Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 28 novembre 2019. Borodine : Le Prince Igor. Philippe Jordan / Barrie Kosky.

BorodineCompte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 28 novembre 2019. Borodine : Le Prince Igor. Philippe Jordan / Barrie Kosky. Opéra inachevé de Borodine, (portrait ci contre), Le Prince Igor semble devoir enfin trouver une reconnaissance en dehors de la Russie, comme le prouvent les récentes productions de David Poutney (à Zurich et Hambourg) ou de Dmitri Tcherniakov à New York (voir le compte-rendu du dvd édité à cette occasion http://www.classiquenews.com/tag/borodine), et surtout l’entrée au répertoire de cet ouvrage à l’Opéra national de Paris, avec un plateau vocal parmi les plus éblouissants du moment. Si l’ouvrage reste rare, le grand public en connait toutefois l’un de ses « tubes », les endiablées Danses polovtsiennes, popularisées par le ballet éponyme de Serge Diaghilev monté en 1909.

Comme à New York, on retrouve l’un des grands interprètes du rôle-titre en la personne d’Ildar Abdrazakov, toujours aussi impressionnant d’aisance technique et de conviction dans son jeu scénique, et ce malgré un timbre un peu moins souverain avec les années. A ses côtés, également présente dans la production de Tcherniakov, Anita Rachvelishvili n’en finit plus de séduire le public parisien par ses graves irrésistibles de velours et d’aisance dans la projection. Après son interprétation musclée ici-même voilà un mois (voir le compte-rendu de Don Carlo : http://www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-opera-paris-bastille-le-25-oct-2019-verdi-don-carlo-fabio-luisi-krzysztof-warlikowski/), la mezzo géorgienne se distingue admirablement dans un rôle plus nuancé, entre imploration et désespoir.

 

 

Le Prince Igor / Barrie Kosky / Philippe Jordan / Alexandre Borodine /

 

 

L’autre grande ovation de la soirée est réservée à Elena Stikhina, dont on peut dire qu’elle est déjà l’une des grandes chanteuses d’aujourd’hui, tant son aisance vocale, entre velouté de l’émission, impact vocal et articulation, sonne juste – hormis quelques infimes réserves dans l’aigu, parfois moins naturel. Cette grande actrice, aussi, se place toujours au service de l’intention et du sens. Pavel Černoch (Vladimir) est peut-être un peu plus en retrait en comparaison, mais reste toutefois à un niveau des plus satisfaisants, compensant son émission étroite dans l’aigu et son manque de puissance, par des phrasés toujours aussi raffinés. On pourra aussi reprocher au Kontchak de Dimitry Ivashchenko des qualités dramatiques limitées, heureusement compensées par un chant aussi noble qu’admirablement posé. A l’inverse, Dmitry Ulyanov compose un Prince Galitsky à la faconde irrésistible d’arrogance, en phase avec le rôle, tout en montrant de belles qualités de projection et des couleurs mordantes. Enfin, Adam Palka et Andrei Popov donnent une énergie comique savoureuse à chacune de leurs interventions, sans jamais se départir des nécessités vocales, surtout la superlative basse profonde d’Adam Palka.
Pour ses débuts à l’Opéra national de Paris, le chevronné Barrie Kosky ne s’attendait certainement pas à pareille bronca, en grande partie imméritée, tant les nombreuses idées distillées par sa transposition contemporaine ont au moins le mérite de donner à l’ouvrage un intérêt dramatique constant, que le faible livret original ne peut raisonnablement lui accorder. Si on peut reprocher à ces partis-pris une certaine uniformité, ceux-ci permettent toutefois de placer immédiatement les enjeux principaux au centre de l’intérêt. Ainsi de la première scène qui montre Igor comme une figure messianique éloignée des contingences matérielles, tout à son but guerrier au détriment de son épouse délaissée. A l’inverse, Kosky décrit Galitsky comme un héritier bling bling et violent, seulement intéressé par les loisirs et autres attraits féminins. La scène de la piscine et du barbecue, tout comme le lynchage de la jeune fille, donne à voir une direction d’acteur soutenue et vibrante – véritable marque de fabrique de l’actuel directeur de l’Opéra-Comique de Berlin.
Ce sera lĂ  une constante de la soirĂ©e, mĂŞme si la deuxième partie surprend par le choix d’une scĂ©nographie glauque et sombre : Kosky y prend quelques libertĂ©s avec le livret, en donnant Ă  voir un Igor ligotĂ© et torturĂ© psychologiquement par ces diffĂ©rents visiteurs. Dès lors, le ballet des danses polovtsiennes ressemble Ă  une nuit de dĂ©lire, oĂą Igor perd pied face au tourbillon des danseurs masquĂ©s autour de lui. L’extravagance pourtant audacieuse des costumes, d’une beautĂ© morbide au charme Ă©trange, provoque quelques rĂ©actions nĂ©gatives dans le public, dĂ©concertĂ© par les contre-pieds avec le livret – de mĂŞme que lors de la scène finale de l’opĂ©ra, oĂą les deux chanteurs annoncent le retour d’Igor. Kosky refuse la naĂŻvetĂ© de l’improbable retournement final : comment croire qu’un peuple hagard va suivre deux soulards factieux pour chanter les louanges d’un sauveur absent ? Au lieu de cela, le groupe se joue des deux malheureux en un ballet satirique tout Ă  fait justifiĂ© au niveau dramatique.

Le chœur de l’Opéra de Paris donne une prestation des grands soirs, portant le souffle épique des grandes pages chorales, assez nombreuses en première partie, de tout son engagement. Dans la fosse, Philippe Jordan montre qu’il est à son meilleur dans ce répertoire, allégeant les aspects grandiloquents pour donner une lecture d’une grâce infinie, marquée par de superbes couleurs dans les détails de l’orchestration. Un grand spectacle à savourer d’urgence pour découvrir l’art de Borodine dans toute son étendue.

 

 

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Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 28 novembre 2019. Borodine : Le Prince Igor. Philippe Jordan / Barrie Kosky. Ildar Abdrazakov (Prince Igor), Elena Stikhina (Yaroslavna), Pavel Černoch (Vladimir), Dmitry Ulyanov (Prince Galitsky), Dimitry Ivashchenko (Kontchak), Anita Rachvelishvili (Kontchakovna), Vasily Efimov (Ovlur), Adam Palka (Skoula), Andrei Popov (Yeroschka), Marina Haller (La Nourrice), Irina Kopylova (Une jeune Polovtsienne). Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan, direction musicale / mise en scène Barrie Kosky. A l’affiche de l’Opéra de Paris jusqu’au 26 décembre 2019. Photo : Opéra national de Paris 2019 © A Poupeney

COMPTE-RENDU, critique, opéra. PARIS, Bastille, le 25 oct 2019. VERDI : Don Carlo. Fabio Luisi / Krzysztof Warlikowski.

COMPTE-RENDU, opĂ©ra. PARIS, Bastille, le 25 octobre 2019. Verdi : Don Carlo. Anita Rachvelishvili, RenĂ© Pape… Fabio Luisi / Krzysztof Warlikowski. Parmi les spectacles phares de la saison 2017-2018 de l’OpĂ©ra de Paris figurait la nouvelle production de Don Carlos dans sa version originale de 1866 (en français), rĂ©unissant une double distribution de haut vol – toutefois diversement apprĂ©ciĂ©e par notre rĂ©dacteur Lucas Irom, notamment au niveau du cas problĂ©matique de Jonas Kaufmann dans le rĂ´le-titre:http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-verdi-don-carlos-le-19-octobre-2017-arte-yoncheva-garance-kaufmann-jordan-warlikowski/ . Place cette fois Ă  la version italienne de 1886, dite «de Modène», oĂą Verdi choisit de rĂ©tablir le premier acte souvent supprimĂ©, tout en conservant les autres modifications ultĂ©rieures : c’est lĂ  l’illustration de vingt ans de tentatives pour amĂ©liorer un ouvrage trop long et touffu, dont la noirceur gĂ©nĂ©rale pourra dĂ©router les habituĂ©s du Verdi plus extraverti et lumineux de La Traviata (1853). Pour autant, en s’attaquant au grand opĂ©ra Ă  la française, le maĂ®tre italien cisèle un diamant noir Ă  la hauteur de son gĂ©nie, oĂą oppression et mal-ĂŞtre suintent par tous les pores des personnages.

 

 

 

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C’est précisément la figure tourmentée du roi Philippe II qui intéresse Krzysztof Warlikowski, caractérisant d’emblée la difficulté à succéder à un monarque aussi illustre que Charles Quint : le sinistre buste en cire du père trône ainsi sur le bureau comme une figure oppressante, avant qu’un acteur ne vienne l’incarner dans les scènes où Philippe croit entendre sa voix. Cette présence continuelle du passé est renforcée par la transposition de l’action au XXème siècle, où les choeurs grimés en visiteurs attendent de découvrir les pièces du château, transformé en musée figé, tandis que les projections vidéos en arrière-scène insistent sur la souffrance intérieure des principaux personnages avec leur visage en gros plan. Si l’idée d’introduire une salle d’entraînement d’escrime peut séduire par sa référence au contexte guerrier sous-jacent, on aime aussi l’allusion aux influences andalouses représentées par la cage rouge aux allures de moucharabieh. On regrette toutefois que Warlikowski n’anime pas davantage sa direction d’acteur et se contente d’un beau jeu sur les volumes avec ses éléments de décor déplacés en bloc, agrandissant ou rétrécissant la vaste scène au besoin. On a là davantage un travail de scénographe, toujours très stylisé, mais malheureusement à côté de la plaque dans la scène de l’autodafé, peu impressionnante avec son amphithéâtre simpliste et ses costumes aussi fastueux que colorés, à mille lieux de l’évocation du rigorisme religieux dénoncé par Verdi.
En revanche, l’idée de faire du Grand Inquisiteur une sorte de chef des services secrets est plutôt bien vue, de même que de placer son duo glaçant avec Philippe dans un oppressant fumoir Art déco au III.

A cette mise en scène inégale répond un plateau vocal de tout premier plan, fort justement applaudi par un public enthousiaste en fin de représentation, et ce malgré le retrait inattendu de Roberto Alagna après le premier entracte pour cause d’état grippal. Le ténor français avait montré quelques signes de faiblesse inhabituels, autour d’une ligne flottante et parfois en léger décalage avec la fosse. Le manque d’éclat face à Aleksandra Kurzak était également notable. Son remplacement par Sergio Escobar ne convainc qu’à moitié, tant la petite voix de l’Espagnol s’étrangle dans les aigus difficiles, compensant ses difficultés techniques par des phrasés harmonieux dans le medium et un timbre chaleureux. Il est vrai qu’il souffre de la comparaison face à ses partenaires, au premier rang desquels René Pape (Philippe II) et sa classe vocale toujours aussi insolente d’aisance sur toute la tessiture, le tout au service d’une composition théâtrale d’une grande vérité dramatique. C’est précisément en ce dernier domaine qu’Anita Rachvelishvili conquiert le public par la force de son incarnation, à l’engagement démonstratif : ses graves mordants, tout autant que ses couleurs splendides, font de ses interventions un régal de chaque instant. A ses côtés, Aleksandra Kurzak s’impose dans un style plus policé, mais d’une exceptionnelle tenue dans la déclamation et la rondeur vocale, notamment des pianissimi de rêve. Il ne lui manque qu’un soupçon de caractère pour incarner toutes les facettes de son rôle, mais ça n’est là qu’un détail à ce niveau. Autre grande satisfaction de la soirée avec le superlatif Rodrigo d’Étienne Dupuis, aux phrasés inouïs de précision et de raffinement, à la résonance suffisamment affirmée pour faire jeu égal avec ses partenaires en ce domaine. On notera enfin la bonne prestation de Vitalij Kowaljow, qui trouve le ton juste pour donner une grandeur sournoise au Grand Inquisiteur, tandis que le choeur de l’Opéra de Paris se montre bien préparé.

Seule la direction trop élégante de Fabio Luisi déçoit quelque peu dans ce concert de louanges, alors qu’on avait pourtant grandement admiré le geste lyrique du chef italien lors de sa venue à Paris l’an passé pour Simon Boccanegra (https://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-paris-le-15-novembre-2018-verdi-simon-boccanegra-luisi-bieito/). Il manque ici la noirceur attendue en de nombreux passages, notamment verticaux, même si les couleurs pastels des parties apaisées séduisent davantage en comparaison.

 

 
 

 

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Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra national de Paris, le 25 octobre 2019. Verdi : Don Carlos. René Pape (Philippe II), Roberto Alagna, Michael Fabiano (Don Carlo), Aleksandra Kurzak, Nicole Car (Elisabeth de Valois), Anita Rachvelishvili (La Princesse Eboli), Étienne Dupuis (Rodrigo), Vitalij Kowaljow (Le Grand Inquisiteur), Eve-Maud Hubeaux (Tebaldo), Tamara Banjesevic (Une voix d’en-haut), Julien Dran (Le comte de Lerme), Chœur de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Fabio Luisi, direction. Krzysztof Warlikowski, mise en scène. A l’affiche de l’Opéra national de Paris jusqu’au 23 novembre 2019. Photo : Agathe POUPENEY/OnP

 

 
 

 

COMPTE-RENDU, critique, opéra. STRASBOURG, ONR, le 20 oct 2019. Dvořák : Rusalka. Antony Hermus / Nicola Raab.

Compte-rendu, opéra. Strasbourg, Opéra national du Rhin, le 20 octobre 2019. Dvořák : Rusalka. Antony Hermus / Nicola Raab.

 

 

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Nicola Raab frappe fort en ce dĂ©but de saison en livrant une passionnante relecture de Rusalka, que l’on pensait pourtant connaĂ®tre dans ses moindres recoins. Très exigeante, sa proposition scĂ©nique nĂ©cessite de bien avoir en tĂŞte le livret au prĂ©alable, tant Raab brouille les pistes Ă  l’envi en superposant plusieurs points de vue ; de l’attendu rĂ©cit initiatique de l’ondine, Ă  l’exploration de la confusion mentale du Prince, sans oublier l’ajout des dĂ©chirements violents d’un couple contemporain en projection vidĂ©o. L’utilisation des images projetĂ©es constitue l’un des temps forts de la soirĂ©e, donnant aussi Ă  voir l’Ă©lĂ©ment marin dans toute sa froideur ou son expression tumultueuse, en miroir des tiraillements des deux hĂ©ros face Ă  leurs destins croisĂ©s : l’Ă©veil Ă  la nature pour le Prince et l’acceptation de la sexualitĂ© pour Rusalka. Au II, face Ă  une Rusalka muette aux allures d’Ă©ternelle adolescente, la Princesse Ă©trangère reprĂ©sente son double positif et sĂ»re d’elle, volontiers rugueux.

 

 

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La scĂ©nographie minimaliste en noir et blanc, puissamment Ă©vocatrice, entre sol labyrinthique et portes Ă  la perspective dĂ©mesurĂ©e, force tout du long le spectateur Ă  la concentration, tandis qu’un simple rideau en arrière-scène permet de dĂ©voiler plusieurs saynètes en mĂŞme temps, notamment quelques flash back avec Rusalka interprĂ©tĂ©e par une enfant. Cette idĂ©e rend plus fragile encore l’hĂ©roĂŻne, dont la sorcière Jezibaba serait l’infirmière au temps de l’adolescence (une idĂ©e dĂ©jĂ  dĂ©veloppĂ©e par David Pountney pour l’English National Opera en 1986 – un spectacle disponible en dvd). Une autre piste suggĂ©rĂ©e consiste Ă  imaginer Rusalka comme un fantĂ´me qui revit les Ă©vĂ©nements en boucle, ce que suggère la blessure de chasse reçue en fin de première partie. Quoiqu’il en soit, ces multiples interprĂ©tations font de ce spectacle l’un des plus riches imaginĂ© depuis longtemps, Ă  voir et Ă  revoir pour en saisir les moindres allusions.
Après la rĂ©ussite de la production de Francesca da Rimini, donnĂ©e ici-mĂŞme voilĂ  deux ans http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-strasbourg-le-8-decembre-2017-zandonai-francesca-da-rimini-giuliano-carella-nicola-raab/, voilĂ  un nouveau succès Ă  mettre au crĂ©dit de l’OpĂ©ra du Rhin (par ailleurs rĂ©cemment honorĂ© par le magazine allemand Opernwelt en tant qu’”OpĂ©ra de l’annĂ©e 2019″ ).

Le plateau vocal rĂ©uni pour l’occasion donne beaucoup de satisfaction pendant toute la reprĂ©sentation, malgrĂ© quelques rĂ©serves de dĂ©tail. Ainsi de la Rusalka de Pumeza Matshikiza, dont la rondeur d’Ă©mission trouve quelques limites dans l’aigu, un peu plus Ă©troit dans le haut de la tessiture. La soprano sud-africaine semble aussi fatiguer peu Ă  peu, engorgeant ses phrasĂ©s outre mesure. Des limites techniques heureusement compensĂ©es par une interprĂ©tation fine et fragile, en phase avec son rĂ´le. A ses cĂ´tĂ©s, Bryan Register manque de puissance dans la fureur, mais trouve des phrasĂ©s inouĂŻs de prĂ©cision et de sensibilitĂ©, Ă  mĂŞme de procurer une vive Ă©motion lors de la scène de la dĂ©couverte de Rusalka, puis en toute fin d’ouvrage.
Attila Jun est plus décevant en comparaison, composant un pâle Ondin au niveau interprétatif, aux graves certes bien projetés, mais plus en difficulté dans les accélérations aiguës au II. Rien de tel pour Patricia Bardon (Jezibaba) qui donne la prestation vocale la plus étourdissante de la soirée, entre graves gorgés de couleurs et interprétation de caractère. On espère vivement revoir plus souvent cette mezzo de tout premier plan, bien trop rare en France. Outre les parfaits seconds rôles, on mentionnera la prestation inégale de Rebecca Von Lipinski (La Princesse étrangère), qui se montre impressionnante dans la puissance pour mieux décevoir ensuite dans le medium, avec des phrasés instables.

 

 


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Enfin, les chĹ“urs de l’OpĂ©ra national du Rhin se montrent Ă  la hauteur de l’Ă©vĂ©nement, tandis qu’Antony Hermus confirme une fois encore tout le bien que l’on pense de lui, en Ă©pousant d’emblĂ©e le propos torturĂ© imaginĂ© par Raab. Toujours attentif aux moindres inflexions du rĂ©cit, le chef nĂ©erlandais alanguit les passages lents en des couleurs parfois morbides, pour mieux opposer en contraste la vigueur des verticalitĂ©s. Les rares passages guillerets, tels que l’intervention moqueuse des nymphes ou les maladresses du garçon de cuisine, sont volontairement tirĂ©s vers un cĂ´tĂ© sĂ©rieux, en phase avec la mise en scène. Un très beau travail qui tire le meilleur de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg.

 

 

 
 

 
 

 

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Compte-rendu, opĂ©ra. Strasbourg, OpĂ©ra national du Rhin, le 20 octobre 2019. Dvořák : Rusalka. Pumeza Matshikiza (Rusalka), Attila Jun (L’Ondin), Patricia Bardon (Jezibaba), Bryan Register (Le Prince), Rebecca Von Lipinski (La Princesse Ă©trangère), Jacob Scharfman (Le chasseur, Le garde forestier), Claire PĂ©ron (Le garçon de cuisine), Agnieszka Slawinska (Première nymphe), Julie Goussot (Deuxième nymphe), EugĂ©nie Joneau (Troisième nymphe), ChĹ“urs de l’OpĂ©ra national du Rhin, Orchestre philharmonique de Strasbourg. Antony Hermus / Nicola Raab. A l’affiche de l’OpĂ©ra national du Rhin, du 18 au 26 octobre 2019 Ă  Strasbourg et les 8 et 10 novembre 2019 Ă  Mulhouse. Photo : Klara Beck.

 

 

 

 

 

COMPTE-RENDU, critique, opéra. NANCY, le 17 oct 2019. REYER : Sigurd. Frédéric Chaslin (version de concert).

SIGURD-REYER-opera-de-nancy-production-nouvelle-annonce-critique-opera-classiquenewsCompte-rendu, opĂ©ra. Nancy, OpĂ©ra national de Lorraine, le 17 octobre 2019. Reyer : Sigurd. FrĂ©dĂ©ric Chaslin (version de concert). Pour fĂŞter le centenaire de la construction de son théâtre actuel, idĂ©alement situĂ© sur la place Stanislas Ă  Nancy, l’OpĂ©ra de Lorraine a eu la bonne idĂ©e de plonger dans ses archives pour remettre au goĂ»t du jour le rare Sigurd (1884) d’Ernest Reyer (1823-1909) – voir notre prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e de l’ouvrage http://www.classiquenews.com/sigurd-de-reyer-a-nancy/ Qui se souvenait en effet que le chef d’oeuvre du compositeur d’origine marseillaise avait Ă©tĂ© donnĂ© en 1919 pour l’ouverture du nouveau théâtre nancĂ©ien ? Cette initiative est Ă  saluer, tant le retour de ce grand opĂ©ra sur les scènes contemporaines reste timide, de Montpellier en 1994 Ă  Genève en 2013, Ă  chaque fois en version de concert. On notera que FrĂ©dĂ©ric Chaslin et Marie-Ange Todorovitch sont les seuls rescapĂ©s des soirĂ©es donnĂ©es Ă  Genève voilĂ  six ans.

D’emblĂ©e, la fascination de Reyer pour Wagner se fait sentir dans le choix du livret, adaptĂ© de la saga des Nibelungen : pour autant, sa musique spectaculaire n’emprunte guère au maĂ®tre de Bayreuth, se tournant davantage vers les modèles Weber, Berlioz ou Meyerbeer. La prĂ©sence monumentale des choeurs et des interventions en bloc homogène traduit ainsi les influences germaniques, tandis que l’instrumentation manque de finesse, se basant principalement sur l’opposition rigoureuse des pupitres de cordes, avec une belle assise dans les graves et des bois piquants en ornementation. La première partie guerrière tombe ainsi dans le pompiĂ©risme avec les mĂ©lodies faciles des nombreux passages aux cuivres, il est vrai aggravĂ© par la direction trop vive de FrĂ©dĂ©ric Chaslin, … aux attaques franches et peu diffĂ©renciĂ©es. Le chef français se rattrape par la suite, dans les trois derniers actes, lorsque l’inspiration gagne en richesse de climats, tout en restant prĂŞte Ă  s’animer de la verticalitĂ© des inĂ©vitables conflits. MalgrĂ© quelques parties de remplissage dans les quelques 3h30 de musique ici proposĂ©es, Reyer donne Ă  son ouvrage un souffle Ă©pique peu commun, qui nĂ©cessite toutefois des interprètes Ă  la hauteur de l’évĂ©nement.

SIGURD Ă  Nancy
un souffle épique peu commun
un superbe plateau…

 

 

C’est prĂ©cisĂ©ment le cas avec le superbe plateau entièrement francophone (Ă  l’exception du rĂ´le-titre) rĂ©uni pour l’occasion : le tĂ©nor britannique Peter Wedd (Sigurd) fait valoir une diction très satisfaisante, Ă  l’instar d’un Michael Spyres (entendu dans un rĂ´le Ă©quivalent cet Ă©tĂ© pour Fervaal https://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-montpellier-le-24-juil-2019-dindy-fervaal-spyres-schonwandt). Les quelques passages en force, bien excusables tant le rĂ´le multiplie les difficultĂ©s, sont d’autant plus comprĂ©hensibles que  Peter Wedd multiplie les prises de risque, en un engagement dramatique constant. On lui prĂ©fère toutefois le Gunter de Jean-SĂ©bastien Bou, toujours impeccable dans l’Ă©loquence et l’intelligence des phrasĂ©s. Des qualitĂ©s Ă©galement audibles chez JĂ©rĂ´me Boutillier (Hagen), avec quelques couleurs supplĂ©mentaires, mais aussi un manque de tessiture grave en certains endroits dans ce rĂ´le.

Vivement applaudie, Catherine Hunold (Brunehild) fait encore valoir toute sa sensibilitĂ© et ses nuances au service d’une interprĂ©tation toujours incroyable de vĂ©ritĂ© dramatique, bien au-delĂ  des nĂ©cessitĂ©s requises par une version de concert. On ne dira jamais combien cette chanteuse aurait pu faire une carrière plus Ă©clatante encore si elle avait Ă©tĂ© dotĂ©e d’une projection plus affirmĂ©e, notamment dans les accĂ©lĂ©rations. L’une des grandes rĂ©vĂ©lations de la soirĂ©e nous vient de la Hilda de Camille Schnoor, dont le veloutĂ© de l’Ă©mission et la puissance ravissent tout du long, en des phrasĂ©s toujours nobles. A l’inverse, Marie-Ange Todorovitch (Uta) fait valoir son tempĂ©rament en une interprĂ©tation plus physique, en phase avec son rĂ´le de mère blessĂ©e, faisant oublier un lĂ©ger vibrato et une ligne parfois hachĂ©e par un sens des couleurs et des graves toujours aussi mordants. On soulignera enfin les interventions superlatives de Nicolas Cavallier et Eric Martin-Bonnet dans leurs courts rĂ´les, tandis que les choeurs des OpĂ©ras de Lorraine et d’Angers Nantes se montrent très prĂ©cis tout du long, surtout cotĂ© masculin.

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COMPTE-RENDU, critique, opĂ©ra. Nancy, OpĂ©ra national de Lorraine, le 17 octobre 2019. Reyer : Sigurd. Peter Wedd (Sigurd), Jean-SĂ©bastien Bou (Gunter), JĂ©rĂ´me Boutillier (Hagen), Catherine Hunold (Brunehild), Camille Schnoor (Hilda), Marie-Ange Todorovitch (Uta), Nicolas Cavallier (Un prĂŞtre d’Odin), Eric Martin-Bonnet (Un barde), Olivier Brunel (Rudiger), ChĹ“ur de l’OpĂ©ra national de Lorraine, Merion Powell (chef de chĹ“ur), ChĹ“ur d’Angers Nantes OpĂ©ra, Xavier Ribes (chef de chĹ“ur), Orchestre de l’OpĂ©ra national de Lorraine, FrĂ©dĂ©ric Chaslin (version de concert). A l’affiche de l’OpĂ©ra national de Lorraine les 14 et 17 octobre 2019. Photo : OpĂ©ra national de Lorraine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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APPROFONDIR (NDLR)*
L’actuelle exposition Ă  Paris : DEGAS Ă  l’opĂ©ra a mis en lumière le goĂ»t musical du peintre indĂ©pendant qui a exposĂ© avec les impressionnistes. Degas a applaudi Ă©perdument la soprano ROSA CARON crĂ©atrice du rĂ´lede Brunnhilde dans SIGURD  de REYER. L’enthousiasme du peintre, inventeur de l’art moderne en peinture Ă  l’extrĂŞme fin du XIXè fut tel que Degas Ă©crivit mĂŞme un poème pour exprimer l’émotion qui lui procurait Sigurd (applaudi plus de 36 fois Ă  l’OpĂ©ra de Paris)… Degas Ă©tait partisan du grand opĂ©ra Ă  la française quand beaucoup d’intellectuels parisiens prĂ©fĂ©raient alors l’opĂ©ra “du futur”, celui de Wagner…  LIRE notre prĂ©sentation de l’exposition « DEGAS Ă  l’opĂ©ra » jusqu’au janvier 2020 :

http://www.classiquenews.com/degas-a-lopera-presentation-de-lexposition-a-orsay/

* note / ajout de la Rédaction

Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 27 septembre 2019. Rameau : Les Indes galantes. Leonardo García Alarcón / Clément Cogitore.

Compte-rendu, opĂ©ra. Paris, OpĂ©ra, le 27 septembre 2019. Rameau : Les Indes galantes. Leonardo GarcĂ­a AlarcĂłn / ClĂ©ment Cogitore. Il est finalement peu de soirĂ©es Ă  l’issue desquelles on a l’impression d’avoir assistĂ© Ă  un spectacle qui fera date pour une gĂ©nĂ©ration, et ce malgrĂ© quelques imperfections bien comprĂ©hensibles pour une toute première mise en scène d’opĂ©ra. Ainsi de ces Indes galantes confiĂ©es au plasticien d’origine alsacienne ClĂ©ment Cogitore (36 ans), jeune surdouĂ© touche Ă  tout qui s’est illustrĂ© aussi bien dans les expositions d’art contemporain qu’au cinĂ©ma (CĂ©sar du meilleur premier film pour « Ni le ciel ni la terre », en 2016). Son travail surprend ici par l’aura de mystère et d’imprĂ©visible constamment Ă  l’oeuvre, le tout baignĂ© dans une pĂ©nombre Ă©nigmatique et envoĂ»tante, toujours animĂ©e des chorĂ©graphies endiablĂ©es de Bintou DembĂ©lĂ©. Si l’on est guère surpris de trouver la danse aussi prĂ©sente dans cet ouvrage qui marie si bien les genres, c’est bien davantage l’apport de danses issues des «quartiers» (banlieues ou citĂ©s – peu importe le nom politiquement correct Ă  donner), qui enthousiasme par sa richesse expressive. En faisant appel Ă  la compagnie RualitĂ©, le hip hop fait ainsi son entrĂ©e au rĂ©pertoire de la grande maison, sans jamais sacrifier au style.

 

 

COGITORE chez Rameau :
l’ombre du mystère, de l’imprévisible…

 

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Cogitore a la bonne idée de lier les différentes entrées du livret en parsemant l’ouvrage de fils rouges, tout particulièrement la problématique de l’apparence et du costume que l’on endosse pour rendre crédible le rôle que la société tend à nous faire jouer : le prologue donne ainsi à voir l’habillage à vue des danseurs comme un miroir du nécessaire apprentissage des conventions sociales, avant que les trois entrées successives n’opposent les puissants et leurs obligés par l’omniprésence d’un Etat policier incarné par des CRS aux faux airs de samouraïs. Faut-il reconnaître des migrants syriens dans les réfugiés visibles à l’issue de la tempête de l’entrée du Turc généreux ? On le croit, tant le message de Cogitore consiste à nous rappeler combien la communauté humaine se doit d’être unie, bien au-delà de l’illusion des rôles et des égoïsmes nationaux.

Le spectacle perd toutefois en force en deuxième partie, lorsque la danse se fait moins prĂ©sente. Si la première partie comique de l’entrĂ©e des Fleurs s’avère sĂ©duisante par son dĂ©cor de quartier rouge, le spectacle n’évite pas ensuite quelques naĂŻvetĂ©s avec son manège, sa «chanteuse papillon» dans les airs ou ses pom-pom girls maladroites, avant de se reprendre par quelques bonnes idĂ©es, tel le joueur de flĂ»te qui conduit les enfants et surtout la brillante conclusion en arche : la reprise inattendue du dĂ©filĂ© de mode du prologue permet une revue de tous les artistes du spectacle, chanteurs et danseurs, noyant la chaconne conclusive sous les applaudissements dĂ©chaĂ®nĂ©s du public. De mĂ©moire de spectateur, on n’a jamais entendu une audience aussi impatiente dans la manifestation de son plaisir, en une ambiance digne d’un concert pop, rompant en cela tous les codes de l’opĂ©ra : cette spontanĂ©itĂ© dĂ©montre combien le spectacle a fait mouche, le tout sous le regard du «tout-Paris» venu en nombre pour l’occasion, sans doute attirĂ© par les promesses de cette production. On aura ainsi rarement vu autant de directeurs de maisons d’opĂ©ra – Amsterdam, Anvers, Versailles ou Dijon – Ă  une première.

La grande réussite du spectacle revient tout autant au grand chef baroque Leonardo García Alarcón, dont on essaie désormais de ne rater aucune de ses grandes productions lyriques. Après la réussite d’Eliogabalo de Cavalli voilà trois ans http://www.classiquenews.com/tag/eliogabalo/, le chef argentin fait à nouveau valoir l’intensité expressive dans l’opposition détaillée des plans sonores, le tout en une attention de tous les instants à ses chanteurs. Tout le plateau vocal réuni n’appelle que des éloges par sa jeunesse irradiante et son français parfaitement prononcé.

Ainsi de Stanislas de Barbeyrac, à l’éloquence triomphante et puissante, et plus encore d’Alexandre Duhamel, impressionnant de présence dans son hymne au soleil, notamment. Florian Sempey n’est pas en reste dans la diction, même si on note une tessiture un peu juste dans les graves dans le prologue. Edwin Crossley-Mercer assure bien sa partie malgré un timbre un rien trop engorgé, tandis que Mathias Vidal soulève encore l’enthousiasme par son chant généreux et engagé, et ce malgré un aigu un rien difficile dans certains passages. Mais ce sont plus encore les femmes qui donnent à se réjouir du spectacle, tout particulièrement la grâce diaphane, les nuances et les phrasés aériens de Sabine Devieilhe, véritable joyau tout du long. Jodie Devos et Julie Fuchs sont des partenaires de luxe, vivement applaudies elles aussi, de même que l’excellent Choeur de chambre de Namur, toujours aussi impressionnant de justesse et d’investissement.

 

 
 

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Compte-rendu, opĂ©ra. Paris, OpĂ©ra Bastille, le 27 septembre 2019. Rameau : Les Indes galantes. Sabine Devieilhe (HĂ©bĂ©, Phani, Zima), Jodie Devos (Amour, ZaĂŻre), Julie Fuchs (Emilie, Fatime), Mathias Vidal (Valère, Tacmas), Stanislas de Barbeyrac (Carlos, Damon), Florian Sempey (Bellone, Adario), Alexandre Duhamel (Huascar, Alvar), Edwin Crossley-Mercer (Osman, Ali), danseurs de la compagnie RualitĂ©. Choeur de chambre de Namur, MaĂ®trise des Hauts-de-Seine, Choeur d’enfants de l’OpĂ©ra national de Paris, Orchestre Cappella Mediterranea, Leonardo GarcĂ­a AlarcĂłn, direction musicale / mise en scène ClĂ©ment Cogitore. A l’affiche de l’OpĂ©ra de Paris jusqu’au 15 octobre 2019. Photo : © Little Shao / ONP OpĂ©ra national de Paris 2019…

 

 

Compte-rendu, concert. Montpellier, le 25 juillet 2019. Nielsen, Lindberg, Sibelius : Symph n°1 / Rouvali.

COMPTE-RENDU, concert. MONTPELLIER, Le Corum, OpĂ©ra Berlioz, le 25 juillet 2019. Nielsen : Maskarade, Lindberg : Concerto pour clarinette, Sibelius : Symphonie n° 1 – Le phĂ©nomène Santtu-Matias Rouvali fait son retour au festival de Radio France Occitanie Montpellier avec pas moins de deux concerts, donnĂ©s cette fois avec “son” Orchestre de Tampere (troisième ville de Finlande). Outre l’intĂ©rĂŞt de dĂ©couvrir cette formation dans nos contrĂ©es, c’est aussi l’occasion de parfaire notre connaissance de ce chef encensĂ© par une critique quasi unanime, notamment ici-mĂŞme l’an passĂ© (http://www.classiquenews.com/compte-rendu-concert-montpellier-le-22-juillet-2018-adams-ravel-stravinsky-chamayou-philh-de-radio-france-rouvali/) ou plus rĂ©cemment au disque (https://www.classiquenews.com/cd-critique-sibelius-symphonie-n1-en-saga-gothenburg-symphony-santtu-matias-rouvali-1-cd-alpha-2018/). Dès son entrĂ©e en scène pour le premier concert, l’aspect juvĂ©nile du chef de 34 ans surprend, entre allure d’Ă©ternel adolescent et tignasse flamboyante qui lui donne des faux-airs de … Simon Rattle. La battue est un autre motif d’attention, tant le corps tout entier se fond dans une sorte de ballet gracieux, aussi prĂ©cis qu’Ă©nergique. Si la main droite marque le tempo d’une rĂ©gularitĂ© de mĂ©tronome avec la baguette, c’est davantage l’autre main qui passionne par la variĂ©tĂ© de ses intentions, des attaques aux indications de nuances.

SIBELIUS ROUVALI symphoni 1 en saga critique cd review cd classiquenews CLIC de classiquenews actus cd musique classique opera concerts festivals annonce 5c41f9e9847d2C’est peu dire que l’Orchestre de Tampere rĂ©pond comme un seul homme Ă  Rouvali, qui semble imprimer la moindre de ses volontĂ©s tout du long. L’ancien Ă©lève de Jorma Panula se saisit de l’ouverture de l’opĂ©ra Maskarade (1906), en faisant ressortir l’individualitĂ© des pupitres, sans jamais perdre de vue l’Ă©lan narratif global. Il parvient ainsi Ă  donner une cohĂ©rence Ă  cette brève page souvent oubliĂ©e de nos programmes de concert – mĂŞme si la prĂ©sence Ă  Montpellier du Danois Michael Schonwandt, grand spĂ©cialiste de Nielsen, n’est sans doute pas Ă©trangère Ă  cette audace. EspĂ©rons que d’autres compositeurs nordiques, tels que Madetoja ou Tubin, sauront trouver le chemin des concerts montpelliĂ©rains, Ă  l’instar du rare Concerto pour clarinette (2002) de Magnus Lindberg. C’est lĂ  un grand plaisir que de retrouver cette oeuvre d’inspiration post-romantique, qui semble rencontrer un bel accueil du public et s’imposer logiquement au rĂ©pertoire.

 

 

Finesse, élasticité du jeune ROUVALI…

 

 

L’approche de Rouvali Ă©tonne avec un tempo très lent au dĂ©but (une constante que l’on retrouvera dans la suite de la soirĂ©e lors des soli aux bois volontairement Ă©tirĂ©s), avant de faire Ă©clater une myriade de couleurs en un geste aĂ©rien et lumineux. Le Finlandais n’hĂ©site pas Ă  jouer avec les tempi pour surprendre l’auditoire, tout en faisant ressortir quelques dĂ©tails de l’orchestration. Sa direction Ă©vite ainsi toute lourdeur et place la clarinette somptueuse de Jean-Luc Votano au premier plan, en nous dĂ©lectant de son aisance technique et de ses phrasĂ©s radieux. Votano n’a pas son pareil pour se jouer des multiples sonoritĂ©s demandĂ©es par Lindberg (prĂ©sent dans la salle et applaudi sur scène Ă  l’issue du concert), des bizarreries rugueuses aux emprunts jazzy façon Gershwin ; sans parler de ce passage oĂą la clarinette volontairement inaudible ne laisse entendre qu’un lĂ©ger tapoti sur les diffĂ©rents corps de l’instrument. L’emphase reprend vite ses droits avec les nombreux et brefs crescendos, dĂ©veloppĂ©s en une intensitĂ© nerveuse et Ă©motionnelle qui rappelle souvent Lutoslawski. En bis, Jean-Luc Votano nous rĂ©gale d’un bel hommage Ă  Manuel Falla, autour d’une assistance visiblement rĂ©jouie.

ROUVALI concert maestro montpellier critique concert classiquenewsApres l’entracte, le public retrouve un rĂ©pertoire mieux connu avec la Première symphonie (1899) de Sibelius, qui raisonne en une lecture Ă©loignĂ©e des influences romantiques, afin de faire ressortir la lĂ©gèretĂ© diaphane de l’orchestration. LĂ  encore, le sens de l’Ă©lasticitĂ© cher Ă  Rouvali soigne la mise en place tout en proposant en contraste quelques fulgurances inattendues. Le premier mouvement se termine dans une noirceur quasi immobile, avant le dĂ©but faussement doucereux de l’Andante, qui trouve une rĂ©ponse Ă©nergique dans la violence des cordes exacerbĂ©es. Le Scherzo Ă©clate ensuite d’une ivresse rythmique Ă  la raideur glaçante, en un tempo vif et sans vibrato. Un peu plus sĂ©quentiel, c’est lĂ  peut-ĂŞtre le mouvement le moins rĂ©ussi de cette superbe soirĂ©e. C’est dans le finale que Rouvali montre une maitrise superlative, tout particulièrement dans les dernières mesures ralenties, qui ne laissent aucune place Ă  l’apothĂ©ose attendue – dans la lignĂ©e d’un Kurt Sanderling. On a hâte de l’entendre dans le mouvement conclusif de la Cinquième de Chostakovitch, oĂą son style pĂ©remptoire devrait faire lĂ  aussi merveille. Gageons que son prochain engagement Ă  la tĂŞte du Philharmonia de Londres, oĂą il succède Ă  Salonen (un autre Ă©lève de Jorma Panula), saura le diriger vers ce type d’ouvrages spectaculaires. En bis, Rouvali abandonne sa baguette pour laisser l’orchestre s’emparer de la Valse triste de Sibelius,  en une vivacitĂ© de tempo et une expression des nuances toujours aussi exaltantes, Ă  mĂŞme de conclure brillamment ce très beau concert.

 

 

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Compte-rendu, concert. Montpellier, Le Corum, Opéra Berlioz, le 25 juillet 2019. Nielsen : Maskarade, Lindberg : Concerto pour clarinette, Sibelius : Symphonie n° 1. Jean-Luc Votano (clarinette), Orchestre philharmonique de Tampere, Santtu-Matias Rouvali (direction). Crédit photo / illustration : © Luc Jennepin

 

 

Compte-rendu, opĂ©ra. Montpellier, le 24 juil 2019. D’Indy : Fervaal. Spyres, Schonwandt

montpellier festival radio france 2019 soleil de nuit concerts annonce critique opera classiquenewsCompte-rendu, opĂ©ra en version de concert. Montpellier, Le Corum, OpĂ©ra Berlioz, le 24 juillet 2019. D’Indy : Fervaal. Spyres, Arquel, Bou… Schonwandt (version de concert). Neuf ans après la rĂ©crĂ©ation en version de concert de L’Etranger (1903) de Vincent d’Indy (voir notre prĂ©sentation du disque Ă©ditĂ© en 2013 par Accord : https://www.classiquenews.com/dindy-letranger-foster-20101-cd-accord/), le festival de Radio France remet au gout du jour la musique du compositeur avec l’un de ses ouvrages les plus emblĂ©matiques, Fervaal (1897) – voir notre prĂ©sentation : https://www.classiquenews.com/vincent-dindy-fervaal-1897france-musique-dimanche-29-mars-2009-14h30/

Souvent qualifiĂ© de “Parsifal français”, l’ouvrage laisse transparaĂ®tre l’immense admiration pour Wagner, en choisissant tout d’abord d’ĂŞtre son propre librettiste, puis en puisant son inspiration dans la mythologique nordique, ici transposĂ©e au service de la glorification du peuple celte. Au travers du parcours initiatique de Fervaal, d’Indy met en avant ses obsessions militantes, entre patriotisme royaliste et ferveur catholique, incarnĂ©es par le mythe du sauveur, ici adoubĂ© par le double pouvoir religieux et politique contre les menaces des envahisseurs sarrasins. L’avènement d’un monde nouveau en fin d’ouvrage signe la fin des temps obscurs et du paganisme, tandis que les destins individuels sont sacrifiĂ©s au service de cette cause. La misogynie et le profond pessimisme de d’Indy suintent tout du long, rĂ©pĂ©tant Ă  l’envi combien l’amour n’enfante que douleur : la femme, dans ce contexte, ne peut reprĂ©senter que l’enchanteresse qui dĂ©tourne du devoir, rappelant en cela les sortilèges sĂ©ducteurs de la Dalila de Saint-SaĂ«ns.

dindy_etranger_foster_tezier_cd_accord_vincent_DindySi le livret tient la route jusqu’au spectaculaire conseil des chefs, et ce malgrĂ© une action volontairement statique en première partie, il se perd ensuite dans un redondant deuxième duo d’amour et un interminable finale pompeux. InitiĂ© en 1878, l’ouvrage trahit sa longue et difficile gestation par la diversitĂ© de ses influences musicales, de l’emphase savante empruntĂ©e Ă  Meyerbeer et Berlioz au II et III, au langage plus personnel avant l’entracte. D’un minimalisme aride, difficile d’accès, le prologue et le I entremĂŞlent ainsi de courts motifs aux effluves lĂ©gèrement dissonantes, rĂ©vĂ©lateurs d’ambiances fascinantes et envoĂ»tantes, au dĂ©triment de l’expression de mĂ©lodies plus franches. L’orchestration laisse les cordes au deuxième plan pour privilĂ©gier les vents, tandis que les solistes s’affrontent en des tirades dĂ©clamatoires Ă©tirĂ©es, semblant se parler davantage Ă  eux-mĂŞmes qu’Ă  leurs interlocuteurs.

On pourra Ă©videmment regretter le peu d’interaction entre les solistes rĂ©unis Ă  Montpellier, alors que d’autres versions de concert se prĂŞtent parfois au jeu d’une animation minimale du plateau, Ă  l’instar de celles proposĂ©es par RenĂ© Jacobs. Quoi qu’il en soit, on note d’emblĂ©e le trait d’humour bienvenu de Michael Spyres (Fervaal) qui arbore un kilt sombre, sans doute pour rappeler ses origines celtes, avant de s’emparer de ce rĂ´le impossible avec la vaillance et l’Ă©clat des grands jours : très Ă  l’aise tout au long de la soirĂ©e, il reçoit logiquement une ovation debout en fin de reprĂ©sentation. Ses deux principaux partenaires se montrent Ă©galement Ă  la hauteur de l’Ă©vĂ©nement, tout particulièrement GaĂ«lle Arquez (Guilhen) dont la puretĂ© du timbre et la rondeur d’Ă©mission ronde ne sacrifient jamais la comprĂ©hension du texte. On note toutefois quelques lĂ©gers problèmes de placement de voix dans les interventions brusques – qui ne gâchent pas la très bonne impression d’ensemble.
Mais c’est peut-ĂŞtre plus encore Jean-SĂ©bastien Bou (Arfagard) qui sĂ©duit par son talent dramatique et l’intensitĂ© de ses phrasĂ©s, portĂ©s par une diction minutieuse. On lui pardonnera volontiers une tessiture limite dans les graves, tout autant qu’un manque de couleurs vocales ; d’autant plus que le baryton français semble souffrir d’une toux qui lui voile lĂ©gèrement l’Ă©mission, ici et lĂ . A ses cotĂ©s, hormis un inaudible RĂ©my Mathieu, les seconds rĂ´les affichent une fort belle tenue, surtout Ă  l’oeuvre dans la scène du conseil prĂ©citĂ©e. On mentionnera encore une fois la prestation parfaite de JĂ©rome Boutillier, entre aisance vocale et interprĂ©tation de caractère, qui le distingue de ses acolytes.

On n’est guère surpris de voir Michael Schonwandt tirer le meilleur de l’Orchestre de l’OpĂ©ra national Montpellier Occitanie, en un geste classique très Ă©quilibrĂ© qui convainc tout du long, Ă  l’instar des deux choeurs très bien prĂ©parĂ©s. Outre la diffusion sur France Musique, un disque devrait parachever cette renaissance de l’un des monuments de la musique française de la fin du XIXème siècle, dans la lignĂ©e de ses contemporains Chausson et Magnard.

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Compte-rendu, opĂ©ra en version de concert. Montpellier, Le Corum, OpĂ©ra Berlioz, le 24 juillet 2019. D’Indy : Fervaal. Michael Spyres (Fervaal), GaĂ«lle Arquez (Guilhen), Jean-SĂ©bastien Bou (Arfagard), Elisabeth Jansson (Kaito), Nicolas Legoux (Grympuig), Eric Huchet (Leensmor), KaĂ«lig BochĂ© (Edwig), Camille Tresmontant (paysan, Chennos),  François Piolino (Ilbert), RĂ©my Mathieu (Ferkemnat, Moussah), Matthieu LĂ©ccroart (Geywihr, paysan), Eric Martin-Bonnet (Penwald, Buduann), Pierre Doyen (messager, paysan), JĂ©rĂ´me Boutillier (paysan, Gwelkingubar), Anas SĂ©guin (Berddret), Guilhem Worms (Helwrig), François Rougier (paysan, berger, barde). Choeur de la radio lettone, Choeur et Orchestre de l’OpĂ©ra national Montpellier Occitanie, Michael Schonwandt (direction).

COMPTE-RENDU, critique, opéra. ORANGE, Théâtre antique, le 10 juil2019. ROSSINI : Guillaume Tell. Gianluca Capuano / Jean-Louis Grinda

COMPTE-RENDU, opéra. ORANGE, Théâtre antique, le 10 juillet 2019. Rossini : Guillaume Tell. Gianluca Capuano / Jean-Louis Grinda. Pour fêter ses cinquante ans d’existence, les Chorégies d’Orange 2019 s’offre de présenter pour la première fois le tout dernier ouvrage lyrique de Rossini, Guillaume Tell (1829), seulement un an après l’inévitable Barbier de Séville (https://www.classiquenews.com/ompte-rendu-opera-choregies-dorange-2018-le-4-aout-2018-rossini-le-barbier-de-seville-sinivia-bisanti). Plus rares en France, les opéras dit « sérieux » de Rossini pourront surprendre le novice, tant le compositeur italien s’éloigne des séductions mélodiques et de l’entrain rythmique de ses ouvrages bouffes, afin d’embrasser un style plus varié, très travaillé au niveau des détails de l’orchestration, sans parler de l’adjonction des musiques de ballet et du refus de la virtuosité vocale pure (dans la tradition du chant français).

 
 

GUILLAUME TELL Ă  ORANGE

  

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Annick Massis (Mathilde)

 

 

Composé pour l’Opéra de Paris en langue française, Guillaume Tell a immédiatement rencontré un vif succès, sans doute en raison de son livret patriotique qui fit alors raisonner les échos nostalgiques des victoires napoléoniennes passées, et ce en période de troubles politiques, peu avant la Révolution de Juillet 1830.
Aujourd’hui, le style ampoulé des nombreux récitatifs, surtout au début, dessert la popularité de l’ouvrage. Pour autant, du point de vue strictement musical, on ne peut qu’admirer la science de l’orchestre ici atteinte par Rossini, qui évoque à plusieurs reprises la musique allemande, de Beethoven à Weber.

Il faut dire que la plus grande satisfaction de la soirée vient précisément de la fosse, avec un Gianluca Capuano très attentif à la continuité du discours musical, tout en révélant des détails savoureux ici et là. Seule l’ouverture laisse quelque peu sur sa faim avec un Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo qui met un peu de temps à se chauffer, sans être aidé par l’acoustique des lieux, peu détaillée dans les pianissimi. Quel plaisir, pourtant, de se retrouver dans le cadre du Théâtre antique et son impressionnant mur de 37 mètres de haut ! Les dernières lueurs du soleil permettent aux oiseaux de continuer leurs tournoiements étourdissants dans les hauteurs, avant de disparaitre peu à peu pour laisser à l’auditeur sa parfaite concentration sur le drame à venir. Il est vrai qu’ici le spectacle est autant sur scène que dans la salle, tant la première demi-heure surprend par le ballet incessant des pompiers dans la salle, affairés à évacuer les spectateurs … exténués par la chaleur étouffante.

Sur le plateau proprement dit, la mise en scène de Jean-Louis Grinda, à la fois directeur des Chorégies d’Orange et de l’Opéra de Monte-Carlo, fait valoir un classicisme certes peu enthousiasmant, mais fidèle à l’ouvrage avec ses costumes d’époque et ses quelques accessoires. L’utilisation de la vidéo reste dans cette visée illustrative en figurant les différents lieux de l’action, tout en insistant pendant toute la soirée sur l’importance des éléments. On retiendra la bonne idée de traiter de l’opposition entre le temps guerrier et l’immanence de la nature, le tout en une construction en arche bien vue : en faisant travailler Guillaume Tell sur le bandeau de terre en avant-scène dès le début de l’ouvrage, puis en faisant à nouveau planter quelques graines par une jeune fille pendant les dernières mesures, Grinda permet de dépasser le seul regard patriotique habituellement concentré sur l’ouvrage.
Le plateau vocal rĂ©uni s’avère d’une bonne tenue gĂ©nĂ©rale, mĂŞme si les rĂ´les principaux laissent entrevoir quelques limites techniques. Ainsi du Guillaume Tell de Nicola Alaimo qui fait valoir des phrasĂ©s superbes, en une projection malheureusement trop faible pour convaincre sur la durĂ©e, tandis que la Mathilde d’Annick Massis reste irrĂ©prochable au niveau du style, sans faire toutefois oublier un positionnement de voix plus instable dans l’aigu et un recours frĂ©quent au vibrato. La petite voix de Celso Albelo (Arnold) parvient quant Ă  elle, Ă  trouver un Ă©clat inattendu pour dĂ©passer la rampe en quelques occasions, avec une belle musicalitĂ©, mais souffre d’une Ă©mission globale trop nasale. Au rang des satisfactions, Jodie Devos compose un irrĂ©sistible Jemmy, autant dans l’aisance vocale que théâtrale, de mĂŞme que le superlatif Cyrille Dubois (Ruodi) dans son unique air au I. Si Nora Gubisch (Hedwige) assure bien sa partie, on fĂ©licitera Ă©galement le solide Nicolas Courjal (Gesler), Ă  qui ne manque qu’un soupçon de subtilitĂ© au niveau des attaques parfois trop virulentes de caractère. Enfin, les chĹ“urs de  l’OpĂ©ra de Monte-Carlo et du Théâtre du Capitole de Toulouse se montrent bien prĂ©parĂ©s, Ă  la hauteur de l’évĂ©nement. On retrouvera Guillaume Tell programmĂ© en France dès octobre prochain, dans la nouvelle production imaginĂ©e par Tobias Kratzer pour l’OpĂ©ra de Lyon.

 

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Compte-rendu, opĂ©ra. Orange, Théâtre antique, le 10 juillet 2019. Rossini : Guillaume Tell. Nicola Alaimo (Guillaume Tell), Nora Gubisch (Hedwige), Jodie Devos (Jemmy), Annick Massis (Mathilde), Celso Albelo (Arnold), Nicolas Cavallier (Walter Furst), Philippe Kahn (Melcthal), Nicolas Courjal (Gesler), Philippe Do (Rodolphe), Cyrille Dubois (Ruodi), Julien Veronese (Leuthold). ChĹ“urs de  l’OpĂ©ra de Monte-Carlo et du Théâtre du Capitole de Toulouse, Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, direction musicale, Gianluca Capuano / mise en scène, Jean-Louis Grinda

A l’affiche du festival Les Chorégies d’Orange, le 10 juillet 2019. Crédit Photos / illustrations : © Gromelle

   

 

Compte-rendu, concert. Bachfest, Thomaskirche, Leipzig, le 23 juin 2019. Jean-Sébastien Bach : Messe en si mineur, BWV 232, Opera Fuoco, David STERN

Compte-rendu, concert. Bachfest, Thomaskirche, Leipzig, le 23 juin 2019. Jean-SĂ©bastien Bach : Messe en si mineur, BWV 232 / Opera Fuoco / David STERN.. En cette fin d’après-midi, l’excitation monte dans l’attente du concert de clĂ´ture de la Bachfest, dĂ©diĂ© Ă  la Messe en si mineur (1749) de Bach : tous les pas semblent converger vers l’Eglise Saint-Thomas, la plus prestigieuse de la ville de Leipzig, remplie Ă  craquer pour l’occasion. C’est lĂ  qu’officia le maitre de 1724 jusqu’Ă  sa mort, lui donnant ses lettres de noblesses, avant d’y ĂŞtre enterrĂ© au niveau du choeur. MĂŞme si l’acoustique est quelque peu Ă©touffĂ©e Ă  cet endroit, donnant une impression d’Ă©loignement par rapport aux interprètes rĂ©unis sur la tribune de l’orgue Ă  l’opposĂ©, entendre la Messe en si mineur aux cotĂ©s du maitre ne peut manquer d’impressionner.

 

 

 

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Les premières notes de l’ouvrage raisonnent avec un sens Ă©vident de l’Ă©conomie et de la modestie, en un legato enveloppant : l’impression de douceur ainsi obtenue invite au recueillement, comme une caresse bienveillante. On est bien Ă©loignĂ© des lectures nerveuses et virtuoses qui donnent un visage plus spectaculaire Ă  cette messe. Ce geste serein a pour avantage de mettre en valeur la jeunesse triomphante du splendide choeur d’enfants Tölzer, venu tout droit de Munich. Alors que l’ouvrage ne fait pas parti de leur rĂ©pertoire, les jeunes interprètes font preuve d’une vaillance et d’une prĂ©cision sans faille, de surcroit jamais pris en dĂ©faut dans la nĂ©cessaire justesse. C’est la sans doute le bĂ©nĂ©fice d’une tournĂ©e mondiale qui les a menĂ© en Chine et en France, au service de la promotion de cet ouvrage, avec David Stern.

Si la direction du chef amĂ©ricain a les avantages dĂ©taillĂ©s plus haut, on pourra toutefois regretter que le niveau technique global de son ensemble affiche plusieurs imperfections tout du long du concert, notamment au niveau des vents et trompettes, juste corrects. La qualitĂ© des solistes rĂ©unis se montrent aussi inĂ©gale, avec de jeunes chanteurs très prometteurs, Theodora Raftis et AndrĂ©s Agudelo, tous deux parfaits d’aisance technique. Andreas Scholl a pour lui des phrasĂ©s toujours aussi distinguĂ©s, mais dĂ©sormais entachĂ©s d’un timbre très dur dans l’aigu, tandis que Laurent Naouri a du mal Ă  faire valoir ses habituelles qualitĂ©s interprĂ©tatives dans ce rĂ©pertoire, dĂ©cevant les attentes par une Ă©mission engorgĂ©e et terne.

 

 

 

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Compte-rendu, concert. Bachfest, Thomaskirche, Leipzig, le 23 juin 2019. Jean-Sébastien Bach : Messe en si mineur, BWV 232. Theodora Raftis (soprano), Adèle Charvet (mezzo soprano), Andreas Scholl (alto), Andrés Agudelo (ténor), Laurent Naouri (basse), Tölzer Knabenchor, Opera Fuoco, David Stern (direction). Crédit photo : © Bachfest Leipzig : Gert Mothes.

 

 

 
 

 

 

Compte-rendu, concert. Bachfest, Michaeliskirche, Leipzig, le 23 juin 2019. Jean-Sébastien Bach : Cantates de Weimar (IV). VOX LUMINIS

Compte-rendu, concert. Bachfest, Michaeliskirche, Leipzig, le 23 juin 2019. Jean-SĂ©bastien Bach : Cantates de Weimar (IV), VOX LUMINIS. On ne remerciera pas assez la Bachfest de nous inciter Ă  quitter le centre-ville de Leipzig pour dĂ©couvrir l’Eglise Saint-Michel, situĂ©e Ă  proximitĂ© du zoo, au nord. Miraculeusement Ă©pargnĂ© par les bombardements de la Deuxième guerre mondiale, l’Ă©difice trĂ´ne au devant d’un square qui le met admirablement en valeur. Mais c’est surtout son intĂ©rieur qui surprend par sa variĂ©tĂ© de style virtuosement entremĂŞlĂ©s, relevant essentiellement du nĂ©ogothique et de l’Art nouveau, tous deux encore en vogue en 1904. L’observation des Ă©lĂ©gants et nombreux dĂ©tails, tout particulièrement les boiseries vĂ©gĂ©tales enchevĂŞtrĂ©es autour de l’orgue, constitue un motif de curiositĂ© pendant tout le concert – Ă  mĂŞme de faire oublier la chaleur Ă©touffante en ce milieu d’après-midi estival.

Le concert ne passionne malheureusement pas outre mesure, et ce en dĂ©pit de l’excellente acoustique et des incontestables qualitĂ©s individuelles des huit chanteurs de Vox Luminis. Dès lors que l’ensemble est dans son coeur de rĂ©pertoire, la musique chorale, on atteint les sommets : la prĂ©cision et la ferveur lumineuses obtenues sont Ă  la hauteur de sa rĂ©putation. Pour autant, la sollicitation des mĂŞmes interprètes en rĂ´le soliste laisse entrevoir tout ce qui les sĂ©pare de ce graal, tandis que l’accompagnement chambriste atteint un niveau moyen – quelques verdeurs notamment. On ne fera pas ici le dĂ©tail des imperfections de chacun, mais il n’en reste pas moins que la qualitĂ© globale de ce dernier concert de l’intĂ©grale des cantates de Weimar s’en ressent. Dommage.

 

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Compte-rendu, concert. Bachfest, Michaeliskirche, Leipzig, le 23 juin 2019. Jean-Sébastien Bach : Cantates de Weimar (IV). Johann Sebastian Bach : Cantates «Himmelskönig, sei willkommen», BWV 182, «Gleichwie der Regen und Schnee vom Himmel fällt», BWV 18, «Komm, du süße Todesstunde», BWV 161, «Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen», BWV 12. Pasteur Ralf Günther (récitant), Vox Luminis, Lionel Meunier (direction). Crédit photo : © Bachfest Leipzig : Gert Mothes.

 

 

Compte-rendu, concert. Bachfest, Alte Börse, Leipzig, le 23 juin 2019. Joseph Haydn : Quatuor à cordes n° 5, opus 76 / J-S Bach / Dimitri Chostakovitch : Quatuor à cordes n°8, opus 110. Quatuor ELIOT

bach jean sebastian sebastien portrait vignette par classiquenews bach_js-jean-sebastianCompte-rendu, concert. Bachfest, Alte Börse, Leipzig, le 23 juin 2019. Joseph Haydn : Quatuor Ă  cordes n° 5, opus 76 / Jean-SĂ©bastien Bach : extraits d’oeuvres / Dimitri Chostakovitch : Quatuor Ă  cordes n°8, opus 110. Preuve s’il en est besoin de la variĂ©tĂ© des Ă©vĂ©nements proposĂ©s lors de la Bachfest, le prĂ©sent concert permet de dĂ©couvrir l’un des jeunes quatuors allemands parmi les plus prometteurs du moment. FormĂ© en 2014 Ă  Francfort, oĂą il est toujours en rĂ©sidence, le quatuor rassemble des solistes venus d’horizons divers : deux Russes, un Canadien et un Allemand. Entre eux, l’entente et l’Ă©coute mutuelle semblent Ă©vidents dès les premières mesures du Quatuor Ă  cordes n° 5, opus 76 (1797) de Haydn, entonnĂ©es dans l’acoustique sonore de l’ancienne bourse aux Ă©changes (reconstruite Ă  l’identique après-guerre). L’Ă©nergie du premier violon irradie en un geste dĂ©monstratif dans les passages verticaux, rapidement suivi par ses collègues qui ne lui cèdent en rien dans le tranchant. On est loin de la sĂ©rĂ©nitĂ© fantasmĂ©e de “Papa Haydn”, ici revigorĂ© par une fougue toujours excitante. Les parties apaisĂ©es exclut tout dramatisme et vibrato, au service d’une lecture qui privilĂ©gie la perfection technique et la musique pure.

Les diffĂ©rents extraits d’oeuvres de Bach permettent ensuite Ă  chacun de se distinguer individuellement, notamment dans l’Andante de la sonate BWV 1003 (habituel bis des plus grands violonistes) ou dans le cĂ©lĂ©brissime prĂ©lude de la Suite pour violoncelle BWV 1007. Le concert atteint cependant son point d’orgue avec l’une des plus belles interprĂ©tations du Quatuor Ă  cordes n° 8 (1960) de Chostakovitch qu’il nous ait Ă©tĂ© donnĂ© d’entendre. Les jeunes solistes surprennent dès l’introduction par une lecture dĂ©taillĂ©e et analytique qui allège son cĂ´tĂ© sombre : la pudeur ainsi Ă  l’oeuvre laisse sourdre une Ă©motion Ă  fleur de peau, ce que confirme le violent contraste du premier tutti, Ă  la hargne rageuse. Le thème dansant qui suit est murmurĂ© dans les piani, avant une nouvelle rupture façon “feu sous la glace”. Seule la toute fin du morceau perd quelque peu en intensitĂ©, mais n’enlève rien Ă  la très favorable impression d’ensemble. Cette lecture sans concession donne en effet un Ă©crin passionnant Ă  cet ouvrage d’essence symphonique. En bis, les interprètes nous rĂ©galent du Da Pacem Domine d’Arvo Part, pour le plus grand bonheur de l’assistance, visiblement ravie.

Compte-rendu, concert. Bachfest, Alte Börse, Leipzig, le 23 juin 2019. Joseph Haydn : Quatuor Ă  cordes n° 5, opus 76 / Jean-SĂ©bastien Bach : extraits d’oeuvres diverses / Dimitri Chostakovitch : Quatuor Ă  cordes n°8, opus 110. Eliot Quartett : Maryana Osipova (violon), Alexander Sachs (violon), Dmitry Hahalin (alto), Michael PreuĂź (violoncelle). CrĂ©dit photo : © Bachfest Leipzig : Gert Mothes.

 

Compte-rendu, concert. Bachfest, Nikolaikirche, Leipzig, le 22 juin 2019. Jean-Sébastien Bach : Cantates de Weimar (III) Akademie für Alte Musik Berlin/ R Alessandrini.

bach jean sebastian sebastien portrait vignette par classiquenews bach_js-jean-sebastianCompte-rendu, concert. Bachfest, Nikolaikirche, Leipzig, le 22 juin 2019. Jean-SĂ©bastien Bach : Cantates de Weimar (III). A l’instar de sa voisine Dresde, Leipzig ne cesse de retrouver sa splendeur d’antan, d’annĂ©e en annĂ©e, effaçant les erreurs architecturales de l’après-guerre par d’opportuns rehabillages ou reconstructions dans un style ancien. Pratiquement dĂ©diĂ© aux piĂ©tons, le centre-ville est d’ores et dĂ©jĂ  envahi par les touristes en cette saison estivale, tous sĂ©duits par les nombreuses terrasses Ă  chaque coin de rue. Outre l’attrait Ă©vident que reprĂ©sentent les gloires musicales locales (Bach et Mendelssohn bien sĂ»r, mais aussi… Wagner, natif de la CitĂ©), il faudra se perdre dans les nombreux et splendides passages couverts dont l’Ă©tat de conservation ne manquera pas d’impressionner les amateurs.

Pendant dix jours, la Bachfest donne Ă  entendre des accents venus des quatre coins du monde – les Français reprĂ©sentant les deuxièmes visiteurs europĂ©ens en nombre (hors Allemagne) après les NĂ©erlandais. On ne s’en Ă©tonnera pas, tant la manifestation fait figure d’Ă©vĂ©nement avec pas moins de 150 manifestations organisĂ©es pendant cette courte pĂ©riode, permettant de faire vivre un rĂ©pertoire centrĂ© sur la famille Bach et ses contemporains, sans oublier Mendelssohn, et ce Ă  travers toute la ville et les environs. On pourra aussi opportunĂ©ment coupler sa visite avec le festival Haendel, qui se tient dans la ville voisine de Halle la semaine prĂ©cĂ©dent la Bachfest.

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Parmi les joyaux de la citĂ©, l’Eglise Saint-Nicolas et ses surprenantes colonnes vĂ©gĂ©tales aux tons pastels “girly”, alternant vert et vieux rose, tient une place prĂ©pondĂ©rante (elle a notamment accueilli la crĂ©ation de la Passion selon Saint-Jean de Bach), et ce d’autant plus que son excellente acoustique en fait un lieu prisĂ© pour les concerts. C’est ici que se dĂ©roule l’un des plus attendus de cette Ă©dition 2019, sous la direction de Rinaldo Alessandrini. Son geste Ă©nergique met d’emblĂ©e en valeur les qualitĂ©s individuelles superlatives de l’Akademie fĂĽr Alte Musik Berlin, très engagĂ©e pour rendre leur Ă©clat Ă  ces cantates d’apparat, toutes composĂ©es pour Weimar. On soulignera notamment le trompette solo impressionnant de suretĂ© et de justesse ou le violoncelle solo gorgĂ© de couleurs, tandis que les chanteurs atteignent aussi un très haut niveau.

Si Katharina Konradi impressionne par son aisance technique au service d’un timbre superbe, on est plus encore sĂ©duit par la noblesse des phrasĂ©s d’Ingeborg Danz, tout simplement bouleversante d’Ă©vidence dans son premier air. Les quelques limites rencontrĂ©es dans les accĂ©lĂ©rations restent cependant parfaitement maitrisĂ©es par cette chanteuse qui sait la limite de ses moyens. A ses cotĂ©s, Patrick Grahl donne tout l’Ă©clat de sa jeunesse Ă  son incarnation, portĂ©e par une diction impeccable et une voix claire. Enfin, Roderick Williams passionne tout du long par l’intensitĂ© de ses phrasĂ©s et l’attention accordĂ©e au texte, mĂŞme s’il se laisse parfois couvrir par l’orchestre. Que dire, aussi, du parfait choeur de chambre de la RIAS, aux interventions aussi millimĂ©trĂ©es qu’irradiantes de ferveur ? Sans doute pas le moindre des atouts de ce concert en tout point splendide.

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Compte-rendu, concert. Bachfest, Nikolaikirche, Leipzig, le 22 juin 2019. Jean-Sébastien Bach : Cantates de Weimar (III). Cantates «Herz und Mund und Tat und Leben», BWV 147a, «Nun komm, der Heiden Heiland», BWV 61, «Wachet! betet! betet! wachet!», BWV 70a, «Christen, ätzet diesen Tag», BWV 63. Martin Henker (récitant), Katharina Konradi (soprano), Ingeborg Danz (alto), Patrick Grahl (ténor), Roderick Williams (basse), RIAS Kammerchor, Akademie für Alte Musik Berlin, Rinaldo Alessandrini (direction). Crédit photo : © Bachfest Leipzig : Gert Mothes.

 

 

COMPTE RENDU, concert. WEIĂźENFELS, Bachfest, Schlosskapelle in Neu Augustusburg, le 22 juin 2019. J-S Bach : Cantates de Weimar (II). Pierlot.

BACH-JS-jean-sebastian-582-390-BACH-JS-4johann-sebastian-bachCompte-rendu, concert. Bachfest, Schlosskapelle in Neu Augustusburg, WEIĂźENFELS, le 22 juin 2019. Jean-SĂ©bastien Bach : Cantates de Weimar (II) / Philippe PIERLOT.C’est un concert de la chaussure ?” commente malicieusement un touriste anglais en visitant le musĂ©e de la chaussure de WeiĂźenfels, quelques minutes avant d’assister au concert donnĂ© dans la chapelle du Château. Un trait d’humour Ă  mĂŞme d’animer la visite d’un musĂ©e aux murs dĂ©crĂ©pis, dont la richesse et la diversitĂ© des collections, tournĂ©es vers le monde, doivent toutefois inciter Ă  dĂ©passer ce premier regard dĂ©favorable. Cette collection passionnante rappelle les grandes heures industrielles de la ville de WeiĂźenfels, situĂ©e Ă  mi chemin entre Weimar et Leipzig (Ă  environ trente minutes en car de cette dernière).

La visite de la citĂ© nichĂ©e en contrebas du Château nous rappelle combien l’ex-Allemagne de l’Est, au-delĂ  des grandes villes d’ores et dĂ©jĂ  en grande partie rĂ©novĂ©es, n’a pas encore effacĂ© tous les stigmates de la dĂ©sindustrialisation : la fuite de nombreux habitants explique pourquoi autant de maisons dĂ©labrĂ©es et de commerces fermĂ©s donnent une triste mine au centre-ville. En grande partie Ă©pargnĂ©e par les bombardements de la Deuxième guerre mondiale, WeiĂźenfels possède pourtant un potentiel touristique qui devrait l’aider Ă  accĂ©lĂ©rer sa rĂ©novation : le prĂ©sent concert contribue Ă  cette revitalisation, ce dont on ne peut que se fĂ©liciter.

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Le concert se situe dans le cadre du cycle des seize “cantates de Weimar”, donnĂ© en quatre concerts par la Bachfest avec des formations variĂ©es, qui permet de s’intĂ©resser Ă  Jean-SĂ©bastien Bach (1685-1750) en tant que compositeur de cour. Bach fut notamment organiste et premier violon pour le duc de Saxe-Weimar de 1708 Ă  1717, tout en gardant ensuite de bonnes relations avec lui. L’Allemagne, alors Ă©miettĂ©e en une multitude de royaumes, duchĂ©s ou principautĂ©s, voit en effet ces diffĂ©rentes cours se disputer les faveurs des plus grands compositeurs : le rayonnement artistique de cette riche pĂ©riode n’a de cesse de fasciner encore aujourd’hui.
Les cantates prĂ©sentĂ©es par Philippe Pierlot Ă  WeiĂźenfels (qui faisait partie du fief de Weimar et non de Leipzig) ont toutes Ă©tĂ© composĂ©es entre 1714 et 1716, mais offrent toutefois une variĂ©tĂ© digne de l’inspiration du maitre allemand. Elles trouvent Ă  s’Ă©panouir dans la chapelle du château, bĂ©nĂ©ficiant d’une acoustique Ă©tonnamment prĂ©cise, obtenue en faisant jouer les interprètes au niveau de la tribune de l’orgue : on gagne en confort sonore ce que l’on perd en proximitĂ© avec les artistes.

Les interprètes mettent un peu de temps Ă  se chauffer, d’autant que le tempo un peu trop vif de Philippe Pierlot ne les aide guère au dĂ©but. Peu Ă  peu, la direction gagne cependant en respiration, en une lecture chambriste sĂ©rieuse et de bonne tenue, mais qui ne soulève pas l’enthousiasme pour autant – du fait notamment d’un violoncelle solo assez prosaĂŻque. Les solistes montrent un bon niveau gĂ©nĂ©ral, dominĂ© par le superbe Leandro Marziotte, un contre-tĂ©nor aux phrasĂ©s naturels et aĂ©riens, sans parler de son timbre dĂ©licieusement veloutĂ©. Hannah Morrison a quant Ă  elle un aigu un peu dur dans les parties difficiles et des passages de registres arrachĂ©s dans la virtuositĂ©. Lorsqu’elle quitte les passages pĂ©rilleux, elle remplit parfaitement sa partie, de mĂŞme que le tĂ©nor correct d’Hans Jörg Mammel, en dehors des accĂ©lĂ©rations qui mettent Ă  mal la justesse. Enfin, on aime la puissance et l’expressivitĂ© de la basse Matthias Vieweg, mĂŞme s’il a parfois tendance Ă  se laisser emporter par son tempĂ©rament, occasionnant un placement de voix approximatif. A suivre.

 

 

 

 

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Compte-rendu, concert. Bachfest, Schlosskapelle in Neu Augustusburg, Weißenfels, le 22 juin 2019. Jean-Sébastien Bach : Cantates de Weimar (II). Cantates «O heilges Geist- und Wasserbad», BWV 165 – Mein Herze schwimmt im Blut, BWV 199, «Barmherziges Herze der ewigen Liebe», BWV 185, «Ach! ich sehe, itzt, da ich zur Hochzeit gehe», BWV 162, «Mein Gott, wie lang, ach lange», BWV 155. Hannah Morrison (soprano), Leandro Marziotte (alto), Hans Jörg Mammel (ténor), Matthias Vieweg (basse), Ricercar Consort, Philippe Pierlot (direction). Illustrations : © Bachfest Leipzig / Gert Mothes

 

 

 

Compte-rendu, opéra. Liège, Opéra royal de Wallonie-Liège, le 20 juin 2019. Bellini : I puritani. Speranza Scappucci / Vincent Boussard

VENDĂ”ME : CONCOURS BELLINI 2017Compte-rendu, opĂ©ra. Liège, OpĂ©ra royal de Wallonie-Liège, le 20 juin 2019. Bellini : I puritani. Speranza Scappucci / Vincent Boussard. CrĂ©e en fin d’annĂ©e dernière Ă  Francfort, la production des Puritains imaginĂ©e par Vincent Boussard fait halte Ă  Liège en cette fin de saison autour d’une distribution remarquable, fort logiquement applaudie par un public enthousiaste pendant toute la soirĂ©e – et ce malgrĂ© les presque quatre heures de spectacle, avec un entracte, requis pour cette version donnĂ©e en intĂ©gralitĂ©. Les interprètes trouvent dans la mise en scène un Ă©crin d’une remarquable pertinence, Boussard ayant la bonne idĂ©e de centrer l’action autour d’Elvira, qui semble revivre les Ă©vĂ©nements qui l’ont conduit Ă  la folie, errant comme un fantĂ´me hagard et inquiet dans les ruines d’un théâtre en rĂ©novation. Pour autant, la fin de l’ouvrage laisse entrevoir une autre perspective lorsque les interprètes tournent le dos Ă  la salle pour se faire applaudir par le choeur – théâtre dans le théâtre, puis double sombre de l’hĂ©roĂŻne viennent ainsi enrichir une action trop souvent statique, imprimant une atmosphère mystĂ©rieuse et fantastique du plus bel effet. On retrouve par ailleurs le goĂ»t habituel du Français pour une esthĂ©tique chic, incarnĂ©e notamment par les superbes costumes d’Ă©poque de Christian Lacroix, mais toujours utilisĂ©e avec parcimonie. On pourra bien entendu regretter le grotesque coup de théâtre final, inutile tant ce qui prĂ©cĂ©dait pouvait suffire, mais qui ne gâche cependant pas le plaisir d’une très belle soirĂ©e.

 

 

Brillants Puritani Ă  Liège…

 

 

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Le plateau vocal rĂ©uni comble en effet bien au-delĂ  des attentes, autant par son très bon niveau homogène que par l’engagement des interprètes pour rĂ©pondre Ă  l’Ă©nergie bouillonnante de la fosse : Speranza Scappucci n’a pas son pareil pour imprimer une Ă©nergie revigorante, toujours attentive Ă  la narration, Ă  laquelle ne manque que certains dĂ©tails rĂ©vĂ©lĂ©s dans les verticalitĂ©s, un rien trop “franches”. La directrice musicale de l’OpĂ©ra royal de Wallonie-Liège doit aussi prendre garde Ă  ne pas couvrir ses chanteurs dans les grands ensembles. Quoi qu’il en soit, ces quelques rĂ©serves n’empĂŞchent pas le plateau de s’affirmer, tout particulièrement le superbe Arturo de Lawrence Brownlee. Son aisance technique confondante sur toute la tessiture, comme ses aigus aĂ©riens, rappellent le jeune Michael Spyres, mais sans les qualitĂ©s interprĂ©tatives de ce dernier. C’est en ce domaine que Brownlee doit encore progresser pour dĂ©passer le seul Ă©clat vocal, aussi brillant soit-il. Zuzana Marková (Elvira) est plus convaincante en ce domaine, faisant valoir des nuances d’interprĂ©tation dans le mĂ©dium ou les pianissimi, admirablement maitrisĂ©s. L’aigu manque parfois de chair et de puissance, surtout dans les ensembles, mais n’empĂŞche pas la jeune soprano tchèque de rĂ©ussir ses dĂ©buts ici. Plus habituĂ© des lieux, Mario Cassi (Riccardo) se distingue par son assurance et ses beaux phrasĂ©s, tandis que Luca Dall’Amico (Sir Giorgio) est au niveau de ses partenaires, et ce malgrĂ© un lĂ©ger vibrato et un timbre assez ingrat. On notera enfin les belles prestations d’Alexise Yerna (Erichetta di Francia), qui maitrise bien sa voix puissante, tout comme du choeur local, bien prĂ©parĂ©.

 

 

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Compte-rendu, opéra. Anvers, Opéra royal de Wallonie-Liège, le 20 juin 2019. Bellini : I puritani. Zuzana Marková (Elvira), Lawrence Brownlee (Arturo), Mario Cassi (Riccardo), Luca Dall’Amico (Sir Giorgio), Alexise Yerna (Erichetta di Francia), Alexei Gorbatchev (Valton), Zeno Popescu (Bruno Robertson). Orchestre et chœurs de l’Opéra royal de Wallonie-Liège, direction musicale, Speranza Scappucci / mise en scène : Vincent Boussard. A l’affiche de l’Opéra royal de Wallonie-Liège, jusqu’au 28 juin 2019. Crédit Photo : Opéra royal de Wallonie-Liège

PHOTOS : Luca Dall’Amico & Zuzana Marková – Les Puritains de Bellini par Vincent Boussard (© OpĂ©ra Royal de Wallonie-Liège)

 

 

 

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Compte-rendu, critique opéra. Paris, Opéra, le 6 juin 2019. Verdi : La Force du destin. Nicola Luisotti / Jean-Claude Auvray.

giuseppe-verdi_jpg_240x240_crop_upscale_q95Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 6 juin 2019. Verdi : La Force du destin. Nicola Luisotti / Jean-Claude Auvray. Conçue en 2011 (voir ici : http://www.classiquenews.com/10589/) sous le mandat de Nicolas Joël, la production de La Force du destin imaginée par Jean-Claude Auvray fait son retour à Paris en ce printemps. Hasard du calendrier, l’Opéra de Londres a présenté récemment le même ouvrage avec un trio star de rêve : lire ici notre critique opéra : https://www.classiquenews.com/force-du-destin-kaufmann-netrebko-bezier-trio-gagnant-chez-verdi/

Deux sopranos se succĂ©deront Ă  Paris dans le rĂ´le de Leonara, Anja Harteros jusqu’au 18 juin puis Elena Stikhina Ă  compter du 22 juin. Disons-le tout net, entendre Harteros dans ce type de grand rĂ´le est toujours un rĂ©gal, et ce malgrĂ© quelques imperfections vocales sur lesquelles on pourra s’arrĂŞter – un positionnement parfois instable dans l’aigu, audible dans les pianissimi ou les accĂ©lĂ©rations surtout. Quoi qu’il en soit, quel plaisir de se dĂ©lecter de l’élan naturel de ses phrasĂ©s, de l’intelligence avec laquelle chaque syllabe est interprĂ©tĂ©e en lien avec le sens du texte. La soprano allemande est tout simplement bouleversante dans sa dernière scène, longuement applaudie le soir de la première. C’est lĂ  une diffĂ©rence majeur avec Brian Jagde (Alvaro) qui semble davantage dĂ©biter un texte dans la première partie de l’ouvrage, celle-lĂ  mĂŞme oĂą il se confronte Ă  Harteros dans l’élan amoureux, se montrant plus Ă  l’aise ensuite dans l’intimitĂ© de la douleur ou la rĂ©partie dramatique. Parmi le trio star, il est cependant le seul Ă  possĂ©der l’impact physique du rĂ´le, grâce Ă  des aigus rayonnants dĂ©ployĂ©s avec une aisance confondante. Vivement applaudi Ă  l’instar de sa partenaire, il ne lui manque encore que des graves plus affirmĂ©s pour convaincre totalement au niveau vocal.

A ses côtés, Carlo Cigni incarne un émouvant Calatrava, dont le chant empli de noblesse est un régal de bout en bout. On pourra évidemment souligner le timbre légèrement atteint de ce chanteur désormais un peu âgé pour le rôle, mais sa classe évidente en fait encore un interprète de tout premier plan. On soulignera également l’excellent niveau réuni pour les seconds rôles, tous parfaits au premier rang desquels les deux interprétations de caractère de Varduhi Abrahamyan (Preziosilla) d’une part, qui fait pétiller son timbre opulent avec bonheur, ou de Gabriele Viviani (Melitone), à l’abattage comique impayable, tout en étant doté d’une belle prestance vocale. Chapeau bas ! On notera également la solide interprétation de Rafal Siwek (Guardiano), tout comme des choeurs de l’Opéra de Paris, manifestement bien préparés sous la direction de leur chef José Luis Basso. Autre grand motif de satisfaction avec le geste narratif et subtil de Nicola Luisotti, ancien directeur musical de l’Opéra de San Francisco, qui fait chanter l’Orchestre de l’Opéra de Paris en un ton léger et bondissant, sans oublier de marquer les respirations en un beau sens des nuances.

La mise en scène imaginĂ©e par le chevronnĂ© Jean-Claude Auvray joue la carte de l’épure en supprimant pratiquement tout dĂ©cor, s’attachant Ă  caractĂ©riser l’atmosphère de chaque scène avec une simplicitĂ© Ă©loquente : le prologue donne ainsi Ă  voir un intĂ©rieur bourgeois reprĂ©sentĂ© par un rideau en trompe l’oeil – rideau qui s’effondre symboliquement dès lors que le parricide est commis. Les protagonistes Ă©voluent ensuite dans un univers encore plus dĂ©pouillĂ©, mettant en valeur leurs dĂ©placements dynamiques, notamment au niveau des scènes populaires ou dansĂ©es. On soulignera Ă©galement l’attention Ă  chaque dĂ©tail de la rĂ©alisation des costumes d’époque (l’époque de Verdi, Auvray ayant choisi cette transposition), tout autant que des Ă©clairages d’une exceptionnelle variĂ©tĂ©. Les scènes au monastère, avec un Christ immense pour seul dĂ©cor, touchent autant par leur poĂ©sie visuelle dĂ©licate que leur grande force Ă©motionnelle. AssurĂ©ment une belle reprise Ă  ne pas manquer pour les amateurs de ce grand ouvrage de Verdi, ici très inspirĂ© au niveau mĂ©lodique malgrĂ© un livret bien maladroit.

A l’affiche de l’Opéra de Paris jusqu’au 9 juillet 2019.

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Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra Bastille, le 6 juin 2019. Verdi : La Force du destin. Carlo Cigni (Il Marchese di Calatrava), Anja Harteros ou Elena Stikhina (Donna Leonora), Željko Lučić (Don Carlo di Vargas), Brian Jagde (Don Alvaro), Varduhi Abrahamyan (Preziosilla), Rafal Siwek (Padre Guardiano), Gabriele Viviani (Fra Melitone), Majdouline Zerari (Curra), Rodolphe Briand (Mastro Trabuco). Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Nicola Luisotti, direction musicale / mise en scène Jean-Claude Auvray. A l’affiche de l’Opéra de Paris jusqu’au 9 juillet 2019. Photo (DR)

COMPTE-RENDU, comédie musicale. PARIS, Théâtre Marigny, le 15 mai 2019. Losser : Guys and Dolls. J McKeon / S Mear.

COMPTE-RENDU, comédie musicale. PARIS, Théâtre Marigny, le 15 mai 2019. LOSSER : Guys and Dolls. James McKeon / Stephen Mear. Il faut se précipiter pour les dernières représentations de la création française du musical Guys and Dolls (1950), à l’affiche du Théâtre Marigny jusqu’au 1er juin, dans l’une des productions les plus réjouissantes du moment : il est vrai que son directeur Jean-Luc Choplin n’a pas ménagé à la dépense pour réunir la fine fleur du chant anglophone d’aujourd’hui, autant à l’aise dans les parties théâtrales que chantées. On s’associe d’emblée au concert de louanges dont jouit cet immense succès de Frank Loesser (1910-1969), qualifié de « meilleur comédie musicale de tous les temps » par le New York Times ou de « chef d’oeuvre absolu » par Alain Perroux (La Comédie musicale, mode d’emploi, Edition L’Avant-Scène Opéra, novembre 2009).

 

 

 

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D’abord parolier et auteur pour Hollywood, Loesser a eu la bonne idĂ©e d’adapter deux nouvelles gouailleuses de Damon Runyon, qui nous plongent dans la pègre new yorkaise des annĂ©es de la prohibition avec un rĂ©alisme aussi saisissant que truffĂ© de scènes d’humour. Loesser n’a pas son pareil pour jongler avec des couplets inattendus et hilarants, tel le leitmotiv du rhume de Miss AdelaĂŻde, source farfelue et inĂ©puisable de ses dĂ©boires sentimentaux. Autour de la description d’un Broadway moins idyllique qu’à l’accoutumĂ©e, avec ses mĂ©chants d’opĂ©rette au coeur tendre, le livret combine habilement les doutes amoureux – en apparence opposĂ©es – de la cocotte AdelaĂŻde et de la fervente et rigide Sarah, toutes deux Ă©prises de voyous flamboyants. Un univers qui ne manquera pas d’inspirer Leonard Bernstein en 1953 avec son musical Wonderful Town. Musicalement, Loesser donne Ă  entendre la finesse de ses talents d’orchestrateur, en des scènes admirablement variĂ©es qui swinguent avec bonne humeur, entre music hall et cabaret. Les cuivres ont souvent la part belle, tout comme la batterie et le piano, tandis que les parties vocales sont peu virtuoses pour les interprètes.

 

 

 

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Si l’on peut regretter une sonorisation légèrement excessive pour l’orchestre, bien caché dans la petite fosse de Marigny, celui-ci ne ménage pas son engagement pour donner un soutien admirable d’intensité aux chanteurs. Le geste ductile et précis de son chef James McKeon n’y est sans doute pas étranger, donnant un soutien vibrant aux nombreuses scènes chorégraphiées : elles bénéficient de l’énergie survitaminée de la douzaine de danseurs réunis pour l’occasion. Très variées, ces différentes scènes font revivre les années 1920 avec un réalisme fort à propos, bien rendus par des costumes superbes et une scénographie minimaliste en contraste. Le metteur en scène et chorégraphe Stephen Mear choisit en effet de s’appuyer sur une multitude d’encadrements lumineux qui évoquent les miroirs de maquillage des comédiens : les changements de couleurs, comme les variations d’éclairage indirects, permettent de bien différencier les tableaux, dont on retient tout particulièrement la scène cubaine et sa chorégraphie virevoltante.

On l’a dit, le plateau vocal n’appelle que des éloges par sa formidable homogénéité dans l’excellence, aussi bien au niveau théâtral que vocal. Ainsi de la touchante Sarah de Clare Halse, qui sait faire évoluer son personnage de la rigidité à l’élan amoureux, autour d’une voix idéale d’agilité dans toute la tessiture. La grande classe de l’impayable Ria Jones (Adelaide) bénéficie de la truculence nasillarde de son émission à nulle autre pareille, élevant son rôle au rang de l’héroïne tragi-comique attendue. Si Matthew Goodgame (Sky) a pour lui un délicieux timbre de crooner à la Sacha Distel, on aimerait aussi le voir davantage fendre l’armure dans l’éclat. Christopher Howell compose quant à lui un Nathan délicieux de fourberie attendrissante, tandis que les superlatifs Barry James (Arvide Abernaty) et Matthew Whennell-Clark (Benny Southstreet) se distinguent dans leurs petits rôles avec une aisance confondante.

 

 

 

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Courrez vite au Théâtre Marigny, vous n’y serez pas déçus ! On ne manquera pas aussi la reprise en juin prochain de l’excellente opérette d’Hervé, Mam’zelle Nitouche, qui achèvera là sa vaste tournée à travers la France (voir notamment ici à Toulon : https://www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-opera-toulon-opera-le-15-octobre-2017-herve-mamzelle-nitouche-haeck-weitz/).
A l’affiche du Théâtre Marigny jusqu’au 1er juin 2019.

 

 

 

 

 
 
 

 

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Compte-rendu, comédie musicale. Paris, Théâtre Marigny, le 15 mai 2019. Losser : Guys and Dolls. Ria Jones (Miss Adelaide), Clare Halse (Sarah Brown), Matthew Goodgame (Sky Masterson), Christopher Howell (Nathan Detroit), Rachel Izen (General Cartwright), Barry James (Arvide Abernaty), Matthew Whennell-Clark (Benny Southstreet), Joel Montague (Nicely-Nicely Johnson), Orchestre du Théâtre Marigny, James McKeon, direction musicale / mise en scène Stephen Mear. Photos : Julien Benhamou.

 

 

 

Compte-rendu, opéra. Nancy, Opéra national de Lorraine, le 12 mai 2019. Herrmann : Les Hauts de Hurlevent. Jacques Lacombe / Orpha Phelan

Compte-rendu, opéra. Nancy, Opéra national de Lorraine, le 12 mai 2019. Herrmann : Les Hauts de Hurlevent. Jacques Lacombe / Orpha Phelan. Alors que la création française de l’ultime ouvrage lyrique de Korngold, Die Stumme Serenade (La Sérénade muette), a eu lieu à Levallois ce week-end (voir ici : http://www.classiquenews.com/opera-fuoco-die-stumme-serenade), on peut constater le regain d’intérêt dont jouissent les compositeurs de musique de film qui ont triomphé à Hollywood au milieu du XXème siècle. L’Opéra national de Lorraine propose en effet de son côté de découvrir la création française en version scénique de l’unique opéra de Bernard Herrmann (1911-1975), Les Hauts de Hurlevent (1951). De son vivant, le grand rival de Korngold ne put malheureusement obtenir la création de cette adaptation du roman d’Emilie Brontë, refusant les adaptations demandées, à savoir coupures et modification de la fin de l’ouvrage.

Il est vrai que cet opéra souffre d’un livret inégal, qui se tient à peu près dans la première partie de l’ouvrage, mais qui déçoit ensuite du fait de plusieurs maladresses : des scènes inutilement longues contrastent ainsi avec des accélérations subites du récit. D’où l’impression de raccourcis dramatiques et de personnages peu crédibles dans leurs comportements. On pense par exemple à l’amour d’Isabelle Linton pour Heathcliff, qui prête à sourire tant il est soudain : la cohérence aurait voulu que soit accordée une présence plus soutenue à ce personnage en première partie d’ouvrage. On regrette aussi la suppression de la scène du jeu, qui explique dans le roman comment Heathcliff se venge de son rival et devient maître des Hauts de Hurlevent à son retour d’exil. Le maintien de cette scène aurait notamment permis à Bernard Herrmann de donner davantage de variété à son inspiration musicale, qui alterne entre les ambiances sombres et morbides du prologue et du finale, avec des airs plus hollywoodiens et sucrés, souvent dévolus aux personnages féminins. D’une grande maitrise orchestrale, ces airs séduisent par leur perfection formelle d’inspiration néo-romantique, mais sans marquer les esprits au niveau mélodique. Alors que le chœur n’intervient qu’une fois brièvement en coulisse, on notera une absence résolue de tout recours aux ensembles, ce qui provoque une alternance monotone sur la durée entre scènes de parlés-chanté et airs. Enfin, on regrettera que la scène finale, beaucoup trop longue, refuse la réminiscence mélodique des émois passés de Cathy et Heathcliff, se contentant de mettre en valeur l’interminable agonie de l’héroïne.

Plateau vocal sans fautes

Hurlement Hermann NANCY critique opéra classiquenews Lacombe Phelan

Malgré ces défauts, force est de reconnaître que Nancy a mis les petits plats dans les grands pour offrir un écrin quasi idéal à cette production. La mise en scène d’Orpha Phelan séduit en effet tout du long par sa direction d’acteur serrée, toujours au plus près des inflexions musicales, tout en bénéficiant de la scénographie splendide de Madeleine Boyd. Le décor admirablement varié par les éclairages choisit d’opposer le temps de l’enfance, symbolisé par les errances heureuses dans la nature, avec le nécessaire apprentissage des obligations du monde adulte, incarné par le confort d’un intérieur bourgeois : un parquet déformé figure ainsi autant les deux espaces, permettant des mouvements dynamiques sur tout le plateau. Face à cette réussite visuelle, le plateau vocal réuni parvient à un sans-faute, donnant à entendre la fine fleur des jeunes chanteurs anglophones d’aujourd’hui. Layla Claire (Cathy) s’impose ainsi à force d’impact dramatique : véritable rayon de soleil vocal, elle donne beaucoup de vérité à son rôle qui oscille entre naïveté et colère. C’est peut-être plus encore Rosie Aldridge qui se distingue en Nelly Dean, par ses qualités d’articulation et ses remarquables couleurs. John Chest (Heathcliff) n’est pas en reste avec un timbre splendide, par ailleurs bien projeté. On notera enfin les seconds rôles superlatifs, tout particulièrement la noirceur perfide bienvenue de Thomas Lehman (Hindley Earnshaw) ou le chant noble d’Alexander Sprague (Edgar Linton). Enfin, Kitty Whately (Isabella Linton) donne une touche lumineuse et aérienne à son court rôle, le tout sous la baguette flamboyante de Jacques Lacombe, très à l’aise pour mettre en valeur la variété de climats ici à l’œuvre.

Si l’on excepte les faiblesses de l’ouvrage, on ne peut que s’associer à l’accueil chaleureux du public nancéen en fin de représentation, justement convaincu par la somme des talents réunis par cette production.

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Compte-rendu, opéra. Nancy, Opéra national de Lorraine, le 12 mai 2019. Herrmann : Les Hauts de Hurlevent. Layla Claire (Catherine Earnshaw), John Chest (Heathcliff), Thomas Lehman (Hindley Earnshaw), Rosie Aldridge (Nelly Dean), Alexander Sprague (Edgar Linton), Kitty Whately (Isabella Linton), Johnny Herford (Mr. Lockwood), Andrew McTaggart (Joseph). Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, direction musicale, Jacques Lacombe / mise en scène, Orpha Phelan

A l’affiche de l’Opéra national de Lorraine à Nancy jusqu’au 12 mai 2019. Crédit photo : C2 Images

COMPTE-RENDU, opéra. Paris, Garnier, le 13 mai 2019. Tchaïkovski : Iolanta / Casse-Noisette. Hanus / Tcherniakov.

Compte-rendu, opéra. Paris, Palais Garnier, le 13 mai 2019. Tchaïkovski : Iolanta / Casse-Noisette. Tomáš Hanus / Dmitri Tcherniakov. On connait l’histoire : composés par Tchaïkovski pour être donnés en une seule et même soirée, son ultime ballet Casse-Noisette et son dernier opéra Iolanta ont rapidement vu leurs trajectoires se séparer, et ce compte tenu des critiques plus favorables émises pour le ballet dès la création en 1892. Voilà trois ans (http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-paris-palais-garnier14-mars-2016-tchaikovski-iolanta-casse-noisette-sonia-yoncheva-dmitri-tcherniakov), l’Opéra de Paris a choisi de réunir les deux ouvrages pour la première fois ici, ce qui permet dans le même temps à Iolanta de faire son entrée au répertoire de la grande maison : un regain d’intérêt confirmé pour cet ouvrage concis (1h30 environ), souvent couplé avec un autre du même calibre (récemment encore avec Mozart et Salieri à Tours http://www.classiquenews.com/iolanta-a-lopera-de-tours/ ou avec Aleko à Nantes http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-angers-nantes-opera-le-7-octobre-2018-aleko-iolanta-bolshoi-minsk/).

 
 
 

Iolanta / Marie
et la … METEORITE DE FIN DU MONDE

 
  

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Confiée aux bons soins de l’imprévisible trublion Dmitri Tcherniakov, la mise en scène a la bonne idée de lier les deux ouvrages en donnant tout d’abord une lecture assez fidèle de Iolanta, dont l’action est transposée dans un intérieur bourgeois cossu typique des obsessions du metteur en scène russe – observateur critique des moindres petitesses d’esprit des possédants, comme ont pu le constater les parisiens dès 2008 (https://www.classiquenews.com/piotr-illyitch-tchakovski-eugne-onguine-mauvais-texte). La seule modification apportée au livret consiste à ajouter d’emblée le personnage muet de Marie, qui obtient pour cadeau d’anniversaire la représentation scénique de Iolanta. Dès lors, on comprend très vite que la jeune fille sera le personnage principal du ballet Casse-Noisette, dont l’histoire a été entièrement réécrite par Tcherniakov pour prolonger le conte initiatique à l’œuvre dans Iolanta.

A la peur du monde adulte symbolisée par l’aveuglement de Iolanta succède ainsi trois tableaux admirablement différenciés, qui nous permettent de plonger au cœur des craintes et désirs de l’adolescente, entre fantasme onirique et réalité déformée. On se régale des joutes mondaines qui dynamitent le début de Casse-Noisette en un ballet virevoltant, tout en rendant hommage aux jeux bon enfant d’antan, le tout chorégraphié par un Arthur Pita inspiré : à minuit passé, la même jeunesse dorée revient hanter Marie avec des mouvements saccadés inquiétants, avant qu’elle ne découvre la mort de son cher Vaudémont.

Tcherniakov mêle avec finesse la crainte de la perte de l’être aimé, l’expérience de la solitude dans une forêt sinistre, puis la révélation de la misère humaine et de ses inégalités. Il revient cette fois à Edouard Lock et Sidi Larbi Cherkaoui de chorégraphier ces parties saisissantes de réalisme, qui s’enchainent à un rythme sans temps mort. Faut-il expliquer le délire de Marie par sa capacité à pressentir la fin du monde proche ? C’est ce que semble suggérer la météorite qui envahit tout l’écran en arrière-scène peu avant la fin, rappelant en cela le propos de l’excellent film Melancholia (2011) de Lars von Trier.

Au regard de cette richesse d’invention qui semble inĂ©puisable, qui peut encore douter du gĂ©nie de Tcherniakov ? On conclura en mentionnant la parfaite rĂ©alisation au niveau visuel qui donne un Ă©crin millimĂ©trĂ© aux protagonistes, et ce dans les diffĂ©rents univers dĂ©voilĂ©s. Si les deux danseurs principaux, Marine Ganio (Marie) et JĂ©rĂ©my-Loup Quer (VaudĂ©mont), brillent d’une grâce vivement applaudie par le public en fin de reprĂ©sentation, le plateau vocal de Iolanta (entièrement revu depuis 2016, Ă  l’exception des rĂ´les de Bertrand et Marthe) se montre d’un bon niveau, sans Ă©blouir pour autant. Le chant bien conduit et articulĂ© de Krzysztof BÄ…czyk (RenĂ©) lui permet de s’épanouir dans un rĂ´le de caractère, en phase avec ses qualitĂ©s dramatiques, tandis que la petite voix de Valentina NaforniĹŁÄ donne Ă  Iolanta la fragilitĂ© attendue pour son rĂ´le, le tout en une Ă©mission ronde et souple. Dmytro Popov (VaudĂ©mont) rencontre les mĂŞmes difficultĂ©s de projection, essentiellement dans le mĂ©dium, ce qui est d’autant plus regrettable que le timbre est sĂ©duisant dans toute la tessiture. Deux petits rĂ´les se distinguent admirablement par leur Ă©clat et leur ligne de chant d’une noblesse Ă©loquente, les superlatifs Robert d’Artur RuciĹ„ski et Bertrand de Gennady Bezzubenkov.

Enfin, le geste équilibré de Tomáš Hanus, ancien élève du regretté Jiři Bělohlávek, n’en oublie jamais l’élan nécessaire à la narration d’ensemble, tout en demandant à ses pupitres des interventions bien différenciées. On a là une direction solide et sûre, très fidèle à l’esprit des deux ouvrages. A l’affiche de l’Opéra de Paris jusqu’au 24 mai 2019.

 
 
 
 

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Compte-rendu, opĂ©ra. Paris, Palais Garnier, le 13 mai 2019. TchaĂŻkovski : Iolanta / Casse-Noisette. Iolanta : Krzysztof BÄ…czyk (RenĂ©), Valentina NaforniĹŁÄ (Iolanta), Dmytro Popov (VaudĂ©mont), Artur RuciĹ„ski (Robert), Johannes Martin Kränzle (Ibn Hakia), Vasily Efimov (AlmĂ©ric), Gennady Bezzubenkov (Bertrand), Elena Zaremba (Marthe), Adriana Gonzalez (Brigitte), Emanuela Pascu (Laure), Casse-Noisette : Marine Ganio (Marie), JĂ©rĂ©my-Loup Quer (VaudĂ©mont), Émilie Cozette (La Mère), Samuel Murez (Le Père), Francesco Vantaggio (Drosselmeyer), Jean-Baptiste Chavignier (Robert), Jennifer Visocchi (La SĹ“ur), Les Etoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’OpĂ©ra national de Paris, ChĹ“urs de l’OpĂ©ra national de Paris, MaĂ®trise des Hauts-de-Seine/ChĹ“ur d’enfants de l’OpĂ©ra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chĹ“urs), Orchestre de l’OpĂ©ra national de Paris, Tomáš Hanus, direction musicale / mise en scène Dmitri Tcherniakov. A l’affiche de l’OpĂ©ra de Paris jusqu’au 24 mai 2019. Photos : Julien Benhamou – OnP

COMPTE-RENDU, opéra. LUXEMBOURG, le 10 mai 2019. BIZET : Les Pêcheurs de perles. D Reiland / FC Bergman

Compte-rendu, opéra. Luxembourg, Grand Théâtre, le 10 mai 2019. Bizet : Les Pêcheurs de perles. David Reiland / FC Bergman (Stef Aerts, Marie Vinck, Thomas Verstraeten, Joé Agemans). Conçue par l’Opéra des Flandres en fin d’année dernière, la nouvelle production des Pêcheurs de perles de Georges Bizet (1838-1875) fait halte à Luxembourg en ce début de printemps avec un plateau vocal identique. Il est à noter que ce spectacle de très bonne tenue sera repris début 2020 à l’Opéra de Lille avec des chanteurs et un chef différents : une excellente initiative, tant s’avère réjouissant le travail du collectif théâtral anversois « FC Bergman », dont c’est là la toute première mise en scène lyrique.

 

 

 

Le jeune Bizet au Luxembourg

Première réussie pour FC BERGMAN

 

 

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Ce collectif créé en 2008 a en effet la bonne idée de transposer l’action des Pêcheurs de perles dans une maison de retraite, ce qui permet au trio amoureux de revivre les événements les ayant conduits à l’impasse : des doubles de Leïla et Nadir, interprétés par deux jeunes danseurs, revisitent ainsi le superbe décor tournant, constitué d’une immense vague figée qui symbolise les illusions perdues des protagonistes. Le travail de FC Bergman fourmille de détails savoureux, distillant quelques traits humoristiques bienvenus pour corser l’action : ainsi du chœur des retraités aussi farfelu qu’attentif au respect de « l’ordre moral ». Pour autant, la mise en scène n’en oublie pas de dénoncer le tabou de la mort dans les maisons de retraite, donnant à voir la fin de vie dans toute sa crudité. On rit jaune, mais on s’amuse beaucoup de ce second degré qui permet d’animer un livret parfois redondant et statique : de quoi compenser les faiblesses d’inspiration de ce tout premier ouvrage lyrique d’envergure de Bizet, créé en 1863, soit douze ans avant l’ultime chef d’œuvre Carmen. On notera également quelques traits de poésie astucieusement traités au niveau technique, tels ces doubles figés comme des statues aux poses acrobatiques improbables, qui défient les lois de l’attraction terrestre. De même, le ballet des tourtereaux en tenue d’Eve est parfaitement justifié au niveau théâtral.

 

 

 

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Face à cette mise en scène réussie, le plateau vocal réuni se montre plus inégal en comparaison. Ainsi du décevant Zurga de Stefano Antonucci, dont le placement de voix et la justesse sont mis à mal par les redoutables changements de registres. Le chant manque de l’agilité requise, avec une émission étroite dans l’aigu, et plus encore étranglée dans le suraigu : le public, chaleureux en fin de représentation, ne semble pas lui en tenir rigueur pour autant. Il est vrai que le chant idéalement projeté d’Elena Tsallagova (Leïla) emporte l’adhésion d’emblée par une diction au velouté sensuel, d’une aisance confondante dans l’aigu. Il ne lui manque qu’un grave plus affirmé encore pour faire partie des grandes de demain. A ses côtés, Charles Workman (Nadir) assure bien sa partie malgré un timbre qui manque de couleurs. On aime son jeu et sa classe naturelle qui apportent beaucoup de crédibilité à son rôle. A ses côtés, le Chœur de l’Opéra des Flandres manque sa première intervention, manifestement incapable d’éviter les décalages dans les accélérations, avant de se reprendre ensuite dans les parties plus apaisées.

L’une des plus belles satisfactions de la soirée vient de la fosse, où David Reiland (né en 1979) fait crépiter un Orchestre de l’Opéra des Flandres admirable d’engagement.

Récemment nommé directeur musical de l’Orchestre national de Metz (en 2018), le chef belge n’a pas son pareil pour exalter les contrastes et conduire le récit en un sens dramatique toujours précis et éloquent. David Reiland fait désormais parti de ces chefs à suivre de très près.

 

 

 

 

 

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Compte-rendu, opéra. Luxembourg, Grand Théâtre, le 10 mai 2019. Bizet : Les Pêcheurs de perles. Elena Tsallagova (Leïla), Charles Workman (Nadir), Stefano Antonucci (Zurga), Stanislav Vorobyov (Nourabad, Jeune Zurga), Bianca Zueneli (Jeune Leïla), Jan Deboom (Jeune Nadir). Chœur et Orchestre de l’Opéra des Flandres, direction musicale, David Reiland / mise en scène, FC Bergman (Stef Aerts, Marie Vinck, Thomas Verstraeten, Joé Agemans)

A l’affiche du Grand Théâtre de Luxembourg jusqu’au 10 mai 2019. Crédit photo : Annemie Augustins

 

 

 

Compte-rendu, opéra. Strasbourg, Opéra national du Rhin, le 17 avril 2019. Weber : Der Freischütz. Patrick Lange / Jossi Wieler, Sergio Morabito

Compte-rendu, opĂ©ra. Strasbourg, OpĂ©ra national du Rhin, le 17 avril 2019. Weber : Der FreischĂĽtz. Patrick Lange / Jossi Wieler, Sergio Morabito. Der FreischĂĽtz (1821). Il faut souvent aller en Allemagne pour dĂ©couvrir la version originale avec dialogues parlĂ©s du FreischĂĽtz de Weber (voir notre prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e de l’ouvrage http://www.classiquenews.com/carl-maria-von-weber-der-freischtz-1821radio-classique-dimanche-27-janvier-2008-21h/) – notre pays prĂ©fĂ©rant le plus souvent la version de Berlioz avec rĂ©citatifs et ajout d’un ballet (notamment Ă  l’OpĂ©ra-Comique en 2011 ou Ă  Nice en 2013). On ne peut donc que se rĂ©jouir de dĂ©couvrir ce joyau de l’opĂ©ra romantique qui inspira autant Wagner que Berlioz, deux fervents dĂ©fenseurs de Weber.

 

 

 

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La directrice gĂ©nĂ©rale de l’OpĂ©ra national du Rhin, Eva Kleinitz, choisit de confier la mise en scène de cet ouvrage aux expĂ©rimentĂ©s, mais peu connus en France, Jossi Wieler et Sergio Morabito. Ils travaillent ensemble depuis 1994, Ă  l’instar d’un autre couple cĂ©lèbre, Patrice Caurier et Moshe Leiser. Il s’agit de leurs dĂ©buts dans notre pays pour une nouvelle production – les deux hommes s’Ă©tant rĂ©servĂ©s ces dernières annĂ©es pour l’OpĂ©ra de Stuttgart, lĂ  mĂŞme oĂą ils ont fondĂ© leur amitiĂ© avec Eva Kleinitz, et ce avant la nomination de Jossi Wieler au poste prestigieux de dramaturge de l’OpĂ©ra de Vienne. Très attendus, leurs premiers pas ne convainquent cependant qu’Ă  moitiĂ©, tant leur transposition contemporaine manque de lisibilitĂ© : il faudra ainsi lire leurs intentions afin de saisir pleinement les idĂ©es dĂ©veloppĂ©es sur scène.

 

 

 

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Si nos bucherons sont ici grimĂ©s en guerriers, c’est que l’action est censĂ©e se passer après la guerre de Trente ans, d’oĂą une scène initiale en forme de bizutage pour le malheureux Max, risĂ©e de ses camarades. TraumatisĂ©s par le conflit, l’ensemble des personnages est tombĂ© dans une dĂ©prime qui explique autant leurs visions (dĂ©cors dĂ©formĂ©s, couleurs bizarres, visions d’animaux) que leur dĂ©bit robotique et sans âme dans les dialogues parlĂ©s : l’idĂ©e est intĂ©ressante mais trop ennuyeuse sur la durĂ©e au niveau théâtral. L’esthĂ©tique jeu vidĂ©o, aux beaux dĂ©cors inspirĂ©s d’Alekos Hofstetter, joue aussi sur cette distanciation utile pour quitter les rivages d’une intrigue naĂŻve : fallait-il cependant choisir des costumes aussi laids avec leurs couleurs bleu et orange criardes ? Si l’utilisation de la vidĂ©o avec deux Ă©crans en avant et en arrière-scène modernise l’action par ses effets de perspective saisissants dans la Gorge-aux-Loups, on est moins convaincu en revanche par l’ajout d’un drone, censĂ© nous rappeler les dangers de la banalisation du recours Ă  la robotisation Ă  outrance : le lien avec les balles diaboliques est tĂ©nu, mais Morabito et Wieler osent tout pour dĂ©noncer l’inhumanitĂ© des travers de nos sociĂ©tĂ©s modernes.

Face Ă  cette mise en scène inĂ©gale, le plateau vocal rĂ©uni s’avère on ne peut plus satisfaisant en comparaison. Ainsi de la lumineuse Lenneke Ruiten (Agathe), Ă  la petite voix idĂ©ale de fraicheur et de raffinement dans les nuances. Sa comparse Josefin Feiler (Aennchen) a davantage de caractère, brillant avec aisance dans les changements de registres. La dĂ©ception vient du chant aux phrasĂ©s certes d’une belle noblesse de Jussi Myllys (Max), mais trop peu projetĂ© dans le mĂ©dium et l’aigu, avec un positionnement de voix instable dans les passages difficiles. Rien de tel pour David Steffens (Kaspar), le plus applaudi en fin de reprĂ©sentation, qui s’impose avec son chant vaillant Ă  la diction assurĂ©e, le tout en un impact physique percutant. Si les seconds rĂ´les sont tous parfaitement distribuĂ©s, on notera la prestation frustrante de l’Ermite de Roman Polisadov, aux graves splendides de rĂ©sonance, mais manifestement incapable d’Ă©viter quelques dĂ©calages avec la fosse. Le choeur de l’OpĂ©ra national du Rhin livre quant Ă  lui une prestation alliant engagement et prĂ©cision de tous les instants, de quoi nous rappeler qu’il figure parmi les meilleurs de l’hexagone.

A la tĂŞte d’un Orchestre symphonique de Mulhouse en grande forme (Ă  l’exception du pupitre perfectible des cors), Patrick Lange fait des dĂ©buts rĂ©ussis ici, faisant l’Ă©talage de sa grande classe dans l’Ă©tagement et la finesse des dĂ©tails rĂ©vĂ©lĂ©s, en une direction finalement très française d’esprit. Les tempi respirent harmonieusement, en des couleurs dignes d’un ancien Ă©lève de Claudio Abbado, mĂŞme si on aimerait ici et lĂ  davantage d’Ă©lectricitĂ© pour oublier l’Ă©lĂ©gance et plonger Ă  plein dans le drame. C’est ce palier que doit encore franchir l’actuel chef principal de l’OpĂ©ra de Wiesbaden pour rentrer dans le cercle très fermĂ© des maestros d’exception.

 

 

 

 

 

 

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Compte-rendu, opĂ©ra. Strasbourg, OpĂ©ra national du Rhin, le 17 avril 2019. Weber : Der FreischĂĽtz. Lenneke Ruiten (Agathe), Josefin Feiler (Aennchen), Jussi Myllys (Max), David Steffens (Kaspar), Frank van Hove (Kuno), Jean-Christophe Fillol (Kilian), Ashley David Prewett (Ottokar), Roman Polisadov (L’Ermite). Orchestre symphonique de Mulhouse et chĹ“urs de l’OpĂ©ra national du Rhin, direction musicale, Patrick Lange / mise en scène, Jossi Wieler, Sergio Morabito.
A l’affiche de l’Opéra national du Rhin, à Strasbourg jusqu’au 29 avril 2019 et à Mulhouse les 17 et 19 mai 2019. Illustrations : © Klara Beck / Opéra National du Rhin 2019

 

 
 

 

COMPTE-RENDU, CRITIQUE, opéra. STRASBOURG, Opéra, le 17 mars 2019. GINASTERA : Beatrix Cenci. M Letonja / M Pensotti.

1ffa60ce55b94d4e99669abfbd1fcd0d24a55ee27870744e3a88964f6e869ba3Compte-rendu, opéra. Strasbourg, Opéra, le 17 mars 2019. Ginastera : Beatrix Cenci. Marko Letonja / Mariano Pensotti. Après avoir mis le Japon à l’honneur l’an passé (avec notamment la création de l’opéra Le Pavillon d’or de Toshiro Mayuzumi (http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-strasbourg-opera-du-rhin-le-21-mars-2018-mayuzumi-le-pavillon-dor-daniel-miyamoto), le festival pluridisciplinaire Arsmondo rend hommage à l’Argentine, en proposant jusqu’au 17 mai toute une série d’événements culturels liés à ce pays. Outre la création française de Beatrix Cenci d’Alberto Ginastera (1916-1983) à l’Opéra du Rhin, on recommandera la visite de l’exposition éponyme au Musée des Beaux-Arts, tout autant que les représentations filmées de Beatrice Cenci de Berthold Goldschmidt et surtout de Bomarzo (1967), le plus célèbre ouvrage de Ginastera – tous deux projetés le 6 avril prochain à l’Opéra de Strasbourg. En attendant, le public pourra se familiariser avec le dernier ouvrage lyrique de Ginastera, créé en 1971 pour l’inauguration du Kennedy Center de Washington (tout comme « Mass » de Leonard Bernstein / VOIR notre grand reportage MASS de BERNSTEIN, restitué en juin 2018 par l’Orchestre National de Lille pour le Centenaire Bersntein 2018).

De quoi nous rappeler combien ce compositeur, dont le rĂ©pertoire symphonique est aujourd’hui revisitĂ© par plusieurs disques dus Ă  la curiositĂ© du chef Juanjo Mena (pour Chandos), avait su s’imposer au firmament des artistes reconnus en AmĂ©rique, mais Ă©galement en France (voir notamment la biographie rĂ©digĂ©e par l’IRCAM : http://brahms.ircam.fr/alberto-ginastera). Au fait de ses moyens en 1971, Ginastera assemble des Ă©lĂ©ments Ă©pars avec virtuositĂ©, en de brefs crescendos interrompus brutalement, au profit de silences ou de tuttis qui mettent en contraste graves inquiĂ©tants et suraigus stridents. Unissons paroxystiques, sonoritĂ©s Ă©tranges, pastiches du Moyen Age s’allient Ă  l’inventivitĂ© de l’écriture pour les voix (chuchotements, sifflements, etc) – bien rendue ici par l’admirable chĹ“ur de l’OpĂ©ra du Rhin. Le langage variĂ© de Ginastera multiplie par ailleurs les dissonances dans l’esprit avant-gardiste de l’époque, mais n’en oublie jamais la nĂ©cessitĂ© d’un discours musical au service du livret.

Après le succès et la polémique engendrée par son opéra précédent « Bomarzo » (interdit dans son propre pays pour des raisons politiques), Ginastera s’inspire de l’affaire Cenci, popularisée en France par Stendhal et Dumas : ce fait divers sordide du XVIème siècle reste terriblement actuel par le récit saisissant d’une vengeance familiale sur fond d’inceste. Assez court (1h30), l’ouvrage de Ginastera surprend quant à lui par son livret tour à tour réaliste et poétique. En cause, la mésentente des deux librettistes William Shand et Alberto Girri qui donne des passages étranges et désincarnés, étonnamment mêlés aux accélérations subites du récit, lorsque les attendus dramatiques s’imposent à l’action.

 
 
 

Création française de Beatrix Cenci
ÉTRANGETÉ CINÉMATOGRAPHIQUE

 
 
 

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L’argentin Mariano Pensotti (né en 1973), dont c’est là la première mise en scène lyrique, s’empare de cette dualité en proposant un climat d’étrangeté proche du cinéma fantastique : la succession lancinante de l’ensemble des pièces de la maison Cenci, au moyen d’un plateau tournant, est un régal pour les yeux, distillant ses discrets éléments d’étrangeté tels les chiens empaillés ou le costume d’handicapée de l’héroïne (une évocation de l’appétence pour la souffrance qui rappelle autant les films Crash de Cronenberg que La piel que habito d’Almodovar). Autour d’une transposition dans les années 1960, superbe au niveau visuel, les différents tableaux dévoilés donnent un climat hypnotique et fascinant jusqu’à la césure des préparatifs du meurtre, représentée par un vaste mur froid et gris.

Bénéficiant de la direction flamboyante de Marko Letonja, l’ensemble des interprètes livre une prestation habitée, au premier rang desquels le Francesco retors de Gezim Myshketa, aux graves bien projetés. C’est peut-être plus encore Ezgi Kutlu (Lucrecia Cenci) qui convainc à force d’opulence dans l’émission et de conviction dramatique. D’abord timide au début, conformément à son rôle, Leticia de Altamirano (Beatrix Cenci) déploie ensuite sa petite voix pour endosser ses habits d’héroïne blessée et fragile. En cela, elle donne une attention toute de finesse et d’à-propos à sa prestation, tout à fait bienvenue. Un spectacle réussi que l’on conseille de découvrir très vite pour parfaire sa connaissance de la musique de la deuxième moitié du XXème siècle.

 
 
 
 
 
 

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Compte-rendu, opĂ©ra. Strasbourg, OpĂ©ra, le 17 mars 2019. Ginastera : Beatrix Cenci. Marko Letonja / Mariano Pensotti – A l’affiche de l’OpĂ©ra du Rhin, Ă  Strasbourg du 17 au 25 mars, puis Ă  Mulhouse les 5 et 7 avril 2019. ginastera-beatrix-cenci-opera-annonce-critique-classiquenewsLeticia de Altamirano (Beatrix Cenci), Ezgi Kutlu (Lucrecia Cenci), Josy Santos (Bernardo Cenci), Gezim Myshketa (Comte Francesco Cenci), Xavier Moreno (Orsino), Igor Mostovoi (Giacomo Cenci), Dionysos Idis (Andrea), Pierre Siegwalt (Marzio), Thomas Coux (Olimpio). Marko Letonja direction musicale / mise en scène Mariano Pensotti. A l’affiche de l’OpĂ©ra du Rhin jusqu’au 7 avril 2019. Illustrations : © K Beck OpĂ©ra Nat du Rhin 2019

 
 
 
 
 
 

COMPTE-RENDU, opéra. LILLE, Opéra, le 10 mars 2019. PESSON : Trois contes. Georges-Elie Octors / David Lescot.

PESSON 3 contes opera de lille critique opera annonce opera concert musique classique news classiquenewsCOMPTE-RENDU, opéra. LILLE, Opéra, le 10 mars 2019. PESSON : Trois contes. Georges-Elie Octors / David Lescot. Présentée à l’Opéra de Lille en 2017, La Double Coquette de Dauvergne (LIRE le compte-rendu du disque édité à cette occasion) avait déjà permis d’apprécier tout le goût de Gérard Pesson (né en 1958) pour l’adaptation musicale. On le retrouve cette fois accompagné de l’excellent David Lescot (dont le travail dans La finta giardiniera de Mozart avait fait grand bruit ici-même en 2014) en un spectacle au titre trompeur qui incite à penser que les enfants en sont la cible. Il n’en est rien, tant les trois contes déconcertent dans un premier temps par l’hétérogénéité des sujets abordés et le sérieux manifeste du propos. Pour autant, l’idée de ce travail est bien de confronter notre regard avec les raccourcis et faux semblants propres à l’imaginaire et au merveilleux, tout autant qu’à notre capacité à nous illusionner pour échapper à la réalité.

 
 
 

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Le spectacle débute avec l’adaptation de La Princesse au petit pois (1835) d’Andersen, revisitée en pas moins de six versions différentes qui dynamitent notre regard sur cette histoire si simple en apparence. A la manière de Bruno Bettelheim dans sa célèbre Psychanalyse des contes de fée (Laffont, 1976), David Lescot (né en 1971) fouille les moindres recoins du récit pour en extraire toute les significations possibles, interrogeant autant son rôle initiatique (la petite fille qui n’est pas une princesse doit pouvoir supporter l’inconfort matériel) que symbolique : avant de pouvoir prouver son statut par l’épreuve du petit pois, la princesse n’est-elle pas d’abord une étrangère dont on doit se méfier ? Lescot dynamite également les codes attendus de ce type de récit, y adjoignant une deuxième princesse qui vient retrouver les amoureux dans leur lit : un trio espiègle et inattendu, bien éloigné des versions moralisantes souvent à l’œuvre dans les contes.

Autour de ce jeu sur les apparences, David Lescot pousse le spectateur à s’interroger sur l’influence du jeu et de la mise en scène dans la compréhension du récit, afin de l’amener à affuter son regard critique face à ce qui lui est donné à voir et entendre. La mise en scène, élégante et épurée, donne à voir plusieurs jeux de miroir virtuoses, tandis que Gérard Pesson tisse un accompagnement ivre de couleurs et de sonorités variées, toujours attentif à la moindre inflexion dramatique. On est souvent proche de l’art d’un Britten dans la capacité à minorer le rôle des cordes pour faire valoir toutes les ressources de l’orchestre, en premier lieu vents et percussions : du grand art.

Changement radical d’atmosphère avec Le Manteau de Proust adapté du roman éponyme de Lorenza Foschini (née en 1949), édité en 2012 par Quai Voltaire. Le conte moque l’ignorance et la bêtise de la famille de Proust, incapable de saisir la sensibilité et surtout la valeur artistique de la correspondance de l’écrivain français. La musique se ralentit pour faire valoir une myriade d’ambiances assez sombres, toujours très raffinées dans l’écriture, tandis que la mise en scène passe astucieusement d’un lieu à l’autre au moyen de saynètes réjouissantes, dévoilées en un ballet hypnotique en avant-scène, à la manière d’un plateau tournant. Autant les qualités minimalistes et plastiques de l’ensemble, que la capacité à rapidement présenter de nouveaux tableaux, rappellent l’art d’un Joël Pommerat, un auteur lui aussi attiré par la noirceur des contes (LIRE notamment son Pinocchio/).

Le dernier conte présenté, adapté du Diable dans le Beffroi (1839) d’Edgar Allan Poe, convainc beaucoup moins en comparaison, du fait d’une histoire plus simpliste : l’écrivain américain y moque l’étroitesse d’esprit et le conformisme d’une société puritaine entièrement tournée vers elle-même. L’arrivée d’un intrus, le Diable en personne, sonne comme le réveil de ces consciences endormies et passives. La mise en scène joue sur les personnages figés, délicieusement ridicules, tandis que Pesson se montre moins à l’aise, donnant quelque peu l’impression de tourner en rond dans son inspiration, et ce malgré l’impeccable narrateur incarné par le pince-sans-rire Jos Houben. Côté chant, on notera un plateau vocal admirable d’homogénéité, dominé par le chant radieux et bien projeté de Marc Mauillon. Malgré les réserves sur le dernier conte, les deux premiers d’entre eux devraient rapidement s’installer au répertoire comme des classiques du XXIème siècle : les reprises prévues à Rouen, Rennes et Nantes, coproducteurs du spectacle, seront ainsi vivement attendues.

 
  
 
 
 

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Compte-rendu, opĂ©ra. Lille, OpĂ©ra, le 10 mars 2019. Pesson : Trois contes. MaĂŻlys de Villoutreys, Melody Louledjian, Camille Merckx, Enguerrand de Hys, Jean-Gabriel Saint-Martin, Marc Mauillon. Ensemble Ictus, Georges-Elie Octors direction musicale / mise en scène David Lescot. A l’affiche de l’OpĂ©ra de Lille jusqu’au 14 mars 2019. – Illustration : © S Gosselin.

 
 
 

COMPTE-RENDU, opéra. ANVERS, le 8 fév 2019. Hindemith : Cardillac.  Dmitri Jurowski / Guy Joostens

Compte-rendu, opéra. Anvers, Opéra flamand, le 8 février 2019. Hindemith : Cardillac. Dmitri Jurowski / Guy Joostens. Attaché à l’Opéra des Flandres depuis le début des années 1990, le metteur en scène Guy Joosten vient d’annoncer que la présente production de Cardillac serait sa dernière proposée dans la grande institution belge. Gageons cependant qu’il sera encore possible de revoir certaines de ses productions emblématiques (notamment ses très réussies Noces de Figaro en 2015 http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-gand-opera-le-18-juin-2015-wolgang-amadeus-mozart-le-nozze-di-figaro-david-bizic-levenet-molnar-julia-kleiter-julia-westendorp-renata-pokupic-kathleen-wilkinson-peter/) à l’occasion de reprises bienvenues. En attendant, le metteur en scène flamand s’attaque à Cardillac (1926), tout premier opéra d’envergure de Hindemith après ses premiers essais en un acte, notamment Sancta Susanna en 1922 (entendu notamment à Lyon en 2012).

  

 

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Après la mise en scène élégante de Cardillac donnée à l’Opéra de Paris en 2005 et reprise en 2008, où André Engel donnait au héros des allures de gentleman cambrioleur (voir ici le documentaire « Découvrir un opéra » consacré à Cardillac en 2007 http://www.classiquenews.com/paul-hindemith-cardillac-1926arte-le-17-fevrier-2007-a-22h30), Guy Joostens s’intéresse à la figure de l’artiste dans sa folie créatrice : on découvre ainsi un Cardillac qui joue une sorte de Monsieur Loyal envers et contre tous, manifestement grisé par la reconnaissance enfin acquise auprès du peuple unanime en début d’ouvrage. La transposition dans les années 1920 est une réussite visuelle constante, avec une utilisation discrète mais pertinente de la vidéo dans les images de la foule en noir et blanc (on pense immédiatement aux grands cinéastes de l’époque tel que Fritz Lang), le tout en une scénographie épurée qui met en avant de splendides éclairage aux tons mordorés, sans oublier l’ajout d’éléments grotesques dans l’esprit de George Grosz : cette dernière idée est particulièrement décisive pour figurer un Cardillac psychologiquement atteint, mais toujours flamboyant dans son irrationalité apparente. Les quelques accessoires révélés viennent toujours finement soutenir le propos, tels ces coussins dorés en forme de boyaux qui suggèrent à la fois les méfaits de l’assassin passé et à venir, tout autant qu’un écho à la folie matérialiste du Gripsou qui sommeille en lui.

 

 

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Face à cette belle réussite, quel dommage que la direction terne et sans esprit de Dmitri Jurowski ne vienne gâcher la fête pendant toute la soirée : pourtant spécialiste de ce répertoire, le chef allemand se contente de battre la mesure en des tempi allants qui refusent respirations et variations, au profit d’une lecture qui privilégie résolument la musique pure. C’est d’autant plus regrettable que l’Orchestre de l’Opéra des Flandres se montre à la hauteur, mais ne peut rien face à cette battue indifférente à toute progression dramatique, dont seuls les passages apaisés permettent aux chanteurs de se distinguer quelque peu.

Ainsi du formidable Cardillac de Simon Neal, très investi dans l’exigeant parlé-chanté (sprechgesang), et ce au moyen d’une émission puissante mais toujours précise. A ses côtés, Betsy Horne (La fille de Cardillac) n’est pas en reste, même si on lui préfère plus encore la vibrante Theresa Kronthaler (La Dame), par ailleurs excellente actrice. Si on aurait aimé un Sam Furness davantage affirmé dans son rôle de Cavalier, aux aigus parfois serrés, Ferdinand von Bothmer (L’Officier) convainc davantage avec son timbre clair. Enfin, Donald Thomson (Le Marchand d’or) se distingue dans son court rôle par ses phrasés souples et parfaitement projetés, tout autant qu’un superlatif choeur de l’Opéra des Flandres, une fois encore admirable de cohésion dans chacune de ses interventions.

 

 

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Compte-rendu, opéra. Anvers, Opéra flamand / OPERA BALLET VLAANDEREN, le 8 février 2019. Hindemith : Cardillac. Simon Neal (Cardillac), Betsy Horne (Die Tochter), Ferdinand von Bothmer (Der Offizier), Theresa Kronthaler (Die Dame), Sam Furness (Der Kavalier), Donald Thomson (Der Goldhändler). Orchestre et chœurs de l’Opéra des Flandres, direction musicale, Dmitri Jurowski / mise en scène, Guy Joostens / A l’affiche de l’Opéra des Flandres, à Anvers jusqu’au 12 février 2019 et à Gand du 21 février au 3 mars 2019

Illustrations : A. Augustijns / Opéra des Flandres / OPERA BALLET VLAANDEREN fev 2019
 

 

 

 

Compte-rendu, opéra. LIEGE, Opéra, le 25 janv 2019. Gounod : Faust. Patrick Davin / Stefano Poda.

Compte-rendu, opĂ©ra. Liège, OpĂ©ra, le 25 janvier 2019. Gounod : Faust. Patrick Davin / Stefano Poda. Créée en 2015 Ă  Turin, la production de Faust imaginĂ©e par Stefano Poda a dĂ©jĂ  fait halte Ă  Lausanne (2016) et Tel Aviv (2017), avant la reprise liĂ©geoise de ce dĂ©but d’annĂ©e. Un spectacle Ă©vĂ©nement Ă  ne pas manquer, tant l’imagination visuelle de Poda fait mouche Ă  chaque tableau au moyen d’un immense anneau pivotant sur lui-mĂŞme et revisitĂ© pendant tout le spectacle Ă  force d’Ă©clairages spectaculaires et variĂ©s. Ce symbole fort du pacte entre Faust et MĂ©phisto fascine tout du long, tout comme le mouvement lancinant du plateau tournant habilement utilisĂ©.

  

 

 

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On ne se lasse jamais en effet des tours de force visuels de Poda, virtuose de la forme, qui convoque habilement une pile dĂ©sordonnĂ©e de livres anciens pour figurer la vieillesse de Faust au dĂ©but ou un arbre dĂ©charnĂ© pour Ă©voquer la sĂ©cheresse de ses sentiments ensuite. Très sombre, le dĂ©cor minĂ©ral rappelle Ă  plusieurs reprises les scĂ©nographies des spectacles de Py, mĂŞme si Poda reste dans la stylisation chic sans chercher Ă  aller au-delĂ  du livret. Les enfers sont placĂ©s d’emblĂ©e au centre de l’action, Poda allant jusqu’Ă  sous-entendre que le choeur est dĂ©jĂ  sous la coupe de MĂ©phisto lors de la scène de beuverie au I : tous de rouges vĂŞtus, les choristes se meuvent de façon saccadĂ©e, Ă  la manière de zombies, sous le regard hilare de MĂ©phisto. On gagne en concentration sur le drame Ă  venir ce que l’on perd en parenthèse lĂ©gère et facĂ©tieuse.

Plus tard dans la soirĂ©e, Poda montrera le mĂŞme parti-pris frigide lors de l’intermède comique avec Dame Marthe, très distanciĂ©, et ce contrairement Ă  ce qu’avait imaginĂ© Georges Lavaudant Ă  Genève l’an passĂ© (voir notre compte-rendu : http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-geneve-opera-le-3-fevrier-2018-gounod-faust-osborn-faust-plasson-lavaudant/). Le ballet de la nuit de Walpurgis est certainement l’une des plus belles rĂ©ussites de la soirĂ©e, lorsque les danseurs, au corps presque entièrement nu et peint en noir, interprètent une chorĂ©graphie sauvage et sensuelle, se mĂŞlant et se dĂ©mĂŞlant comme un seul homme. Les applaudissements nourris du public viennent logiquement rĂ©compenser un engagement sans faille et techniquement Ă  la hauteur. De quoi parachever la vision totale de Stefano Poda, auteur comme Ă  son habitude de tout le spectacle (mise en scène, scĂ©nographie, costumes, lumières…), mĂŞme si l’on regrettera sa note d’intention reproduite dans le programme de la salle, inutilement prĂ©tentieuse et absconse.

 

faust gounod opera critique opera classiquenews musique classique actus infos opera festival concerts par classiquenews thumbnail_Ensemble--Opra-Royal-de-Wallonie-Lige-3-ConvertImageLe plateau vocal rĂ©uni est un autre motif de satisfaction, il est vrai dominĂ© par un interprète de classe internationale en la personne d’Ildebrando d’Arcangelo, dĂ©jĂ  entendu ici en 2017 dans le mĂŞme rĂ´le de MĂ©phisto (celui de La Damnation de Faust de Berlioz). Emission puissante et prestance magnĂ©tique emportent l’adhĂ©sion tout du long, avec une prononciation française très correcte. Le reste de la distribution, presque entièrement belge, permet de retrouver la dĂ©licieuse Marguerite d’Anne-Catherine Gillet, meilleure dans les airs que dans les rĂ©citatifs du fait d’une diction qui privilĂ©gie l’ornement au dĂ©triment du sens. Elle doit aussi gagner en crĂ©dibilitĂ© dramatique afin de bien saisir les diffĂ©rents Ă©tats d’âme de cette hĂ©roĂŻne tragique, surtout dans la courte scène de folie en fin d’ouvrage. Quoi qu’il en soit, elle relève le dĂ©fi vocal avec aplomb, malgrĂ© ces rĂ©serves interprĂ©tatives. On pourra noter le mĂŞme dĂ©faut chez Marc Laho, trop monolithique, avec par ailleurs un timbre qui manque de chair. Il assure cependant l’essentiel avec constance, tandis que l’on se fĂ©licite des seconds rĂ´les parfaits, notamment le superlatif Wagner de Kamil Ben HsaĂŻn Lachiri.
Outre un chœur local en grande forme, on mentionnera la très belle prestation de l’Orchestre royal de Wallonie, dirigé par un Patrick Davin déchainé dans les parties verticales, tout en montrant une belle subtilité dans les passages apaisés. Un spectacle vivement applaudi en fin de représentation par l’assistance venue en nombre, que l’on conseille également chaleureusement.

  

 
 

 

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Compte-rendu, opéra. Liège, Opéra de Liège, le 25 janvier 2019. Gounod : Faust. Marc Laho (Faust), Anne-Catherine Gillet (Marguerite), Ildebrando d’Arcangelo (Méphistophélès), Na’ama Goldman (Siébel), Lionel Lhote (Valentin), Angélique Noldus (Marthe), Kamil Ben Hsaïn Lachiri (Wagner). Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Patrick Davin, direction musicale / mise en scène, Stefano Poda. A l’affiche de l’Opéra de Liège jusqu’au 2 février 2019, puis au Palais des Beaux-Arts de Charleroi le 8 février 2019. Illustrations © Opéra royal de Wallonie 2019

  

 

 
  

 

 

Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 24 janvier 2019. Scarlatti : Il primo omicidio. René Jacobs / Romeo Castellucci.

primo omicidio tintoret bernd_uhlig_opera_national_de_paris-il-primo-omicidio-18.19-c-bernd-uhlig-onp-7-Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 24 janvier 2019. Scarlatti : Il primo omicidio. René Jacobs / Romeo Castellucci. Coup de coeur de Classiquenews en ce début d’année (voir notre présentation ici : http://www.classiquenews.com/paris-il-primo-omicidio-dales-scarlatti-1707), la recréation française d’Il primo omicidio (1707), l’un des plus fameux oratorios d’Alessandro Scarlatti (1660-1725),  est un événement à ne pas manquer. Alessandro Scarlatti reste aujourd’hui davantage connu comme le père de son fils Domenico, célèbre apôtre du clavier dont on a entendu l’été dernier l’intégrale des sonates en concert dans toute l’Occitanie (voir ici : http://www.classiquenews.com/montpellier-marathon-scarlatti-festival-radio-france-france-musique-14-au-23-juillet-2018-integrale-des-sonates-de-scarlatti). Pour autant, Alessandro Scarlatti fut l’un des compositeurs les plus reconnus de son temps, en tant qu’héritier du grand Monteverdi et annonciateur de la génération suivante, dont celle de Haendel.

Rene-Jacobs-2013-582René Jacobs défend son vaste répertoire (deux fois plus d’opéras que Haendel, selon le chef belge) depuis plusieurs années : on se souvient notamment de son disque consacré, déjà, à Il primo omicidio (Harmonia Mundi, 1998) ou encore de sa Griselda donnée au Théâtre des Champs-Elysées en 2000. Invité pour la première fois à diriger à l’Opéra de Paris, le chef flamand investit le Palais Garnier avec son attention coutumière, en cherchant avant tout à réunir un plateau vocal d’une remarquable homogénéité. Pas de stars ici, mais des chanteurs que le Gantois connaît bien (comme Benno Schachtner et Thomas Walker, avec lesquels il s’est produit récemment à Ambronay), tous prêts à se plier aux moindres inflexions musicales du maître. Il s’agit ici en effet de respecter l’esprit de l’ouvrage, un oratorio qui exclut toute virtuosité individuelle, afin de se concentrer sur le sens du texte : les récitatifs sont ainsi interprétés avec une concentration évidente, autour d’une prosodie qui prend le temps de délier chaque syllabe. D’où l’impression d’un René Jacobs plus serein que jamais, attentif à l’articulation des moindres inflexions musicales de Scarlatti, tout en prêtant un soin aux couleurs, ici incarnées par l’ajout bienvenu des cuivres, dont deux trombones. Le détail de l’orchestration, manquant, a été adapté à la jauge de Garnier, tout particulièrement le continuo soutenu avec ses deux orgues, deux clavecins, deux luths et une harpe.

De quoi mettre en valeur la musique toujours séduisante au niveau mélodique de Scarlatti, plus apaisée en première partie, avant de dévoiler davantage de contrastes ensuite. Les récitatifs sont courts, tandis que les airs apparaissent assez longs en comparaison. Le plateau vocal ne prend jamais le dessus sur les musiciens, recherchant une fusion des timbres envoûtante sur la durée : toujours placés à la proximité de la fosse (quand ce n’est pas dans la fosse elle-même au II), les chanteurs assurent bien leur partie, sans défaut individuel. Ainsi du remarquable Dieu de Benno Schachtner, petite voix angélique d’une souplesse idéale dans ce répertoire, tandis que Robert Gleadow montre davantage de caractère dans son rôle de Lucifer. S’il en va logiquement de même pour les rôles de Caïn et Abel, très bien interprétés, on mentionnera aussi l’excellence de l’Eve de Birgitte Christensen, aux couleurs admirables malgré des vocalises un rien heurtées, tandis que l’Adam de Thomas Walker (Adam / Adamo) démontre une classe vocale de tout premier plan.

On reste en revanche plus rĂ©servĂ© quant Ă  la mise en scène de Romeo Castellucci, fort timide en première partie avec sa proposition visuelle peu signifiante qui rappelle Mark Rothko dans les variations gĂ©omĂ©triques ou Gerhard Richter dans les flous expressifs stylisĂ©s. On se demande en quoi cette scĂ©nographie, splendide mais interchangeable, s’adapte au prĂ©sent ouvrage, avant que la deuxième partie n’éclaire quelque peu sa proposition scĂ©nique. Comme il l’avait dĂ©jĂ  fait pour ses dĂ©buts Ă  l’OpĂ©ra de Paris en 2015 (voir MoĂŻse et Aaron : http://www.classiquenews.com/dvd-evenement-annonce-schoenberg-schonberg-moses-und-aron-moise-et-aaron-philippe-jordan-romeo-castellucci-opera-bastille-2015-1-dvd-belair-classiquenews/), Romeo Castellucci s’interroge sur la dualitĂ© prĂ©sente en chacun de nous en convoquant sur scène des enfants chargĂ©s d’interprĂ©ter les rĂ´les des chanteurs – ces derniers restant dans la fosse avec l’orchestre.

L’une des plus belles images de la soirĂ©e est certainement la rĂ©union des doubles personnages, comme deux faces d’une mĂŞme personne enfin rĂ©conciliĂ©es, après avoir vĂ©cu l’expĂ©rience, douloureuse mais fondatrice, de la perte de l’innocence du temps de l’enfance.  A cet effet, on ne manquera pas de lire le remarquable texte de Corinne Meyniel, reproduit dans le livret conçu par l’OpĂ©ra national de Paris, qui Ă©voque la richesse des interprĂ©tations de ce mythe universel. Enfin, la mise en scène n’en oublie pas de rappeler les allusions christiques que certains exĂ©gèses catholiques ont voulu voir dans le personnage d’Abel, tout en donnant Ă  une Eve voilĂ©e, des allures troublantes de Marie implorant son fils perdu. Curieusement, Castellucci est moins convainquant au niveau visuel en deuxième partie, notamment dans la gestion imparfaite des dĂ©placements des enfants. Une proposition en demi-teinte plutĂ´t bien accueillie en fin de reprĂ©sentation par le public, et ce malgrĂ© les quelques imperfections mentionnĂ©es ci-avant. A l’affiche de l’OpĂ©ra de Paris jusqu’au 23 fĂ©vrier 2019. LIRE notre annonce d’Il Primo Omicidio de Scarlatti
  
 
 
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Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra Garnier, le 24 janvier 2019. Scarlatti : Il primo omicidio. Kristina Hammarström (Caino), Olivia Vermeulen (Abele), Birgitte Christensen (Eva), Thomas Walker (Adamo), Benno Schachtner (Voce di dio), Robert Gleadow (Voce di Lucifero). B’Rock Orchestra ; René Jacobs direction musicale / mise en scène Romeo Castellucci. A l’affiche de l’Opéra de Paris jusqu’au 23 février 2019.

 
 
 

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Approfondir 
 
 

LIRE ici nos autres articles en lien avec le thème du Premier homicide / Il Primo Omicidio / Cain et Abel, dans l’histoire de la musique

 
 
 

http://www.classiquenews.com/?s=primo+omicidio&submit=rechercher

 
 
 

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Illustrations : Le meurtre d’Abel par CaĂŻn (Tintoret / DR) – OpĂ©ra National de Paris 2019, B Uhlig 2019

 
 
 
 
 
 

Compte-rendu, opéra. Nancy, le 14 déc 2018. Offenbach : La Belle Hélène. L Campellone / B Ravella.


Compte-rendu, opéra. Nancy, le 14 décembre 2018. Offenbach : La Belle Hélène. Laurent Campellone / Bruno Ravella
. Quelques jours après la rĂ©crĂ©ation de Barkouf (1860) Ă  Strasbourg : LIRE ici : http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-strasbourg-le-7-dec-2018-offenbach-barkouf-jacques-lacombe-mariame-clement/, c’est au tour de l’OpĂ©ra de Nancy de s’intĂ©resser en cette fin d’annĂ©e Ă  Offenbach, en prĂ©sentant l’un de ses plus grands succès, La Belle HĂ©lène (1864). Toutes les reprĂ©sentations affichent dĂ©jĂ  complet, preuve s’il en est de la renommĂ©e du compositeur franco-allemand, dont on fĂŞtera le bicentenaire de la naissance l’an prochain avec plusieurs raretĂ©s : Madame Favart Ă  l’OpĂ©ra-Comique ou MaĂ®tre PĂ©ronilla au Théâtre des Champs-ÉlysĂ©es, par exemple. A Nancy, toute la gageure pour le metteur en scène tient dans sa capacitĂ© Ă  renouveler notre approche d’un “tube” du rĂ©pertoire, ce que Bruno Ravella rĂ©ussit brillamment en cherchant avec une vive intelligence Ă  rendre crĂ©dible un livret parfois artificiel dans ses rebondissements.

offenbach-violoncelle-jacques-offenbach-anniversaire-2019-par-classiquenews-dossier-OFFENBACH-2019Son idĂ©e maĂ®tresse consiste d’emblĂ©e Ă  donner davantage d’Ă©paisseur au personnage de Pâris, dont les apparitions et les travestissements rocambolesques relèvent, dans le livret original, du seul primat divin. Pourquoi ne pas lui donner davantage de prĂ©sence en le transformant en un agent secret chargĂ© d’infiltrer la RĂ©publique bananière d’HĂ©lène et son Ă©poux ? Pourquoi ne pas faire de lui un mythomane, dès lors que son attachement autoproclamĂ© Ă  Venus n’est jamais confirmĂ© par la DĂ©esse, grande absente de l’ouvrage ? Ce pari osĂ© et rĂ©ussi conduit Pâris, dès l’ouverture, Ă  endosser les habits d’un James Bond d’opĂ©rette, plutĂ´t savoureux, d’abord Ă©bahi par les gadgets prĂ©sentĂ©s par “Q”, avant de se faire parachuter en arrière-scène. C’est lĂ  le lieu de tous les dĂ©lires visuels hilarants de Bruno Ravella, qui enrichit l’action au moyen de multiples dĂ©tails d’une grande pertinence dans l’humour – mais pas seulement, lorsqu’il nous rappelle que la guerre se prĂ©pare pendant que tout ce petit monde s’amuse.
La transposition survitaminĂ©e fonctionne Ă  plein pendant les trois actes, imposant un comique de rĂ©pĂ©tition servi par une direction d’acteur qui fourmille de dĂ©tails (chute du bellâtre Pâris dans l’escalier, prosodie de la servante façon ado bourgeoise de Florence Foresti, etc). De quoi surprendre ceux qui n’imaginait pas Bruno Ravella capable de renouveler, en un rĂ©pertoire diffĂ©rent, le succès obtenu l’an passĂ© avec Werther – un spectacle aurĂ©olĂ© d’un prix du Syndicat de la critique. On mentionnera enfin la modernisation fĂ©roce des dialogues rĂ©alisĂ©e par Alain Perroux (en phase avec l’esprit du livret original tournĂ© contre NapolĂ©on III), qui dirige logiquement la farce contre le pouvoir en place aux cris d’”En marche la Grèce !” ou de “Macron, prĂ©sident des riches ! ».

 

 

 

Farce délirante contre le pouvoir

 

 

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Autour de cette proposition scĂ©nique rĂ©jouissante, le plateau vocal brille lui aussi de mille feux, Ă  l’exception du rĂ´le-titre problĂ©matique. Rien d’indigne chez Mireille Lebel qui impose un timbre et des phrasĂ©s d’une belle musicalitĂ© pendant toute la soirĂ©e. Qu’il est dommage cependant que la puissance vocale lui fasse Ă  ce point dĂ©faut, nĂ©cessitant Ă  plusieurs reprises de tendre l’oreille pour bien saisir ses interventions. Pour une chanteuse d’origine anglophone, sa prononciation se montre tout Ă  fait satisfaisante, mais on perd lĂ  aussi un peu du sel que sait lui apporter Philippe Talbot en comparaison. C’est lĂ , sans doute, le tĂ©nor idĂ©al dans ce rĂ©pertoire, tant sa prononciation parfaite et son timbre clair font mouche, le tout avec une finesse théâtrale très Ă  propos.

Autour d’eux, tous les seconds rĂ´les affichent un niveau superlatif. On se rĂ©jouira de retrouver des piliers du rĂ©pertoire lĂ©ger, tout particulièrement Franck LeguĂ©rinel et Eric Huchet – tous deux irrĂ©sistibles.

On mentionnera Ă©galement le talent comique de Boris Grappe, Ă  juste titre chaleureusement applaudi en fin de reprĂ©sentation, dont le style vocal comme les expressions lui donnent des faux airs de …Flannan ObĂ©, un autre grand spĂ©cialiste bouffe. Enfin, Laurent Campellone dirige ses troupes avec une tendresse et une attention de tous les instants, donnant une transparence et un raffinement inattendus dans cet ouvrage. Un grand spectacle Ă  savourer sans modĂ©ration pour peu que l’on ait su rĂ©server Ă  temps ! A l’affiche de l’OpĂ©ra national de Lorraine, Ă  Nancy, jusqu’au 23 dĂ©cembre 2018.

 

 

 

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Compte-rendu, opéra. Nancy, Opéra national de Lorraine, le 14 décembre 2018. Offenbach : La Belle Hélène. Mireille Lebel (Hélène), Yete Queiroz (Oreste), Philippe Talbot (Pâris),  Boris Grappe(Calchas), Franck Leguérinel (Agamemnon), Eric Huchet (Ménélas), Raphaël Brémard (Achille). Orchestre et chœurs de l’Opéra national de Lorraine, direction musicale, Laurent Campellone / mise en scène, Bruno Ravella.

/ illustrations : © Opéra national de Nancy 2018

 

 

 

Compte-rendu, opéra. Strasbourg, le 7 déc 2018. Offenbach : Barkouf. Jacques Lacombe / Mariame Clément.

offenbach-jacques-concerts-opera-presentation-par-classiquenews-Jacques_Offenbach_by_NadarCompte-rendu, opĂ©ra. Strasbourg, le 7 dĂ©cembre 2018. Offenbach : Barkouf. Jacques Lacombe / Mariame ClĂ©ment. Jamais repris depuis sa crĂ©ation parisienne en 1860, l’opĂ©ra-bouffe Barkouf renaĂ®t aujourd’hui grâce aux efforts conjuguĂ©s des opĂ©ras du Rhin et de Cologne (qui seul nous offrira un enregistrement discographique, avec les dialogues en allemand), tout autant que du spĂ©cialiste mondial d’Offenbach, le chef et musicologue Jean-Christophe Keck, Ă  qui l’on doit la reconstruction de la partition et du livret. L’ouvrage fut en effet plusieurs fois remis sur le mĂ©tier avant la crĂ©ation houleuse, effectuĂ©e dans un parfum de scandale du fait de sa satire du pouvoir en place. AurĂ©olĂ© de l’immense succès d’OrphĂ©e aux enfers (1858), Offenbach parvenait enfin Ă  pĂ©nĂ©trer le graal que reprĂ©sentait pour lui l’OpĂ©ra-Comique, tout en accĂ©dant dans le mĂŞme temps au non moins prestigieux OpĂ©ra de Paris (alors appelĂ© Théâtre national de l’OpĂ©ra), avec le ballet Le Papillon (1860). C’est très certainement ce prestige reconnu qui le conduisit, avec son librettiste Scribe, Ă  oser rire de la valse du pouvoir en France depuis la RĂ©volution de 1789, tout en moquant le fait que n’importe qui semblait dĂ©sormais accĂ©der Ă  la fonction suprĂŞme – un chien pourquoi pas ?

 

 

 

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Echec à sa création, l’ouvrage pâtit certainement de ce sujet sulfureux, difficile à défendre pour tous ceux qui craignait Louis-Napoléon Bonaparte, dictateur redouté depuis son coup d’Etat sanglant en 1851 et la chasse aux sorcières qui s’en suivit. Malgré la censure, Barkouf pousse la satire aussi loin que possible, ce que les auditeurs de l’époque ne manquèrent pas de savourer, en faisant de nombreuses allusions à la jeunesse du futur Napoléon III, dont la suite rocambolesque de coups d’Etat manqués (Rome en 1831, Strasbourg en 1836 ou encore Boulogne-sur-Mer en 1840), tout autant que son appétit jamais assouvi pour les conquêtes féminines, en font un véritable personnage d’opérette. De même, les allusions au mariage forcé de Périzade et Saëb ressemble furieusement au choix épineux que dû résoudre Napoléon III en 1853 : épouser une femme aimée ou bien l’héritière d’une famille régnante ? On peut ainsi voir la figure de l’Empereur en deux personnages distincts et complémentaires de l’ouvrage, le révolutionnaire Xaïloum et le bellâtre amoureux Saëb.

Las, on comprend aisément que présenter un tel ouvrage sans le contexte historique et les codes nécessaires à sa compréhension n’a pas de sens de nos jours : la modernisation nécessaire des dialogues a de fait conduit Mariame Clément à restreindre ces aspects, ne gardant de l’allusion à Napoléon III que l’image finale des deux tourtereaux enfin couronnés, afin de lui préférer une pochade certes sympathique, mais somme toute moins savoureuse que Le Roi Carotte (voir notamment la reprise lilloise en début d’année : http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-lille-opera-le-11-fevrier-2018-offenbach-le-roi-carotte-schnitzler-pelly/). A sa décharge, le livret ainsi vidé de sa charge personnalisée, étale sa pauvreté d’action autour des mystifications improbables de Maïma, propriétaire du chien proclamé gouverneur. Fallait-il y voir, là aussi, une allusion à l’influence considérable d’Eugénie, l’épouse de Napoléon III, une des plus belles femmes de son temps ? Dès lors, Clément fait le choix de présenter une société totalitaire envahie par les faux-semblants et l’apparence (I), avant l’avènement et la chute de la bureaucratie complotiste (II et III) : la scénographie splendide de Julia Hansen est un régal pour les yeux. Pour autant, le choix d’une illustration bon enfant, moquant l’absurdité d’un travail répétitif par l’adjonction d’un mime entre les actes, minore la charge potentielle de la farce au profit de seuls gags visuels. On aurait aimé, par exemple, davantage d’insistance sur la cruauté des rapports de domination entre le Vizir et son valet, et plus encore sur les personnages secondaires au nom pittoresque (porte-épée, porte-tabouret, porte-mouchoir, etc). De même, il aurait sans doute été préférable d’exploiter davantage le fort original thème canin, ici traité de façon discrète.

 

 

 

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Autour de cette mise en scène agréable mais sans surprise, on se félicite du plateau vocal réuni à Strasbourg, très convaincant. Ainsi de l’irrésistible abattage comique de Rodolphe Briand (Bababeck) dont on notera seulement quelques décalages avec la fosse au niveau vocal, ici et là. Un détail tant ses qualités théâtrales forcent l’admiration. A ses côtés, Pauline Texier (Maïma) endosse le rôle le plus lourd de la partition avec une belle vaillance vocale pour une voix au format si léger, tour à tour gracieuse et charmante. Il faudra cependant encore gagner en agilité dans l’aigu et en force d’incarnation pour rendre plus crédible le virage autoritaire de son personnage en deuxième partie. Fleur Barron (Balkis) ne manque pas de puissance en comparaison, autour d’une émission d’une rondeur admirable. On aimerait l’entendre dans un rôle plus important encore à l’avenir. Son français est fort correct, à l’instar de l’autre non francophone de la distribution, Stefan Sbonnik (Xaïloum). Autre belle révélation, avec les phrasés ensorcelants du très musical Patrick Kabongo (Saëb), idéal dans ce rôle, tandis que Nicolas Cavallier compose un superlatif Grand-Mogol.

On conclura en regrettant la direction trop analytique et allégée de Jacques Lacombe, qui peine à donner l’électricité et l’entrain attendu dans ce type d’ouvrage. Même si ce parti-pris a, au moins pour avantage, de ne pas couvrir les chanteurs, on aimerait donner davantage de folie et d’emphase à ce geste trop policé.

 

 

 

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A l’affiche de l’Opéra du Rhin, à Strasbourg jusqu’au 23 décembre 2018, puis à Mulhouse les 6 et 8 janvier 2019.
Compte-rendu, opéra. Strasbourg, Opéra du Rhin, le 7 décembre 2018. Offenbach : Barkouf. Rodolphe Briand (Bababeck), Nicolas Cavallier (Le Grand-Mogol), Patrick Kabongo (Saëb), Loïc Félix (Kaliboul), Stefan Sbonnik (Xaïloum), Pauline Texier (Maïma), Fleur Barron (Balkis), Anaïs Yvoz (Périzade). Orchestre et chœurs de l’Opéra du Rhin, direction musicale, Jacques Lacombe / mise en scène, Mariame Clément.

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Compte-rendu, opéra. Strasbourg, le 7 décembre 2018. Offenbach : Barkouf. Jacques Lacombe / Mariame Clément.

Illustrations : Klara BECK / Opéra national du Rhin 2018.

 

 

 

Compte-rendu, danse. Charleroi, Palais des Beaux-Arts, le 17 novembre 2018. Adam : Giselle. Dominic Grier / Akram Khan.

ADAM portrait giselle par classiquenews Adolphe_AdamCompte-rendu, danse. Charleroi, Palais des Beaux-Arts, le 17 novembre 2018. Adam : Giselle.  Dominic Grier / Akram Khan. Crée par l’English National Ballet en 2016, la Giselle chorégraphiée par Akram Khan (né en 1974) fait halte à l’Opéra des Flandres sur l’invitation du directeur du ballet Sidi Larbi Cherkaoui. Rien d’étonnant à cela tant les deux valeurs montantes contemporaines de la danse se connaissent bien depuis leur création commune de Zero degrees en 2005, un spectacle acclamé à travers le monde. Akram Khan choisit cette fois de s’intéresser à la Giselle (dont le titre complet est Giselle, ou les Wilis) d’Adolphe Adam, l’un des ballets les plus fameux du répertoire, créée en 1841. Las, les amateurs de musique romantique en seront pour leur frais puisque Khan ne garde de ce ballet que le livret, laissant de côté la musique d’Adam pour lui substituer celle de Vincenzo Lamagna.

C’est la deuxième fois que Khan fait appel à ce compositeur basé à Londres, après Until the Lions créé à Londres en 2016, puis à Paris à la Grande Halle de la Villette dans la foulée. Sa musique accessible fait appel à de multiples références, aussi bien bruitistes (nombreuses percussions, des bruits de verre aux chaînes, etc) que tirées de mélodies traditionnelles : on remarquera que le folklore celtique est ici très présent alors que les Wilis sont issues de la mythologie slave. Cela étant, Adam n’avait pas non plus cherché à se rapprocher de cette source musicale logique. Souvent proche de la musique de film, la composition de Lamagna use et abuse de tics d’écriture fatiguant à la longue, comme cet emploi des basses quasi-omniprésent, dont les ostinato inquiétants en crescendo masquent peu à peu une mélodie souvent simple en contraste dans les aigus. Quelques belles idées permettent cependant un intérêt constant, tel que cet emploi de la guitare électrique en résonnance afin de figurer la sirène d’un cargo.

C’est surtout au niveau visuel que ce spectacle emporte l’adhĂ©sion, autour d’éclairages admirablement variĂ©s, dont on retient les contre-jours finement ciselĂ©s qui permettent de voir les danseurs comme des ombres fugitives dans leurs allĂ©es et venues. L’imagination de Khan permet des tableaux sans cesse renouvelĂ©s, en une Ă©nergie revigorante toujours en mouvement mais très prĂ©cise dans ses scènes de groupe. C’est lĂ  l’une des grandes forces de ce spectacle intense, auquel Khan adjoint un mur en arrière-scène pour figurer la problĂ©matique des migrants, Ă©videmment absente de l’histoire originale. Si l’idĂ©e ne convainc qu’à moitiĂ© sur le fond, elle est traitĂ©e de manière magistrale au niveau visuel, notamment lorsque le mur tourne sur lui-mĂŞme comme suspendu dans les airs, tandis que l’ensemble de la troupe du ballet de l’OpĂ©ra des Flandres affiche un niveau superlatif, Ă  l’instar du prĂ©cĂ©dent spectacle vu l’an passĂ© Ă  Anvers (http://www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-danse-anvers-opera-des-flandres-le-21-octobre-2017-stravinsky-martinez-cherkaoui-pite/).

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A l’affiche de l’Opéra des Flandres jusqu’au 18 novembre 2018
Compte-rendu, danse. Charleroi, Palais des Beaux-Arts, le 17 novembre 2018. Adam : Giselle. Nancy Osbaldeston (Giselle), Claudio Cangialosi (Albrecht), Daniel Domenech (Hilarion),  Nini de Vet (Mytha). Ballet et orchestre de l’Opéra des Flandres, direction musicale, Dominic Grier / chorégraphie, Akram Khan

Compte-rendu, opéra. La Monnaie, Bruxelles, le 16 nov 2018. Janácek : De la maison des morts. Boder / Warlikowski.

de-la-maison-de-smorts-janacek-monnaie-bruxelles-warlikowski-critique-opera-compte-rendu-opera-par-classiquenewsCompte-rendu, opéra. La Monnaie, Bruxelles, le 16 novembre 2018. Janácek : De la maison des morts. Michael Boder / Krzysztof Warlikowski. Déjà présentée à Londres en début d’année, avant Lyon l’an prochain, la production de La Maison des morts imaginée par Krzysztof Warlikowski fait halte à Bruxelles pour ce mois de novembre. Las, le metteur en scène polonais apparaît en toute petite forme, autant dans sa proposition esthétique cheap qu’au niveau des multiples provocations trash souvent incohérentes. Pourquoi affubler les personnages de masques blancs à plusieurs moments du spectacle ? Pourquoi nous infliger ces poupées gonflables, d’une rare laideur, à plusieurs reprises violentées par les chanteurs ?

Autour de ces questions laissĂ©es sans rĂ©ponse, Warlikowski fait le choix d’une mise en scène ultravitaminĂ©e, façon cabaret, Ă  mille lieux Ă©loignĂ©e du travail de Patrice ChĂ©reau (donnĂ© notamment Ă  Aix et Paris. Lire ici : http://www.classiquenews.com/patrice-chreau-de-la-maison-des-morts-le-corps-au-travailarte-les-1er-puis-15-novembre-2010). Si l’idĂ©e de donner davantage d’action Ă  un livret trop statique peut bien entendu se concevoir, on regrette que cela se traduise par un surjeu constant, sans bĂ©nĂ©ficier de l’habituel sens esthĂ©tique propre au Polonais (comme le donnait encore Ă  voir son remarquable spectacle BartĂłk / Poulenc repris Ă  Garnier en dĂ©but d’annĂ©e). Dans la mĂŞme idĂ©e, Warlikowski choisit de meubler les interludes orchestraux par des extraits vidĂ©os de Michel Foucault, puis d’un anonyme – une idĂ©e intĂ©ressante mais trop survolĂ©e lĂ  aussi.

La transposition dans un pĂ©nitencier amĂ©ricain donne Ă  voir des prisonniers aux attitudes vulgaires, auxquels la pratique du basket ball est rĂ©servĂ©e aux seules personnes de couleur noire – ce clichĂ© ne pouvait-il pas ĂŞtre Ă©vité ? La scĂ©nographie intĂ©ressante avec ses multiples points de vue (plateau nu, couloir vitrĂ© en Ă©tage et bloc amovible) n’est qu’imparfaitement exploitĂ©e et seule la scène de théâtre dans le théâtre, malgrĂ© ses outrances et singeries, convainc quelque peu. On notera par ailleurs l’intĂ©ressante idĂ©e d’habiller dès le dĂ©but du spectacle le personnage d’AlieĂŻa en femme, ceci pour marquer les connotations homosexuelles de sa relation avec Gorjantchikov, ou encore celui de donner davantage de prĂ©sence scĂ©nique Ă  l’unique personnage fĂ©minin.

Autour de cette mise en scène peu inspirĂ©e, l’autre grande dĂ©ception de la soirĂ©e vient de la fosse. Ivre de tempi dantesques, le chef allemand Michael Boder propose une lecture en noir et blanc qui ne s’intĂ©resse qu’aux seuls crescendo dramatiques pour laisser de cĂ´tĂ© les contrastes lyriques et poĂ©tiques, peu audibles ici. Fort heureusement, le plateau vocal rĂ©uni affiche une belle cohĂ©sion d’ensemble d’oĂą ressort l’intense Gorjantchikov de Willard White   ou le touchant Aljeja de Pascal Charbonneau. De quoi nous consoler les oreilles, Ă  dĂ©faut des yeux !

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A l’affiche de l’Opéra de La Monnaie à Bruxelles jusqu’au 17 novembre 2018, puis de l’Opéra de Lyon du 21 janvier au 2 février 2019 (distribution différente).

Compte-rendu, opéra. Bruxelles, La Monnaie, le 16 novembre 2018. Janácek : De la maison des morts. Willard White (Alexandr Petrovic Gorjancikov), Pascal Charbonneau (Aljeja), Stefan Margita (Filka Morozov), Nicky Spence (Grand Prisonnier, Prisonnier à l’aigle), Ivan Ludlow (Petit prisonnier, Cekunov, Cuisinier), Alexander Vassiliev (Commandant), Graham Clark (Vieux Prisonnier), Ladislav Elgr (Skuratov). Orchestre et chœurs de l’Opéra de Paris, direction musicale, Michael Boder / mise en scène, Krzysztof Warlikowski.

Compte-rendu, opéra. Paris, le 15 novembre 2018. Verdi : Simon Boccanegra. Luisi / Bieito.

VERDI_402_Giuseppe-Verdi-9517249-1-402Compte-rendu, opĂ©ra. Paris, le 15 novembre 2018. Verdi : Simon Boccanegra. Fabio Luisi / Calixto Bieito. Comment dĂ©mĂŞler l’intrigue particulièrement confuse du Simon Boccanegra de Verdi ? Pour rĂ©pondre Ă  ce dĂ©fi ardu auquel chaque metteur en scène est confrontĂ©, Calixto Bieito choisit de botter en touche en imaginant un rĂ´le-titre psychologiquement dĂ©truit par la mort de sa compagne Maria et par l’enlèvement de sa fille. Dès lors, la confusion du hĂ©ros rejoint celle de l’intrigue, en une suite d’Ă©vĂ©nements et d’ellipses oĂą Simon Ă©volue comme un pantin hagard et sans Ă©motion : hantĂ© par ce passĂ© qui ne passe pas, l’ancien corsaire devenu Doge de GĂŞnes voit ainsi continuellement roder autour de lui le fantĂ´me de Maria sur la scène nue ou Ă  travers la gigantesque carcasse mĂ©tallique de son ancien bateau – seul Ă©lĂ©ment de dĂ©cor pendant tout le spectacle.

Symbole de son enfermement psychologique, cette Ă©pave spectaculaire magnifiĂ©e par de splendides Ă©clairages est l’incontestable atout visuel de cette production très rĂ©ussie de ce point de vue, mais malheureusement trop intellectuelle et rĂ©pĂ©titive dans ses partis-pris. Sans compenser le statisme Ă  l’oeuvre, les projections vidĂ©os de plus en plus frĂ©quentes en arrière-scène donnent Ă  voir avec pertinence les divagations mentales de Simon, engluĂ© dans des visions incohĂ©rentes. On pense plusieurs fois Ă  quelques images empruntĂ©es Ă  Kubrick, notamment les errances de Simon et Maria stylisĂ©es par les Ă©clairages de l’Ă©pave, ou encore au Hitchcock des visions psychĂ©dĂ©liques de Vertigo (Sueurs froides). Quoi qu’il en soit, malgrĂ© ces atouts formels, le travail de Calixto Bieito reçoit une salve copieuse de huĂ©es en fin de reprĂ©sentation, suite logique de la perplexitĂ© manifestĂ©e par une grande partie du public Ă  l’entracte face Ă  cette abstraction rĂ©solument glaciale.

Fort heureusement, tout le reste du spectacle n’appelle que des Ă©loges. A commencer par la fosse avec le trop rare Fabio Luisi (GĂ©nois lui aussi) Ă  Paris : un grand chef est Ă  l’oeuvre et ça s’entend ! Avec sa direction qui prend le temps de sculpter les moindres raffinements orchestraux du Verdi de la maturitĂ© sans jamais perdre la conduite du discours musical, on se surprend Ă  imaginer le choc stylistique qu’un tel ouvrage dĂ» reprĂ©senter Ă  sa (re)crĂ©ation en 1881, lorsque le Maitre italien fit son retour triomphal après plusieurs annĂ©es de silence. A l’instar de l’Orchestre de l’OpĂ©ra de Paris qui lui rĂ©serve de chaleureux applaudissements en fin de spectacle, on espère revoir très vite ce chef inspirĂ© dans la capitale. A ses cotĂ©s, la plus grande ovation est reçue par l’impĂ©rial Ludovic Tezier dans le rĂ´le-titre : dans la douleur comme dans les rares moments de fureur (la scène du Conseil), il compose un Simon Boccanegra d’une grande humanitĂ©, bien aidĂ© par des phrasĂ©s aussi souples qu’aisĂ©s.

Les hommes sont particulièrement Ă  la fĂŞte avec l’autre grande satisfaction de la soirĂ©e, la basse Mika Kares, dont on aurait aimĂ© son rĂ´le de Jacopo plus dĂ©veloppĂ© encore, tant son autoritĂ© naturelle et sa projection vibrante se mettent au service d’un timbre splendide. On est aussi sĂ©duit par les couleurs et la variĂ©tĂ© d’incarnation du Gabriele de Francesco Demuro, tandis que Nicola Alaimo et Mikhail Timoshenko (le jeune chanteur mis en avant dans le beau documentaire “L’OpĂ©ra” en 2017) affichent des qualitĂ©s vocales superlatives. Après des dĂ©buts hĂ©sitants dus Ă  une ligne vocale qui met Ă  mal la justesse, Maria Agresta se reprend pour aborder avec vaillance et musicalitĂ© un rĂ´le Ă  sa mesure. De quoi complĂ©ter un plateau vocal quasi parfait, Ă  mĂŞme d’affronter ce sombre de Verdi, admirable diamant noir avant les deux derniers chefs d’oeuvre Ă©laborĂ©s Ă  nouveau avec son compatriote Boito.

 

 

 

 

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A l’affiche de l’Opéra BASTILLE, Paris jusqu’au 13 décembre 2018.
Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra de Paris, le 15 novembre 2018. Verdi : Simon Boccanegra. Ludovic Tézier (Simon Boccanegra), Maria Agresta, Anita Hartig (Amelia Grimaldi), Francesco Demuro (Gabriele Adorno), Mika Kares (Jacopo Fiesco), Nicola Alaimo (Paolo Albiani). Orchestre et chœurs de l’Opéra de Paris, direction musicale, Fabio Luisi / mise en scène, Calixto Bieito.

 

 

Compte-rendu, opéra. Liège, Opéra, le 19 octobre 2018. Cimarosa : Le Mariage secret. Ayrton Desimpelaere / Stefano Mazzonis di Pralafera.

cimarosa il matrimonio segreto le mariqge secret 1008450-Domenico_CimarosaCompte-rendu, opĂ©ra. Liège, OpĂ©ra, le 19 octobre 2018. Cimarosa : Le Mariage secret. Ayrton Desimpelaere / Stefano Mazzonis di Pralafera. Fidèle Ă  son credo de prĂ©senter des « mises en scène qui respectent le public », c’est-Ă -dire Ă©loignĂ©e de la regietheater Ă  l’allemande, Stefano Mazzonis di Pralafera reprend l’un de ses tout premier spectacle prĂ©sentĂ© depuis son arrivĂ©e en 2007, en tant que directeur gĂ©nĂ©ral et artistique de l’OpĂ©ra Royal de Wallonie-Liège. La saison initiale de son mandat avait dĂ©montrĂ© tout son goĂ»t pour un rĂ©pertoire italien dĂ©laissĂ©, osant mettre Ă  l’affiche Cherubini, Rinaldo di Capua et Cimarosa dans trois intermezzi savoureux, avant de rendre ensuite hommage Ă  la gloire locale Gretry, avec Guillaume Tell (http://www.classiquenews.com/compte-rendu-liege-opera-royal-de-wallonie-le-7-juin-2013-gretry-guillaume-tell-1791-marc-laho-guillaume-tell-anne-catherine-gillet-madame-tell-claudio-scimone-direction-stefano-mazz/) et Zemire et Azor, notamment.

1.-Ayrton-Desimpelaere-1400x1400Avec cette reprise du Mariage secret, on ne se plaindra pas de retrouver l’incontestable chef d’oeuvre (voir ici notre prĂ©sentation : http://www.classiquenews.com/il-matrimonio-segreto-de-cimarosa) de Cimarosa, dont Rossini fit son miel, mĂŞme si on aimerait aussi un intĂ©rĂŞt plus poussĂ© pour les autres ouvrages (plus de soixante-dix!) qui ont jalonnĂ© la carrière du Napolitain. Si la crĂ©ation de cette production, captĂ©e au dvd, avait fait appel Ă  l’expĂ©rimentĂ© Giovanni Antonini Ă  la baguette, la direction est cette fois confiĂ©e Ă  Ayrton Desimpelaere (nĂ© en 1990) dont c’est lĂ  la toute première production lyrique, après trois ans passĂ©s en tant qu’assistant chef d’orchestre Ă  l’OpĂ©ra de Liège. Quelques dĂ©calages, sans doute dus au stress, sont audibles en première partie, avant de se rĂ©sorber ensuite : gageons que les prochaines reprĂ©sentations sauront lui donner davantage d’assurance. Sa lecture privilĂ©gie des tempi allants qui mettent admirablement en valeur l’ivresse rythmique et le sens mĂ©lodique de Cimarosa, au dĂ©triment de certains dĂ©tails peu fouillĂ©s, ici et lĂ  – dĂ©laissant le rĂ´le de l’orchestre dans le piquant et la verve moqueuse. Peut-ĂŞtre qu’une opposition plus prononcĂ©e entre les diffĂ©rents pupitres de cordes aiderait avantageusement Ă  stimuler un orchestre très correct, mais dont on aimerait entendre davantage la personnalitĂ© et le caractère.

6.-CĂ©line-MellonLe meilleur de la soirĂ©e se trouve au niveau du plateau vocal, d’une très belle homogĂ©nĂ©itĂ©, surtout chez les femmes. MalgrĂ© les quelques interventions dĂ©calĂ©es avec la fosse, CĂ©line Mellon (Carolina / photo ci contre) s’impose au moyen d’une Ă©mission ronde et souple, permettant des vocalises d’une facilitĂ© dĂ©concertante, autour d’une interprĂ©tation toute de charme et de fraĂ®cheur. Sophie Junker n’est pas en reste dans le rĂ´le de sa soeur Elisetta, donnant davantage de mordant et de couleurs en comparaison. Annunziata Vestri (Fidalma) fait valoir de beaux graves, malgrĂ© une agilitĂ© moindre dans les phrasĂ©s. C’est lĂ  le grand point fort de Patrick Delcour (Geronimo), par ailleurs irrĂ©sistible dans ses rĂ©parties comiques. Son timbre un peu fatiguĂ© convient bien Ă  ce rĂ´le de barbon moquĂ© par tous ceux qui l’entourent. Matteo Falcier (Paolino) a pour lui une ligne gracieuse, tout en laissant entendre quelques imperfections dans l’aigu. C’est sans doute l’un des interprètes les moins Ă  l’aise de la soirĂ©e avec Mario Cassi (Comte Robinson), seul rescapĂ© de la production de 2008. Le baryton italien qui a chantĂ© avec les plus grands (Abbado, Muti…), manque de projection, compensant cette faiblesse par une ligne de chant dĂ©licate et une interprĂ©tation toujours Ă  propos.

On terminera rapidement sur la mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera qui reprend décors et costumes à l’ancienne pour proposer un spectacle convenu et sans audace. S’il semble difficile de faire le choix d’une transposition ici, on aurait aimer davantage de folie et d’imagination, au moins au niveau visuel, à même de nous démontrer que cette histoire reste on ne peut plus actuelle. Quoiqu’il en soit, le travail proposé (particulièrement varié et réussi au niveau des éclairages) est d’une probité sans faille, acclamé par un public visiblement ravi en fin de représentation par les aspects bouffes mis en avant ici.

 
 
 

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A l’affiche de l’Opéra de Liège jusqu’au 27 octobre 2018, puis au Palais des Beaux-Arts de Charleroi le 7 novembre 2018.
 
 
 

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Compte-rendu, opéra. Liège, Opéra de Liège, le 19 octobre 2018. Cimarosa : Le Mariage secret. Patrick Delcour (Signor Geronimo), Céline Mellon (Carolina), Sophie Junker (Elisetta), Annunziata Vestri (Fidalma), Matteo Falcier (Paolino), Mario Cassi (Comte Robinson). Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Ayrton Desimpelaere, direction musicale, / mise en scène, Stefano Mazzonis di Pralafera. A l’affiche de l’Opéra de Liège jusqu’au 27 octobre 2018, puis au Palais des Beaux-Arts de Charleroi le 7 novembre 2018.

Compte-rendu, opéra. Paris, le 28 sept 2018. Meyerbeer : Les Huguenots. Mariotti / Borowicz / Kriegenburg.

meyerbeer classiquenews 220px-Meyerbeer_d'après_P._Petit_b_1865Compte-rendu, opĂ©ra. Paris, le 28 septembre 2018. Meyerbeer : Les Huguenots. Michele Mariotti / Ĺukasz Borowicz / Andreas Kriegenburg. Il est souvent rappelĂ© que Les Huguenots fut le premier ouvrage Ă  dĂ©passer les mille reprĂ©sentations Ă  l’OpĂ©ra de Paris, rattrapĂ© ensuite par la dĂ©ferlante du succès du Faust de Gounod (voir notre prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e ici : http://www.classiquenews.com/meyerbeer-les-huguenots-a-bastille). Pour autant, l’ouvrage comme son compositeur furent rapidement oubliĂ©s dès le milieu du XXe siècle, mĂŞme si on note une certaine rĂ©habilitation depuis une dizaine d’annĂ©es. Parmi les productions rĂ©centes des Huguenots, on citera ainsi celle d’Olivier Py Ă  Bruxelles et Strasbourg en 2011-2012, puis celle de David Alden rĂ©cemment Ă  Berlin).

C’est prĂ©cisĂ©ment de la capitale allemande que nous vient le metteur en scène Andreas Kriegenburg, qui fait ses dĂ©buts Ă  l’OpĂ©ra de Paris après une longue carrière dans les pays germaniques, d’abord dĂ©diĂ©e au théâtre. Ancien metteur en scène en rĂ©sidence au Deutsches Theater de Berlin, il a abordĂ© le rĂ©pertoire lyrique depuis 2006, recueillant de nombreux succès Ă  Munich notamment (voir ici en juillet dernier : http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-munich-nationaltheater-le-27-juillet-2018-wagner-le-crepuscule-des-dieux-gotterdammerung-kriegenburg-petrenko/). Disons-le tout net : sa première prestation en France n’a guère convaincu, du fait notamment d’une conception trop intellectuelle du grand mĂ©lodrame flamboyant de Meyerbeer. A l’instar de nombreux metteurs en scène venu du théâtre, Kriegenburg laisse en effet de cĂ´tĂ© la nĂ©cessitĂ© d’articuler les impĂ©ratifs dramatiques et la conduite du discours musical : c’est particulièrement malvenu s’agissant d’un compositeur tel que Meyerbeer dont l’imagination se retrouve dans le foisonnement des dĂ©tails piquants de l’orchestration. On a lĂ  une filiation directe avec Spontini et Berlioz, deux compositeurs eux-aussi passionnĂ©s par les nouvelles sonoritĂ©s, les contrastes entre effets de masse et subtilitĂ©s chambristes, tout en embrassant un style volontiers syncrĂ©tique. On ne retrouvera donc pas ici la traduction visuelle des nombreuses variations d’atmosphères, comme de l’humour et de l’ironie très prĂ©sents au I, ce qui est par ailleurs aggravĂ© par la direction placide et impersonnelle de Michele Mariotti dont la lecture aux contrastes aplanis apporte évanescence et transparence – bien trop lisse au final.

Kriegenburg nous inflige quant à lui des tableaux particulièrement répétitifs dans chaque acte, dévoilant une scénographie clinique et froide, d’une laideur rare : aux étages de parking repeints en blanc au I succède un décor encore plus cheap au II, donnant à voir quelques femmes dénudées prenant maladroitement leur bain, avant que les actes suivants ne poursuivent cette thématique pseudo-futuriste où le blanc domine. A quoi bon disposer de moyens aussi importants pour nous proposer les décors qu’un théâtre de RDA n’aurait pas juger dignes de présenter en son temps ? Quelques éclairages pastels viennent ça et là rehausser l’ensemble, mais la direction d’acteur statique et sans surprise consterne, elle aussi, sur la durée. On mentionnera encore les costumes habilement modernisés, évoquant la mode au temps de la Saint-Barthélémy, qui ont pour principal avantage de bien distinguer les deux camps en présence, et ce malgré leurs couleurs kitch (proche en cela du travail visuel de Vincent Boussard et Christian Lacroix).

Fort heureusement, Stéphane Lissner a eu la bonne idée de réunir l’une des distributions les plus enthousiasmantes du moment pour ce répertoire, et ce malgré le cas problématique de Yosep Kang. Le ténor coréen a certes relevé avec panache le défi de se substituer au dernier moment à Bryan Hymel (ce dont témoignent les très belles photos des répétitions de l’ouvrage, à voir dans le programme de l’Opéra de Paris. On y notera aussi la mention bienvenue de l’ensemble des coupures pratiquées au niveau du livret), mais déçoit dans les airs du fait d’une émission étroite et d’une tessiture insuffisante dans le suraigu, forçant ces différents passages avec difficulté. C’est d’autant plus regrettable que Kang fait valoir un très beau timbre dans les graves, une parfaite prononciation du français, ainsi qu’une belle assurance dans les ariosos. Hélas trop peu, à ce niveau, pour compenser les écueils relevés plus haut. A ses côtés, la plus belle ovation de la soirée a été obtenue, ce qui n’est que justice, pour le chant radieux et aérien de Lisette Oropesa (Marguerite). Quel plaisir que cette facilité vocale (les vocalises!) au service d’une intention toujours juste et précise. C’est précisément ce que l’on reproche à Ermonela Jaho (Valentine), impériale vocalement elle aussi, mais qui a tendance à surjouer dans les passages mélodramatiques. Rien d’indigne bien sûr, mais toujours regrettable. Karine Deshayes compose quant à elle un Urbain d’une aisance confondante, autour d’une projection vibrante et incarnée. On notera juste un aigu parfois un peu dur. Nicolas Testé reçoit lui aussi des applaudissements nourris à l’issue de la représentation : la sûreté de l’émission et la beauté du timbre compensent une interprétation par trop monolithique, heureusement en phase avec son rôle de Marcel. Toutes les autres interventions, jusqu’au moindre second rôles, sont un régal de chaque instant.

Dommage que le choeur de l’Opéra de Paris montre, une fois encore, des défaillances pour chanter parfaitement ensemble. Il faut trop souvent lire les surtitres pour comprendre le sens : un comble pour un choeur censé parfaitement maîtriser notre langue. On espère vivement que le travail qualitatif réalisé, par exemple, par Lionel Sow avec le choeur de l’Orchestre de Paris, pourra un jour être mené ici.

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Compte-rendu, opĂ©ra. Paris, le 28 septembre 2018. Meyerbeer : Les Huguenots. Michele Mariotti / Ĺukasz Borowicz / Andreas Kriegenburg.
- A l’affiche de l’Opéra de Paris jusqu’au 24 octobre 2018.
Compte-rendu, opĂ©ra. Paris, OpĂ©ra de Paris, le 28 septembre 2018. Meyerbeer : Les Huguenots. Lisette Oropesa (Marguerite de Valois), Yosep Kang (Raoul de Nangis), Ermonela Jaho (Valentine), Karine Deshayes (Urbain), Nicolas TestĂ© (Marcel), Paul Gay (Le Comte de Saint-Bris), Julie Robard Gendre (La dame d’honneur, Une bohĂ©mienne), François Rougier (CossĂ©), Florian Sempey (Le Comte de Nevers), Cyrille Dubois (Tavannes). Orchestre et chĹ“urs de l’OpĂ©ra de Paris, direction musicale, Michele Mariotti / Ĺukasz Borowicz / mise en scène, Andreas Kriegenburg.

Compte-rendu, opéra. Gand, le 20 sept 2018. Wagner : Lohengrin. Alejo Pérez / David Alden.

opera flandres vianderez opera ballet lohengrin critique par classiquenewsCompte-rendu, opĂ©ra. Gand, le 20 septembre 2018. Wagner : Lohengrin. Alejo PĂ©rez / David Alden. L’OpĂ©ra des Flandres / VLAANDEREN OPERA BALLET ouvre sa saison 2018-2019 sur un spectacle superbe coproduit avec l’OpĂ©ra de Londres – et dĂ©jĂ  applaudi dans la capitale britannique en juin dernier. Monter Lohengrin dans les Flandres peut paraĂ®tre logique au regard de son action prenant place dans les nimbes moyen-âgeuses du Xe siècle Ă  Anvers : pour autant, les locaux n’oublieront pas les sous-entendus pan germaniques du livret, rĂ©vĂ©lateurs des convictions politiques de Wagner Ă  l’orĂ©e des soulèvements de 1848. C’est prĂ©cisĂ©ment l’une des pistes de lecture empruntĂ©e par l’AmĂ©ricain David Alden (Ă  ne pas confondre avec son frère jumeau Christopher, Ă©galement metteur en scène, dont les Dijonnais ont pu apprĂ©cier le travail dans sa production du Turc en Italie de Rossini en 2017 – deux ans après la Norma entendue Ă  Bordeaux) qui transpose l’action dans une sociĂ©tĂ© en proie aux sĂ©ductions du totalitarisme naissant : la noirceur de la scĂ©nographie, les Ă©lĂ©ments militaristes, tout autant que les costumes annĂ©es 1940 ou les drapeaux nazis habilement revisitĂ©s sous la bannière du cygne, sont autant de signes de l’avènement du sauveur autoproclamĂ© Lohengrin.

 

 

Rien de nouveau dans cette transposition déjà vue ailleurs, mais l’ensemble se tient autour d’une scénographie envoûtante aux allures cubistes : les immeubles inachevés en forme de ruines fantomatiques et inquiétantes sont sans cesse revisitées par les éclairages et les mouvements de décors. Pour autant, David Alden ne s’en tient pas à ce seul contexte visuel guerrier et cherche à donner davantage de profondeur psychologique aux personnages. Ainsi du Roi dont l’inconsistance de caractère est soulignée par sa couronne d’opérette, ses errances sur scène et son regard halluciné. C’est plus encore le personnage d’Ortrud qui intéresse David Alden : sa vengeance ne trouve pas seulement pour cause la défense d’un statut de classe, mais également l’expression de la jalousie face au désir exprimé par son mari pour Elsa. Cette hypothèse audacieuse est suggérée par l’un de nombreux sous-textes ajoutés par la remarquable direction d’acteur de cette production, visible à l’issue de la scène de pardon entre Ortrud et Elsa au II, lorsque Teralmund tend sa main vers le corps d’Elsa, sous le regard horrifié d’Ortrud. Une autre piste défendue par cette mise en scène passionnante consiste à entrevoir les deux personnages féminins comme une seule personne aux pulsions contradictoires : à la féminité sexuelle triomphante d’Ortrud au II répond la virginité préservée d’Elsa au III. La question fatale posée à Lohengrin n’intervient-elle pas alors que les deux époux s’apprêtent à consommer leur mariage, donnant ainsi à Elsa la possibilité d’échapper à ce désir sans cesse repoussé ? On notera aussi une attention soutenue aux moindres inflexions musicales de Wagner à travers les gestes des personnages : par exemple, les différentes reprises du thème de Lohengrin aux cuivres provoquent chez Teralmund une terreur évocatrice tout à fait pertinente.

 

 

LOHENGRIN opera flandres vlaanderen critique par classiquenews
 

 
Le plateau vocal rĂ©uni est de très bonne tenue, hormis la prĂ©sence assez inexplicable pour le rĂ´le-titre du très perfectible Zoran Todorovich, un habituĂ© de la maison flamande (on le retrouvera ici mĂŞme au printemps prochain dans La Juive). PrivĂ© de couleurs, l’Allemand d’origine Serbe peine dès lors que les difficultĂ©s techniques lui imposent de forcer sa voix, peinant aussi Ă  chanter en phase avec l’orchestre. Fort heureusement, sa prĂ©sence est plus rĂ©duite au I et II et seul le III souffre de sa prĂ©sence. A ses cĂ´tĂ©s, Liene KinÄŤa compose une Elsa toute de fragilitĂ© et de sensibilitĂ©, autour de phrasĂ©s harmonieux, et ce malgrĂ© quelques changements de registre audibles au I. Sa petite voix et son Ă©mission Ă©troite ne doivent pas faire sous-estimer cette chanteuse Ă  la hauteur de son rĂ´le et parfaitement en phase avec les choix de la mise en scène. L’Ortrud d’Irène Theorin est son exact opposĂ© au niveau stylistique : sa puissance et sa vibrante incarnation font de chacune de ses interventions un rĂ©gal. L’ancienne soprano se dĂ©lecte des passages en pleine voix, manifestant davantage de prudence dans les ariosos soutenus par un lĂ©ger vibrato. Son duo avec le Telramund de Craig Colclough est un grand moment d’intensitĂ©, auquel n’est pas Ă©tranger le baryton amĂ©ricain, très investi dans son rĂ´le. On soulignera aussi la belle incarnation du Roi Henri par Wilhelm Schwinghammer, remplaçant de dernière minute suite Ă  la dĂ©fection de Thorsten GrĂĽmbel, mais c’est plus encore le HĂ©raut de Vincenzo Neri qui se distingue Ă  force d’Ă©clat et d’autoritĂ© naturelle.

On mentionnera enfin les très beaux dĂ©buts d’Alejo PĂ©rez, nouveau directeur musical de l’OpĂ©ra des Flandres, qui surprend Ă  de nombreuses reprises par ses accĂ©lĂ©rations nerveuses et frĂ©missantes ou son attention aux dĂ©tails en contraste. Les magnifiques premières mesures pianissimo du PrĂ©lude donne le ton au moyen de l’allĂ©gement des corde, offrant une impression de fondu, Ă©thĂ©rĂ© et irrĂ©el, au moment de l’entrĂ©e des vents et cuivres. Un chef argentin sur lequel il faudra dĂ©sormais compter, tout autant que le superlatif Choeur de l’OpĂ©ra des Flandres aux qualitĂ©s bien connues.

 

 

 

 

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Compte-rendu, opéra. Gand, Opéra de Gand, le 20 septembre 2018. Wagner : Lohengrin. Zoran Todorovich (Lohengrin), Liene Kinča (Elsa von Brabant), Iréne Theorin (Ortrud), Craig Colclough (Friedrich von Telramund), Thorsten Grümbel / Wilhelm Schwinghammer (König Heinrich). Orchestre et chœurs de l’Opéra des Flandres, direction musicale, Alejo Pérez / mise en scène, David Alden.
Compte-rendu, opéra. Gand, le 20 septembre 2018. Wagner : Lohengrin. Alejo Pérez / David Alden. A l’affiche du VLAANDEREN OPERA / Opéra des Flandres : l’Opéra de Gand jusqu’au 28 septembre 2018, puis à l’Opéra d’Anvers du 7 au 23 octobre 2018.

 

 

Compte-rendu, critique, opéra. Lille, le 19 mai 2018. VERDI : NABUCCO. Rizzi Brignoli / Signeyrole

Compte-rendu, critique, opéra. Lille. Opéra, le 19 mai 2018. Giuseppe Verdi : Nabucco. Rizzi Brignoli, direction musicale. Signeyrole, mise en scène. Avec une transposition contemporaine très audacieuse de Nabucco (1842), l’un des tout premiers succès de la longue carrière de Verdi, l’Opéra de Lille frappe fort pour son dernier spectacle lyrique de la saison. Gageons que les huit représentations devraient faire salle comble, à l’image de la première samedi soir, pour ce qui reste encore aujourd’hui l’un des ouvrages de Verdi les plus célébrés dans le monde. Un succès populaire jamais démenti qui s’explique notamment par la présence très importante des chœurs tout au long de l’action, dont le fameux « Va, pensiero, sull’ali dorate » (« Va, pensée, sur tes ailes dorées ») en fin de troisième partie. On doit aux forces réunies des chœurs des Opéras de Lille et Dijon, d’une cohésion superbe et d’un investissement dramatique constant, l’une des plus belles satisfactions de la soirée.

 
 
 

NABUCCO LILLE BRIZZOLI critique opera par classiquenews

 
 
 

Dans ce contexte, on pourra regretter que la direction de Roberto Rizzi Brignoli se soit trop efforcée à souligner les contrastes des épisodes guerriers, surtout présents en début d’ouvrage, par des attaques sèches et des tempi allants, bien trop raides, tout en offrant peu de place à l’étagement et à l’expression harmonieuse des crescendo. Fort heureusement, l’ancien assistant de Riccardo Muti sait faire chanter son orchestre dans les passages plus apaisés et bénéficie d’un plateau vocal à même de se jouer de ces tempi périlleux. Nikoloz Lagvilava impressionne ainsi dans son incarnation habitée de Nabucco, au moyen d’une voix bien projetée, à l’aise dans toute l’étendue de la tessiture. Mais c’est plus encore l’Abigaille splendide de Mary Elizabeth Williams qui convainc par ses graves mordants et la variété de ses couleurs. On lui pardonnera volontiers un aigu plus serré et quelques difficultés dans les accélérations, tant sa présence scénique offre à chacune de ses interventions un intérêt soutenu. A ses côtés, Victoria Yarovaya (Fenena) montre des qualités vocales d’un haut niveau, au moyen d’une émission souple et aérienne, tandis que Simon Lim (Zaccaria) reçoit une belle ovation en fin de représentation pour son timbre agréable et sa projection idéale. A peine pourra-t-on lui reprocher une interprétation un rien trop prévisible.

 
 
 

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Pour son retour à l’Opéra de Lille après la mise en scène de The Monster in the Maze de Jonathan Dove en 2016, Marie-Eve Signeyrole signe un spectacle fort en transposant l’action dans une société européenne contemporaine en proie aux questions de l’accueil de migrants et de la menace du terrorisme. La scénographie, sombre et minimaliste, évoque ces temps anxiogènes par une épure qui fait la part belle au jeu d’acteur, tandis que la vidéo très présente en arrière-scène souligne la présence envahissante des journalistes et des chaines d’information continue. On est bien éloigné de l’action sensée se situer dans la mythique Babylone, en Mésopotamie, mais l’ensemble se tient avec une perspective qui privilégie la « grande histoire » au détriment des déchirements individuels. Il faudra ainsi lire au préalable le résumé détaillé de Nabucco, afin de bien saisir les ressorts amoureux concurrentiels à l’œuvre entre les deux sœurs, Fenena et Abigaille, peu visibles dans cette mise en scène.

 
 
 

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NABUCCO-OPERA-DE-LILLE-brizzoli-critiqueopera-par-classiquenewsCompte-rendu, opéra. Lille, Opéra, le 19 mai 2018. Verdi : Nabucco. Nikoloz Lagvilava (Nabucco), Mary Elizabeth Williams (Abigaille), Simon Lim (Zaccaria), Robert Watson (Ismaele), Victoria Yarovaya (Fenena), François Rougier (Abdallo), Jennifer Courcier (Anna), Alessandro Guerzoni (Gran Sacerdote). Choeurs de l’Opéra de Lille et de l’Opéra de Dijon, Orchestre national de Lille, direction musicale, Roberto Rizzi Brignoli / mise en scène, Marie-Eve Signeyrole. A l’affiche de l’Opéra de Lille, jusqu’au 6 juin 2018. Illustrations : © Fred. Lovino.

 
 
 

 
 
 

Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra Bastille, le 17 mai 2018. Ravel : L’Heure espagnole. Puccini : Gianni Schicchi. Pascal / Pelly

Maurice_Ravel_1925Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra Bastille, le 17 mai 2018. Ravel : L’Heure espagnole. Puccini : Gianni Schicchi. Pascal / Pelly. Réunir deux opéras en un acte est toujours une gageure passionnante : avec Ravel et ses deux courts ouvrages lyriques, L’Heure espagnole (1911) et L’Enfant et les sortilèges (1925), le choix naturel est bien entendu de les faire entendre lors d’une même soirée, ou encore de confronter le premier avec La Voix humaine de Poulenc (voir notamment à Tours en 2015). En ce dernier cas, ce sont deux portraits du désir féminin qui sont mis en miroir, à la manière du diptyque monté récemment à Garnier autour du Château de Barbe-Bleue et de …La Voix humaine. Un autre grand classique consiste à rassembler les deux comédies grinçantes que sont L’Heure espagnole et Gianni Schicchi – l’ouvrage conclusif du fameux Triptyque de Puccini, souvent donné à part : on privilégie alors l’ironie grinçante de ces deux critiques de l’individualisme triomphant.

 
 
 

Poésie retenue, étroitesse bourgeoise

 
 

Le metteur français Laurent Pelly ne s’y est pas trompé lors de la création de cette production au Palais Garnier en 2003 (reprise aujourd’hui dans le vaste vaisseau de Bastille), en imaginant une scénographie incroyable de pertinence et de minutie dans le joyeux désordre révélé. Les deux ouvrages bénéficient en effet d’une même perspective écrasée qui symbolise l’étroitesse bourgeoise dans laquelle les protagonistes évoluent : à la course effrénée du désir de la nymphomane chez Ravel répond celui, plus prosaïque encore, de l’argent par les héritiers rapaces croqués par Puccini. Pour autant, Pelly ne se contente pas de cette scénographie virtuose et reste attentif – une constante chez lui – à la direction d’acteur, toujours au plus près des moindres inflexions musicales. On notera ainsi sa propension à renforcer l’aspect ridicule du bellâtre narcissique de L’Heure espagnole, ou encore à se moquer des amoureux de Puccini, dont les interludes mélodramatiques apparaissent surlignés par les outrances de leur gestuelle.

Mais c’est peut-être plus encore l’orchestre qui tient un rôle prépondérant dans ces deux ouvrages bondissants, à l’humour piquant. Maxime Pascal (né en 1985), après son incursion dans ces mêmes lieux en début d’année dans Boléro, poursuit son exploration de l’œuvre de Ravel avec l’Orchestre national de l’Opéra de Paris. Pour autant, à trop vouloir privilégier l’expression subtile des timbres autour d’un geste legato qui allège les textures, on reste sur sa faim au niveau dramatique, tant le tempo apparaît en maints endroits retenu. Avec ce geste félin mais trop intellectuel et extérieur, le jeune chef français semble oublier toute la part d’ironie et d’humour nécessaire ici. Gageons que les prochaines représentations sauront lui donner l’envie d’explorer plus avant ces autres facettes et gagner en spontanéité.

Cette réserve est d’autant plus regrettable que le plateau vocal réuni pour les deux ouvrages se montre d’un haut niveau. Clémentine Margaine, Carmen mémorable (mars 2017) pour les uns (voir ici) et plus inégale pour d’autres, trouve ici un rôle à sa pleine mesure, en faisant l’étalage de superbes couleurs dans les graves, autour d’un beau tempérament. A ses côtés, Stanislas de Barbeyrac (Gonzalve) s’impose également avec ses phrasés éloquents, sa voix charnue, sa projection avantageuse. Les autres rôles s’en sortent bien, même si on aurait aimé des timbres plus différenciés, des tempéraments plus extravertis encore, à même de donner davantage de saveur à ces rôles en parlé-chanté.

C’est précisément en ce domaine que s’impose la distribution de Gianni Schicchi, autour des rôles comiques parfaitement incarnés par les impayables Zita de Rebecca De Pont Davies et Simone de Maurizio Muraro, notamment. A leurs côtés, Artur Rucinski s’en donne à cœur joie dans le rôle-titre, mais ce sont bien entendu le couple d’amoureux, particulièrement privilégiés par la partition, qui recueillent une ovation méritée en fin de représentation. Vittorio Grigolo compense quant à lui aisément son chant un rien premier degré par une aisance vocale toujours aussi insolente, à l’impact physique irrésistible d’éclat. Elsa Dreisig n’est pas en reste au niveau de la facilité, rayonnante dans l’aigu, tout en se montrant heureusement plus intéressée par les nuances dans les phrasés. Indiscutablement une chanteuse à suivre (VOIR notre reportage Elsa Dreisig couronnée au Concours de chant de Clermont-Ferrand 2015). On mentionnera encore les superlatives Emmanuelle de Negri (Nella) et Isabelle Druet (La ciesa) que l’on souhaiterait entendre dans des rôles plus développés encore.

 
 
 

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Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra Bastille, le 17 mai 2018. Ravel : L’Heure espagnole. Clémentine Margaine, Michèle Losier (Concepcion), Stanislas de Barbeyrac (Gonzalve), Philippe Talbot (Torquemada), Jean-Luc Ballestra, Thomas Dolié (Ramiro), Nicolas Courjal (Don Inigo Gomez). Puccini : Gianni Schicchi. Artur Rucinski, Carlo Lepore (Gianni Schicchi), Elsa Dreisig (Lauretta), Rebecca De Pont Davies (Zita), Vittorio Grigolo, Frédéric Antoun (Rinuccio), Maurizio Muraro (Simone), Emmanuelle de Negri (Nella), Isabelle Druet (La ciesa). Orchestre et chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso, direction des choeurs, direction musicale, Maxime Pascal / mise en scène, Laurent Pelly. A l’affiche de l’Opéra Bastille à Paris, jusqu’au 17 juin 2018.

 
 
 
 

Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 26 mars 2018. Berlioz : Benvenuto Cellini. Jordan / Gilliam

Benvenuto-cellini-opera-de-berlioz-opera-paris-giliam-terry-critique-annonce-classiquenewsCompte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 26 mars 2018. Berlioz : Benvenuto Cellini. Jordan / Gilliam. Quel bonheur que Paris découvre la formidable production de Benvenuto Cellini (LIRE ici notre présentation détaillée de Benvenuto Cellini) réglée par Terry Gilliam, l’ancien humoriste de la troupe des Monty Python ! Devenu scénariste et réalisateur reconnu à force de succès planétaires, de Brazil à L’Armée des douze singes, en passant par l’excellent Las Vegas Parano, ce grand nom du cinéma emporte l’adhésion par l’audace de son imaginaire parfaitement rendu au niveau visuel. Depuis 2011, le Britannique s’est opportunément lancé dans la mise en scène d’opéra en choisissant un ouvrage difficile à monter au niveau scénique, La Damnation de Faust de Berlioz. C’est encore le compositeur français qui stimule l’imagination de Terry Gilliam avec ce Benvenuto Cellini créé à l’English National Opera à Londres en 2014 et repris partout ailleurs ensuite, d’Amsterdam à Barcelone, en passant par Rome. Le cinéma viendra à son tour rendre hommage à ce superbe spectacle, le 12 avril prochain.

Le BERLIOZ grivois, comique, spectaculaire… du grand Terry Gilliam

BERLIOZ vignette HectorBerlioz9Le deuxième opéra de Berlioz a essuyé un échec retentissant à sa création en 1838 à Paris, du fait d’une inspiration inégale, alternant les passages convenus (le tout début de l’opéra et le milieu du IIe acte surtout) avec des pages brillantes, telle que le Carnaval romain –adapté ensuite par Berlioz dans la célèbre pièce de concert éponyme. Berlioz tourne le dos aux facilités mélodique et rythmique de Rossini et Auber pour embrasser un style plus proche de Beethoven et Weber, voire Mendelssohn dans l’utilisation aérienne des vents, tout en annonçant le grand opéra dans les scènes d’ensemble grandioses avec chœur. On se délecte tout du long des nombreux détails piquants dévoilés par l’orchestre imaginatif du français, malheureusement peu mis en valeur par la direction analytique de Philippe Jordan. On gagne en précision et en clarté des textures ce que l’on perd en vision d’ensemble et en éclat. Les tempi mesurés permettent cependant aux chœurs de se jouer des nombreuses difficultés de la partition : José Luis Basso et ses troupes sont ainsi logiquement très applaudis en fin de représentation.

L’ovation la plus fournie est toutefois remportée par le superlatif Ascanio de Michèle Losier, dont l’articulation et la projection force l’admiration, sans parler de l’investissement dramatique constant. On aimerait pouvoir entendre la mezzo-soprano canadienne dans un rôle plus développé encore, digne de son talent.
Pourtant spécialiste du rôle-titre, John Osborn surprend en début de représentation avec une émission portée par un léger vibrato et quelques décalages avec la fosse. Puis la voix prend toute son ampleur, autour d’une souplesse et d’une harmonie dans les phrasés, jamais prise en défaut malgré les difficultés techniques nombreuses. A l’instar de Michèle Losier, la prononciation du français est idéale. Maurizio Muraro (Giacomo Balducci) déçoit par sa faible projection et son timbre fatigué, tandis qu’Audun Iversen (Fieramosca) assure tout juste sa partie, sans briller. Après un début hésitant, Marco Spotti (Le pape) convainc par sa force d’incarnation, tandis que Pretty Yende (Teresa) se distingue par sa grâce subtile, malheureusement un peu en difficulté dans la puissance et le suraigu.

Terry Gilliam porte son imagination délirante au moyen d’une scénographie qui nous plonge au temps de Dickens, dans l’esprit forain propre à l’ouvrage. L’ouverture fait d’emblée entrevoir une partie des nombreuses surprises qui vont se succéder au cours de la représentation, animant le moindre temps mort à la manière d’un Jérôme Deschamps. Les tenants du minimalisme n’ont qu’à bien se tenir, ce spectacle n’est pas pour eux ! On se délecte tout du long de la reconstitution historique minutieuse dans ses moindres détails (jusque dans ses anachronismes assumés !), faisant vivre cette cour des miracles avec force danseurs et acrobates. Les clins d’œil comiques savoureux, des grivoiseries à la moquerie des goûts « artistiques » du Pape, ne sont pas pour rien dans la réussite du spectacle. Autour d’un décor mouvant et déstructuré, les trompe-l’œil comme la vidéo sont utilisés avec discrétion et pertinence : la représentation finale de la fonderie est ainsi un véritable tour de force visuel, tout autant que la magnificence de la statue enfin achevée. De quoi ravir un public qui réserve une belle ovation à toute la troupe.

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Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra Bastille, le 26 mars 2018. Berlioz : Benvenuto Cellini. John Osborn (Benvenuto Cellini), Maurizio Muraro (Giacomo Balducci), Audun Iversen (Fieramosca), Marco Spotti (Le pape Clément VII), Vincent Delhoume (Francesco), Luc Bertin-Hugault (Bernardino), Rodolphe Briand (Pompeo), Se-Jin Hwang (Cabaretier), Pretty Yende (Teresa), Michèle Losier (Ascanio). Orchestre et chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso, direction des choeurs, direction musicale, Philippe Jordan / mise en scène, Terry Gilliam. A l’affiche de l’Opéra Bastille à Paris, jusqu’au 14 avril 2018.

Compte-rendu, opéra. Essen, Opéra, le 24 février 2018. Marschner : Hans Heiling. Beermann / Baesler.

MARSCHNER-compositeur-par-classiquenews-compte-rendu-critique-opera-classiquenews-Hans-helling-opera-par-classiquenews-Heinrich_MarschnerCompte-rendu, opéra. Essen, Opéra, le 24 février 2018. Marschner : Hans Heiling. Beermann / Baesler. Encore donnés épisodiquement de nos jours en Allemagne, les principaux ouvrages d’Heinrich Marschner (1795-1861) peinent à franchir les frontières, et ce malgré des qualités musicales qui leur valurent l’admiration de Wagner. Ce fut notamment le cas des deux plus grands succès rencontrés par le compositeur, Le Vampire (1828) et surtout Hans Heiling (1832) : on se réjouit aujourd’hui de pouvoir entendre ce dernier sur la scène de l’Opéra d’Essen. On comprend très vite, à la découverte de cette musique fluide, dans le style de Schubert et Weber, tout l’intérêt que Wagner pût y trouver : une déclamation lyrique continue, sans numéro de virtuosité à l’italienne, avec une prédominance du parlé-chanté mélodieux. C’est là une expérience de pouvoir comparer sa musique avec celle de son contemporain Auber, une journée seulement après avoir entendu Le Domino noir (1837) donné à Liège. Face au scintillement et à l’élégance mélodique du Français, Marschner répond par une orchestration plus robuste dans la lignée de Beethoven, plus rythmique aussi, avec quelques échos à Haydn dans l’écriture pour les chœurs.

L’histoire, quant à elle, dut séduire ses contemporains par l’incursion du merveilleux et de la magie : Hans Heiling, le fils de la Reine des Gnomes (ou des esprits de la terre selon les traductions), choisit en effet de quitter son royaume pour rejoindre la ravissante Anna. Ignorant tout de sa condition, celle-ci se voit d’abord charmée, avant de retourner dans les bras de son ancien amant, Konrad. On a là en réalité un livret qui tourne autour du traditionnel trio amoureux, même si les interventions de la Reine (qui n’est pas sans rappeler son équivalent mozartien de La Flûte enchantée) apportent une électricité et une fureur… bienvenues.

 

 

A ESSEN, une histoire de la Ruhr

 

 

La mise en scène d’Andreas Baesler a la bonne idée de transposer l’action au milieu du XXème siècle, faisant écho à l’histoire industrielle de la ville d’Essen. Cet ouvrage est en effet présenté dans le cadre du festival HeimArt dont le nom évoque la mère patrie (« Heimat ») sous forme de jeu de mot. A cet effet, on conseillera vivement la découverte de la formidable série télévisée éponyme (TF1 vidéos) qui relate le destin de paysans rhénans sur plusieurs décennies. A Essen, c’est davantage la grande industrie qui a marqué le territoire de cette ville de la Ruhr, tout particulièrement le pouvoir considérable de l’entreprise d’armement Krupp. La villa somptueuse de son dirigeant emblématique, Alfred Krupp (1812-1887), située au nord de la ville, a été épargnée par les bombardements des années 1940 : c’est là qu’Andreas Baesler situe l’action de l’ouvrage en début d’opéra dans une scénographie épurée, faisant du Gnome et de sa mère, ses descendants.
Dès lors, on assiste à une représentation de la lutte des classes avec les sujets de la Reine transformés en ouvriers extracteurs de minerais, avant que des images vidéos poignantes ne viennent ensuite signifier la chute d’Hans Heiling : la destruction de l’usine comme symbole de l’avènement du tertiaire, aujourd’hui dominant dans la Ruhr. D’autres clins d’œil viennent plus tard rappeler le contexte local (une fanfare entonne un hymne local bien connu), faisant de ce spectacle une réussite autant visuelle que pertinente dans sa transposition, sans parler du soin particulier apporté aux nombreux déplacements du chœur.

Malgré tout, quelques huées se font entendre au moment des saluts à l’adresse de la production : les mauvais coucheurs ont peut-être ainsi voulu signifier qu’ils en avaient assez d’être sans cesse ramenés à « ce passé qui ne passe pas » (pour citer Bourdieu). Quoiqu’il en soit, on conseillera vivement cette production, d’autant plus qu’elle bénéficie d’un plateau vocal à la hauteur de l’événement. Heiko Trinsinger s’impose dans le rôle-titre par ses phrasés admirables de précision comme d’intention. Servi par une puissance d’émission à l’impact physique certain, il n’est pas pour rien dans la réussite de la soirée. A ses côtés, Jessica Muirhead (Anna) ravit dans chacune de ses interventions par la souplesse de sa ligne de chant et la beauté de son timbre. Seul l’aigu perd quelque peu en substance, mais ça n’est là qu’un détail à ce niveau. Rebecca Teem (La Reine) se montre plus en retrait, idéale de noirceur quand les graves sont bien posés, plus décevante dès lors que le chant impose davantage de technique. Jeffrey Dowd (Konrad) met du temps à se chauffer autour d’une émission trop étroite et d’un timbre un peu fatigué. Il se rattrape quelque peu par la suite mais reste en deçà de ses partenaires.

On citera enfin la direction admirable de Frank Beermann, très attentif à la conduite d’ensemble du discours musical, sans jamais couvrir ses chanteurs. De quoi rendre hommage à la musique inspirée d’Heinrich Marschner.

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Compte-rendu, opéra. Essen, Opéra d’Essen, le 24 février 2018. Marschner : Hans Heiling. Heiko Trinsinger (Hans Heiling), Rebecca Teem (La Reine des esprits de la Terre), Jessica Muirhead (Anna), Jeffrey Dowd (Konrad), Bettina Ranch (Gertrud), Karel Martin Ludvik (Stephan). Orchestre et chœur de l’Opéra, Frank Beermann, direction musicale, / mise en scène, Andreas Baesler. A l’affiche de l’Opéra d’Essen jusqu’au 22 juin 2018.

Compte-rendu, opéra. Liège, Opéra, le 23 février 2018. Auber : Le Domino noir. Davin / Hecq et Lesort.

Compte-rendu, opĂ©ra. Liège, OpĂ©ra, le 23 fĂ©vrier 2018. Auber : Le Domino noir. Davin / Hecq et Lesort. On est toujours surpris de constater combien Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) reste si mal connu en France de nos jours, lui qui fut pourtant l’un des compositeurs les plus cĂ©lĂ©brĂ©s en son temps. A l’instar de Compiègne qui a rĂ©cemment montĂ©e La Sirène, quelques maisons audacieuses revisitent occasionnellement son rĂ©pertoire composĂ© de pas moins d’une quarantaine d’ouvrages, Ă©crits entre 1823 et 1869. Dans ce contexte, on ne peut que se rĂ©jouir du retour de l’un de ses opĂ©ras les plus fameux, Le Domino noir (1837), quelques annĂ©es après la production rĂ©ussie de Fra Diavolo Ă  l’OpĂ©ra-Comique. C’est lĂ  Ă  nouveau l’occasion d’une coproduction avec l’OpĂ©ra de Liège qui n’oublie pas combien Auber reste un compositeur plus connu en Belgique qu’en France : tous les manuels d’histoire du plat pays rappellent en effet comment une reprĂ©sentation bruxelloise de La Muette de Portici lança la rĂ©volution de 1830 et la crĂ©ation de la Belgique – l’ensemble de l’auditoire s’identifiant alors au peuple napolitain en rĂ©volte contre les Espagnols.

Avec Le Domino noir, on quitte le faste du grand opéra à la française (précisément incarné par La Muette de Portici) pour le confort de l’opéra-comique servi par un très efficace livret de Scribe (lire notre présentation ici). On retrouve là une histoire qui inspirera plus tard Verdi dans son Bal masqué (1859), mais dont Scribe tire trois tableaux admirablement différenciés, sans doute décisifs dans le succès rencontrés par l’ouvrage. L’action prend ainsi place en trois lieux différents (bal, diner, couvent) sous forme de huis-clos, tout en restant fidèle aux jeux de masque chers à Goldoni, modèle de Scribe. L’équilibre très marqué entre chant et théâtre explique certainement pourquoi Christian Hecq et Valérie Lesort se sont intéressés à cet ouvrage pour leur première mise en scène lyrique. Le comédien Belge Christian Hecq est en effet membre de la Comédie-Française depuis 2008, une institution pour laquelle il a notamment interprété et mis en scène (déjà avec la plasticienne Valérie Lesort) le spectacle Vingt mille lieues sous les mers, plusieurs fois nommé aux Molières en 2016.

D’emblĂ©e, la mise en scène joue la carte de la fantaisie autour d’une scĂ©nographie sobre et imposante : une immense horloge sert de sĂ©paration entre les quiproquos amoureux incarnĂ©s par les principaux protagonistes au premier plan et les superficialitĂ©s mondaines du bal visibles en arrière-scène. Dès lors que la porte s’ouvre entre les deux mondes, des rythmes technos rĂ©sonnent pendant les dialogues : c’est lĂ  une transposition contemporaine qui fonctionne assez bien, avec forces gags essentiellement visuels qui rappellent souvent l’esprit du Muppet Show.

 

 

 

 

Une suite de gags qui manque de vision d’ensemble,
un plateau plus théâtral que vocal…

 

 

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Le tout est parfois un rien redondant, mais on sourit de bon cœur à ces joutes bon enfant, sans pour autant s’esclaffer aux larmes. Le deuxième acte montre un Auber à son meilleur, tandis que la mise en scène bénéficie d’une direction d’acteur plus serrée autour du chœur masculin présent sur les tables rondes pivotantes. Outre la Duègne désopilante de Marie Lenormand, on notera la bonne idée du cochon rétif à toute préparation culinaire. Le III s’enlise malheureusement dans les artifices prévisibles autour de deux gargouilles gigotantes ou de deux statues finalement bien vivantes : une idée déjà vue dans la production des Mousquetaires au couvent de Varney donnée à l’Opéra-Comique en 2015. Rien d’étonnant à cela puisque les metteurs en scène se sont notamment associés Laurent Peduzzi, habituel collaborateur de Jérôme Deschamps. Au final, cette production fait penser au travail de l’ancien directeur de l’Opéra-Comique, mais sans la maestria dans les enchainements : on a trop souvent l’impression d’assister à une suite de gags qui manque de vision d’ensemble.

Face à cette mise en scène mitigée, le plateau vocal se montre globalement satisfaisant, même si on note une propension à privilégier les capacités théâtrales au détriment du vocal. Ainsi de la Duègne de Marie Lenormand, aux accents comiques délicieux mais plus à la peine vocalement, ou encore des seconds rôles du couvent. Quoiqu’il en soit, l’ouvrage repose tout entier sur le rôle très lourd d’Angèle, omniprésente pendant toute l’action. Anne-Catherine Gillet s’impose à force de souplesse dans l’émission et d’attention au texte, même si on aimerait, ici et là, davantage de prises de risque. Gageons qu’elle saura gagner en confiance dans les prochaines représentations pour aller plus loin encore dans sa composition. A ses côtés, Cyrille Dubois (Horace) nous régale une fois encore de son timbre de velours et de ses phrasés harmonieux, auxquels ne manque qu’une force de projection plus marquante. Tous les autres rôles se montrent vocalement à la hauteur, particulièrement Laurent Kubla (Gil Perez) et son impact physique éloquent. On mentionnera aussi le parfait Juliano de François Rougier ou encore le Lord Elford de Laurent Montel dont les accents british paraissent tout droit sortis d’un album d’Astérix.

Enfin, Patrick Davin sait imprimer des tempi qui avancent sans précipitation, tout en restant attentif à chaque inflexion musicale. L’Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie affiche une bonne qualité d’ensemble, même si on pourra regretter des vents un rien trop discrets et des cordes qui manquent de tranchant. Les chœurs, surtout les hommes, sont plus à la fête par leurs qualités de cohésion et de diction : un régal à chaque intervention !

 

 

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auber-domino-noir-opera-royal-de-liege-presentation-annonce-par-classiquenews-actualites-operaCompte-rendu, opĂ©ra. Liège, OpĂ©ra, le 23 fĂ©vrier 2018. Auber : Le Domino noir. Anne-Catherine Gillet (Angèle), Cyrille Dubois (Horace), Antoinette Dennefeld (Brigitte), François Rougier (Juliano), Marie Lenormand (Jacinthe), Laurent Kubla (Gil Perez), Sylvia BergĂ© (Ursule), Laurent Montel (Lord Elford), BenoĂ®t Delvaux (Melchior). Orchestre et chĹ“ur de l’OpĂ©ra royal de Wallonie, Patrick Davin, direction musicale, / mise en scène, Christian Hecq, ValĂ©rie Lesort. A l’affiche de l’OpĂ©ra de Liège jusqu’au 3 mars 2018, puis Ă  l’OpĂ©ra-Comique de Paris du 26 mars au 5 avril 2018. Illustrations : © Lorraine Wauters – OpĂ©ra Royal de Wallonie-Liège. LIRE aussi notre prĂ©sentation du DOMINO NOIR d’AUBER Ă  l’OpĂ©ra royal de Wallonie / Liège, puis Ă  l’OpĂ©ra Comique Ă  Paris

 
 

 

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Compte-rendu, opéra. Lille, Opéra, le 11 février 2018. Offenbach : Le Roi Carotte. Schnitzler / Pelly.

Compte-rendu, opĂ©ra. Lille, OpĂ©ra, le 11 fĂ©vrier 2018. Offenbach : Le Roi Carotte. Schnitzler / Pelly. Il fallait certainement un grain de folie et beaucoup d’audace pour dĂ©cider de remonter Le Roi Carotte (1872), une super-production grandiose et dĂ©lirante imaginĂ©e par Offenbach et son librettiste Victorien Sardou – dramaturge cĂ©lèbre en son temps mais aujourd’hui seulement connu comme l’auteur de La Tosca adaptĂ©e sur la scène lyrique… par Puccini. Les deux hommes, en pleine gloire, n’hĂ©sitent pas Ă  convoquer sorcière et gĂ©nie pour accompagner les tribulations amoureuses et politiques du Prince Fridolin, balayĂ© par l’avènement du Roi Carotte, avant de revivre les temps anciens de PompĂ©i pour y dĂ©nicher un anneau magique salvateur, enfin recourir Ă  l’aide inattendue de fourmis et abeilles… Ce livret (complètement fou), revisitĂ© par les auteurs après la dĂ©faite de 1870, atteint jusqu’à six heures de spectacle Ă  sa crĂ©ation ; il fut ensuite rĂ©duit en une adaptation plus raisonnable Ă  trois actes : la France vaincue a besoin de s’évader pour penser Ă  des jours meilleurs et fait un grand succès Ă  cet « opĂ©ra-comique féérie » rapidement rattrapĂ© par l’échec commercial dĂ» Ă  la dĂ©mesure inouĂŻe des moyens humains et artistiques (danseurs, dĂ©cors, …) rĂ©unis.

 

 

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Comment aborder aujourd’hui un opéra si composite dans ses différents tableaux ? C’est là le pari relevé avec maestria par le metteur en scène Laurent Pelly et sa dramaturge Agathe Mélinand : en modernisant les dialogues parlés et en élaguant certaines scènes (le rôle du singe a notamment été supprimé), l’ensemble avance sans temps mort, et ce d’autant plus qu’Offenbach se montre à son meilleur au niveau de l’imagination mélodique et de l’irrésistible ivresse rythmique, tout autant que la malice sur les jeux de mot et la prosodie avec la langue française. Offenbach démontre aussi tout son savoir-faire dans les ensembles (superbe quintette « Salut Pompéi »), comme dans le prélude irréel et fantastique qui précède, sans oublier l’anachronisme génial consistant à célébrer les vertus du tout jeune chemin de fer aux habitants de Pompéi, médusés par cet ensemble endiablé sur un rythme de cancan. Offenbach s’offre aussi de critiquer par l’humour la valse constante des régimes politiques en France, ainsi que le retournement opportun des politiciens dans la tradition de Talleyrand, avant de finalement célébrer en un finale contre-révolutionnaire le retour bienvenu à la monarchie. On le sait, Offenbach n’était en rien un Républicain fervent.

Laurent Pelly choisit de transposer l’histoire dans une grande bibliothèque universitaire au temps de la IIIème RĂ©publique – un dĂ©cor classieux qui lui permet de ne pas tomber dans l’illustration littĂ©rale, tout en animant le chĹ“ur transformĂ© en dĂ©but d’opĂ©ra en estudiantins dĂ©chainĂ©s par les sottises du bizutage. Pelly dĂ©montre, s’il en Ă©tait besoin encore, tout son savoir-faire dans la direction d’acteurs, tout particulièrement dans les scènes de groupe, rĂ©glant chaque dĂ©tail avec l’attention qui le caractĂ©rise, toujours au plus près des moindres inflexions musicales. C’est lĂ  un dĂ©lice de bout en bout, d’autant que sa capacitĂ© Ă  Ă©laborer des tableaux visuels variĂ©s, d’une simplicitĂ© souvent dĂ©sarmante d’efficacitĂ©, sert admirablement le propos. On fĂ©licitera enfin les superbes costumes d’hommes-lĂ©gumes conçus par …Laurent Pelly, au service de cette production dĂ©jĂ  montĂ©e Ă  Lyon voilĂ  trois ans : un grand succès public et critique, tout Ă  fait mĂ©ritĂ©. Sans doute averti par cet excellent bouche Ă  oreille, le public familial s’est dĂ©placĂ© en nombre ce dimanche, avant de rĂ©server un accueil chaleureux Ă  la production.

Parmi les rôles principaux, seuls Yann Beuron (Fridolin) et Christophe Mortagne (Le Roi Carotte) reprennent leurs rôles respectifs, pour le plus grand bonheur des Lillois. Yann Beuron fait valoir sa grande classe dans la déclamation théâtrale, parfois mis en difficulté dans les accélérations, mais au beau timbre clair parfaitement projeté. Christophe Mortagne est le méchant idéal, jamais avare d’un cabotinage fort à propos. C’est là l’une des grandes satisfactions de la soirée avec la sorcière Coloquinte de Lydie Pruvot qui s’impose dans ce rôle parlé avec ses accents démoniaques drôlatiques. Mais c’est surtout Héloïse Mas (Robin-Luron) qui reçoit l’ovation la plus méritée en fin de représentation : tout dans son chant force l’admiration, de la ligne parfaitement conduite au timbre harmonieux, avec une projection idéale. C’est justement d’un peu de puissance dont manque Albane Carrère (Cunégonde), ce qui est d’autant plus regrettable que son chant souple et gracieux se joue des difficultés de son rôle, aux nombreuses vocalises. On mentionnera enfin la parfaite Chloé Briot (Rosée-du-Soir), au chant délicat et sensible, tandis que Christophe Gay (Truck) et Boris Grappe (Pipertrunck) assurent bien leur partie.

 

 

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Dans la fosse, Claude Schnitzler n’évite pas certains décalages avec la scène en tout début d’ouvrage : cela est dû à ses tempos vifs, très à propos au niveau musical, mais qui n’aident pas ses chanteurs dans les accélérations. Très applaudi tout au long de la représentation dans ses nombreuses interventions, le chœur de l’Opéra de Lille impressionne par son investissement dramatique comme son attention au texte : un régal à la hauteur de ce spectacle réjouissant que l’on souhaite voir repris très vite !

 

 

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Compte-rendu, opéra. Lille, Opéra de Lille, le 11 février 2018. Offenbach : Le Roi Carotte. Héloïse Mas (Robin-Luron), Yann Beuron (Fridolin XXIV), Christophe Mortagne (Le Roi Carotte), Christophe Gay (Truck), Boris Grappe (Pipertrunck), Chloé Briot (Rosée-du-Soir), Albane Carrère (Cunégonde), Lydie Pruvot (Coloquinte). Chœur de l’Opéra de Lille, Orchestre de Picardie, Claude Schnitzler, direction musicale, / mise en scène, Laurent Pelly. A l’affiche de l’Opéra de Lille jusqu’au 13 février 2018

 

 

Compte-rendu, concert. Berne, Opéra, le 2 février 2018. MENOTTI : The Medium. Hinrichsen / Kreuselberg.

Compte-rendu, concert. Berne, Opéra, le 2 février 2018. MENOTTI : The Medium. Hinrichsen / Kreuselberg. C’est heureux : les maisons d’opéra affichent de plus en plus souvent les ouvrages de Gian Carlo Menotti (1911-2007), compositeur américain d’origine italienne, bien connu pour ses remarquables qualités de librettiste.

menotti gian carlo menotti portrait concert le medium critique par classiquenews 2sm2107Quelques annĂ©es après le succès de son opĂ©ra Le Consul, prix Pullitzer en 1950, Menotti Ă©crivit notamment le livret de Vanessa, l’une des plus cĂ©lèbres crĂ©ations lyriques de son temps due Ă  son compagnon Samuel Barber en 1957. C’est donc avec une grande curiositĂ© qu’il nous Ă©tait donnĂ© de dĂ©couvrir Le MĂ©dium (1946) dans une version rĂ©duite à l’accompagnement au piano, oĂą Menotti fait prĂ©cisĂ©ment valoir ses qualitĂ©s de dramaturge : en une oeuvre d’un peu plus d’une heure, le compositeur nous embarque dans le quotidien d’une vraie-fausse voyante affublĂ©e de ses deux acolytes, Monica et Toby. Le huis-clos saisissant vire rapidement au triangle amoureux, …fatal pour le jeune Toby. Autour de cette trame assez simple mais prenante, Menotti tisse des variations habiles d’atmosphère, basĂ©es sur un parlĂ© chantĂ© harmonieux, sans dissonances. On se situe à mi-chemin entre les comĂ©dies musicales et les opĂ©ras de chambre de Britten, dont ressortent les parties plus lyriques confiĂ©es aux deux rĂ´les fĂ©minins principaux – le rĂ´le de Toby Ă©tant muet. C’est lĂ  l’une des grandes trouvailles du livret, tant ce handicap renforce la faiblesse de ce personnage pris dans l’étau de l’emprise physique et psychologique de la mĂ©dium Flora, comme de son amour sans retour pour Monica. L’air dĂ©lĂ©tère “Mother, mother, are you there ?”, entonnĂ© comme un leitmotiv tout au long de la partition, tout autant que la magnifique complainte entre les deux femmes Ă  la fin du I et bien sĂ»r la longue scène du dĂ©lire de Flora au II, rĂ©sonnent encore longtemps après la reprĂ©sentation.

Foto: © Philipp ZinnikerLa mise en scène d’Alexander Kreuselberg joue la carte de la sobriété dans la petite salle dite de la « mansarde », avec ses quelques soixante-dix chaises entourant la scène (sans surtitres, au placement libre), mettant surtout en avant la fragilité des jeunes tourtereaux : les regards apeurés, tout autant que les costumes (robe de chambre enfantine pour Monica en contraste avec la splendeur des velours dévolus à Flora) apportent beaucoup à ce spectacle très proche du théâtre. Illustration ci dessus © Phil. Zinniker / Bern Oper 2018.
Mais ce sont surtout les interprètes principaux qui donnent corps Ă  ce drame, au premier rang desquels la magistrale Claude Eichenberger (Madame Flora), intense de conviction du dĂ©but Ă  la fin. Sa voix charnue, aux beaux graves, est un vrai rĂ©gal. Elissa Huber  (Monica) n’est pas en reste avec sa touchante sensibilitĂ©, tout aussi Ă  l’aise au niveau vocal, tandis que le danseur Davidson Farias (Toby) donne une grâce lĂ©gère et fluide Ă  son rĂ´le de victime consentante. Les seconds rĂ´les tiennent bien leur partie, tandis que l’accompagnement au piano d’Anne Hinrichsen affiche un confort superlatif.

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Compte-rendu, concert. Berne, Opéra de Berne, le 2 février 2018. Menotti : The Medium. Claude Eichenberger (Madame Flora), Elissa Huber (Monica), Davidson Farias (Toby), Lilian Farahani (Mrs. Gobineau), Carl Rumstadt (Mr. Gobineau), Borjana Angelova (Mrs. Nolan), Anne Hinrichsen, piano / mise en scène, Alexander Kreuselberg. A l’affiche de l’Opéra de Berne (Theater Bern) jusqu’au 25 février 2018