du chef et celle de cet excellent orchestre car lorsque le concerto se déroulera le soliste va par son jeu intense prendre la première place au risque de les éclipser. Il ne faudrait pas penser que l’orchestre va juste accompagner le génie pianistique d’Alexandre Kantorow, bien au contraire le Sinfonia Varsovia est, même dans cette dimension réduite, de tout premier plan et Jean-Jacques Kantorow est un chef extrêmement vigilant à tout ce qui se passe ; sans autoritarisme, il arrive à obtenir ce qu’il veut de chacun.

 

 

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 L’entrée du jeune Alexandre Kantorow (23 ans) est très émouvante; l’orchestre le regarde avec une bienveillance rare et le chef, son père, l’accompagne sur scène avec une joie non dissimulée. Détendu en apparence mais déjà très concentré, Alexandre se jette dans le début très rhapsodique du terrible 2è concerto de Camille Saint-Saëns avec une autorité sidérante. Le geste large, des sonorités d’orgue, une maîtrise rythmique toute en souplesse font de cette « prise en main » un moment sidérant. La réponse de l’orchestre dans la même manière donne le frisson. Nous sommes bien devant une rencontre entre génies qui va faire date. Tout ce qui suit reste difficilement analysable tant les interprètes touchent à la perfection sur tous les plans. Alexandre Kantorow a acquis une autorité sidérante, la puissance digitale s’est encore affirmée donnant plus de présence à son jeu avec une recherche de sonorités amples et majestueuses admirablement adaptées à ce premier mouvement. L’orchestre participe avec la même ampleur puis le dialogue plus mélancolique se déploie et l’osmose entre tous devient d’une rare évidence. La partition de Saint-Saëns s’en trouve magnifiée. Jean-Jacques Kantorow couve le pianiste du regard et semble avoir l’œil sur chaque musicien de l’orchestre, il est partout et entretient des liens avec chacun. Le résultat est une parfaite connivence musicale qui magnifie le jeu du pianiste comme les solos de l’orchestre.

 

 

La magie des Kantorow, père et fils…
Féérique, ciselé,
le 2è Concerto de Saint-Saëns dans les étoiles

 

 

Dans le 2è mouvement, sorte de scherzo, Alexandre Kantorow allège son jeu avec une précision incroyable, il invente des notes perlées comme rebondies. La précision est partout dans le moindre trait du pianiste et chaque intervention de l’orchestre. C’est une véritable orfèvrerie suisse. La mécanique est absolument impeccable avec un véritable sens de l’humour partagé. La délicatesse du toucher d’Alexandre Kantorow a quelque chose de féérique. Après le deuxième mouvement le regard du père à son fils semble dire c’était magnifique es-tu vraiment prêt pour le final ? Tous vont s’engager dans la virevoltante tarentelle finale qui caracole à toute vitesse. C’est vertigineux, magnifique, sublime et l’humour des syncopes, rythmes décalés, enchantent les musiciens. Tout tombe à la perfection, cela avance sans prendre de repos, en entrainant le public avec lui dans la joie la plus grande. Ce mouvement final devient absolument jubilatoire avec des interprètes si doués.

Alexandre Kantorow trouve une ressource incroyable donnant toute son énergie dans ses traits virtuoses incroyables. Ses doigts volent, ses mains s’allongent, rien ne semble pouvoir limiter le jeu du pianiste. La joie explose de toute part sur scène comme dans la salle. Nous venons de vivre un moment exceptionnel et chacun en est bien conscient. Le public en transe obtient d’Alexandre Kantorow très épanoui et heureux, trois extraordinaires bis d’une belle générosité.

Le mouvement lent de la troisième sonate de Brahms est d’une beauté à faire fondre les cœurs de pierre les plus durs. La danse finale de l’oiseau de feu atteint sous ses doigts à une puissance orchestrale. La délicatesse et la mélancolie d’une ballade de Brahms permettent de laisser le public partir sur des sentiments plus apaisés. Chacun sait qu’il a vécu un instant magique. Le Château de Florans, dont le parc est un oasis de bonheur, a été béni des dieux une fois de plus.

 

  

 

CRITIQUE, concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du Parc. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) /Daniel Walter (né en 1958) : Quatuor à cordes n° » en fa majeur op.73, transcription pour quintette à vents et quintette à cordes ; Camille Saint-Saëns (1835-1921) / Daniel Walter (né en 1958) : Concerto pour piano et orchestre n°2 en sol mineur op.22, transcription pour piano et petit orchestre ; Sinfonia Varsovia ; Alexandre Kantorow, piano ; Jean-Jacques Kantorow, direction.

Photos : © Valentine Chauvin / La Roque d’Anthéron 2021

 

  

 

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON, le 4 août 2021. Récital de N LUGANSKY, piano. BEETHOVEN, J.S. BACH / RACHMANINOV…      

CRITIQUE, concert. LA ROQUE D’ANTHERON, le 4 août 2021. Récital de N LUGANSKY, piano. BEETHOVEN, J.S. BACH / RACHMANINOV… Le succès planétaire du pianiste russe Nikolaï Lugansky en fait un des artistes les plus aimés du public. La Roque d’Anthéron n’y fait pas exception qui lui a déjà consacré une nuit carte blanche et l’invite très régulièrement. En athlète sûr de lui et confiant dans l’amour de son public, Nikolaï Lugansky est entré sur scène souverain et s’est lancé dans une interprétation très personnelle de la Clair de lune du grand Ludwig que tant d’amateurs essayent de s’approprier. Dans un tempo très retenu, il a donné une leçon de legato et de phrasé suspendu. La lenteur contenue avec une forme de densité a déployé la structure harmonique plus complexe qu’il n’y paraît du célébrissime adagio initial. La lenteur du tempo peut irriter, voir passer pour laborieuse mais ce déploiement de legato abolit le temps avec un art consommé. L’allegretto passe sans que rien ne retienne l’attention et le final serait exagérément rapide sous d’autres doigts. Seul un Lugansky avec cette puissance digitale peut oser sans exagération un tempo pareil.

 

 

Lenteur et puissance du Tsar Lugansky…
VENI, VEDI, VICI

 

Nikolaï Lugansky 12 © Valentine Chauvin 2021

 

 

La Sonate n° 32 est la plus expérimentale de Beethoven. Lugansky ose en montrer toute la modernité par ses tempi très variés, alanguis, pressés, vertigineux, suspendus. Sa leçon sur l’abolition du temps se poursuit et entraîne l’auditeur très loin.
L’adaptation de Rachmaninov de la troisième Partita pour violon de Bach est un exercice de virtuosité sidérant. Puis la poursuite avec Rachmaninov, le compositeur favori de Lugansky, se poursuit avec une suite d’études-tableaux incroyablement virtuoses, prise dans des tempi sidérants. Les doigts d’acier du pianiste russe sont très, très impressionnants ! Le public est ravi devant tant de virtuosité et de puissance assumées. Trois bis scellent l’accord entre Lugansky et son public.  Un Chopin et deux Rachmaninov tout en inaltérable puissance digitale. La musicalité et l’émotion ont été plus discrètes ce soir dans le beau parc.
Accord conclu. Veni, vici, ivi : Lugansky s’en est allé vers d’autres lieux où il sera également fêté, laissant dans le parc une saveur de puissance pianistique russe indémodable.

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CRITIQUE, concert. 41ème Festival de la Roque d’Anthéron. Auditorium, le 4 août 2021. Ludwig Van Beethoven ( 1770-1827) : Sonates pour piano N)14 en ut dièse mineur op.27 « Clair de lune » et N°32 en ut mineur op.111 ; Jean-Sébastien Bach (1685-1750)/Serge Rachmaninov (1873-1943) : Partita n°3 pour violon en mi mineur BWV 1006, transcription pour piano (Ext) ; Serge Rachmaninov (1873-1943) : Études-tableaux op.33, n°2 et n°5 ; Études-tableaux op.39, n° 4,5,6,7,8,9. Nikolaï Lugansky, piano – photos : © Valentine Chauvin 2021

CRITIQUE, Concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du parc, le 28 Juillet 2021. F. CHOPIN. W.A. MOZART. P. KOLESNIKOV, piano

CRITIQUE, Concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du parc, le 28 Juillet 2021. F. CHOPIN. W.A. MOZART. P. KOLESNIKOV, piano. Retrouver les frondaisons magiques du Parc du Château de Florans, cet extraordinaire sentiment de liberté, en plein air, cette acoustique parfaite partagée avec les seules cigales reste un moment exceptionnel de l’été. Cette année plus qu’aucune autre année. L’an dernier nous avait réservé de grands moments pour les quarante ans du Festival. Nous en avions rendu compte avec le souvenir ému des sonates de Beethoven en particulier, de l’intégrale des Nocturnes de Chopin, mais la situation était si particulière que la jauge de l’auditorium laissait presque plus de places vides qu’occupées. De plus sous le choc de la terreur du vide, le public n’était pas vraiment normalement présent. Organiser ce 41ème festival aura certainement été encore plus compliqué pour les organisateurs. Rendons hommage à toute l’équipe pour sa gentillesse y compris dans la vérification du « passe sanitaire » si chronophage.

 

 

 

Kolesnikov est un OVNI irrésistible

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Ce soir était une grande soirée avec deux concerts en même temps. SOKOLOV au Grand théâtre de Provence et KOLESNIKOV dans le parc. Notre choix fut celui de la liberté du plein air si parfaitement accordée avec ce que nous offre le jeune pianiste. L’immense Sokolov nous le retrouverons plus tard à Toulouse.
Nous avions découvert Pavel Kolesnikov en sept 2019 et avions été subjugués / Lire notre critique ici : http://www.classiquenews.com/compte-rendu-concert-toulouse-jacobins-le-12-sept-2019-pavel-kolnenikov-piano-beethoven-debussy/ – COMPTE-RENDU, Concert. Festival Piano aux Jacobins. Toulouse. Cloître des Jacobins, le 12 septembre 2019. F. CHOPIN. L.V. BEETHOVEN. C. DEBUSSY. P. KOLESNIKOV

Il n’y a pas eu le même choc cette fois-ci, toutefois la beauté du jeune homme a encore été plus époustouflante. Sa démarche sereine, son allure élégante et souple, l’originalité de sa mise en noir et blanc mais modernisée, tout nous fait deviner un grand moment à venir. Car une fois installé au piano, l’interprète s’engage dans la musique, le temps s’arrête, comme suspendu, devant tant de beauté. L’élégance du geste qui souvent fait s’envoler la main en fin de phrase, la souplesse des phrasés, la légèreté du toucher, l’équilibre parfait entre toutes les voix et tous les plans font que la musique coule des doigts du musicien en un acte de paix qui diffuse au cœur du spectateur. Les cinq pièces de Chopin, mazurkas, valse, ballade, nocturne sont choisies avec un art très subtil. Rien d’exclusivement virtuose, tout semble couler sans la moindre difficulté ni résistance. La manière dont Pavel Kolesnikov soigne le lien entre les pièces est un véritable tour de magie. Il arrive à obtenir du public qu’il n‘ applaudisse pas après le dernier Chopin ; ainsi il aborde la huitième sonate de Mozart avec une grâce infinie sans rupture de continuité.  Par contre après un premier mouvement si réussi en tous points le public applaudit… A nouveau comme à Toulouse il y a deux ans, le public le plus éduqué qui soit se laisse lui-même surprendre par sa spontanéité retrouvée. Le Mozart de Kolesnikov est d’une grâce infinie, d’une précision incroyable et d’une musicalité sidérante. L’étirement sublime du mouvement lent est miraculeux, il fait siennes les indications de Mozart à la lettre : « Andante cantabile con espressione ». Quant au final presto, il est ce soir prestissimo.
Le retour à Chopin se fait sans heurt avec le Nocturne n°18 en mi majeur. Un phrasé si profond et si élégant n’est vraiment pas fréquent. La gravité douce de l’interprétation nous ferait chavirer. Ce Nocturne entre les deux sonates de Mozart prend une dimension métaphysique d’ode à la beauté. Car c’est avec beaucoup de précaution que Kolesnikov nous entraine dans la sonate n°11 de Mozart. L’andante grazioso est la grâce même, le minuetto, l’esprit de la liberté et la marche Alla turca finale, la joie d’être au monde avec un humour ravissant.
Le retour à Chopin avec la Polonaise-fantaisie est de la même eau. Joie, bonheur d’être un voyageur dans le vaste monde avec une élégance de chaque instant, y compris les passages les plus virtuoses, avec une manière tout à fait spéciale d’habiter les silences. Pavel Kolesnikov dégage par sa manière de jouer et d’être présent un sentiment de sécurité absolu qui nous permet d’en déguster la grande originalité très loin d’un certain consensus. La musique règne en maîtresse choyée sous les doigts de Pavel Kolesnikov qui est un musicien tout à fait spécial. Artiste multiple, poète des cinq sens : photographe, dessinateur, nez de parfumeur, un peu danseur et tellement musicien ! Il donne en concert une énergie incroyable qui semble le résultat d’un équilibre extraordinaire :  un OVNI chez les pianistes.
Deux bis sont offerts au public enthousiaste, avec une grâce presque nonchalante et des sourires de bonheur. Chopin naturellement avec le prélude à la « goutte d’eau » en toute simplicité et sans pathos, puis la valse n°17 comme en apesanteur.
Et tout cela sous les frondaisons magiques du Parc du Château de Florans, dans une soirée idéale dont la Provence a le secret…  Le bonheur est à la Roque d’Anthéron n’en doutez pas un instant ! Et jusqu’au 18 août prochain. Prochaines critiques à suivre.

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CRITIQUE, concert. 41ème Festival de La Roque d’Anthéron. Auditorium du Parc, le 29 juillet 2021. Chopin : Mazurka op.63, n°3 et op.17, n°4 ; Nocturne op 27, n°1 et op.62, n°2 ; Grande Valse op.42 ; Ballade n°3, op.47 ; W A Mozart : Sonate n°8, K.310 et n°11, K.331 ; Pavel Kolesnikov, piano. Photo : DR / La Roque d’Anthéron 2021

CRITIQUE concert. TOULOUSE. CHAPELLE DES CARMELITES, le 18 juil 2021. Le bestiaire baroque de La Fontaine. ENSEMBLE FAENZA. M. HORVAT.

lafontaine muses en dialogue concert toulouse critique classiquenewsCRITIQUE concert. TOULOUSE. CHAPELLE DES CARMELITES, le 18 juil 2021. Le bestiaire baroque de La Fontaine. ENSEMBLE FAENZA. M. HORVAT. Nous fêtons cette année le 400ème anniversaire de la naissance de Jean de La Fontaine. Musique en dialogue aux Carmélites consacre sa saison à cet événement avec cinq concerts. L’Ensemble Faeza dirigé par Marco Horvat est à géométrie variable et se réclame du chant auto accompagné. Seule la claveciniste reste sur son unique instrument. Ce concert d’un étonnant Bestiaire Baroque fait la part belle aux textes des fables de La Fontaine. Les musiciens des XVII et XVIII èmes siècles n’ont pas tari de références à la nature. Les plus célèbres compositeurs François Couperin et Marin Marais, les plus rares : Jacques-Martin de Hautteterre, François Campion, Jean-Baptiste Drouart de Bousset partagent beaucoup d’esprit et une fantaisie débridée pour illustrer le thème. L’agencement du concert est habile et les artistes rivalisent de bonne humeur et de fantaisie. Il permet aux cinq musiciens des effets très variés : chant seul a capella, chant accompagné, polyphonies, pièces pour clavecin seul, pièces instrumentales, pièces pour voix et instruments, … tout se complète avec art en un voyage très instructif dans ce bestiaire baroque. Les fables de La Fontaine parfois très rares portent toujours aussi haut qu’à leur création leurs précieux messages. Celle qui ouvre le concert des « grenouilles qui demandent un roi » peut avoir une allure très contemporaine.

L’esprit est donc l’élément marquant de ce concert. Chaque musicien se distingue par sa finesse, sa virtuosité et son partage généreux. Les deux sopranos Olga Pitarch et Sarah Lefeuvre sont des diseuses délicates avec des voix très musicales et très pures. Marco Horvat a une voix de baryton naturelle avec une diction admirable. Les flûtes et la cornemuse évoquent un coté champêtre très bien venu. Le clavecin donne la couleur aristocratique qui revient à La Fontaine, homme de cours. La Chapelle des Carmélites demeure un écrin idéal pour des concerts si subtils entre mots et notes.

D’autres concerts seront consacrés par Musique en Dialogue au grand La Fontaine dont on ne peut se lasser de la sagesse aujourd’hui comme de tous temps. Que n’avons nous un La Fontaine pour nous parler, grâce à nos amis les animaux, de nos réactions parfois si insensées face à un certain virus venu de Chine ?

Prochains concerts Musique en Dialogue aux Carmélites :
https://musiquendialogue.org/

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 18 juil 2021. Chapelle des Carmélites. Musique en dialogue aux Carmélites. Le Bestaire Baroque de Jean de Lafontaine. Musiques diverses des XVII et XVIIIe siècles.

Ensemble Faenza, direction Marco Horvat ; Sarah Lefeuvre, chant et flûtes ; Hermine Martin, flûtes et musette ; Olga Pitarch, chant, danse et ottavio ; Ayumi Nakagawa, clavecin ; Marco Horvat, chant, archiluth et guitare.

CRITIQUE, Opéra. ORANGE, le 10 juillet 2021. SAINT-SAËNS: Samson et Dalila. Alagna / Lemieux. ABEL / GRINDA.

CRITIQUE, Opéra. ORANGE, le 10 juillet 2021. SAINT-SAËNS: Samson et Dalila. Alagna / Lemieux. ABEL / GRINDA. Centenaire de la mort de Saint-Saëns, distribution superlative, production magique et spectateurs en nombre, tous les ingrédients étaient réunis pour que cette soirée reste dans les annales des Chorégies d’Orange. Le plus vieux festival lyrique débutant au XIXème siècle avait dû pourtant se taire l’été dernier face au virus venu de Chine. La production prévue a heureusement pu être décalée d’un an. Le public a pu venir finalement en nombre, scanné mais libre de s’asseoir sur les gradins antiques sous la voûte étoilée … pour jouir de la plus belle musique qui soit. Car ce qui frappe à l’écoute de ce chef d’œuvre c’est la qualité constante de la partition. Les airs et duos très aimés et connus ne doivent pas occulter les chœurs qui sont tous splendides ; l’orchestration très subtile et efficace, et la musique de ballet, la plus belle qui soit à l’opéra. Une belle production de Samson doit donc compter sur un orchestre et des chœurs superlatifs. Ce soir l’Orchestre Philharmonique de Radio France et les chœurs des opéras Grand Avignon et de Monte-Carlo sont excellents. La direction du chef canadien Yves Abel mérite tous les honneurs. En chantre de la musique française celui qui la défend aux Amériques, dirige comme un dieu ce soir sous le ciel de Provence qui semble l’inspirer particulièrement.

Un Samson parfait à Orange

samson-dalila-saint-saens-orange-2021-alagna-lemieux-critique-operaCe n’est pas qu’un jeu de mots car ne l’oublions pas, Saint-Saëns avait prévu d’abord d’écrire un oratorio et quelque chose de ce projet premier est présent dans cette noble partition surtout aux actes extrêmes. Et c‘est peut-être la qualité la plus rare que possède Yves Abel, celle de garder toute la noblesse et la hauteur de la musique tout en donnant un élan dramatique progressif. Ainsi le premier acte est comme retenu pour, petit à petit, élargir le drame avec la passion du deuxième acte et le tragique mystique du dernier acte. L’orchestre est superbe de bout en bout. La parfaite acoustique du théâtre antique, nous le remarquons chaque année, permet une écoute de chaque instrument. Les solistes sont magiques, les bois en particulier, et par exemple, le pupitre de contrebasses est saisissant de présence. Les Chœurs tant au lointain que face au public ont la présence biblique attendue, conforme à ce supplément qui évoque l’Oratorio. Cet opéra français dont le texte de grande qualité de Ferdinand Lemaire mérite le meilleur en termes de diction. Les chœurs sont parfaits et le texte est limpide.  Délicatesse des chants féminins, vaillance des hommes et ampleur des vastes pages chorales, plaintes déchirantes… tout ravit l’amateur de chœurs.

La distribution voulue francophone par Jean-Louis Grinda afin de faire honneur au texte sera-t-elle à ce niveau de limpidité attendu ? C’est effectivement le cas ce soir et cela mérite d’être souligné car ce n’est que rarement possible. Roberto Alagna n’a pas toujours été si bien entouré dans l’opéra français même à Orange. Les astres ont été en phase et rien, rien ne peut être critiqué. Alagna est tout simplement royal en termes de diction. C’est beau, tellement beau que le français semble la voix même du chant. Ce naturel, ces R non roulés, est un véritable régal dans chaque rôle abordé par Roberto Alagna. Dans Samson la qualité du livret rend tout cela encore plus impressionnant. Le chant de Roberto Alagna n’est peut-être plus aussi solaire ; il gagne dans l’homogénéité du timbre avec des graves devenus magnifiques et un medium parfaitement équilibré. Ce rôle très ample, long et exigeant avec des passages inconfortables, semble aujourd’hui parfaitement lui convenir. Roberto Alagna a la voix du rôle, il est un Samson crédible et nous rend son combat proche. Il construit son interprétation de manière limpide, le personnage prenant conscience de son destin religieux petit à petit, tout en essayant de brider la forte sensualité de sa passion pour Dalila. La mise en scène lui réserve de beaux moments tout en lui permettant une évolution progressive très intéressante. Roberto Alagna est un très, très grand Samson ! Ils ne sont pas nombreux ceux qui ont été un Roméo aussi parfait puis endossent aussi bien le large costume du héros biblique avec cette aisance. Marie-Nicole Lemieux est une Dalila aussi bien chantante que son Samson. Le timbre est somptueux, le vibrato contrôlé, la tessiture grave splendidement assumée et les aigus lumineux. Le chant est somptueusement séduisant, vraiment !  La diction (sans les « r » roulés habituels là encore) permet de déguster chaque mot. C’est scéniquement que la séduction est en deça outre ses deux costumes qui ne la servent pas.  Nicolas Cavalier, basse française, est un Grand Prêtre épatant. Puissant, méchant, intransigeant avec une voix noire bien conduite et une diction parfaite. Le duo avec Dalila à l’acte deux est effrayant à souhait. Et quelle tension y distille l’orchestre sous la direction dramatique d’Yves Abel ! Le duo avec Samson est vocalement torride ! Là aussi l’orchestre ainsi dirigé est envoûtant. Les autres petits rôles sont parfaitement tenus, ainsi le toulousain Julien Veronèse est à présent à son aise dans la cour des grands : son Abimélech est très impressionnant !  Et quel costume ! Nicolas Courjal est un vieillard hébreu émouvant. Rôle court mais au combien important ! Marc Larcher, Frédéric Caton, Christophe Berry tiennent leur rang en si belle compagnie tant en diction qu’en voix sonores. Bravo !

Tout est musicalement à la place attendue sans aucune faiblesse. La mise en scène de Jean-Louis Grinda venue de Monte-Carlo devant Auguste et le mur tient plus de la mise en espace ; rien ne vient perturber la plénitude du chant. Le petit ange aux ailes lumineuses qui guide Samson vers son destin est une idée très heureuse qui poétise la parabole biblique un peu austère. Aucune hystérisation de la passion n’a lieu dans l’acte deux. Les décors sont très réussis. Ils respectent le sublime mur qui reste nu et ce sont les admirables lumières de Laurent Castaingt et les vidéos d’Étienne Guiol et d’Arnaud Pottier, qui construisent les divers espaces. Des images sont fortes et belles (la nuit étoilée du duo d’amour), parfois très émouvantes (la course du peuple) ou spectaculaires (la roue et les chaînes de Samson, la destruction du temple). Le ballet est un moment tout à fait superbe. Les danseurs des ballets du Grand Avignon et de Metz sont magnifiques et la chorégraphie d’Eugénie Andrin trouve les accents d’une sensualité barbare très subtile en parfait accord avec la musique. Ils ont été à juste titre très applaudis ! Les costumes de Agostino Arrivabene sont magnifiques avec la petite réserve énoncée pour ceux de Dalila. Les plus spectaculaires sont ceux du Satrape de Gaza, Abimélech et ses terribles guerriers.

Reportée d’un an, cette soirée magique a fait oublier au public venu nombreux la partager (5000 personnes), la triste époque virale que nous traversons. Et c’est peut-être cela le message de Samson et Dalila qui nous est nécessaire : ce sont les épreuves qui fortifient les peuples en dépassant la jouissance individuelle.

Merci aux Chorégies d’Orange d’avoir monté à la perfection un opéra français rare. Distribution, musique, chœurs, scène, tout a été à la hauteur de ce chef d’œuvre. La vie reprend vraiment si Orange renait sous les étoiles de Provence. La réussite de ce Samson 2021 en témoigne.

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CRITIQUE, Opéra. ORANGE, Théâtre antique, le 10 Juillet 2021. Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Samson et Dalila, opéra en 3 actes et quatre tableaux sur un livret de Ferdinand Lemaire. Mise en scène : Jean-Louis Grinda. Costumes : Agostino Arrivabene. Lumières : Laurent Castaingt. Chorégraphie : Eugénie Andrin. Vidéo : Étienne Guiol et Arnaud Pottier. Avec : Marie-Nicole Lemieux, Dalila ; Roberto Alagna, Samson ; Nicolas Cavallier, Le Grand Prêtre ; Julien Véronèse, Abimélech ; Christophe Berry, Le messager philistin ; Nicolas Courjal, Le Vieillard Hébreu ; Marc Larcher, premier philistin ; Frédéric Caton, deuxième philistin. Chœur des Opéras Grand Avignon et Monte Carlo. Ballets des Opéras Gand Avignon et Metz. Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Yves Abel.

CRITIQUE, opéra. TOULOUSE. Capitole le 2 juillet 2021. R. STRAUSS : ELEKTRA.  R.MERBETH ; V.URMANA ; N.GOERNE ; F. BEERMANN / M.FAU

CRITIQUE, opéra. TOULOUSE. Capitole le 2 juillet 2021. R. STRAUSS : ELEKTRA.  R.MERBETH ; V.URMANA ; N.GOERNE ; F. BEERMANN / M.FAU. Il nous a fallu assister deux fois à ce fabuleux spectacle (2 puis 4 juillet) pour en percevoir la richesse et en rendre compte. Le choc attendu avec cet opéra hors normes a été au rendez-vous. Une saison capitoline sacrifiée (comme partout) porte sa revanche avec une production superlative. Le dispositif scénique est insolite et …génial. La fosse du Capitole ne permet pas d’entasser les musiciens nécessaires à cette partition sans risques sanitaires. L’orchestre a donc été plus confortablement installé en fond de scène, l’occupant plus de la moitié. Un très beau rideau de tulle peint fait séparation. La fosse recouverte permet sur le proscénium des mouvements d’acteurs réduits mais percutants. La scène est encombrée d’une gigantesque statue d’Agamemnon abattue au-dessous du genou. Un souterrain s’ouvrant permet d’évoquer le terrier d’Elektra. A cour et à ardin, les entrées et sorties suggèrent l’extérieur et le palais sans vraie rigueur.  La statue d’Agamemnon envahit l’espace scénique comme le père envahit l’espace mental et affectif d’Elektra.

ELEKTRA Tutta Forza au Capitole !

elektra michel fau apitole merbeth gornerLa fusion musicale et scénique voulue par le tandem si intime Hofmannsthal / Strauss se retrouve parfaitement dans cette production inouïe. La grandeur et la richesse de la scène sont enchâssées dans une direction musicale à la fois retenue au niveau du tempo et très analytique, permettant de déguster toutes les finesses orchestrales de Strauss. Le drame se tend lentement mais avec une puissance orchestrale extraordinaire que le chef allemand arrive à tenir afin de ne pas couvrir les chanteurs. L’Orchestre du Capitole est absolument flamboyant. Placée si habilement, la dimension symphonique est enthousiasmante.
La direction de Franck Beermann retrouve les belles qualités de son Parsifal la saison dernière. Direction dramatique tenue tout du long, grands arcs construits, détails subtils sculptés et un équilibre parfait avec le plateau. La riche orfèvrerie orchestrale de Richard Strauss est scintillante tout du long. Le même scintillement se retrouve sur scène. Je crois peu élégant de détailler les éléments vus sur scène, il le faut pourtant pour rendre à chacun la part de son travail inestimable mais le travail d’ensemble est remarquable pour la cohérence de la vision, car tout se complète.

Rendons à Christian Lacroix, la palme de la brillance. Son goût pour les couleurs est bien connu. Il a dessiné des costumes de toute beauté, si trop beau est possible nous n’en sommes pas loin ! Quelle subtilité dans l’outrance et quel goût dans le choix des matières. Le décor repose sur les créations de Phil Meyer avec cette extraordinaire statue d’Agamemnon et son très beau rideau de fond de scène. Les lumières de Joel Fabing sont magiques et permettent une variété presque infinie de lieux. Jouant sur la transparence du rideau et la franchise des couleurs des costumes, il crée des espaces infinis. La dominante rouge pour Clytemnestre, l’or pour Chrysothémis, le vert pour Oreste, le blanc après les deux meurtres : cela a aussi pour effet de changer les visages très maquillés et qui « prennent » la lumière très fortement. Le jeu des acteurs est emphatique sans être grandiloquent. La noblesse des personnages principaux nous rappelle que nous sommes chez les Atrides tout de même ! Les servantes sont plus caricaturales avec un jeu outré comme si chacune était l’un des membres d’une pieuvre. Groupe mouvant tentaculaire.

Vocalement les servantes ont toutes de fortes voix mais sans unité vocale ni recherche d’harmonie, c’est l’opposé de ce que l’on voit. Elektra sort de terre comme d’une tombe en évoquant Agamemnon. L’effet est puissant. Son costume ne tient pas compte de la tradition, entorse qui est en fait très signifiante. Sa robe pourrait être une robe de mariée avec couronne de fleurs. Cela nous suggère que la vie mentale d’Elektra la domine complètement.  Ce mariage avec son père n’est donc pas interdit mais « raté ». Toute la névrose hystérique est contenue en ce costume…  Cette Elektra ne renonce pas totalement à plaire et n’est pas une souillon.
L’interprétation de Riccarda Merbeth est totalement convaincante : elle est Elektra sur le plan vocal et scénique. La voix est somptueuse, admirablement conduite afin de ne jamais la mettre en danger. Elle terminera la série de cinq représentations avec une voix en totale santé. Et pourtant elle donne généreusement sa voix sur toute la vaste tessiture. Les graves sont magnifiquement timbrés sans effets de poitrinage et les aigus se développent en rayons de soleil progressifs que le geste large du chef encourage. Cette manière magistrale de placer le son puis le développer est remarquable et permet de comprendre l’extraordinaire carrière qui lui permet d’enchainer les rôles les plus terrifiants (Isolde, les trois Brunnhilde et Turandot entre autres). Ce rôle d’Elektra, elle l’a beaucoup chanté, et je ne sais pas si elle dira la même chose mais je trouve qu’entre le confort des arcs tendus par la direction du chef et une certaine élégance du personnage autorisée par la mise en scène, la noblesse du personnage de cette production sied particulièrement à la cantatrice allemande, dont la tenue vocale a tant d’élégance. Dans la mise en scène de Michel Fau, le personnage gagne en complexité. Le travail d’acteur est efficace et renouvelle le rôle. Du coup les relations avec les autres personnages sont également enrichies. Le combat avec sa terrible mère est tout en subtilités. Violetta Urmana est une Clytemnestre pleine de séduction. Vocalement elle est très à l’aise et scéniquement rien que par le costume somptueux, elle est une reine indétrônable. Le face à face est monstrueux à souhait entre la mère et la fille. Chrysotémis est un personnage qui gagne également en complexité. J’ai regretté que vocalement il ait manqué une lumière dans le timbre de Johanna Rusanen  et une petite fragilité qui permettrait d’en faire une sœur seconde par rapport à Elektra. Mais cette manière de se tenir à égalité face à Elektra y compris vocalement donne de la profondeur au drame. Il m’est arrivé de penser qu’il n’est pas fréquent d’avoir sur scène trois Elektra, une titulaire, une qui aurait pu l’être (Violetta Urmana) et une en devenir (Johanna Rusanen ). Car la puissance vocale sur tous les registres des trois cantatrices est équivalente.
L’autre grand rôle, plus attendu qu’entendu mais fondamental pour le drame est Oreste. Pour une prise de rôle Nelson Goerne est royal d’allure et de voix. Le timbre somptueux, le texte est si bien dit qu’il est un Oreste mémorable. Le jeu est retenu, le costume de velours griffé vert est peut-être plus sobre mais au combien élégant. Les gestes sont rares, le personnage attend, et se concentre. La tendresse vis à vis d’Elektra est vraie ainsi esquissée d’un simple geste. Le matricide est sobre avec un beau geste de la mère vers son fils en son dernier instant. Là aussi la manière de traiter le personnage convainc à la noblesse de l’interprète. Valentin Thill  en jeune serviteur est remarquable de clarté de timbre et d’émission agréable. Barnaby Rea en serviteur d’Oreste est d’une belle présence face pourtant à de terribles monstres vocaux. L’Egisthe de Frank van Aken tient son rang en tout et sa mise à mort ressemble à un film qu’Elektra regarde. Comme si cette pièce indispensable mais de deuxième importance dans le délire hystérique d’Elektra ne méritait plus d’importance.

C’est donc avec un spectacle total et sur une réussite exceptionnelle et sans faiblesse que le Capitole gâte son public in fine. Cette Elektra intelligemment revisitée par Michel Fau restera dans les mémoires.

CRITIQUE, opéra. TOULOUSE, Théâtre du Capitole,  les 2  et 4 Juillet 2021 ; Richard STRAUSS :( 1864-1949) : Elektra ; tragédie  en un acte ; Livret  de Hugo von Hofmannsthal ; Création  le 25 janvier 1909 au Semperoper de Dresde ; Michel Fau,  mise en scène ; Hernán Peñuela,  scénographie ; Phil Meyer,  sculpture et peinture ; Christian Lacroix,  costumes ; Joel Fabing,  lumières ; Ricarda Merbeth : Elektra ; Johanna Rusanen : Chrysothémis ; Violeta Urmana : Clytemnestre ; Matthias Goerne :  Oreste ; Frank van Aken : Égisthe ; Sarah Kuffner : La Confidente, la Surveillante ; Svetlana Lifar,  Première Servante ; Grace Durham,  Deuxième Servante ; Yael Raanan-Vandor :  Troisième Servante, La Porteuse de Traîne ; Axelle Fanyo : Quatrième Servante ; Marie-Laure Garnier : Cinquième Servante ; Valentin Thill : Un Jeune Serviteur ; Barnaby Rea,  Le précepteur d’Oreste ; Thierry Vincent : Un vieux Serviteur ; Zena Baker, Mireille Bertrand, Catherine Alcoverro, Judith Paimblanc, Biljana Kova, Stéphanie Barreau : Six servantes ; Orchestre National du Capitole ; ChÅ“ur du Capitole, Alfonso Caiani  direction; Frank Beermann,  direction musicale – Photo : © Mirco Magliocca

VOIR le TEASER VIDEO ici :
https://www.youtube.com/watch?v=cgrQPWujEOY&t=13s

COMPTE-RENDU, critique concert. TOULOUSE. le 6 mars 2020. WAGNER, BRUCH : J. SPACEK. Orch. Nat. CAPITOLE /C. MEISTER

COMPTE-RENDU, critique concert. TOULOUSE. le 6 mars 2020. WAGNER, BRUCH : J. SPACEK. Orch. Nat. CAPITOLE /C. MEISTER. Cette année anniversaire (250 ans de sa naissance) nous permettra d’entendre symphonies et concertos de Ludwig Van Beethoven encore plus souvent qu’à l’accoutumée. A Toulouse une série de concerts nommée « Ludwig » ouvre le bal ce soir. Notre écoute sera donc teintée de cette conscience : l’interprétation se cale au sein de cet hommage général. La question est donc de savoir ce que le chef va apporter de particulier à notre orchestre qui, nous le savons,  excelle dans Beethoven au fil des années sans démériter jamais et notamment sous la baguette inspirée de Tugan Sokhiev.

Splendeur et efficacité teutonique à Toulouse
lourdeur de Cornelius Meister,
virtuosité séduisante de Josef Spacek

Cornelius Meister, jeune chef allemand, né dans une famille de musiciens, est un boulimique très doué. Pianiste soliste et chef d’orchestre, il dirige des opéras, des concerts symphoniques ; le soliste et le chambriste est sur tous les fronts. Ce soir, allure fringante, très souriant, il empoigne sa baguette pour diriger les premières mesures de l’extraordinaire ouverture de Tannhäuser de Wagner. Recherche de beau son, efficacité et plénitude sonore se dégagent de cette interprétation. Grandeur et puissance plus mises en avant que recueillement et drame. Le théâtre ne s’invite pas, la version est avant tout symphonique. Les détails ne sont pas très finement mis en exergue et la tension fluctue. Une certaine lourdeur se fait sentir dans des à-coups cloués au sol. Mais l’efficacité de la superposition des thèmes wagnériens fait son effet et l’enthousiasme naît avec des applaudissements nourris. Il est difficile de résister à cette fin si puissante…

josef spacek violonist copyright radovan subin concert classiquenewsEnsuite le soliste du concerto pour violon de Max Bruch entre en scène avec beaucoup de naturel. Jouant par coeur comme le chef dirige d’ailleurs, il se lance dans une interprétation romantique et flamboyante de cette oeuvre si aimée des violonistes comme du public. Le jeu de Josef Å paÄek est noble et élégant. La sonorité est soignée, nuancée ; et l’émotion est distillée avec art. Un sorte de facilité olympienne habite ce jeu. La lourdeur de la direction de Cornélius Meister se confirme. Accords écrasants, nuances forte abruptes. Le public fait fête au jeune prodige tchèque. En bis il se lance dans une  danse rustique extraite de la sonate n° 5 d’ Eugène Ysaÿe  où la virtuosité diabolique rencontre la musicalité la plus délicate. Avec un art consommé des nuances et des phrasés, Josef Å paÄek envoûte le public comme les musiciens de l’orchestre tous visiblement sous le charme d’un jeu à la facilité déconcertante.


En dernière partie de concert nous arrivons à l’hommage à Beethoven. Une certaine idée de la musique du maître de Bonn est défendue par la direction de Cornélius Meister. Un Beethoven de poids, se profile dans cette Symphonie n°7 à l’énergie rythmique débordante. L’efficacité teutonique du jeune chef est conséquente et la symphonie se déploie avec puissance. Toutefois sans grandes nuances, sans phrasés ciselés mais avec une implacable détermination. De la musique pure sans recherche de sens ni de sentiments. C’est terriblement efficace. Cette tradition héritée du XXème siècle a ses adeptes. Il est possible de rêver autrement cette symphonie en intégrant les apports des versions « informées » avec des cordes moins étoffées, des bois plus délicats  et des cuivres plus nuancés, des phrasés plus travaillés et des nuances plus creusées.

Nous aurons l’occasion de reparler de ces choix  avec d’autres symphonies et concertos de Beethoven tout au long de cette année en forme d’hommage au géant Beethoven. L’efficacité toute teutonique de Cornélius Meister ne nous a pas vraiment convaincus ; la virtuosité toute de musicalité de Josef Å paÄek totalement !
 

 

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Compte-rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 6 mars 2020. Richard Wagner (1813-1883) : Ouverture de Tannhäuser ; Max Bruch (1838-1920) : Concerto pour violon n°1 en sol mineur Op.26 ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n° 7  en la majeur op.92 ; Josef Å paÄek, violon ; Orchestre national du Capitole de Toulouse ; Cornélius Meister, direction. Photo : © Radovan-Subin

COMPTE-RENDU, critique opéra. TOULOUSE, le 4 mars 2020. DONIZETTI : L’Elixir d’amore. Amiel, Quatrini…

COMPTE-RENDU, critique opéra. TOULOUSE, le 4 mars 2020. DONIZETTI : L’Elixir d’amore. Amiel, Quatrini… Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensons de cette admirable production de 2001 vue et revue avec un immense plaisir. Tout y est suprême élégance, respectant didascalies et toujours musicalement juste. La mise en abîme de la scène comme un immense appareil photo est captivante, la beauté des camaïeux de couleurs, des décors et des costumes, est subtile.

 

 

 

 

Reprise à Toulouse de l’Elixir de 2001…

Le Sacre de Kevin Amiel

 

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L’humour est de bon ton et la scène vit. Nous avons choisi de venir entendre la seconde distribution car elle comporte un ténor marquant découvert il y a peu : Kevin Amiel, âgé de 31 ans. Il joue aussi bien qu’il chante et nous offre un Nemorino tout de fragilité, de grâce simple et d’humour délicat. La voix est belle, sonore et conduite d’une manière exquise. L’émotion est vraie et l’émotion partagée avec la salle met la larme à l’œil de plus d’un (e) ….
Et ce, pas seulement parce qu’il est toulousain ; ce nom est à retenir il va gravir les plus hautes marches des maisons d’opéras dans le monde. Dans la Traviata, il avait été un Alfredo admirable ; un rôle comme Nemorino met en valeur ses qualités d’acteurs, son jeu comique discret et de bon goût.
Le reste de la distribution ne démérite pas. Son Adina, Gabrielle Philiponet, est bien chantante, aimable garce qui gagne en profondeur quand elle accepte le piège de l’amour. Le Belcore de Ilya Silchukov est bien campé avec toute la suffisance nécessaire et une voix sonore. La faconde dont fait preuve Julien Veronèse en Dulcamara est hilarante. Ce grand bonhomme suffisant, hâbleur et prétentieux qui va se transformer en un clown Auguste devient presque attachant. Le personnage est bien présent à la fois menteur et organisateur du bonheur d’autrui. La large voix, qui avait fait merveille dans Titurel il y a peu (Parsifal en février 2020),  se plie aux exigences de la vocalité délicate de Donizetti avec art. Un vrai potentiel comique est là pour bien des rôle italiens.

Les choeurs comme toujours sont très bien préparés par Alfonso Caiani, avec une vraie aisance scénique, qui ont été parfaits.  L’Orchestre du Capitole est merveilleux, avec des solos de toute beauté. La direction de Sesto Quatrini est efficace ; elle équilibre parfaitement le comique et le presque drame. Cela avance avec naturel, les équilibres sont favorables aux chanteurs, tout est agréablement mis en valeur. Car cette partition contient de vrais grands moments d’opéra tout en ménageant un comique délicat. Cette belle production méritait une reprise et le succès a été au rendez vous. Kevin Amiel qui irradie en Nemorino va conquérir la planète de l’Opéra : préparez vous à le suivre. A moins d’un mois de  l’ HENAURME   PARSIFAL  dans cette salle, ce petit bijoux a lui avec éclat. Excellente idée de Christophe Gristi : du pur bonheur. Illustration : © P Nin

 

 

 

 

 

 

 

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Compte-rendu Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole le 4 mars 2020. Gaetano Donizetti (1797-1848) : L’ Elixir d’ Amour ; Opéra comique  en deux actes ; Livret  de Felice Romani; Création  le 12 mai 1832 au Teatro della Canobbiana de Milan.
Production Théâtre du Capitole (2001) ; Arnaud Bernard  : mise en scène ; William Orlandi  : décors et costumes ; Patrick Méeüs : lumières ; Distribution : Kévin Amiel,   Nemorino ; Gabrielle Philiponet, Adina ; Ilya Silchukov, Belcore ; Julien Véronèse, Dulcamara ; Céline Laborie,  Giannetta ; Orchestre national du Capitole ; ChÅ“ur du Capitole – Alfonso Caiani, direction ;  Sesto Quatrini,  direction musicale.

 

 

 

 

COMPTE-RENDU, Concert. PARIS, TCE, le 5 fév. 2020. Récital SCHUBERT. A LALOUM, piano. 


laloum adam pinao concertos brahms cd sony review cd cd critique par classiquenewsCOMPTE-RENDU, Concert. PARIS, TCE, le 5 fév. 2020. Récital SCHUBERT. A LALOUM, piano. Adam Laloum, longue silhouette fragile avec son allure de statue de Giacometti, se glisse vers le piano sur la large scène du Théâtre des Champs Élysées dans une lumière tamisée avec derrière lui l’or chaud du rideau de scène. Il ne faut pas se fier à la vue car la puissance du pianiste n’est pas un vain mot quand on pense au programme titanesque qui attend le jeune musicien trentenaire. En effet les trois dernières sonates de Schubert dans un programme de plus de deux heures mettent à nue l’interprète. D’autres pianistes s’y sont risqués, techniquement impeccables mais malhabiles à tenir sur toute la longueur, la richesse des images de Schubert, son besoin d’émotions perpétuellement changeantes et une capacité à tenir en haleine le public sur un temps si long.

Adam Laloum : immense schubertien

Adam Laloum ce soir a gravi plusieurs marches, non seulement celle de la qualité pianistique d’un jeu résistant mais surtout celle d’un interprète d’une poésie rare et d’une profondeur insondable. La sonate D. 958, je l’avais déjà entendue sous ses doigts à La Roque d’ Anthéron en 2017. L’évolution de son interprétation dans ce vaste cycle va vers davantage de contrastes et des nuances plus subtiles encore. Les grands emportements sont maîtrisés et la fantasmagorie par moment inquiétante n’est pas tragique ; l’humour pointe son nez dans le scherzo et surtout dans le final qui malgré sa longueur passe trop vite dans un étourdissement délicieux. Ainsi la sonate en do mineur ouvre déjà un pan entier de romantisme, passant de la violence à la tendresse la plus émue.
Mais c’est dans la D.959 que le musicien avance encore vers davantage d’émotions. Cette extraordinaire capacité à habiter les silences, émeut ; il ose varier des tempi mouvants comme la vie. À Piano aux Jacobins 2019, le pianiste avait déjà joué cette sonate avec des qualités rares, l’évolution est pourtant là et il se rapproche encore davantage de Schubert. Un Schubert qui, à deux mois de sa mort ose une partition de près d’une heure, y dit tout son amour de la vie comme ses angoisses face à la faucheuse. Mais d’une manière que seule Mozart savait, avec une élégance et une politesse d’âme d’enfant. La légèreté des doigts de la main droite d’Adam Laloum évoque des papillons pour la grâce et un colibri pour la précision. Les contrastes sont saisissants et les phrasés, amples, plein de profondeur. Le voyage musical est amical, généreux, enthousiasmant. Le deuxième mouvement si extraordinaire devient une ode à la joie de vivre consciente de sa fragilité et menacée par la sauvagerie du moment central. La reprise en est encore plus émouvante dans des nuances toujours plus subtiles. J’avais évoqué le chant pianissimo ineffable de la regrettée Montserrat Caballé avec son extraordinaire plénitude de timbre et c’est à nouveau ce qui m’a ravi. Un chant éploré mais toujours élégant dans une concentration de timbre rare.
Par rapport au Cloître des Jacobins, il ose dans l’acoustique plus vaste du Théâtre des Champs Elysées, des nuances piano encore plus ténues, provoquant chez le public une écoute totale, un silence rare et probablement beaucoup de souffles retenus. L’avancée à travers les paysages de Schubert semble d’une ouverture constante vers des horizons nouveaux et une variété d’états d’âme infinis. On retrouve les qualités des plus grands interprètes de Schubert.

Remémoration consciente du temps de l’enfance…

La troisième sonate, la D.960 encore plus longue, demande un renouvellement du propos qu’Adam Laloum organise avec une grande intelligence. Le voyage ouvre d’autres espaces, les couleurs sont plus riches ; l’harmonie va vers les contrées du futur. La puissance du jeu d’Adam Laloum est de tenir ainsi la public en haleine, de lui révéler Schubert avec un sentiment de proximité rarissime. La puissance pianistique n’étant qu’un moyen, pas un but. Cette émotion au bord des larmes, cet amour de la vie et cette remémoration consciente du temps  de l’enfance si caractéristique des grands poètes sont de la pure magie. Le pari fou de jouer ainsi les trois dernières sonates de Schubert est gagné haut la main par Adam Laloum, Primus inter pares au firmament des interprètes de Schubert. Un Grand concert dans un cadre prestigieux a révélé de manière incontestable la maturité artistique d’Adam Laloum.  Son dernier CD est dédié à Schubert. Il est de toute beauté avec la D.894 et la D. 958. Toutes ses qualités sont là mais l’émotion du concert, cette capacité à capter l’attention du public, rajoute à la beauté de l’interprétation. Espérons qu’il enregistrera les deux dernières sonates de Schubert avec son nouveau Label car vraiment, il s’agit d’un immense interprète de Schubert que le monde entier doit saluer.

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COMPTE-RENDU, critique concert. Paris Théâtre des Champs Elysées, le 5 février 2020. Récital Frantz Schubert (1797-1828) : Sonates pour piano n° 21 en ut mineur D.958, n° 22 en la majeur D.959, n° 23 en si bémol majeur D. 960. Adam Laloum, piano.

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, Capitole, le 2 fév 2020. WAGNER : Parsifal. BORY, BEERMANN, KOCH, SCHUKOFF.

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, Capitole, le 2 fév 2020. WAGNER : Parsifal. BORY / BEERMANN, KOCH, SCHUKOFF. Peut-on rêver plus extraordinaire production de l’oeuvre si «hors normes» de Richard Wagner ? Les comparaisons avec Strasbourg qui monte sa production au même moment seront certainement intéressantes tant tout semble les différencier. Je dois pourtant reconnaitre que je resterai à Toulouse afin d’assister à plusieurs représentations de ce Parsifal si réussi. Il sera difficile de développer tout ce que j’ai à dire sur ce spectacle total tant il est riche. Je serai moins long sur les voix car ailleurs elles ont été bien analysées. C’est tout simplement le quatuor vocal le plus abouti actuel qui puisse se s’écouter aujourd’hui, pour une version parfaitement cohérente. Voix sublimes de jeunesse, de puissance, de timbres rares et de phrasés somptueux. Chanteurs-acteurs beaux et convaincants. La prise de rôle de Sophie Koch en Kundry est magistrale, de voix, de timbre, de jeux et de style. Tout y est : de la quasi animalité à la plus élégante séduction , en particulier la souffrance contenue dans ce rôle complexe. Sophie Koch est une Kundry qui va conquérir le monde tant elle est déjà accomplie.

 

 

 

PARSIFAL EN MAJESTÉ

 

 

9c - Parsifal - Nikolai Schukoff (Parsifal) - crÇdit Cosimo Mirco Magliocca

 

 

 

La réussite est totale d’autant que son Parsifal, Nikolai Schukoff, est un des plus grands spécialistes actuels du rôle. Je l’avais vu et entendu à Lyon en 2011 déjà magnifique dans ce rôle et nous le connaissons bien à Toulouse dans divers opéras. A présent pour lui, il n’est plus seulement question de rôle, de voix parfaite ou de chant souverain : Nikolai Schukoff EST Parsifal. Il assume la jeunesse du rôle et met en lumière son charisme naissant sous nos yeux dans un jeu fin et émouvant. Et quelle parfaite voix de helden-ténor est la sienne ! Idéalement assortie à celle de Sophie Koch ; ainsi leur duo est vocalement parfaitement équilibré. L’Amfortas de Matthias Goerne est mondialement célèbre ; dans l’extraordinaire mise en scène d’Aurélien Bory, il atteint des sommets de spiritualité toujours avec une voix somptueuse. Peter Rose en Gurnemanz est puits d’humanité dans une voix de toute beauté. Il est peut être possible actuellement de trouver d’autres chanteurs de ce rang pour ces quatre rôles, mais pas un quatuor plus assorti. Tous les autres artiste sont d’un extraordinaire niveau.
L’ élégant Klingsor de Pierre-Yves Pruvot donne beaucoup d’ampleur au rôle. Le Titurel de Julien Véronèse est très impressionnant. Les filles fleurs sont délicieuses et les écuyers bien présents. Les chœurs associés entre Toulouse et Montpellier font honneur à la partition si extraordinaire de Wagner. La spacialisation des chœurs si fondamentale est totalement réussie. Un beau travail d’harmonisation des voix a été fait ; cela sonne puissant avec de belles couleurs et de formidables nuances. Nous savons combien l’Orchestre du Capitole excelle dans la vaste répertoire symphonique comme dans la fosse de l’opéra ; ce soir il est symphonique dans la fosse et absolument incroyable de beauté. Même au disque, il est exceptionnel d’entendre de si belles choses. Il faut reconnaitre que l’alchimie avec le chef Franck Beermann est totale. La perfection instrumentale est mise au service du drame. Franck Beermann tend des arcs musicaux envoûtants. Le tempo semble naturel tout du long, ni rapide ni lent, juste exact. Cela devient le personnage central. Un torrent de beauté et d’intelligence dramatique.

Il est certain que la diffusion sur France Musique le 29 février 2020 permettra d’approfondir la somptuosité musicale et vocale de ce Parsifal. Mais ce qui est le plus extraordinaire dans cette production est la mise en scène d’ Aurélien Bory qui magnifie la dimension symbolique et dramatique du Festival Scénique Sacré wagnérien. Car ce n’est pas un opéra comme les autres, le sens philosophique est partout présent et les personnages sont presque des problématiques humaines incarnées. Aurélien Bory travaille sur l’espace depuis longtemps ; il comprend la dimension fondamentale dans cet ouvrage comme personne. Et il lie cela au temps d’une manière si magistrale que les cinq heures de l’ouvrage passent bien trop vite. L’intelligence du spectateur est réveillée autant que son sens esthétique. La beauté offerte aux yeux, la richesse des symboles et la somptuosié de ce que les oreilles recueillent s’associent dans un tout métaphysique.

Je devine que le travail entre le chef et le metteur en scène a été fait en profondeur. Dès le prélude, les écritures lumineuses sont en phase avec la musique comme un ballet parfaitement réglé.Tout sera ensuite dans ce respect mutuel permettant à la mise en scène d’épouser la partition et inversement. Quand tant de metteurs en scène rajoutent en lui nuisant, des « idées » à la partition, Aurélien Bory épouse les idées wagnériennes en utilisant son propre vocabulaire. La rigueur des déplacements des éléments de décors est fantastique. La subtilité des ombres tient du génie. La mise en scène développe à l’infini la notion de dichotomie qui construit le monde et l’homme. Les couples d’opposés fonctionnent à merveille, blanc/noir, ombre/lumière, nature/culture, orient/occident, horizontal/vertical, lignes droites/lignes courbes, etc…. Cette mise en scène parfaitement huilée faisant un tout avec les décors et les lumières, ainsi que de très beaux costumes, offre des images de grande beauté et riches de sens qui resteront dans les mémoires.

 

 

 

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Ainsi les branches de feuillages enveloppant les hommes, les protégeant ou les gênant représente notre ambivalence par rapport à la nature. L’image d’ Amfortas infirme qui doit mettre toute l’intensité dans sa plainte rend son chant déchirant. Le quadrillage qui de ligne va se projeter en courbes représente à la fois l’enfermement et la libération. Le triangle noir qui interdit à Kundry et Pasifal de se toucher renforce l’érotisme de leur chant puis lorsque la lumière portée par Kundry envoûte Parsifal la révélation maturante résulte d’un choc terrible entre les corps par le baiser. Toute la retenue du duo, toute la séduction centrée dans le chant, toute cette tension explosent avec une puissance magistrale lors de la pénétration dans le triangle interdit. Au dernier acte le retour à Montsalvat  de Parsifal en costume japonais et la lenteur de ses gestes tient de la magie pure. Les lumières en forme de sabre sont tellement intelligentes et belles qu’elle renouvellent l’effet des tubes néons ! Et le Graal dévoilé sous forme de volutes de lumières et d’ombres qui s’épousent est tellement musical en fin de premier acte !
Aurélien Bory a fait un travail d’orfèvre sur scène comme Franck Beermann dans la fosse. Tous les artistes sont engagés totalement dans ce spectacle parfait. Le résultat est tout saisissant et cette production aussi somptueuse musicalement que scéniquement deviendra inoubliable, tant le respect et l’intelligence s’y rencontrent.

 

 

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Compte-rendu opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 2 février 2020. Richard Wagner (1813-1883) : Parsifal ; Festival scénique sacré  en trois actes ; Livret  de Richard Wagner ; Création  le 26 juillet 1882 au Festival de Bayreuth; Nouvelle production ;   Aurélien Bory :  mise en scène ; Aurélien Bory, Pierre Dequivre : scénographie ; Manuela Agnesini :  costumes ; Arno Veyrat  : lumières ; Nikolai Schukoff  : Parsifal ; Sophie Koch :  Kundry ; Peter Rose  : Gurnemanz ; Matthias Goerne :  Amfortas ; Pierre-Yves Pruvot  : Klingsor ; Julien Véronèse :  Titurel ; Andreea Soare  : Première Fille-Fleur; Marion Tassou  : Deuxième Fille-Fleur / Premier Écuyer; Adèle Charvet  : Troisième Fille-Fleur; Elena Poesina  : Quatrième Fille-Fleur; Céline Laborie  : Cinquième Fille-Fleur ; Juliette Mars : Sixième Fille-Fleur / Deuxième Écuyer / Voix d’en Haut ; Kristofer Lundin  : Premier Chevalier du Graal; Yuri Kissin  : Deuxième Chevalier du Graal; Enguerrand de Hys  : Troisième Écuyer; François Almuzara  : Quatrième Écuyer;  Choeur et Maîtrise du Capitole ; Choeur de l’Opéra national de Montpellier-Occitanie ; Alfonso Caiani : chef de choeur ; Orchestre national du Capitole ; Direction musicale : Franck Beermann. Photos :  © Cosimo Mirco Magliocca – Retransmission sur France Musique le 29 fév 2020, 19h.

 

 

 

 

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 16 déc. 2019. MOZART et l’OPERA ! LIBERTA. Pygmalion. R. Pichon.

Mozart-portrait-chevalier-clemence-de-titus-idomeneo-mozartCOMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 16 déc. 2019. MOZART et l’OPERA ! LIBERTA. Pygmalion. R. Pichon. Raphaël Pichon poursuit son exploration des coulisses des grands compositeurs comme il aime à le raconter. Après Bach et Rameau le voici habité par la fougue mozartienne. Nous avions admiré son extraordinaire interprétation du Requiem de Mozart au sein d’un spectacle complet associant d’autres partitions vocales ou instrumentales en un spectacle porteur d’une immense émotion.  Lire notre chronique : Compte-rendu. Concert. Toulouse, le 14 mars 2018. MOZART:Requiem. Pygmalion / Pichon. Ce soir l’intelligence de la construction du programme subjugue. L’énergie musicale partagée est rare ; l’allégresse qui gagne le public, un diamant. Débutant le concert sans cérémonie mais en faisant passer les artistes du statut pose lors d’une répétition à celui du cérémonial du concert petit à petit. Le canon débuté par une soprano, puis l’autre puis par la mezzo prépare l’oreille à la plus grande beauté. Car ce qui est frappant est la qualité musicale, instrumentale comme vocale de chaque pièce du programme. Raphaël Pichon donne une impulsion dramatique d’une terrible efficacité.

 

 

 

Viva MOZART ! Viva Pichon !

 

 

 

L’orchestre est le personnage principal du théâtre mozartien et quel orchestre ! L’ensemble Pygmalion sur instruments anciens a des couleurs d’une grande beauté ; il est capable de nuances très délicates et surtout sous la direction inspirée de Raphaël Pichon, il a des phrasés toujours d’une absolue élégance. Les chanteurs ont tous des voix saines, jeunes,  bien projetées et un style élégant qui convient bien à Mozart. Car le divin Mozart adorait les voix, nous le savons et dans cette période qui précède la trilogie Da Ponte, il écrit pour les voix qu’il admire et qu’il aime des airs d’une beauté totale. Peut être bien ses plus beaux airs de concerts.
Les extraits d’opéras peu connus sont merveilleux, les Canons enrichis par les bassons et les clarinettes sont des moments de grâce totale. Le public est saisi par le charme de cette organisation musicale. Quelques récitatifs des oeuvres tardives font lien dans une dramaturgie qu’il est tout à fait facile de suivre.

D’abord il est question des Noces de Figaro, puis de Cosi et enfin de Don Juan. Il est ainsi flagrant de constater combien Mozart portait en lui sa propre idée des émotions humaines mises en musique depuis longtemps avant de trouver dans les trois livrets de Da Ponte,

le miracle qu’il attendait avec des personnages de chair et de sang qu’il a habillés de la plus belle musique. Il serait ingrat de détailler les chanteurs tous admirables, capables de nuances d’une infinie douceur, et tous acteurs très engagés. L’émotion est bien souvent présente, la joie, la peine, la nostalgie ou … la reconnaissance. Tous beaux, doués et heureux, les chanteurs diffusent un sentiment de plénitude, de délicatesse et d’efficacité dramatique tout à fait rare même sur une scène d’opéra. Nous sommes très  intéressés par le projet de Raphaël Pichon qui entend interpréter les opéras de la trilogie Da Ponte. Il peaufine ses distributions, dans un vivier  de voix jeunes qui ne peut que faire merveille le temps venu.  Ce programme LIBERTA a été enregistré en deux CD et la distribution est presque à l’identique. Le programme a un peu bougé mais reste très proche.
Raphaël Pichon est un immense musicien qui sait s’entourer de grands talents. Il me fait penser à un certain John Eliot Gardiner qui dès ses débuts, a fait une carrière magnifique et qui n’a jamais démérité dans quelque répertoire que ce soit. Ce concert a été un grand moment de musique tout à fait digne des Grands Interprètes. La valeur n’attend point le nombre des années, nous le savons depuis longtemps…. Le public fait fête à une telle équipe soudée, le succès a été retentissant.

 

 

  

 

 

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Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 16 décembre 2019. Wofgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Extraits d’opéra, airs de concerts, Canons. Mari Eriksmoen, Siobhan Stagg :Sopranos ; Adèle Charte : mezzo-soprano ; Linard Vrielink : ténor ; John Chest : baryton ; Nahuel Di Pierro : Basse ; Pygmalion, choeur et orchestre ; Raphaël Pichon:  direction. 

 

 
 

 

 

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 13 déc 2019. J.WILLIAMS. J.HORNER H.ZIMMER. L.SCHIRFIN. ONCT. T.SOKHIEV.


SOKHIEV-582-594-Tugan-Sokhiev---credit-Marc-BrennerCOMPTE-RENDU, critique, concert. TOULOUSE, le 13 déc 2019. WILLIAMS, ZIMMER, SCHIRFIN. ONCT. Tugan SOKHIEV. Lors de ces deux concerts salle comble, déclarés complets depuis des lustres, un complexe est tombé. Il est permis d’aimer la musique symphonique la plus complexe et de trouver le même plaisir musical dans la décontraction et le bonheur de l’enfance en plus avec la musique hollywoodienne. Contrairement à l’an dernier où les deux concerts étaient thématiques avec uniquement la musique de Star Wars associant des tubes et des pages plus rares, cette fois Tugan Sokhiev a choisi le plaisir pur de faire entendre les musiques des films les plus connus. Le concert n’a pas été très long mais quel voyage il nous a fait faire et quelle richesse ! Avec la même science de la construction du programme, avec des humeurs variées et une sorte d’apothéose pour le final, s’est construite un festival d’émotions. Ainsi enchaînés : Jurassik Park, Mission Impossible, Titanic, Star Wars Les Sept mercenaires, Retour vers le futur, Hook, E.T. et Indian Jones pour finir en apothéose le départ pour le voyage en haute mer de Pirates des Caraïbes. Photo Tugan Sokhiev (service de presse Capitole Toulouse DR)  

 

   

 

 

Le Père Noël à Toulouse :

quand Tugan Sokhiev fait son cinéma

 

 

 

Avec le même soin du détails, comme de la dramaturgie de la partition, c’est comme si ces musiques tant aimées et bien connues sortaient d’une sorte de brouillard, d’une boite un peu oxydée, pour vivre à l’air libre leurs splendeurs sonores, en irradiant de bonheur. Fidèles à eux-mêmes, les musiciens de l’orchestre ont brillé. Ils ont été enthousiastes, soignant chaque instant et sachant devenir dans les moments solistes, et ils sont nombreux, de véritables …divas. Les cuivres ont caracolé sans complexes ; les cors ont soufflé la grandeur ou exprimé des sentiments intimes ; les trompettes ont fouetté le sang et les violons ont ouvert le ciel de plages laiteuses, de volutes sublimes ou de thèmes piquants. Les violoncelles ont su faire pleurer de beauté, comme les bois, tous magiques. Les percussions ont été mises a rude épreuve et le brio a été permanent. Le piano, la batterie et la guitare électrique (Mission Impossible) ont tenu le public en haleine avec un swing incroyable.

Tugan Sokhiev a fait l’enfant, heureux d’avoir à sa main un super orchestre sachant tout jouer de la plus belle manière. Ils semblait s’émerveiller lui-même du pouvoir d’évocation de la musique sous ses doigts, qui suggérait histoires et images. Ces compositeurs de musiques de films américains, avec en maître tutélaire John Williams, ont tous un véritable don. La richesse des partitions n’est pas en comparaison du répertoire « dit symphonique classique ». Il se dégage de tels concerts un bonheur et une énergie incroyable. Et le rajeunissent du public est également un élément important. Sentir le plaisir de ses voisins quand arrive son thème préféré, procure le frisson à la salle entière. Pour ma part je reste un inconditionnel de Star Wars de John Williams mais cette année Pirates des Caraïbes de Hans Zimmer et Mission Impossible de Lalo Schifrin l’ont rejoint au Walhalla. 
Vivement au autre cinéma de Tugan Sokhiev l’an prochain !  Pour nous, il a carte blanche. Car cela ferait croire au père Noël !  

 

   

 

 

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COMPTE-RENDU, critique, concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, les 12 et 13 décembre 2019. John Williams : Jurassik Park, Star Wars, Hook, E.T. , Indiana Jones ; Lalo Schifrin : Mission Impossible ; James Horner : Titanic ; Elmer Bernstein : Les Sept Mercenaires ;  Alan Silvestri : Retour vers le futur ; Hans Zimmer : Pirates des Caraïbes. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev direction.

 

 

   

 

 

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 7 déc 2019. F. LISZT. D. CHOSTAKOVITCH. L. DEBARGUE, ONCT. T. SOKHIEV.

DEBARGUE-_-Lucas_Debargue-582-594COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 7 déc 2019. F. LISZT. D. CHOSTAKOVITCH. L. DEBARGUE, ONCT. T. SOKHIEV. Le concert a permis de constater combien le jeune pianiste Lucas Debargue a tenu les promesses que son jeu virtuose avait fait deviner. En effet nous l’avions entendu en 2016 à Piano aux Jacobins puis en 2018 à La Roque d’Anthéron. Nous disions notre admiration et l’attente de la maturité pour gagner en musicalité. Nous y sommes et pouvons affirmer que Lucas Debargue a atteint un bel équilibre aujourd’hui. Ce premier concerto de Liszt, compositeur-virtuose célèbrissime est représentatif de ses excès de virtuosité comme de son génie rhapsodique. Les moyens pianistiques et la musicalité au sommet sont nécessaires pour soutenir l’intérêt tout du long. En effet souvent la virtuosité seule sert le propos et la musique s’évanouit. Il faut également tenir compte de la personnalité de Tugan Sokhiev à la tête de son orchestre. Le chef Ossète est un fin musicien et un grand admirateur des solistes invités, lui qui toujours est attentif à les mettre en valeur. Il a admirablement dirigé ce concerto. Lucas Debargue souriant, a dominé avec naturel l’écriture si complexe de sa partie de piano, tandis que le chef équilibrait à la perfection les plans de l’orchestre, tenant dans une main de velours des tempi médians mais capables d’un rubato élégant. Les moments chambristes nombreux ont été magnifiquement interprétés par un soliste attentif et des musiciens survoltés. Ce concerto proteïforme a gagné en cohérence et en musicalité dans la belle interprétation de ce soir. La délicatesse du toucher et les fines nuances de Lucas Debargue ont été une merveille. Son jeu de la main gauche a semblé particulièrement puissant dans les passages très exposés. L’aisance digitale de Lucas Debargue, la beauté de ses mains, sont un spectacle fascinant. Il a été ovationné par le public, a tenu à saluer avec le chef comme pour dire combien leur entente était réussie et il a offert deux bis : un peu de Scarlatti et, nous a-t-il semblé, une partition de son cru car ce jeune homme fort doué est également compositeur.

chostakovitch-compositeur-dmitri-classiquenews-dossier-portrait-1960_schostakowitsch_dresdenLa deuxième partie du concert a été très éprouvante, car la tension douloureuse déployée par Tugan Sokhiev dans son interprétation de la 8 ème symphonie de Chostakovitch a été vertigineuse. Le long lamento des cordes, dans un à-plat froid et désolé tient du cinématographique. Le désert de glace autour des goulags était présent. Le train fou qui avance dans la neige vers la mort un peu plus tard. Le ricanement de militaires fantomatiques aussi. Les moments de fureur n’ont été que des moments permettant d’extérioriser le même désespoir et la dérision des musiques militaires, une autre variation de la désespérance humaine. Le largo en forme de marche à la mort sur une allure de passacaille tient du génie noir, le plus noir. Comme une marche dont personne ne reviendra plus. Le final cherche à se révolter mais finit dans une désolation particulièrement insupportable que Tugan Sokhiev lie au silence qui suit avec une autorité sidérante. Les solistes de l’orchestre ont été très exposés, chaque famille dans un ou plusieurs soli, parmi les plus exigeants. Distinguons la trompette solo à la présence inoubliable de René-Gilles Rousselot et le cor anglais si mélancolique de Gabrielle Zaneboni ; pourtant chaque instrumentiste a été merveilleux : le cor, la flûte, le piccolo, la clarinette, le hautbois, le violon, l’alto ou le violoncelle. Et les sept percussionnistes ont été très présents. Sans oublier les contrebasses si expressives . Sous cette splendeur sonore de chaque instant, vraiment s’est dissimulé le désespoir le plus tragique. Ce n’est vraiment pas la symphonie la plus facile de Chostakovitch, c’est un long réquisitoire, le plus terrifiant peut être, contre les abjections du régime communiste, en raison du peu de moments de révolte, comparés à l’ampleur de la désolation contenue dans ces pages.
Un Grand moment que les micros, nous a t-on-dit, vont immortaliser pour Warner.
Ces symphonies de Chostakovitch à Toulouse sont chaque fois un moment très apprécié, c’est une bonne idée de les enregistrer sur le vif au fur et à mesure.

Compte-rendu concert. Toulouse.Halle-aux-grains, le 7 décembre 2019. Frantz Liszt (1811-1886) : Concerto pour piano et orchestre n°1 en mi bémol majeur S.124 ; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°8 en ut mineur op.65 ; Lucas Debargue, piano ; Orchestre National du Capitole. Tugan Sokhiev, direction.

LIRE aussi notre critique compte rendu du concert de Lucas Debargue aux Jacobins :
www.classiquenews.com/compte-rendu-concert-a-edition-de-piano-aux-jacobins-toulouse-cloitre-des-jacobins-le-13-septembre-2016-mozart-ravel-chopin-liszt-lucas-debargue-piano/

COMPTE-RENDU, critique, opéra. TOULOUSE, le 5 déc 2019. MONTEVERDI : Orfeo. Gonzales Toro, I Gemelli.




COMPTE-RENDU. OPERA. TOULOUSE. Le 5 déc 2019 C. MONTEVERDI : ORFEO. E. GONZALES TORRO. I . GEMELLI. T. DUNFORD. Pour seulement deux soirées, Emiliano Gonzales Torro et ses amis ont véritablement enchanté le Théâtre du Capitole. En une incarnation totale, le ténor a su faire revivre la magie de cet opéra des origines. Oui il est commode de dire que l’opéra est né en 1607 avec cet Orfeo même si l’Eurydice de Caccini en un joli hors d’œuvre prépare en 1600 la naissance de ce genre si prolixe. Nous avons donc pu déguster une représentation absolument idéale de beauté et d’émotion mêlées du premier chef d’œuvre lyrique. Un voyage dans le temps, l’espace et la profondeur des sentiments humains. La scénographie toute de grâce et d’élégance permet aux émotions musicales de se développer en une continuité bouleversante. L’orchestre, socle de vie comme d’intelligence, est disposé de part et d’autre de la scène dans les angles comme cela était le cas lors de la création. L’effet visuel est admirable mais surtout les musiciens se regardent à travers la scène et peuvent en même temps suivre les chanteurs et leurs collègues musiciens en un seul coup d’œil. L’effet est sidérant d’évidence et de naturel ; certes on devine bien que le luthiste Thomas Dunford est un moteur puissant mais en fait c’est tout le continuo qui dans un tactus parfait fait avancer le drame. Ce tactus souple et déterminé donne à l’enchaînement de tous les éléments : madrigaux, airs, récitatifs, parlar-cantando, leur naturelle force de vie, s’appuyant sur une rhétorique toujours renouvelée.

 

 

 

A Toulouse, un théâtre du naturel… où règne
l’idéal ORFEO d’Emiliano Gonzales Torro

 

 

 

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Voilà donc un « orchestre » organique, réactif et d’une superbe beauté de pâte sonore qui régale l’auditeur comme rarement. Musicalement cela réalise une sorte de synthèse des versions connues au disque allant vers toutes les subtilités relevées par le regretté Philippe Beaussant dans son superbe essai : « Le chant d’Orphée selon Monteverdi ». Le naturel qui se dégage de ce spectacle est bien l’idéal qui a présidé à la naissance de l’Opéra, art total. Les chanteurs évoluent avec le même naturel, la même élégance devant nous. Ils portent des costumes dans lesquelles ils se meuvent avec facilité. Le blanc, le noir et l’or sont les couleurs principales et la superbe robe verte de l’espérance qui éclaire un moment les ténèbres des enfers est une idée géniale. La mise en espace est plus aboutie que bien des prétendues mises en scène d’opéra. Les personnages vivent, s’expriment et nous paraissent proches. Les éclairages sont à la fois sobres et suggèrent le fabuleux voyage d’Orphée, entre lumière et ombre.

Onze chanteurs se partagent les rôles, les madrigaux et les chœurs. Là aussi le choix est idéal, tous artistes aussi habiles acteurs que chanteurs épanouis. Les voix sont toutes fraîches et belles, sonores et bien timbrées ; les voix de sopranos sont chaudes et lumineuses sans acidité, les basses abyssales et terribles, les ténors élégants et sensibles. Impossible de détailler : chacun et chacune mérite une tresse de lauriers. Emiliano Gonzales Torro a la voix d’Orphée, l’aisance scénique et le port noble du demi-dieu. Dans ce dispositif si intelligent le drame se déploie et les émotions sont portées à leur sommet. Ne serait-ce que la douloureuse sympathie du premier berger qui arrache des larmes après la terrible annonce de la mort d’Eurydice.
Premier nœud du drame, la messagère très impliquée d’Anthea Pichanick, la sidération d’Emiliano Gonzales Torro en Orfeo et ce désespoir amical de Zachary Wilder. Deuxième nœud, la prière si expressive de Mathilde Etienne en Proserpine après la scène si impressionnante avec le Caronte de Jérôme Varnier. Et pour finir ce terrible renoncement d’Orphée à tout bonheur humain avant son départ vers le séjour de félicité des dieux. Tout s’enchaîne avec une évidence précieuse. La beauté est partout, les yeux, les oreilles et l’âme elle-même s’en trouvent transportés hors du monde. Un véritable moment féérique.

Certainement la version la plus complète d’Orfeo à ce jour réalisée.  La tournée de cette production le confirmera par son succès et l’enregistrement annoncé en 2020 sera certainement une référence incontournable. Bravo à une équipe si soudée et au génie d’Emiliano Gonzalez Toro qui semble être une incarnation orphique inégalée.

 

 

 
 

 

 

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Compte-rendu Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 5 XII 2019 ; Claudio Monteverdi (1567-1643) : L’ Orfeo, Opéra (Fable en musique) en cinq actes avec prologue ;  Livret d’Alessandro Striggio ; Création le 24 février 1607 au Palais ducal de Mantoue ; Opéra mis en espace ; Mathilde Étienne :  mise en espace ;  Sébastien Blondin et Karine Godier , costumes ; Boris Bourdet, mise en lumières ; Avec : Emiliano Gonzalez Toro , Orfeo ; Emöke Baráth, Euridice et La Musica ; Jérôme Varnier, Caronte ; Anthea Pichanick,  Messaggiera ; Alix Le Saux,  Speranza ; Fulvio Bettini , Apollo ; Zachary Wilder, Pastore ; Baltazar Zuniga, Pastore ; Mathilde Étienne, Proserpina ; Nicolas Brooymans, Plutone ; Maud Gnidzaz, Ninfa ; Ensemble I Gemelli ; Thomas Dunford luth et direction ; Violaine Cochard assistante direction musicale ; Emiliano Gonzalez Toro : direction musicale. Photo : © P NIN

 

 

 
 

 

 

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, le 26 nov 2019. POULENC : Dialogues des Carmélites. O Py / JF Verdier.

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE. CAPITOLE. Le 26 Novembre 2019. F. POULENC. DIALOGUES DES CARMELITES. O. PY. A. CONSTANS. A. MOREL. J DEVOS. J.F. LAPOINTE. J.F. VERDIER. Cette belle production d’Olivier Py avait déjà eu bien du succès au Théâtre des Champs Élysées à Paris, et au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles en 2013. La grande élégance stylisée des décors et des costumes y est pour beaucoup. La force également qui se dégage des éclairages et des mouvements puissants des décors à vue marquent durablement les esprits. Le jeu des chanteurs-acteurs est toujours sobre. Il y a comme une certaine distanciation en permanence qui évite toute émotion trop forte. L’intelligence,  les symboles sont lisibles et le contexte historique de la Révolution Française est présent.

 

 

Au Capitole, de beaux Dialogues
…mais un peu froids

 
 
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Mais il y une distanciation très contemporaine avec le tragique des faits historiques qui nuit à l’émotion forte de certaines scènes. Les faits historiques sont exposés et compris mais non vécus. Il faut dire que la présence du Chœur dans les loges de part et d’autre de la scène ou dans le côté du théâtre avec une présence très forte en habits contemporains, a minoré l’impact émotionnel de la sublime scène finale. En effet le bourdon trop présent a couvert le dénuement qui gagne le chant des moniales au fur et à mesure que la guillotine s’active. Même la scène de la mort de la prieure dans un habile dispositif, a gardé comme une distance avec l’ émotion.

Pourtant l’engagement des chanteurs a été notable. En particulier la jeune Anaïs Constans qui est une Blanche de la Force impressionnante de présence tant vocale que scénique. En Mère, Marie, Anaïk Morel a su trouver la dureté du personnage avec une voix comme minérale. Janina Baechle est une première prieure plus humaine que certaines avec une mort presque trop polie. Catherine Hunold en nouvelle prieure sait de sa voix homogène mettre le moelleux nécessaire à la dimension maternelle du rôle. Jodie Devos incarne tant vocalement que scéniquement la force de vie du rôle de Constance avec beaucoup de naturel et de charme. C’est elle qui délivre le chant le plus porteur d’émotion, surtout durant le final.
Les hommes n’ont pas démérité sans s‘imposer particulièrement. Les petits rôles sortis du Chœur ont tous été excellents, tout particulièrement Catherine Alcoverro très émouvante en Jeanne.
L’orchestre du Capitole a été parfait.  Les nuances ont été parfois un peu trop présentes sans mettre en danger les chanteurs. Jean-François Verdier développe la dimension symphonique de la partition. Lui aussi en accord avec la mise en scène appuie la clarté du discours, la perfection formelle des équilibres sonores. Mais cette élégance, comme celle de la mise en scène nous a semblé manquer d’émotion.
Ces dialogues ont donc été bien accueillis par le public, mais sans beaucoup d’yeux humides…

 
  
 

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COMPTE-RENDU, opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole , le 26 Novembre 2019. Françis Poulenc (1899-1963) : Dialogue des Carmélites. Opéra en trois actes et douze tableaux ; Texte de la pièce de Georges Bernanos, adapté avec l’autorisation d’Emmet Lavery ; D’après une nouvelle de Gertrud von Le Fort (La Dernière à l’échafaud) et un scénario du Rév. Raymond Leopold Bruckberger et de Philippe Agostini ; Édité par CASA RICORDI MILANO ; Création le 26 janvier 1957 au Teatro alla Scala de Milan. Coproduction Théâtre des Champs Elysées et du  Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles. Olivier Py : mise en scène ; Pierre-André Weitz : décors et costumes ; Bertrand Killy : lumières Avec : Anaïs Constans, Blanche de la Force ; Anaïk Morel, Mère Marie de l’Incarnation ; Janina Baechle, Madame de Croissy, première Prieure ; Catherine Hunold, Madame Lidoine, nouvelle Prieure ; Jodie Devos,  Constance de Saint-Denis ; Jean-François Lapointe, Le Marquis de la Force ; Thomas Bettinger, Le Chevalier de la Force ; Vincent Ordonneau, L’Aumônier ; Jérôme Boutillier, Le Geôlier / Thierry / Monsieur Javelinot ; Chœur du Capitole, Alfonso Caiani direction ;  Orchestre national du Capitole ; Jean-François Verdier direction. Photo © Patrice Nin

 
 
 

COMPTE-RENDU, critique, concert. Toulouse, le 22 nov 2019. CLYNE, CHOSTAKOVITCH, ELGAR. S. GABETTA. Orch Nat du Capitole. B. GERNON.

ben-gernon-maestro-chef-dorchestre-maestro-critique-review-concert-classiquenews-opera-critique-classiquenewsCOMPTE-RENDU, critique, concert. Toulouse. Halle-aux-grains, le 22 Novembre 2019. A. CLYNE. D. CHOSTAKOVITCH. E. ELGAR. S. GABETTA. ORCH. NAT. CAPITOLE / B. GERNON. En début de concert le jeune chef britannique Ben Gernon a choisi une composition de la jeune et talentueuse compositrice britannique Anna Clyne. La beauté de cette partition est un hommage passionné au poème de Baudelaire “Harmonie du soir”. Beauté sulfureuse au charme prenant, l’Orchestre du Capitole au grand complet participe à cet envoûtement paisible. Une très belle partition abordée avec clarté et précision par le jeune chef. Elle mérite vraiment d’entrer au répertoire des orchestres symphoniques car une telle plénitude, un tel charme qui est bien trop rare dans les premières pièces des programmes, permet d’entrer avec volupté dans toutes les beautés du monde sonore de la musique symphonique.

 

 

Le pur plaisir de la musique partagée

 

   

 


Puis, la violoncelliste Sol Gabetta dès ses premiers pas sur scène, irradie d’une présence lumineuse et chaleureuse. Le Concerto de Chostakovitch est une partition complexe dédiée à Mtislav Rostropovitch, grand ami du compositeur. Composé dans un environnement dangereux et en proie à une hostilité politique pouvant être fatale, cette composition en demi teinte suggère plus qu’elle n’affirme. Ainsi le thème introduit d’emblée par le violoncelle est sous les doigts légers de Sol Gabetta, plus goguenard que véritablement moqueur. Toute l’interprétation sera donc placée dans cette délicatesse et cette précision de phrasé. A la pointe de l’archet, pour ne pas dire à la pointe de l’épée, afin de faire mouche à chaque coup. On sort comme hypnotisé du Concerto. La délicate violoncelliste, avec un art consommé des couleurs et des nuances très affirmées, ne cherche jamais l’affrontement ou la provocation, elle nous ensorcèle. En ce sens une toute autre interprétation que celle de Rostropovitch plus directe et sensible aux dangers imminents. Comme à distance, l’intelligence du jeux de Sol Gabetta trouve une autre voie et elle trouve dans le jeune chef Ben Gernon un partenaire attentif, précis et lui aussi, inventif. L’Orchestre avec une immédiateté généreuse suit dans cette recréation du chef d’oeuvre avec d’autres propositions. La magie du final avec le célesta est pure magie irréelle. Ces grands musiciens nous offrent un très grand moment de fine musicalité partagée. En bis, comme pour rendre évidente cette osmose musicale peu commune, la soliste très applaudie revient avec le chef. Ils interprètent un arrangement particulièrement émouvant du sublime air mélancolique de Lenski, avant son duel avec Onéguine dans l’opéra Eugène Onéguine de Tchaïkovski. Il est habituel de dire que le violoncelle est l’instrument le plus proche de la voix humaine. Ce soir Sol Gabetta est encore plus émouvante que le ténor le plus doué. Il a été difficile de ne pas pleurer à l’écoute de cette osmose totale entre le chef, l’orchestre et la soliste qui chante à perdre l’âme. 
La deuxième partie du concert est dédiée aux Variations Enigma du compositeur anglais Edward Elgar. Cette riche et belle partition permet à l’orchestre de briller ; de nombreux moments solistes sont tout à fait délectables. L’écriture très nuancée avec de longues phrases sublimes permet au chef de proposer une vision personnelle car il faut doser entre romantisme, hédonisme, et musique de film. Ben Gernon avec des gestes sans baguette et d’une grande élégance obtient de l’orchestre un son moelleux et une pâte qu’il malaxe avec génie. Le rubato est assumé, les nuances très affirmées, le caractère très différent de chaque variation est indéniable, pourtant il se dégage de la direction du chef, tout du long, une clarté des plans, une beauté des phrasés, une liberté de jeu qui sont la marque d’un grand chef. Les musiciens jouent avec plaisir et les solo sont magiques : cor, alto, bois en particulier. Un très agréable concert dans lequel le plaisir de la musique partagée a été total. Le public a su applaudir avec vivacité ces très beaux moments.
 
 

 

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Ben Gernon (DR) 

 

   

 

 

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COMPTE-RENDU, critique, concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 22 novembre 2019. Anna Clyne (née en 1980) : this midnight hour ; Dimitri Chostakovitch ( 1906-1075) : Concerto pour violoncelle n° 1 en mi bémol majeur Op. 107 ; Edward Elgar (1857-1934) : Variations Enigma Op. 36 ; Sol Gabetta, violoncelle ; Orchestre National du Capitole ; Ben Gernon, direction.

 
   

 

COMPTE-RENDU, concert. Toulouse, le 19 nov 2019. MOZART, BRAHMS. G. SOKOLOV, piano.

sokolov grigory recital salzburg piano 2008 deutsche grammophon clic de classiquenews fevrier mars 2015COMPTE-RENDU. Concert. Toulouse. Halle-aux-grains, le 19 Novembre 2019. W.A. MOZART. J.BRAHMS. G. SOKOLOV. Chaque concert de Gregory Sokolov est à la fois inouï et … prévisible. Allure d’automate lorsqu’il marche, jeu pénétrant et d’une subtilité rare lorsqu’il se met au clavier, troisième partie offerte en bis aussi longue que les deux précédentes. Et avant tout cette véritable originalité de jeu dans un monde du piano classique… aux goûts souvent trop implicites. Sokolov va là où sa sensibilité le porte et cela ne peut laisser indifférent. Il m’est arrivé de ne pas aimer : une fois pour son concert Bach. Ce soir la majorité du public a été comblée surtout par la deuxième partie réservée à Brahms.

 

 

 

Récital Mozart et Brahms

Sokolov : tout simplement magnifique

 

 

 

Il faut reconnaître qu’un Brahms aussi lumineux est précieux. Sokolov dans ces deux pièces Op. 118 et 119, souvent décrites comme crépusculaires, y déploie une précision rare et une énergie intemporelle. Les plans sont tous clairement joués, les nuances sont poussées au bout, la palette de couleur et la variété des phrasés lui permettent de brosser un tableau d’une grande richesse. Les harmonies si particulières du « vieux Brahms » sont portées à leur grande modernité avec simplicité et évidence. Le voyage proposé par Gregory Sokolov semble éternel et nous aimerions l’écouter en boucle afin de se régaler de cette richesse d’interprétation habillée en forme d’évidence mais qui recèle un art du piano absolument souverain.
Son Mozart est lui aussi en tous points remarquable et encore plus personnel. Il a choisi des oeuvres très variées qu’il aborde avec des doigts souples et vifs, comme caressants le clavier. Le prélude et la Fugue en ut majeur semblent à la fois d’une grande modernité et un véritable hommage à Bach. Le clavier devient un moyen de convaincre avec une éloquence noble et ayant la simplicité de l’évidence. Quand à la sonate n° 11, elle coule librement, dans un gué bien entretenu. Même la conclusion « alla turca » a de la tenue. Sous les doigts de Sokolov Mozart est un grand musicien, un grand claviériste ; le pianiste russe nous convainc qu’avec ce jeu précis et simple, sans afféteries, sans charme aimable, la musique se déploie avec un naturel d’une grande liberté. C’est cela, oui : le piano de Sokolov est totalement libre.

La troisième partie contiendra six pièces que le pianiste joue chaque fois après un salut rituel sans émotion sur son visage. Une telle générosité aussi simplement concédée au public est la marque du génie de Sokolov. Ainsi Schubert, Chopin et Rachmaninov ont apporté leurs saveurs belcantistes à la nuit. Un concert qu’une partie du public aurait pu écouter sans fin. Tant de musique avec cette liberté du don reste inoubliable. Merci aux Grands Interprètes qui avec fidélité ont invité l’un des plus grands musiciens du clavier.

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Compte-rendu ,concert.Toulouse. Halle-aux-grains, le 19 novembre 2019. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Prélude (Fantaisie) et Fugue en ut majeur, K.394 ; Sonate n°11 en la majeur, K.331 op.6 n°2 ; Rondo n°3 en la mineur K. 511 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Klavierstücke Op.118 et Op.119. Grigory Sokolov, piano.

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Précédent compte rendu critique d’un concert récital de Grigory Sokolov :
http://www.classiquenews.com/compte-rendu-recital-de-piano-toulouse-halle-aux-grains-le-26-mai-2014-recital-frederic-chopin-grigory-sokolov-piano/

COMPTE-RENDU, critique CONCERT. PARIS. Eglise St-Sulpice, le 13 nov 2019. VERDI: REQUIEM. Euromusic Symph Orch. H. Reiner

Vague verdienne en juin 2014COMPTE-RENDU, CONCERT. PARIS. Eglise Saint Sulpice, le 13 Novembre 2019. G.VERDI. REQUIEM. Euromusic Symphonic Orchestra. Choeur International Hugues Reiner. H.REINER. Il est moments musicaux qui sont inclassables et ce Requiem de Verdi, donné à Saint-Sulpice le 13 novembre 2019, est l’un de ceux qui resteront dans les mémoires. Ainsi le très long silence qui a terminé le Requiem représente le plus bel hommage et les plus belles minutes de silence possibles. Et le public incrédule d’abord, puis silencieux, a finalement applaudi généreusement un tel moment de grâce. Car comment parler d’un concert si porteur d’émotions sans le dénaturer ? Hugues Reiner a porté ce projet avec toute sa générosité, invitant l’association Live for Paris à l’événement commémoratif des tueries du 13 novembre 2015. Il y a eu beaucoup d’émotions dans la vaste église malgré le froid et l’acoustique difficile. Il faut dire que dès le concerto de trompette de Marcello qui ouvrait le concert, Guy Touvron après son vibrant hommage à son collègue et ami avait donné le ton : la musique vivante console de la mort comme rien d’autre. Le vaste Requiem de Verdi est composé à l’envers.

Un Requiem pour ne pas oublier
et pour que vive la liberté !

Car la fin : le Libera Me de la soprano, est la pièce composée en premier pour un Requiem d’hommage à Rossini qui n’a jamais vu le jour. Verdi chantre de l’opéra ne pouvait décevoir et a composé avec ce Requiem une grande fresque opératique donnant un relief particulier à la Doxa chrétienne ; car s’il suit le texte latin il est peu de dire qu’il lui donne une vigueur incroyable avec des accents terribles ou touchants et de vastes phrases en gestes vocaux quasi surnaturels.
Le quatuor de solistes est utilisé comme dans un opéra. C’est la soprano qui est la plus exposée mais personne n’est secondaire. La soprano Blerta Zhegu est remarquable de sureté d’émission et de beauté de ligne vocale. L’homogénéité de la voix lui donne de l’autorité comme une grande tendresse. Elle a remplacé au pied levé Isabelle Ange malade et a appris sa partie en moins de six jours ! Guillemette Laurens faisait là une prise de rôle attendue. En effet la diva sombre du baroque pour fêter ses 47 ans de carrière osait une entrée dans le répertoire romantique qu’elle affectionne tant. Son timbre prenant, sa diction faite drame et ses phrases ciselées, avec de grands contrastes, ont fait merveille. Dans toute sa partie, que se soit en solo, en duo, trio ou quatuor, elle apporte une diction vivifiante et un sens de la fusion des timbres dignes de l’extraordinaire madrigaliste qu’elle est. Le ténor Joachim Bresson avec un engagement très émouvant a chanté sa partie avec une grande musicalité ; quand d’aucuns ne sont que voix large, lui nuance et phrase délicatement sa partie. La voix au grain noble permet de porter loin une émotion non feinte. Il est bien rare de voir un artiste vivre si intensément ce qu’il chante. La basse Robert Jezierski apporte beaucoup de force et de stabilité avec un art du chant verdien bien maîtrisé. L’accord entre les voix des quatre chanteurs a été remarquable avec la constante recherche d’un bel équilibre. Il faut dire que le travail sur les parties solistes avec Hugues Reiner, semble particulièrement abouti.
Bien souvent des choses très fines ont été perceptibles qui sont souvent noyées dans les décibels et qui ce soir ont livré la quintessence de l’art vocal de Giuseppe Verdi. L’orchestre et le chœur, tous très engagés, ont parfaitement été à la hauteur de l’événement. Et la direction souple et digne d’Hugues Reiner a magistralement fait avancer le drame sans jamais rien lâcher. Tempi élégants, articulations fines des choeurs, belles couleurs orchestrales, excellent dosage des nuances entre tous, son Requiem de Verdi est un grand opéra construit dans une dramaturgie assumée. Le début pianissimo fantomatique, les fresques chorales, les trompettes spacialisées de la terreur du Dies Irae, comme le tendresse du duo de l’Agnus Dei ont emporté le public dans les émotions contrastées attendues.
Et ces minutes finales de silence, en hommages au morts de novembre 2015 resteront comme un moment de magie de la vie. Voila un magnifique Requiem porté par des musiciens, engagés totalement dans la dramaturgie sublime de Verdi. Cela méritait bien le voyage à Paris !

Compte-rendu Concert. Paris. Eglise Saint-Sulpice, le 13 Novembre 2019. Benedetto Giacomo Marcello ( 1686-1739) : concerto pour trompette en ré mineur ; Giuseppe Verdi (1813-1901) : Requiem. Blerta Zhegu, soprano ; Guillemette Laurens, mezzo-soprano ; Joachim Bresson, ténor ; Robert Jezierski, basse ; Guy Touvron, trompette ; Euromusic Symphonic Orchestra. Choeur International Hugues Reiner. Hugues Reiner, direction.

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 8 nov 2019. DUTILLEUX, HOLST.. Orch National Capitole, JULIEN-LAFFERIERE / SOKHIEV

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 8 novembre 2019. H DUTILLEUX. G. HOLST. V. JULIEN-LAFFERIERE. Orfeon Donostaria. Orchestre National du Capitole. T.SOKHIEV, Direction.

LAFERRIERE violoncelleVictor Julien-Laferriere © Lyodoh KanekoVictor Julien-Lafferière est un jeune musicien d’exception dont la carrière a pris un élan incroyable depuis son prix du concours Reine Elisabeth de Belgique en 2017. Une grande tournée de concerts avec Valery Gergiev a été triomphale. Il est un soliste recherché et un chambriste accompli auréolé de succès publics et critiques en compagnie d’Adam Laloum et dans son trio « Des Esprits ». Ce soir dirigé par Tugan Sokhiev, chef attentif et partenaire protecteur, le jeune soliste a été d’une extraordinaire délicatesse dans le Concerto pour violoncelle de Dutilleux. Cette oeuvre dédiée à Mtislav Rostropovich est inspirée d’un poème de Baudelaire. Très intellectuelle, la partition reste distante de l’émotion et de toute forme de passion, recherchant une allure française basée sur l’originalité des sonorité (à la Debussy), tout en réservant une grande place aux percussions. Le violoncelliste doit tenir sa sonorité dans les limites d’une parfaite maitrise de chaque instant. Victor Julien-Lafferière a toutes les qualité pour offrir une interprétation magistrale de ce concerto. La finesse du jeu, rencontre la beauté de la sonorité et la fluidité des lignes. L’Orchestre du Capitole offre une pureté de sonorité et une précision rythmique parfaite. La direction de Tugan Sokhiev est admirable de précision et de finesse. Les grandes difficultés de la partition sont maitrisées par tous afin de proposer une interprétation toute en apparente facilité. Tout va vers le rêve et l’ailleurs comme le suggère le poème de Baudelaire. L’écoute de l’oeuvre en est facilitée et le public fait un triomphe au jeune violoncelliste. Il revient saluer plusieurs fois et propose en bis une délicate allemande d’une suite pour violoncelle de Bach (la troisième). Sonorité soyeuse et legato subtil sont comme un enchantement prolongeant le voyage onirique précédent.

En deuxième partie de concert, Tugan Sokhiev retrouve son orchestre élargi pour un voyage interplanétaire grâce aux Planètes de Holst. Cette oeuvre du compositeur anglais reste le parangon de toute oeuvre symphonique hollywoodienne. Les effets très efficaces de l’orchestration de Gustave Holst font toujours recette chez bien des compositeurs de musiques de films. Tugan Sokhiev prend les rennes avec élégance et ne lâche plus ses musiciens jusqu’à la dernière note. L’orchestre est rutilant ; chaque soliste est prodigieux de splendeur sonore. Ainsi des cuivres bien ordonnés sur deux rangs au fond juste devant les nombreuses percussions sauront-ils nuancer habilement toutes leurs interventions. Le chef les laisse jouer sans vulgarité dans les moments pompiers. Les forte éclatent de santé et de générosité. Nous soulignerons tout particulièrement la beauté du son mais surtout l’élégance du phrasé et la longueur de souffle de Jacques Deleplancques au cor. Mais comment de pas citer le splendide solo du violoncelle de Sarah Iancu ou la flûte de François Laurent, le hautbois de Louis Seguin et la clarinette de David Minetti ?; qui sont les chambristes et solistes accomplis de cette superbe saga galactique.

Tugan Sokhiev joue à plein les différences de chaque partition dédiée à une planète mais garde une unité stylistique magnifique à cet ensemble. Le long silence par lequel il clôt son interprétation a pu paraitre un peu emphatique pour certains spectateurs mais qu’il est bon qu’ un véritable chef charismatique arrive a retarder les applaudissements afin de respecter le silence qui suit la musique et en fait partie quoi qu’en pensent les spectateurs trop zélés a frapper des mains et des pieds parfois en même temps que la dernière note du concert. Ce soir le concert a été placé sous le signe de la plénitude et de la délicatesse. Il n’y a a pas eu besoin d’un bis après tant de splendeur musicale. Là aussi le chef a su résister à cette habitude du « jamais assez » que le public insatiable voudrait prendre.

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COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 8 novembre 2019. Henri Dutilleux (1916-3013) : Tout un monde lointain, concerto pour violoncelle ; Gustav Holst (1874- 1934) : Les Planètes ;   Victor Julien-Laffarière, violoncelle. Orfeon Donostaria, chef de choeur : José Antonio Sainz-Alfaro ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, Direction. Illustration : Julien-Lafferiere (DR)

COMPTE-RENDU, concert. Toulouse, le 18 oct  2019. SIBELIUS. CHOI. Orch. Capitole / J. SWENSEN.

sibelius-jeune-portrait-classiquenewsCOMPTE-RENDU, concert. Toulouse. Halle-aux-grains, le 18 octobre  2019. J. SIBELIUS. Y.E. CHOI. Orch.Nat.TOULOUSE. J. SWENSEN. Il est des idées convenues qui peuvent se dissiper en un concert. Tous ceux qui étaient ce soir présents, sont capables de se faire une idée personnelle de la valeur des partitions de Sibelius. Il fait bon genre de mépriser le compositeur finlandais, gloire nationale reconnue précocement. Certes il a bénéficié dès ses 37 ans d’une pension à vie de son pays mais ce n’est pas une raison pour brocarder son oeuvre. Le Concerto de violon est régulièrement joué mais ne bénéficie pas du succès de ceux de Beethoven, Mendelssohn, Brahms, Tchaikovski ou Bruch.

Enfin un concert tout Sibelius à Toulouse !

Il s’agit pourtant d’une partition originale et puissamment expressive. Ce soir dès les premières mesures dans un son mystérieux, pianissimo et lointain, le chef et la soliste ont trouvé un parfait accord qui s’est amplifié tout au long de leur majestueuse interprétation. Joseph Swensen connait bien les qualités de l’orchestre du Capitole, l’acoustique de la Halle-aux-grains et il est violoniste. Il avait tous les ingrédients pour oser une interprétation qui restera dans les mémoires. Il fait tonner l’orchestre, obtient également des nuances d’une grande subtilité, laisse les solistes instrumentaux s’exprimer et toujours met en valeur le jeu de la violoniste coréenne. La modernité de ce concerto et la puissance qu’il recèle ont été admirablement mis en valeur par Joseph Swensen. La soliste (Y.E. CHOI) avec une grande délicatesse participe à cette fête. Sa sonorité personnelle est pleine, pure et délicatement nuancée, les phrasés sont amples et la virtuosité crânement maîtrisée. Les pianissimo planent haut comme dans le plus pur belcanto, mais les accents peuvent se vivifier et monter en puissance comme par exemple dans certaines doubles cordes.
Le premier mouvement tempétueux et grandiose offre des moments puissants, la cantilène du second mouvement est pleine de paix et de beauté. Mais c’est le dansant troisième mouvement qui gagne en expressivité et en originalité sous la baguette audacieuse de Joseph Swensen. Il est rare d’entrer un telle modernité dans ce final et un tel accord entre la soliste, le chef et les musiciens. La délicate violoniste va revenir plusieurs fois saluer en réponse aux acclamations du public et offre un délicat bis de Bach abordé avec une grande pureté, un peu désincarnée. Après sa volcanique interprétation du concerto, ce retour vers plus de sérénité était bienvenu.

Pour la deuxième partie du concert la première symphonie de Sibelius semble avoir été composée pour cet orchestre tant les musiciens ont pu mettre en lumière leurs belles qualités. Dès les premières notes du clarinettiste David Minetti, une magie mélancolique bouleversante a ému le public. Tant de beauté dans ce solo : ce phrasé ample et si finement nuancé est d’une magie rare. La suite n’a été que splendeur orchestrale de chaque instant avec un Joseph Swensen très inspiré qui ira jusqu’à chanter certains thèmes. L’orchestre en osmose donne à cette partition toute sa modernité et ses audaces, sa puissance tellurique, maritime et céleste. Les couleurs fusent, les nuances explosent, les phrasés sont creusés profondément ; l’ampleur du geste embrasse la grandeur de la partition. Un grand moment symphonique que le public a semblé beaucoup apprécier.
Lorsque le chef est ainsi inspiré et inspire les musiciens du Capitole, le public applaudit et dit son désir d’apprendre à aimer d’autres symphonies de Sibelius avec de tels interprètes. Une intégrale des symphonies de Sibelius par Swensen à Toulouse, à la manière de ce qu’il a fait dans Mahler, serait une riche idée. Le public semble prêt. A suivre.

Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-grains, le  18 Octobre 2019. Jean Sibelius (1865-1857) : Concerto pour violon et orchestre en ré mineur,Op.47; Symphonie n°1 en mi mineur,Op.39 ; Ye-Eun Choi, violon ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Joseph Swensen, direction.

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, les 29 sept * et 8 oct 2019. BELLINI : NORMA. REBEKA, KOLONITS, DEHAYES, BISANTI.

7 - Norma - Airam Hernandez (Pollione), Klara Kolonits (Norma) - crÇdit Cosimo Mirco MaglioccaCOMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE. CAPITOLE. Le 29 septembre * et le 8 octobre. V. BELLINI. NORMA. A. DELBE. M. REBEKA. K. KOLONITS. K. DEHAYES. A. HERNADEZ. G. BISANTI. Ouvrir la saison nouvelle 2019 2020 du Capitole avec Norma relève du génie. Salles combles, public subjugué, succès total. Une sainte trilogie que tout directeur de salle rêve un jour de vivre. Christophe Gristi a réussi son pari. Car il en faut du courage pour monter Norma et trouver deux cantatrices capables de faire honneur au rôle. Nous avons eu la chance d‘avoir pu admirer les deux distributions. En débutant par Klara Kolonits, nous avons pu déguster la douceur du timbre, la délicatesse des phrasés, la longueur de souffle de sa Norma. Sa blondeur donne beaucoup de lumière dans le duo final lorsque la bonté et le sacrifice de Norma trouvent des accents sublimes. Norma, la déesse céleste, trouve dans l’incarnation de Kolonits, une beauté douce et lumineuse d’une grande émotion. Mais c’est sa consœur, Marina Rebeka qui est une véritable incarnation de Norma, dans toutes ses dimensions de cruauté, de violence, de grande noblesse et de pureté recherchée dans le sacrifice. (Photo ci dessus : Klara Kolonits et Airam Hernandez).

Au Capitole deux sensationnelles Norma et une sublime Adalgise :
c’est Bellini qui ressuscite.

9.1 - Norma - Marina Rebeka (Norma) - crÇdit Cosimo Mirco Magliocca

 

 

La voix est d’une puissance colossale. La noirceur dont elle sait colorer un timbre très particulier rappelle d’une certaine manière La Callas dans son rôle mythique. La voix large et sonore sur toute la tessiture sait trouver des couleurs de caméléons, ose des nuances affolantes ; les phrasés sont absolument divins. L’art scénique est tout à fait convainquant et sa Norma sait inspirer la terreur, l’amour ou la pitié. Marina Rebeka est une Norma historique semblant révéler absolument toutes les facettes vocales et scéniques de ce personnage inoubliable.

En face de ces deux Norma, la blonde et la brune, la douceur et l’engagement amical de l’Adalgise de Karine Deshayes, sa constance sont un véritable miracle. La voix est d’une beauté à couper le souffle sur toute la tessiture. Les phrasés belcantistes sont d’une infinie délicatesse. Les nuances, les couleurs sont en constante évolution. Le chant de Karine Deshayes est d’une perfection totale. Le jeu d’une vérité très émouvante. Les duos avec Norma ont été les véritables moments de grâce attendus. Le « mira o Norma » arracherait des larmes à des rocs.

 

 

9 - Norma - Karine Deshayes (Adalgisa), Marina Rebeka (Norma) - crÇdit Cosimo Mirco Magliocca

 

 

En Pollione , Airam Hernández s’affiche avec superbe. La voix puissante est celle du héros attendu et le jeu de l’acteur assez habile dans le final donne de l’épaisseur au Consul ; ce qui le rend émouvant. Le timbre est splendide. Même si le chant parait plus robuste que subtil, l’effet est réussi. En Oroveso, Bálint Szabó remporte la palme du charisme, véritable druide autoritaire dont le retournement final fait grand effet. L’autre titulaire du rôle, Julien Véronèse ne démérite pas mais est plus modeste de voix comme de présence, plus jésuite que druide. La Clotilde d’Andrea Soare a un jeu remarquable et une voix claire et sonore qui tient face aux deux Norma si puissantes vocalement. L’orchestre du Capitole mérite des éloges tant pour la beauté des solos que pour son engagement total tout au long du drame.

Il faut dire que la direction de Giampaolo Bisanti est absolument remarquable. Il vit cette partition totalement et la dirige avec amour. Il en révèle le drame poignant dans des gestes d’une beauté rare. Il a une précision d’orfèvre et une finesse dans le rubato tout à fait féline. Il ose des forte terribles et des pianissimi lunaires.

Dans les duos des dames, il atteint au génie sachant magnifier le chant sublime des deux divas. Le rêve romantique a repris vie ce soir et Bellini a été magnifié par l’harmonie entre les musiciens, le chef et les solistes. Les chœurs ont été très présents dans un chant généreux et engagé.

TRISTE MISE EN SCENE… La tristesse de la mise en scène n’est pas arrivée à cacher le plaisir des spectateurs. Pourtant quelle pauvreté, quelle ineptie de faire dire un texte oiseux en français sur la musique avec la voix du père Fouras… Pas la moindre poésie dans les décors, du métal froid, des pendrillons fragiles, des costumes d’une banalité regrettable. Qu’importe la ratage de l’entrée de Norma trop précoce, le final sans grandeur, ces chÅ“urs et ces personnages visibles sans raisons, la musique a tout rattrapé.  Cela aurait pu me donner envie de prendre un permis de chasse pour certaine bête cornue ridicule et peut être pour le possesseur du téléphone coupable de sonner et pourquoi pas pour celles qui ne savent pas laisser à la maison, semainiers et autres bracelets. Ce n’est jamais très agréable ces sons métalliques mais dans cette Norma musicalement si subtile, ce fût un véritable crime.
Qu’importe ces vilains véniels, le succès de cette ouverture de saison capitoline va rester dans les mémoires !

 

 

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Compte-rendu Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 29 septembre* et le 8 octobre 2019. Vincenzo Bellini (1801-1835) ; Norma ;  Opéra  en deux actes ; Livret  de Felice Romani ; Création  le 26 décembre 1831 au Teatro alla Scala de Milan ; Nouvelle production ; Anne Delbée,  mise en scène ; Émilie Delbée,  collaboratrice artistique ; Abel Orain  décors ; Mine Vergez,  costumes ; Vinicio Cheli, lumières ; Avec : Marina Rebeka / Klára Kolonits*,  Norma ; Karine Deshayes,  Adalgisa ; Airam Hernández,  Pollione ; Bálint Szabó / Julien Véronèse*,  Oroveso ; Andreea Soare,  Clotilde ; François Almuzara,  Flavio ; ChÅ“ur du Capitole – Alfonso Caiani  direction ; Orchestre national du Capitole ; Giampaolo Bisanti, direction musicale / Photos : © Cosimo Mirco Magliocca / Théâtre du Capitole de Toulouse 2019

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Jacobins, le 25 sept 2019. Récital E. LEONSKAJA, piano. Beethoven.

leonkaja-elisabeth-piano-jacobins-recital-concert-classiquenews-critique-pianoCOMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Festival Piano aux Jacobins. Cloître, le 25 septembre 2019. BEETHOVEN. E. LEONSKAJA. Nous avons eu la chance cette année de pouvoir écouter plusieurs grands pianistes capables de se lancer dans une intégrale des sonates de Beethoven au concert, en plus d’admirables versions isolées bien entendu. Mais ce soir ce qui vient à l’esprit de plus d’un, est de savoir comment la grande Elisabeth Leonskaja va s’y prendre pour jouer en un concert les trois dernières sonates de Beethoven. Les banalités fusent dans le milieu du piano classique comme celle de dire qu’à cet Himalaya du piano est dû un respect admiratif qui frise la dévotion. Disons le tout de go : la Leonskaja se transforme en Lionne-Sakja et ne fait qu’une bouchée de cet Himalaya. Daniel Barenboim a une tout autre attitude lui qui, à la Philharmonie de Paris, nous a régalés dans d’autres sonates par un patient travail sur le style, les couleurs, le toucher exact entre classicisme et romantisme. François Frédéric Guy à La Roque d’Anthéron est tout entier au service du message beethovénien, si humain et émouvant par la lutte qu’il a mené pour vivre en sa dignité de génie mutilé. Elisabeth Leonskaja arrive en majesté sur la scène du cloître des Jacobins.

LA LIONNE-SKAJA FACE À BEETHOVEN EN SON HIMALAYA

Elle demandera au public une concentration extrême en jouant d’affilée les trois dernières sonates sans entracte. Le choc a été atomique. En Lionne affamée, elle se jette sur les sonates et avec voracité, ose les malmener pour en extraire une musique cosmique. Comme une lionne qui le soir après la chasse, après s’être repue et s’être désaltérée au fleuve, regarde le ciel et tutoie les étoiles dans un geste de défi inouï. La grandeur de la vie avec sa finitude qui exulte face à l’immanence ! De ce combat, il n’est pas possible de dire grand chose comme d’habitude ; décrire des mouvements, des thèmes, des détails d’interprétation en terme de nuances, couleurs, touchés, phrasés.… Si une intégrale en disques se fait dans cette condition d’urgence, il sera possible d’analyser à loisir. Pour moi ce soir est un défit lancé par la Grande Musicienne au public et à la critique : osez seulement dire quelque chose après ça ! Oui Madame j’ose dire que votre grande carrière est couronnée par cette audace interprétative. Nous avons beaucoup aimé vos concertos de Beethoven avec Tugan Sokhiev les années précédentes ; nous attendons l’intégrale promise en CD.
Nous savons que vous enregistrez beaucoup et en même temps pas assez pour vos nombreux admirateurs. Nous avions eu la chance de nous entretenir avec vous et vous nous aviez dit que pour vous la plus grande qualité de l’interprète est de savoir donner sans compter tout au long de sa carrière. Ce soir, vous avez donné sans retenue, sans prudence, sans le garde-fou de la recherche d’exactitude stylistique.

Ce concert a été hors normes. Vous avez prouvé une nouvelle fois que Sviatoslav Richter, qui vous a admirée dès vos débuts, avait vu juste. Il savait que vous aviez cette indomptabilité totale tout comme lui. Le tempo, les nuances, la pâte sonore, la texture harmonique ; vous avez tout bousculé, tout agrandi, tout magnifié et Beethoven en sort titanesque et non plus simplement humain. Une musique des sphères, d’au-delà de notre système d’entendement et pourtant jouée par deux mains de femme et composée par les deux mains d’un simple mortel. Ce fût un choc pour le public, un choc salvateur pour sortir d’une écoute élégante, polie et qui endort les angoisses de l’âme. Ce soir, de cette salvatrice bousculade émotionnelle vous pouvez être fière. Vous avez tutoyé le cosmos et nous avons essayé de vous suivre. Bravo ; Sacrée LIONNE-SKAJA.

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Compte-rendu concert. Toulouse. 40 ème Festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 25 septembre 2019. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate pour piano n° 30 en mi majeur, Op.109 ; Sonate pour piano n° 31 en la bémol majeur, Op.110 ; Sonate pour piano n° 32 en ut mineur Op.111 ; Elisabeth Leonskaja, piano. Photo d’ Elisabeth-Leonskaja-©Marco-Borggreve

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Jacobins, le 24 sept 2019. Récital P. BIANCONI, piano. BRAHMS. DEBUSSY…

COMPTE-RENDU, concert. Festival Piano aux Jacobins. Cloître, le 24 septembre 2019. BRAHMS. DEBUSSY. SCHUMANN. P. BIANCONI. Le pianiste français Philippe Bianconi a une extraordinaire carrière internationale mais reste fidèle à son public toulousain. Il ne cesse de développer son jeu et assume avec une grande musicalité bien des pans du répertoire. Ses derniers enregistrements chez Dolce Volta de Debussy et Schumann sont absolument magnifiques. Ce soir à ces deux compositeurs d’élection, il a ajouté les Fantaisies du vieux Brahms. Avec des moyens considérables Philippe Bianconi a offert toute la dimension symphonique et intimiste que les pages brahmsiennes peuvent contenir. La texture noble et les harmonies complexes ont été magnifiées par ce jeu souverain.

Philippe Bianconi, la délicate musicalité du poète

BIANCONI concert piano critique classiquenews Philippe-Bianconi-©William-BeaucardetEnsuite les Etudes de Debussy représentent à la fois un hommage à Chopin et une recherche d’expression puissante qui rappelle que ces pages ont été écrites durant la première guerre mondiale par un Debussy abattu par la tournure des événements. La clarté du toucher de Philippe Bianconi est bien connue. Son jeu permet de percevoir tous les plans, toutes les couleurs et toutes les nuances avec une précision de chaque instant. Les difficultés techniques parfois redoutables sont assumées avec une impression de grande facilité. La modernité de la partition en est magnifiée. Après l’entracte Philippe Bianconi va sur les terres où il excelle : celles de Schumann. Les cinq variations posthumes sont des pages injustement retranchées par Schumann à ces variations symphoniques tant leur beauté est grande. Isolées ainsi, elles sont très démonstratives de la variété de styles de Robert Schumann. Philippe Bianconi en révèle toute la poésie et tout particulièrement lorsqu’il fait chanter son piano de la plus belle manière, dans des nuances d’une grande subtilité. C’est là que la dimension poétique rare de son jeu exulte. Les deux dernières variations sont à ce titre les plus extraordinaires en leur simplicité belcantiste pleine de poésie. Puis la Fantaisie en ces trois mouvements nous entraîne plus avant dans la beauté totale du jeu de Philippe Bianconi. Les respirations qu’il y met en jouant nous donnent l’impression d’une grande liberté et d’une belle facilité.
Le souffle romantique qui habite la partition trouve dans l’interprétation de ce soir toute la flamme que Schumann essayait de contraindre lorsque le père de Clara interdisait aux amoureux toute forme de contact. Cette fantaisie est l’exemple le plus réussi de la tentative d’union de tous les penchants opposés de l’âme de Schumann entre contemplation et action, révolte et abattement, amour fou et désespoir total, amour-fusion et sentiment d’abandon.
La grande beauté de ce monde si complexe trouve à s’épanouir dans une souplesse et une élégance de chaque instant. Philippe Bianconi livre la dimension poétique de cette partition à travers le filtre de son âme de poète. Le public enthousiasmé par ce jeu si évident fait une triomphe à Philippe Bianconi qui généreusement offre deux bis sublimes ; d’abord une Ile joyeuse de Debussy d’une totale liberté et dans une clarté radieuse ; et un peu de Chopin pour nous rappeler quel extraordinaire interprète il est également du compositeur polonais. Un concert marqué par une poésie particulière surtout celle de Schumann mais également la force et la révolte de Debussy en pleine guerre. Une autre  forme d’excellence ce soir à Piano aux Jacobins avec Philippe Bianconi en poète inspiré.

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Compte-rendu concert. Toulouse. 40 ème Festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 24 septembre 2019.  Johannes Brahms (1833-1897) : Fantaisies Op. 116 ; Claude Debussy (1862-1918) : Etudes-Livre II ; Robert Schumann (1810-1856) : Cinq variations posthumes Op.13 ; Fantaisie en ut majeur Op.17/ Philippe Bianconi, piano. Photo : Philippe-Bianconi © William-Beaucardet

COMPTE-RENDU,concert.Festival Piano aux Jacobins. Cloître, le 19 septembre 2019. BEETHOVEN. SCHUMANN. SCHUBERT. A.LALOUM.

COMPTE-RENDU,concert.Festival Piano aux Jacobins. Cloître, le 19 septembre 2019. BEETHOVEN. SCHUMANN. SCHUBERT. A.LALOUM. Pour ce 40ème festival de Piano aux Jacobins les grands pianistes se succèdent à un rythme soutenu et même en choisissant avec soin, la splendeur continuellement renouvelée, ( cf. nos quatre compte rendus JACOBINS 2019 précédents), semble un miracle de stabilité dans notre monde en folie : une différente sorte d’excellence chaque soir !  De telles soirées aident à supporter les journées ….

Adam Laloum aux Jacobins…
poète sensible habité par la musique.

laloum piano harald hoffmann concert critique classiquenewsAdam Laloum est peut-être parmi ces immenses pianistes celui qui se tient à une place à part, celle du coeur. Du moins pour moi ce concert l’aura été. Je connais bien la musicalité fine de ce pianiste depuis bientôt dix ans et je sais comment chaque fois j’en suis émerveillé. Que ce soit en soliste, en chambriste, en concertiste. Le récent festival de Lagrasse le montre en délicat chambriste, son récent concert de concertos de Mozart à la Roque d’Anthéron en a ébloui plus d’un par sa musicalité mozartienne épanouie, (concert à la réécoute sur France Musique). Ce soir dans l’auguste Cloître des Jacobins après tant de somptueux artistes, Adam Laloum a offert un concert parfaitement construit, dans un répertoire qui lui convient à la perfection. Ce concert est frère de celui de Silvacane en 2017, (voir notre compte rendu) entre Beethoven et Schubert.
La Sonate n° 28 de Beethoven est une grande sonate, une œuvre de la maturité de toute beauté. Le grand final en forme de fugue est une véritable apothéose. Adam Laloum en domine parfaitement toutes les fulgurances en rajoutant une qualité de nuances et de couleurs d’une infinie variété. Le Beethoven de Laloum a toujours la primauté du sens sans rien lâcher sur la forme. Il cisèle chaque phrase et l’enchâsse dans le mouvement puis dans la sonate entière. Cette conscience de la structure sur tous ces niveaux, la lisibilité qu’il apporte au public, sont des qualités bien rares. À présent la pâte sonore d’Adam  Laloum a gagné en richesse. La beauté des sons surtout l’ambitus sont proprement incroyables. La rondeur des graves, leur puissance sans aucune violence font penser à l’orgue.

Après cet hommage au véritable père de la Sonate pour piano, la Grande Humoresque de Schumann ouvre un pan entier au romantisme le plus sublime. Le début dans une nuance piano aérienne nous fait entrer dans la magnifique vie imaginaire de Schumann. Le bonheur, la paix puis la fougue, la passion malheureuse. Pièce rarement jouée en concert, elle met en valeur les extraordinaires qualités d’Adam Laloum. Il en avait déjà offert une belle version au disque mais ce soir l’évolution de l’interprétation est majeure. Capable de nous livrer et la structure quadripartite de l’oeuvre et sa fantaisie débridée nécessitant beaucoup d’invention dans le jeu pianistique. Les partis pris du jeune musicien tombent chaque fois à propos avec une beauté à couper le souffle. Un vrai engagement d’interprète et une virtuosité totalement maitrisée rendent l’instant sublime.

Mais ce qui va véritablement faire chavirer le public est son interprétation unique de l’avant dernière sonate de Schubert. La D.959 est jouée avec une fougue et une tendresse incroyables. Schubert, qui dans le deuxième mouvement chante le bonheur à portée de main mais qui s’enfuit, trouve dans le jeu d’Adam Laloum … une deuxième vie. Les nuances sont subtilement dosées et le cantabile se déploie comme le faisait Montserrat Caballe avec ses phrases de pianissimi sublimes dans Bellini et Donizetti. Car les pianissimi sont d’une couleur suave certes mais surtout d’une plénitude incroyable. Jamais de dureté ni d’acidité. Toujours une onctuosité belcantiste. Ce deuxième mouvement Andantino, l’un des plus beaux de Schubert, avec sa terrible tempête centrale, est un pur moment de magie sous les mains si expertes d’Adam Laloum. Le Scherzo nous entraîne dans quelques danses qui deviennent véritablement fougueuses et heureuses à force de tournoyer sur elles même dans des variations que l’on aimerait perpétuelles tant elles sont belles. Le long rondo final n’est que tourbillon de gaieté et d’envie de vivre. Tout coule, avance ; les nuances pleinement assumées, les phrasés variés à l’envie en font une vraie musique du bonheur que quelques modulations assombrissent un court instant. Le bonheur de Schubert est aussi vaste que sa mélancolie. Aujourd’hui, Adam Laloum est probablement le plus émouvant interprète de Schubert. Un vrai compagnon d’âme du Frantz Schubert que ses amis aimaient tant lors des schubertiades. Dans les rappels du public qui se terminent en standing ovation il revient à Schubert. Un vrai bonheur partagé !

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Compte-rendu concert. Toulouse. 40ème Festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 19 septembre 2019. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°28 en la bémol majeur,Op.101 ; Robert Schumann (1810-1856) : Grande Humoresque en si bémol majeur ; Frantz Schubert (1797-1828) : Sonate n°22 en la majeur, D.959 ; Adam Laloum, piano. Photo : © Harald-Hoffmann

LIRE aussi

Compte rendu concert. 37 ième Festival de la Roque d’Anthéron. Abbaye de Silvacane. Le 14 août 2017. Beethoven. Schubert. Adam Laloum

https://www.classiquenews.com/compte-rendu-concert-37eme-festival-de-la-roque-dantheron-abbaye-de-silvacanele-14-aout-2017-beethoven-schubert-adam-laloum/

COMPTE-RENDU, Concert. Festival Piano aux Jacobins. Toulouse. Cloître des Jacobins, le 19 septembre 2019. W.A.MOZART. F.SCHUBERT, D.FRAY.

COMPTE-RENDU, Concert. Festival Piano aux Jacobins. Toulouse. Cloître des Jacobins, le 19 septembre 2019. W.A. MOZART. F. SCHUBERT, D.FRAY. Quelle différence de présentation du jeune pianiste à son public toulousain entre son dernier concert à la Halle aux Grains en novembre 2018, dans les concertos de Bach pour plusieurs claviers et ce soir … dans ce récital solo aux Jacobins. Si la joie et l’enthousiasme dominaient sa dernière apparition, ce soir dans le Cloître des Jacobins, c’est un homme sombre et tendu qui se met au clavier. Le choix du programme a dû avoir son importance car les trois partitions de Mozart qui ouvrent le programme sont très particulières. Toutes trois font partie des dernières pièces écrites par Mozart pour son cher piano et si il est acquis que Mozart n’est pas vu comme un compositeur révolutionnaire, ce rondo en la mineur et surtout cette fantaisie en do mineur dans leur isolement sont des oeuvres éminemment personnelles déjà par leurs tonalités mineures mais aussi dans leur forme.

Piano romantique aux Jacobins…

David Fray chantre du  Sturm und Drang

David-Fray-©Paolo-RoversiEt la Sonate n°14 contemporaine de la Fantaisie n’est pas si classique tant elle est traversée par une mélancolie profonde. David Fray en musicien sensible semble gagné par une inquiétude que son jeu magnifie. La Fantaisie est plus ombreuse que lumineuse et la Sonate se garde bien de paraître aimable. Le tragique est tapis dans l’ombre même lorsque la lumière luit. Les graves sont nobles et profonds et le chant se fait très sensible et douloureux par moments. Un peu de dureté se perçoit dans certains accords surtout dans le final de la sonate, tant le tragique domine cette interprétation. En Deuxième partie de programme le Rondo de Mozart est également rempli de drame mais devient plus aimable. Le Mozart de David Fray, celui de ces Å“uvres là, est donc grave, inquiet et très mélancolique. Comme si le Sturm und Drang avait pris une place centrale. Bien que ce mouvement littéraire n’ai pas duré bien longtemps, la musique si profonde de Mozart en est l’exemple musical le plus probant. D’autres diraient que cette musique est pré-beethovénienne…  Je trouve cela trop réducteur pour chacun des deux génies.  La Sonate n°16 de Schubert est plus équilibrée entre joie et peines. Elle permet davantage de surprises au détours des changements de tonalités. David Fray qui aime tant Schubert, sait le jouer avec cette liberté du promeneur qui se laisse séduire par le paysage, oubliant sa solitude humaine fondamentale. Voici donc un début de concert très sombre qui évolue vers davantage de lumière. Le public très aimant lui fait un vrai triomphe et dans les 3 bis David Fray se (et nous) réconforte avec du Bach qui semble lui apporter paix et joie. Trois Å“uvres sublimes apportant la sérénité et rendant le sourire au pianiste.

Compte-rendu concert. Toulouse. 40ème Festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 19 septembre 2019. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Fantaisie en do mineur KV.475 ; Sonate pour piano n°14 en do mineur KV.457 ; Rondo en la mineur K.511 ; Frantz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano n°16 en la mineur D.845. David Fray, piano. Photo : David Fray © Paolo-Roversi