CRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. BRITTEN : The Turn of the screw, Glassberg (2021, La Monnaie – 2 cd Alpha)

BRITTEN CD ALPHA turn of the screw glassberg monnaie critique cd opera classiquenewsCRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. BRITTEN : The Turn of the screw, Glassberg (2021, La Monnaie – 2 cd Alpha) – La nouvelle production de la Monnaie de Bruxelles (avril 2021) Ă©tonne et saisit par sa puissance et sa vĂ©ritĂ© autant musicale que visuelle. De mĂ©moire de mĂ©lomane, il n’existait qu’une rĂ©alisation mĂ©morable pour nous, celle prĂ©sentĂ©e (et vue) Ă  Strasbourg signĂ©e Carsen (LIRE notre critique de The Turn of the screw par Robert Carsen)  -  En associant le chef Ben Glassberg et le metteur en scène Andrea Breth, La Monnaie affiche un duo gagnant. Il Ă©tait donc opportun de fixer par le cd cette rĂ©ussite manifeste ; tout du moins sa grande cohĂ©rence musicale. De la nouvelle de James, courte, fulgurante, Ă  la fois glaçante et hypnotique, Britten et son librettiste Myfanwy Piper, expriment la matière mĂŞme des non dits ; la musique se faisant vecteur de l’irrationnel et du mystère ; l’effroi convoque l’illusion et fidèle Ă  Henry James, sa narration haletante, ciselĂ©e, le rĂŞve et la folie saturent la rĂ©alitĂ© emportant dans une machination de plus en plus cauchemardesque, le peu de raison dans l’esprit du personnage principal : la jeune gouvernante envoyĂ©e dans la manoir de Bly par le tuteur toujours absent, pour assurer l’éducation de son neveu et de sa nièce, orphelins : Flora et Miles.
A travers ce paysage psychologique dĂ©vastĂ© par le poids d’une malĂ©diction Ă©touffante, inextricable, envahissante, s’impose le thème rĂ©current dans l’oeuvre de Britten : celui de l’enfance ou de l’innocence sacrifiĂ©es, qui est tuĂ©e sine die, manu militari (l’apprenti dans Peter Grimes, Billy Bud,…) quand elle n’est pas ravie par le surnaturel (Owen Windgrave). Le jeune Miles sous l’emprise du fantĂ´me du valet Peter Quint, dĂ©cĂ©dĂ© mais ressuscitĂ©, est perdu – la mise en scène sur ce point Ă©tait dĂ©finitive et claire.

Musicalement, la ciselure expressive de cette lecture s’entend d’abord dans le choix de l’orchestre : resserré, mordant, chambriste et d’une veine acérée : 13 instrumentistes abordent au scalpel une partition qui brille de mille éclats fantastiques et lunaires. Le halo orchestral est spectral ; il renforce allusivement la présence obsessionnelle et angoissante des revenants, distillant un univers de magie fantomatique, à l’impalpable mais tenace activité.

Sally Matthews (la nouvelle gouvernante) vit ce drame en huis clos avec une sensibilité et une fragilité somptueuses ; quand Carole Wilson (l’intendante Mrs Grose) double l’humanité touchée puis désespérée de sa consœur ancillaire.

Les deux enfants sont eux aussi impeccables : Katharina Bierweiler et Thomas Heinen soit deux jeunes âmes, qui ont la grâce et l’abandon déjà de deux innocents bientôt sacrifiés (dans la mise en scène : elle, disparaissant étrangement ; lui, tué par pendaison).

D’autant plus que leur « mentors sataniques », affirment une morgue terrible, secrète et mystérieuse, sans une once de compassion ou d’humanité ; le monde d’outre tombe est sec et froid : Julian Hubbard (Quint), droit et d’une carrure qui impose ; il tient totalement sous sa coupe, son double cynique et manipulateur, Giselle Allen (parfaite Miss Jessel).

Prologue impeccablement oratoire, Ed Lyon fait un narrateur (qui introduit et contextualise l’arrivée de la gouvernante à Bly) à la fois notarial et distancié, lui aussi, aussi nuancé qu’articulé… comme dans la fosse, le geste du chef Ben Glassberg (directeur de l’Opéra de Rouen). Ce dernier avait déjà marqué les auditeurs (et spectateurs) dans La Flûte Enchantée polémique de Romeo Castellucci sur la même scène, 2018. Envoûtant.

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CLIC D'OR macaron 200CRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. Benjamin BRITTEN (1913-1976) : The Turn of the screw, opĂ©ra en un prologue et deux actes – livret de Myfanwy Piper d’après le roman d’Henry James. : Ed Lyon, the Prologue ; Sally Matthews, the Governess ; Thomas Heinen, Miles ; Katharina Bierweiler, Flora ; Carole Wilson, Mrs Grose ; Julian Hubbard, Peter Quint ; Giselle Allen, Miss Jessel ; Instrumentistes de l’Orchestre symphonique de la Monnaie / Ben Glassberg, direction. 2 cd ALPHA – enregistrĂ© en avril 2021 Ă  La Monnaie, Bruxelles.

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VIDEO
VOIR un extrait de l’opéra The Turn of the Screw par Ben Glassberg et Andrea
https://operavision.eu/en/library/performances/flashback/turn-screw-la-monnaie#

CRITIQUE CD, OFFENBACH : Le voyage dans la lune (Polchi, Lécroart… Dumoussaud (2 cd Palazzetto Bru Zane, sept 2021)

offenbach voyage dans la lune Pierre Dumoussaud critique cd opera classiquenewsCRITIQUE CD, OFFENBACH : Le voyage dans la lune (Polchi, LĂ©croart… Dumoussaud (2 cd Palazzetto Bru Zane – collection OpĂ©ra français) enregistrĂ© Ă  Montpellier, sept 2021 – Entrain et vitalitĂ© s’affirment dès après l’ouverture plutĂ´t rĂŞveuse, dans une course Ă©chevelĂ©e proche des sĂ©quences de La Vie Parisienne – D’emblĂ©e, après le nocturne pour cor solo (ouverture), claire manifestation du gĂ©nie mĂ©lodique d’un Offenbach portĂ© par le rĂŞve, on comprend la clĂ© de la partition ; son ambivalence entre poĂ©sie nocturne (lunaire) et saillie canaille (volontiers satirique).

La fĂ©erie « fantasque et folle » de 1875 atteste de la verve onirique d’un Offenbach, empereur de la musique lĂ©gère au XIXè (ici pas moins de 15 dĂ©cors diffĂ©rents et 2 ballets) : dans cette première intĂ©grale enfin recomposĂ©e, on goĂ»te cette crĂ©ativitĂ© en libertĂ©, avec des perles restituĂ©es (2 inĂ©dits enrichissant l’apparition lunaire au dĂ©but du II). Le prince Caprice se dĂ©sespère et se morfond sur terre ; il convainc son père (le roi V’lan) d’explorer la lune, le seul astre qui l’inspire…flanquĂ© de Microscope, Caprice va consulter les astronomes de l’observatoire… puis commande Ă  la forge, l’énorme canon qui le projettera jusqu’à la planète convoitĂ©e. Tandis que la dĂ©couverte du monde d’en haut – qui relègue la Terre Ă  n’être qu’un ” petit point noir “, permet une critique en règle de la France des annĂ©es 1870/1880.
La vitalitĂ© des ensembles (nombreux chĹ“urs), le relief des airs solistes, oniriques et souvent caustiques, l’entrain mĂ©lodique des ensembles (les artilleurs au I ; Ah! murmurĂ©, suggestif au dĂ©but du II quand Offenbach fait surgir le monde lunaire… Ă  l’envers) Ă©maillent une partition qui théâtralement sait se renouveler et rebondir constamment (dont le tableau « miraculeux surnaturel » du volcan aux 7 transformations, avec comme apothĂ©ose finale, le clair de terre conclusif) ; Offenbach veillant sans relâche Ă  l’allant comme Ă  la diversitĂ© de l’action ; en dĂ©peignant la sociĂ©tĂ© du monde lunaire celle des sĂ©lĂ©nites et du roi Cosmos-, l’auteur rĂ©alise ce qu’il aime : dĂ©velopper une lecture critique voire cynique de son Ă©poque, en particulier après la chute du second empire et après la Commune. Outre son sujet (cosmique), le drame doit aussi son onirisme Ă  l’aplomb de l’orchestre seul, en particulier sollicitĂ© pour le dĂ©veloppement des ballets. Offenbach pointe les limites du genre lyrique fantastique et merveilleux, en questionnant le sens des « rĂ´les Ă  maillots », prĂ©textes aux figures dĂ©nudĂ©es qui inondent alors les ouvrages lĂ©gers. C’est clairement le statut de la femme dans la sociĂ©tĂ© qui est dĂ©noncĂ©… Offenbach lĂ©ger et amuseur, sait Ă©pingler les vĂ©ritĂ©s qui dĂ©rangent.

 

 

Le féerique critique d’Offenbach

 

 

Le plateau ne manque pas de piquant ; chaque personnage a du chien et du vocabulaire ; dommage cependant que l’abattage de la soprano Violette Polchi manque d’intelligibilitĂ© en particulier dans les airs trop rapides pour elle, Ă  tel point que l’on perd le texte dans son air oĂą Caprice arrive sur la lune, dĂ©couvrant la sociĂ©tĂ© des SĂ©lĂ©nites (n°11 : Rondeau de l’obus / « plus de tapage, plus de guichets… ») ; mĂŞme rĂ©serve pour la dĂ©licieuse voix chantante, coloratoure agile et tendre de Sheva Tehoval (qui fait une princesse lunaire – Fantasia- au charme Ă©vident mais au français plus qu’approximatif ; regrettable manque de prĂ©paration, en particulier dans son air « hystĂ©rique » (Ariette de la princesse n°21, Acte III) – Ă  l’inverse aucun des hommes ne souffre d’une telle faillite linguistique et de diction.

CLIC D'OR macaron 200Heureusement qu’en fosse, malgré un orchestre pléthorique, la direction affûtée du chef Pierre Dumoussaud diversifie les couleurs, sait varier le caractère de chaque séquence ; énergie motorique, bel équilibrage orchestre / voix solistes, le maestro sait polir les pépites d’un Offenbach onirique et féerique, mais plus souvent cocasse, fantasque que sincère et nostalgique. Les 2 ballets (des chimères fin du II, puis des flocons, fin du III) ont cet entrain de plus en plus assumé, canaille et parisien qui se rapproche du café concert.
En dépit des quelques réserves énoncé, l’enregistrement souligne la valeur de cette résurrection légitime. D’où notre CLIC révélation.

 

 

 

 

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CRITIQUE CD, OFFENBACH : Le voyage dans la lune (Polchi, Tehoval, LĂ©croart… Dumoussaud (2 cd Palazzetto Bru Zane – collection « OpĂ©ra français » / French Opera) enregistrĂ© Ă  Montpellier en sept 2021 – Avec : Violette Polchi, Sheva Tehoval, Matthieu LĂ©croart, Pierre Derhet, RaphaĂ«l BrĂ©mard, Thibaut Desplantes, Marie Lenormand, Christophe Poncet de Solages, Ludivine Gombert
ChĹ“ur, Orchestre National Montpellier Occitanie  / Pierre Dumoussaud, direction – 2 cd – Coll. “OpĂ©ra français” vol. 32 | BZ 1049

 

 

 

 

TEASER VIDEO : Le Voyage dans la lune, Offfenbach, Polchi, Dumoussaud

 

 

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CRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. ENCORES : Daniel Barenboim, piano. Schubert, Schumann, Liszt, chopin, Debussy… (1 cd Deutsche Grammophon – Berlin, 2017, 2020)

encores daneil barenboim piano critique cd review clic de classiquenews deutsche grammophonCRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. ENCORES : Daniel Barenboim, piano. Schubert, Schumann, Liszt, chopin, Debussy… (1 cd Deutsche Grammophon – Berlin, 2017, 2020) – Somptueuse collection de bis / « encores » en anglais : Daniel Barenboim, chef lyrique de premier plan (son Tristan Ă  Berlin de 2018), comme maestro symphonique aussi dĂ©fricheur que convaincant (voyez chez Decca les Symphonies mĂ©connues, ou l’oratorio The Dream of Gerontius d’Elgar) est aussi un pianiste de grande valeur et haute sensibilitĂ© ; Ă  part Clair de Lune de Debussy de 2017, les 16 autres bis / encores ont Ă©tĂ© captĂ©s Ă  Berlin en avril 2020 en plein confinement, covid oblige ; voyage intĂ©rieur et jaillissement intime d’une finesse de ton… miraculeuse (ses premiers Schubert sont saisissants de naturel et de pudeur enchantĂ©e : Impromptu D899/3 ; candeur insouciante de Moment musical D780) ; puis de Schumann, le pianiste Ă  l’écoute de ses propres rĂŞveries, fait surgir le songe de Träumerei des Scènes d’enfant, prĂ©lude extatique, suspendu aux 4 sĂ©quences des FantasiestĂĽcke opus 12 : oĂą le questionnement du rĂŞve Ă©noncĂ©, infini semble se dĂ©rouler avec la mĂŞme simple subtilitĂ© des premiers Schubert, sans Ă©carter pour autant l’âpretĂ© de questions plus agitĂ©es (Aufschwung).

« Encores » de Daniel Barenboim
Récital imaginaire et crépusculaire
d’une irrésistible rêverie…

Dans chacune des miniatures, Barenboim, contrasté sans excès, juste et nimbé d’un mystère impénétrable semble exprimer la vérité secrète de l’âme humaine. Fruit d’une expérience et d’une carrière unique aujourd’hui ayant soufflé ses 80 ans en déc 2021… C’est aussi l’offrande du récitaliste qui au terme de son concert, offre quelques pièces surprise dont il a seul la clé, resserrant encore les liens partagés avec ses auditeurs. Au centre de cet acte généreux qui dévoile des sentiments imprévus, Barenboim ajoute une sélection de 6 pièces de Chopin à partir de ses Etudes opus 10 et 25, celles là même qui selon Gide, paraissaient comme « improvisées » et qui formaient le cœur des bis d’un Arthur Rubinstein, au point de dépasser souvent en nombre, le programme proprement dit du concert précédent. Spontanéité et précision font merveille dans une série de pièces à la fois puissantes et volubiles (dont l’activité et l’hypersensibilité sont annoncées par Schumann, dans « Traumes Wirren » à la coupe échevelée). L’activité naturelle, l’éloquence poétique de Daniel Barenboim fait chanter chaque pièce de ce récital imaginaire, aux intonations globalement introspectives et crépusculaires (« Consolation » de Liszt, ultime résurgence du rêve schubertien et schumannien, à l’égal du Noctune de Chopin, secret et magicien), où se révèle aussi la sonorité précise et scintillante du piano choisi par le pianiste, un Bechstein grand piano », conçu pour Liszt en 1860 (repéré à Sienne en 2011) qui possède aussi la résonance des Steinway, grâce à une combinaison techno, réalisée spécialement pour l’interprète.

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CLIC_macaron_20dec13CRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. ENCORES : Daniel Barenboim, piano. Schubert, Schumann, Liszt, chopin, Debussy… (1 cd Deutsche Grammophon – Berlin, 2017, 2020) – PLUS D’INFOS sur le site de Deutsche Grammophon :
https://www.deutschegrammophon.com/en/catalogue/products/encores-daniel-barenboim-12601

FALLA : Le Tricorne (1919)

falla manuel tricorne amour sorcier treteaux maitre pierre concert critique classiquenewsFRANCE MUSIQUE , Dim 22 mai 2022, 16h. Falla : Le Tricorne. Bilan discographique : quelle meilleure version enregistrée du tricorne de Manuel de FALLA ?
L’austère Manuel de Falla bénéficia de son séjour parisien (1906-1914), soit 8 années avant la première guerre mondiale qui réalisèrent la transformation du petit compositeur andalou encore timide en compositeur au souffle orchestral majeur, en particulier dans ses partitions L’Amour Sorcier ou particulièrement Le Tricorne où la force et la puissance du folklore ibérique bouleversent l’ordre symphonique en une langue renouvelée.

A l’origine, Le Tricorne est une commande de Diagilev pour la saison des Ballets Russes (juillet 1919); elle s’intitule en espagnol « El sombrero de tres picos » (le chapeau aux 3 pointes) ; Falla avait déjà conçu une pantomime d’après la même source (Pedro de Alarcon, 1874) : Le Gouverneur et la meunière (1917).
Le Tricorne est un ballet en un acte, chorégraphié par Léonide Massine, décors et costumes de Pablo Picasso. La création londonienne (l’Alhambra) est dirigée par Ernest Ansermet qui a signé une version de référence.

Synopsis :
Lucas et sa femme Frasquita vivent dans un vieux moulin, à l’écart de la ville, dans une riante campagne où ils proposent le couvert aux visiteurs et notables de passage. Le Procureur du Roi, vieillard rusé et jaloux, s’amourache de l’épouse du meunier, Vénus pastorale, fort sensuelle.
Le magistrat se heurte au génie du Meunier et de sa femme, déterminés à écarter les efforts et assauts du Procureur indigne. Pedro de Alarcón (1833-1891) admiré par Borges, signe alors un sommet de la littérature picaresque espagnole, aux péripéties à la Molière, dans la veine « costumbriste » (réalisme descriptif soucieux des détails explicitant us et coutumes propre au terroir ibérique).

Orchestralement, Falla dévoile son talent d’orchestrateur et de mélodiste irremplaçable. Sur le plan chorégraphique, la partition présente plusieurs défis pour les danseurs : jota finale, Danse du gouverneur, farruca (typique du flamenco), devenue légendaire (voir ci dessous version par Patrick Dupond).

 

 

 

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VIDEO : Patrick Dupont danse Le Tricorne de Falla :

https://www.youtube.com/watch?v=9cpAMrFfEF4

 

 

 

FRANCE MUSIQUE, dim 22 mai 2022, 16h. MANUEL DE FALLA : Le tricorne. La tribune des critiques de disques…

CD coffret événement, critique. FRANCK : intégrale de la musique de chambre (4 cd Fuga Libera)

cd cesar franck complete chamber music cd critique review classiquenews clic de classiquenewsCD coffret Ă©vĂ©nement, critique. FRANCK : intĂ©grale de la musique de chambre (4 cd Fuga Libera) – Pour cĂ©lĂ©brer les 200 ans de la naissance de CĂ©sar Franck (1822 – 1890), nĂ© liĂ©geois mais gĂ©nie primordial pour la musique française Ă  l’époque du WagnĂ©risme total, l’éditeur Fuga libera Ă©dite plusieurs coffrets dont le mĂ©rite sous forme d’intĂ©grales thĂ©matiques propose une rĂ©estimation de son Ă©criture : voici le volet chambriste. Tout y est : autour du Quintette pour clavier (jalon essentiel de 1878) et de la Sonate (pour violon / piano), fleuron de 1886, l’auditeur peut ainsi mesurer le gĂ©nie franckiste dans la ciselure et le dialogue instrumental, ce en deux parties : l’une relevant de la jeunesse (propre aux annĂ©es 1840) ; la seconde fixant les Ă©volutions tardives (soit la dĂ©cennie 1880). Sous une figure avenante et calme, le pianiste et compositeur Franck bouillonne ; son Trio Ă©crit dès 12 ans, marquĂ© par Alkan, exprime les contrastes d’un tempĂ©rament de feu, probablement dĂ©jĂ  initiĂ© par Reicha (le maĂ®tre de Berlioz), dĂ©jĂ  crĂ©pitant et fortement contrastĂ© que son père naturalise vite pour que l’enfant prodige rejoigne le Conservatoire de Paris (1837). On suit ainsi le jeune auteur et concertiste qui s’affiche, portĂ© par l’ambition d’un père impresario plutĂ´t zĂ©lĂ© ; Paris dĂ©couvre ses 4 Trios pour piano / violon / violoncelle de 1843, dont le premier inaugure la forme cyclique promise Ă  devenir emblĂ©matique, et le 4è (dĂ©veloppĂ© Ă  partir du dernier mouvement du 3è) est dĂ©diĂ© Ă  son « ami » Liszt, dĂ©jĂ  grand admirateur du Franck architecte. On ne saurait Ă©couter interprètes mieux engagĂ©s dans cette intĂ©grale des plus opportunes au moment du bicentenaire.

FRANCK, un génie français
Maître de la forme cyclique et du thème générateur…

Un volcan des plus singuliers couve en réalité dans chacune des ces partitions mais canalisé et explicité en une maîtrise incomparable du développement formel. Tous les aspects d’une sensibilité ciselée autant qu’éruptive se font jour : les (rares) Fantaisies pour piano, la forme libre du « solo pour piano », avec accompagnement ; l’Andantino quietoso aux contours plus apaisés (propre au Maître « Séraphin »). Ces débuts pour les salons parisiens étonnent et saisissent.

Puis le pianiste devient maître de l’orgue, ne revenant à la musique de chambre que dans les années… 1880 ; soit plus de 30 ans après ses premiers éblouissements.

Le coffret permet d’évaluer les pépites de cette nouvelle décennie ; ces nouveaux accomplissements, produits par le professeur du Conservatoire dès 1871 qui parle autant de composition que d’orgue… « Morceau de lecture » (1877) ouvre le cycle de pleine maturité, où la valeur pédagogique du corpus ne sacrifie rien à l’exigence esthétique (« Mélancolie », 1885 : véritable leçon de solfège et œuvre à part entière) : les 2 œuvres sont restituées ici dans la version piano et violon.

Le fabuleux « Quintette en fa mineur » de 1878, qu’il soit ou non composé dans le tumulte d’une relation supposée et toujours non avérée, entre Franck et Augusta Holmès, s’impose ici par son assise émotionnelle, son ampleur brute et austère, inquiète et franche, pudique et scintillante.

Même ivresse irrésistible et conquérante ici encore fièrement et pleinement assumée pour la Sonate pour violon et piano qui régénère par le génie de sa construction beethovénienne, le genre Sonate en 1886 alors qu’il est tombé en totale désuétude… Le dédicataire Eugène Ysaÿe la sublime et la défend partout en Europe, suscitant un enthousiasme inédit (bientôt, en 1888, traduit par la transcription pour piano et violoncelle). Le coffret offre aussi une nouvelle version anthologique du fameux « Quatuor » (sommet unique, datant de 1890), fixant alors l’étude de Schubert, Brahms, Beethoven : dans le geste du Quatuor Adorno, Franck y distille les secrets de son art cyclique où le thème générateur déduit tout le déroulement / développement avec clarté et puissance (formes lied et sonate combinées dans le premier mouvement). Ici rayonne l’équilibre de l’architecture pourtant mouvante et multiple qui exprime la complexité vivante de l’expérience terrestre. Dans ces 4 cd, l’interprétation profite de la complicité voire la fusion exemplaire entre « maîtres » et jeunes instrumentistes, ici associés au sein de la Chapelle Reine Elisabeth ; une vivacité émotionnelle entre pédagogie et plénitude artistique que Franck lui-même, généreux mentor, n’aurait certes pas méjugée.

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CLIC D'OR macaron 200CD coffret Ă©vĂ©nement, critique. CESAR FRANCK : complete chamber music : IntĂ©grale de la musique de chambre (Fuga Libera 4 cd) – Divers interprètes dont Franck Braley, Alexandre Chenorkian, Leon Blekh, salih Can Gevrek, Shuichi Okada, Jonathan Fournel, Lorenzo gatto, StĂ©phanie Huang, … DurĂ©e : circa 5h (enregistrements rĂ©alisĂ©es entre 2019 et 2022). CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2022.

PLUS D’INFOS sur le site FUGA LIBERA / César Franck 2022 :
https://outhere-music.com/en/albums/franck-complete-chamber-music

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A LIRE AUSSI
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franck cesar cd coffret set box complete orchestral works 4 cd fuga libera cd review critique classiquenews CLIC de classiquenewsCD coffret événement, critique. César FRANCK : complete orchestral works / Intégrale symphonique (4 cd Fuga Libera) - CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2022 – Le coffret a le mérite, intégrale oblige, et aussi le courage de rétablir certains faits concernant César Franck. Voici le cas exemplaire d’une révélation : Franck atteint une belle maturité artistique dès son jeune âge, alors prodige du piano, récemment naturalisé, élève au Conservatoire de Paris et maîtrisant la forme chambriste et comme ici, l’écriture orchestrale. En témoignent ses premières Variations à 11 ans (!) ; celles « brillantes » d’après l’opéra Gustave III d’Auber (composées en 1834, un an après la création du drame lyrique) ; le thème de la ronde tirée de l’acte II déploie une liberté de ton et une virtuosité mozartienne toujours inspirée à laquelle répond l’orchestration d’esprit webérien. A défaut de savoir si le Concerto n°1 a jamais existé (probable supercherie de Franck père), le Concerto n°2 du fils saisit lui aussi en 1835, car il démontre les débuts franckistes à l’assaut du tout orchestral : la même puissance mélodique et l’ampleur de l’orchestration conçues par l’adolescent de 12 ans (attestant d’ailleurs de son apprentissage éclairé auprès de Reicha) : la carrure beethovénienne, la pensée claire d’une architecture impressionnante, l’emportent sur la tentation de Chopin et d’Hummel…

CRITIQUE, CD événement. CÉSAR FRANCK : intégrale : mélodies (22) et duos (6). Tassis Christoyannis, baryton / Jeff Cohen, piano / 2 cd Palazzetto Bru Zane

Melodies-et-Duos-Integrale cesar franck critique cd christoyannis jeff cohen classiquenews CLIC de classiquenews palazzetto bru zane 2 cdCRITIQUE, CD événement. CÉSAR FRANCK : intégrale : mélodies (22) et duos (6). Tassis Christoyannis, baryton / Jeff Cohen, piano / 2 cd Palazzetto Bru Zane. Voici un premier coffret qui marque cette année 2022, celle du bicentenaire de la naissance de César Franck (né en 1822). L’intégrale des mélodies et duos constitue un corpus méconnu, pourtant de première valeur, du milieu des années 1840 à la mort de l’organiste, symphoniste, chambriste de premier plan. La prosodie est toujours très raffinée ; les textes en revanche pas toujours très inspirés, mais le soin de la parure musicale (ici le piano), la subtile architecture harmonique (qui rappelle l’auteur du Quintette et de la Sonate) font mouche. De surcroît défendues par l’excellent baryton Tassis Christoyannis (le naturel d’une prosodie articulée et flexible, le timbre melliflu et subtil doué de vrais piani et demi teintes dynamiques en phase avec le piano de Jeff Cohen), le cycle ainsi incarné, narré s’affirme bien comme un apport significatif pour le genre comme dans la maturation des interprètes. Petite réserve hélas pour le soprano de Véronique Gens dont le timbre gris et d’émission basse, mal articulé, parasite l’intelligibilité du texte des 6 Duos de 1888.
Les 2 premières mélodies du CD1 affirment à un niveau expressif délectable l’approche du baryton et du pianiste : prière ardente et fraternelle : l’ami qui tend la main contre la solitude qui assassine ; ou l’élan spirituel de la « sainte et grande nuit » (2). L’économie nuancée, l’intelligence des accents, le sens de la mesure accordés au clavier tout en subtilité lui aussi, servent le recueillement tendre des poèmes, énoncés comme des prières que colore une ardente vie intérieure (l’inquiétude sourde de Ninon, 1851 ; on note la blessure ineffable de Lied, circa 1874, le deuil qui se révèle dans L’Ange et l’enfant (1846).… la tendresse qui revêt des vêtements sombres et graves (ample prière doloriste de « Passez! Passez… circa 1860 ») et le compositeur n’hésite pas à s’engager pour Paris (1870) contre les prussiens (les vaincus d’Iéna), ou pour chanter aussi la patrie (Patria, 1871, d’après Victor Hugo)…
CLIC_macaron_2014Plus développée, L’émir de Bengador (plus de 4mn, 1847) est un chant porté par un ardent et irrépressible désir (« : tout parle d’amour ») ; cependant que « Robin Gray » (1843), la plus longue (plus de 5mn,  cd1) exprime le dilemme de la bergère entre James et Robin en un chant halluciné qui ressuscite des souvenirs saisissants, un passé terrifiant… mais plein d’amour. Cruel en réalité, l’enchaînement des 2 versions (1847? puis 1857) de « Il est un charmant gazon » (d’après Victor Hugo) ; le baryton surclasse sa consœur, en intelligibilité comme en couleurs et nuances dans la suggestion millimétrée de ce joyau poétique qui célèbre le corps de l’aimée et lui déclare une flamme des plus ardentes. Saluons la qualité éditoriale du coffret qui présente avec moult anecdotes et explications historiques, le cycle et contient l’intégralité des textes des mélodies ainsi réévaluées. CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2022.

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CRITIQUE, CD événement. CÉSAR FRANCK : intégrale : mélodies et duos. Tassis Christoyannis, baryton / Jeff Cohen, piano / 2 cd Palazzetto Bru Zane (enregistré en avril et oct 2021).

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JORDI SAVALL sur ARTEconcert

SAVALL-582-390-jordi-savall-l-orfeo-reeditionARTE concert. Dim 27 mars 2022 : JORDI SAVALL, portrait musical. Le violiste et chef d’orchestre catalan Jordi Savall invite Ă  un voyage musical personnel et flamboyant, entre l’Abbaye de Fontfroide et la Catalogne. Les ensembles qu’il a fondĂ©s et qu’il dirige : Orpheus XXI, Hespèrion XXI et le Concert des Nations participent Ă  cette formidable aventure, humaine et musicale, engagĂ©e pour la fraternitĂ© des peuples et la philosophie de la musique. Dès le 27 mars sont accessibles au visionnage 3 concerts filmĂ©s en 2021, emblĂ©matique de l’activitĂ© de Jordi Savall aujourd’hui : musiques anciennes et baroques, goĂ»t des instruments historiques, rencontre et partage entre les diffĂ©rentes cultures et philosophies du monde…

Madrigaux guerriers et amoureux (Livres VI et VIII de Claudio Monteverdi) : vĂ©ritable antichambre et laboratoire pour ses opĂ©ras, les madrigaux de Monteverdi explorent toutes les possibilitĂ©s du chant instrumental et vocal pour exprimer le drame des passions humaines, en particulier Monteverdi y perfectionne le fameux stile concitato (agitĂ©), exprimant la fureur guerrière ou amoureuse : mais l’amour et la passion ne sont-ils pas guerre, larmes et sang ? / Concert des Nations, avec Monica Piccinini (soprano), MarĂ­a Cristina Kiehr (soprano), Alessandro Giangrande (contretĂ©nor), Raffaele Giordani (tĂ©nor), LluĂ­s VilamajĂł (tĂ©nor), Furio Zanasi (baryton) et Salvo Vitale (basse) — 1h22mn – Fonfroide, juillet 2021.
VOIR ici : https://www.arte.tv/fr/videos/105448-001-A/madrigali-guerrieri-e-amorosi/
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Folias et Romanescas (1h14mn) – Avec les instrumentistes d’Hespèrion XXI : Xavier DĂ­az-Latorre (vihuela et guitare), Andrew Lawrence-King (harpe baroque espagnole), Xavier Puertas (violone) et Pedro Estevan (percussions). Au fil du concert, Jordi Savall affirme son talent d’instrumentiste en maniant deux instruments d’époque : un dessus de viole et une viole de gambe, toutes deux du XVIème siècle. Ĺ’uvres de Sanz, Ortiz, Guerrero, Arauxo, Codex “Trujillo del Perú”… Monastère royal de Santes Creus (ESP), aoĂ»t 2021.
VOIR ici :
https://www.arte.tv/fr/videos/105448-002-A/folias-romanescas/
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De L’Orient à l’Occident (1h23mn)
Un projet fort, malheureusement mis en parenthèse par le COVID-19. Mais parce que rien n’arrête indéfiniment la musique et la joie de se réunir, Jordi Savall et 5 instrumentistes issus d’Orpheus XXI se retrouvent lors de la première édition du festival Jordi Savall, organisé en Catalogne, avec des musiciens originaires de trois pays différents : Georgi Dimitrov (bulgare, au qânûn), Mostafa Taleb (iranien, au kamânche), Ibrahim Keivo (syrien, au chant et bouzouki), Bashar Al Dghlawi (syrien, aux percussions), Waed Bouhassoun (syrienne, au chant et oud) et Moslem Rahal (syrien, au chant et ney). Les deux derniers artistes ont conçu le programme de ce concert. Monastère royal de Santes Creus (ESP), août 2021. Musiques syiennes, séfarade, afghane, marocaine, turque, … musique espagnole ancienne (Alphonse X le Sage, Hermosa Muchachica, …).

VOIR ici :
https://www.arte.tv/fr/videos/105448-003-A/de-l-orient-a-l-occident/

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CRITIQUE CD, Ă©vĂ©nement. LULLY : Grands Motets (VOL. 2) : Miserere, Quare Fremuerunt gentes, Jubilate Deo (Les ÉpopĂ©es, StĂ©phane Fuget – 1 cd Château de Versailles Spectacles CVS)

lully-grands-motet-vol-2-miserere-stephane-fuget-les-epopees-cd-critique-classiquenews-review-chateau-versailles-spectacle-CLIC-de-classiquenewsCRITIQUE CD, Ă©vĂ©nement. LULLY : Grands Motets (VOL. 2) : Miserere, Quare Fremuerunt gentes, Jubilate Deo (Les ÉpopĂ©es, StĂ©phane Fuget – 1 cd Château de Versailles Spectacles CVS) – Ce Volume 2 des Grands Motets complète la rĂ©ussite du premier volume ; il confirme l’excellence du chef StĂ©phane Fuget Ă  l’endroit de Lully dont il rĂ©vèle comme aucun avant lui, le sentiment de grandeur et l’humilitĂ© misĂ©rable du croyant ; la sincĂ©ritĂ© de l’écriture lullyste, sa langue chorale et solistique, surtout son gĂ©nie des Ă©tagements, un sens de la spacialitĂ© entre voix et orchestre (qui prolonge les essais polychoraux des VĂ©nitiens un siècle avant Lully). Le Florentin recueille aussi les dernières innovations des français FormĂ© et Veillot. D’ailleurs le seul fait de dĂ©voiler la maĂ®trise de Lully dans le registre sacrĂ© est dĂ©jĂ  acte audacieux tant nous pensions tout connaĂ®tre du Florentin, Ă  la seule lumière de sa production lyrique (dĂ©jĂ  remarquable). Et pourtant le Surintendant de la musique n’occupa aucune charge officielle Ă  la Chapelle royale.

A travers la majesté et la puissance, l’expressivité joyeuse, doxologique ou implorative du chœur se manifestent la ferveur d’un roi croyant, l’omnipotence de Dieu dont le Souverain tire directement sa légitimité. Le genre du Grand Motet exprime cette volonté autoritaire, cette croyance spectaculaire et aussi rappelle la force de cette filiation divine. Mais Lully apporte une franchise, un dramatisme piloté par la seule intelligence de la sincérité ; jamais factice ni seulement brillante. D’autant qu’ici, la sensibilité pour la vivacité et la caractérisation des timbres vocaux ajoute à l’humanisation voire l’individualisation, rappelant sous l’ampleur de la fresque, l’intimité de la prière du seul croyant.

 

 

LES ÉPOPÉES ressuscitent la ferveur lullyste
Une arche grandiose constellée de prières misérables et individuelles

 

 

Au total Lully laisse 12 grands Motets, chefs d’oeuvre de puissance et de sincérité : voilà qui mérite bien une collection de concerts et de cd. Composé pour célébrer le Traité des Pyrénées (et aussi le Mariage de Louis XIV), le « Jubilate Deo » date de 1660 quand Lully fait danser le roi (Alcidiane, 1658, surtout La Raillerie, 1659).
Ce Motet de la jeunesse, regorge de saine énergie avec ce sens du verbe articulé, projeté qui réinvente notre connaissance des Grands Motets de Lully. La maîtrise des Epopées est un régal de chaque instant, tant la justesse des accents, le travail inédit sur l’articulation, la déclamation, la ciselure du texte redéfinissent jusqu’à la langue lullyste : jamais sa musique n’avait été abordée de telle façon ; l’orchestre rayonne lui aussi, souverain et détaillé, aussi scintillant que méditatif ; les voix du Petit chœur caractérise, incarne l’essence de la prière individuelle ; celles du Grand choeur exalte le sentiment d’imploration et de jubilation collective. Déjà l’introduction, purement instrumentale laisse envisager pour la musique versaillaise une ampleur souple et majestueuse, intérieure et même introspective jamais écoutée avant. Le choix des solistes fait merveille : le relief des timbres, leur combinaison relève d’une insolente complicité qui par la sincérité du geste, réactive dans les Motets, leur nerf théâtral et dramatique.

Le « Miserere » (circa 1663) œuvre maîtresse, destiné à la Chapelle pour l’Office de la Semaine Sainte, fut repris pour plusieurs événements royaux ou privés : pour les funérailles d’Henriette-Anne d’Angleterre, pour celles du Chancelier Séguier (1672),… ; la riche texture de l’orchestre des Épopées impose un Lully à la fois solennel et grave, d’une profondeur inédite. L’alternance des séquences d’exaltation collective et de prière individuelle captive particulièrement par la force et l’articulation des épisodes enchaînés ; « Miserere mei Deus / Ayez pitié de moi, Seigneur », le sujet est la prière dans l’humilité. Lully impressionne par la puissance et l’humanité de la musique. De même, tout autant bouleversant, la gestion de la plage 11 (« Sacrificium Deum ») qui éclaire une autre réalisation délectable dans ce geste étonnant : la suspension, un temps totalement inouï, entre lévitation, à vide, en somme le sentiment du purgatoire où chaque âme attend l’heure de son jugement, dans un éther que le chef pilote dans un effet de ralenti cinématographique, repoussant encore le vacuum harmonique. Le doute humilié, la profonde compassion et la pitié meurtrie s’épanchent en une sincérité jamais écoutée chez Lully. Stéphane Fuget étage, orchestre les plans sonores en une éblouissante perspective qui synthétise toute la grandeur et l’espérance baroque. Il dévoile ce que nous ne soupçonnions pas chez le Florentin : sa gravitas vertigineuse, la vérité et la justesse du sentiment de douleur. Confondant.

Stéphane Fuget convoque le « Grand tragique », exprimant le souffle à la fois du Divin impénétrable et aussi l’imploration macabre des tristes pêcheurs, tous accordés en une seule prière de salut… Le travail remarquable se réalise dans la caractérisation de chaque phrase du texte latin, dont Lully, en génie des couleurs expressives sait varier les parties, tour à tour pour 1, 2, 3 voix solistes et pour tout le choeur.

 

 

Stéphane Fuget réalise le « grand tragique » de Lully :
déploration, humilité et grandiose versaillais

 

 

Cette constellation de formes vocales s’avère sous la direction de Stéphane Fuget aussi riche que peut l’être l’art de la tapisserie du XVIIè : une infinité de détails et nuances orchestrés en un tout architecturé d’une cohérence irrésistible. Emblématique : « Ecce enim in iniquitatibus, conceptus sum… » / j’ai été souillé de vices à l’instant de ma naissance, énoncé par le dessus soliste synthétise aussi cette surenchère de la déploration épurée et intime, fortement individualisée qui expose l’âme dénudée et misérable ; une référence directe au choix du visuel de couverture où Madeleine pénitente, marquée par le péché, offre son humble prière… dénuement sublime de la pècheresse (plage 4). Cependant que lui succèdent les vagues du choeur parmi les plus bouleversantes, en harmonies inédites qui manifestent la révélation de la sagesse Divine, surgissement saisissant par son intelligence et sa justesse (« Incerta »…), et ici, source d’un réconfort inespéré ; voila ce Lully fulgurant qui nous est ainsi révélé.

Plus narratif et exaltĂ© encore, le « Quare Fremuerunt gentes » cĂ©lèbre la Paix de Rastisbonne (1684 : nouvelles conquĂŞtes – Alsace et Sarre- de Louis XIV sur l’empire de Leopold Ier) et impliquent les effectifs impressionnants des 3 dĂ©partements musicaux du roi (Chapelle, Chambre, Écurie) : soit une palette Ă©largie, spectaculaire d’accents et d’expressions diverses que StĂ©phane Fuget organise avec clartĂ©, contrastes, prĂ©cision, d’autant qu’il s’agit d’un des motets les plus linguistiques ; exigeant des voix, une diction articulĂ©e irrĂ©prochable pour que le texte soit malgrĂ© le nombre, toujours intelligible : le Motet met en scène littĂ©ralement, Ă  la façon d’un opĂ©ra sacrĂ©, en une verve narrative comme libĂ©rĂ©e, le tumulte des rois rĂ©voltĂ©s contre l’empire divin ; face Ă  ce chaos, s’élève la dĂ©signation par Dieu (tĂ©nor solo) du seul Souverain digne : Louis de France ; voilĂ  expliquĂ©e la filiation du roi puisant son pouvoir divin de l’être suprĂŞme. Ainsi est rĂ©vĂ©lĂ© dans l’agitation impĂ©tueuse du chĹ“ur, le mystère mĂŞme du pouvoir royal.
Le choeur souligne les figuralismes du texte avec une netteté martiale, assumée, superbe (tutti fortissimo sur le seul mot « ferrea », plage 17) car il est évoqué la verge de fer du Roi élu, sa puissance supérieure sur tous), avant que les interprètes ne réalisent d’autres contrastes accentués dont le dramatisme comme sidéré préfigure un siècle auparavant, l’impétuosité flamboyante, la ductilité filigranée de l’écriture chorale des génies à venir, Rameau et Mondonville, eux aussi très inspirés dans le genre du Grand Motet, successeurs de Lully dans la majesté, le solennel intensément dramatique. Il n’y aucun doute que la science et l’expérience du Lully lyrique et théâtral profite au brio de telles pages sacrées.

CLIC_macaron_2014Dans ce nouveau volume, Stéphane Fuget réinvente l’espace et le temps, avec des effets de textures harmoniques d’une grandeur vertigineuse. Le motet lullyste relève autant d’une action spirituelle que d’une expérience sonore totale. Saluons l’ensemble des solistes de le suivre dans une nouvelle conception de l’articulation ; y compris dans l’impact mesuré, maîtrisé des superbes inflexions collectives : « justicia » affirmé à 2 reprises pour célébrer ce qui dans le texte est crucial alors : la justice divine. En célébrant Dieu, l’assemblée des croyants fervents célèbrent la puissance du Roi (qui tire son pouvoir de Dieu lui-même). L’aération, l’oxygénation que sait diffuser le chef à ses effectifs pourtant impressionnants et de surcroît dans une acoustique qui tend à les démultiplier, reste saisissante, en précision, en équilibre, en mesure. Au jeu des comparaisons et des métaphores, c’est comme lorsque les fresques virtuoses de la Sixtine étaient enfin révélées dans la splendeur de leurs couleurs d’origine, dans ce dessin si mordant et réaliste, dans cet art ineffable des modelés sculpturaux, propres à Michel-Ange. La sensation est la même pour Les Epopées dans Lully : révélation nous est faite de la ferveur versaillaise grâce à l’intelligence d’un chef qui parle Lully et sait l’articuler, comme il parle français. Magistrale réalisation.

 

 

 

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CRITIQUE CD, Ă©vĂ©nement. LULLY : Grands Motets (VOL. 2) : Miserere, Quare Fremuerunt gentes, Jubilate Deo (Les ÉpopĂ©es, StĂ©phane Fuget – 1 cd Château de Versailles Spectacles CVS

 

 

 

AGENDA
StĂ©phane Fuget et Les ÉopopĂ©es poursuivent leur cycle des Grands Motets de Lully au Château de Versailles, dim 20 mars 2022, Chapelle royale, 16h : Grands Motets – Benedictus (1685) / Notus in Judea Deus, chant de victoire cĂ©lĂ©brant la Gloire de Dieu / Domine Salvum fac Regem, Ă©nergique « Dieu sauve le Roi » (accompagnĂ© du sublime Magnificat d’Henry Du Mont, en charge de la Musique de la Chapelle du Roi jusqu’en 1683) … Les ÉpopĂ©es signent ainsi un nouveau jalon de leur intĂ©grale en cours (volume 3), avec restituĂ©s, la somptuositĂ© de l’orchestre versaillais (huit instruments de la famille des flĂ»tes, les vingt-quatre violons l’orgue, le clavecin, le thĂ©orbe, la flamboyante bande des hautbois,…), la sincĂ©ritĂ© grave et solennel du chant, l’expressionnisme sincère propre Ă  Lully, soucieux d’offrir Ă  Louis XIV, un service liturgique et musical de premier plan…

Distribution :
Claire Lefilliâtre, Dessus
Victoire Bunel, Dessus
Cyril Auvity, Haute-contre
Clément Debieuvre, Haute-contre
Serge Goubioud, Haute-contre
Marc Mauillon, Taille
Benoît Arnould, Basse-taille
Geoffroy Buffière, Basse
Renaud Delaigue, Basse

Les Epopées
Stéphane Fuget Direction

boutonreservationRÉSERVEZ VOS PLACES
directement sur le site du Château de Versailles
https://www.chateauversailles-spectacles.fr/programmation/lully-grands-motets-benedictus_e2524

Photo : Stéphane Fuget / Les Épopées : Grands Motets de Lully © Louis Le Mée

 

 

 

LEONIDAS KAVAKOS dirige la Symphonie n°4 de BRAHMS

kavakos-loenidas-meastro-chef-violon-concert-annonce-critique-classiquenews-brahmsPARIS, Ven 25 fév, 20h. BRAHMS : Symph n°4. Philhar Radio France. Leonidas Kavakos, direction. On connaît davantage Kavakos comme violoniste, en particulier inspiré dans le Concerto de Brahms justement, entre autres enregistré avec Chailly et le Gewandhaus Leipzig. Leonidas est un brahmsien de haut style, vif, fin, précis… Autant de qualités qui permettent d’espérer le meilleur dans son approche du tissu orchestral brahmsien… Motricité, détail, voire fièvre (Scherzo) seront-ils à la fête dans la 4è symphonie, comme dans le jeu concertant du Concerto pour piano n°4 ?

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PARIS, Auditorium de la Maison de la Radio
Ven 25 février 2022, 20h

Programme :

Ludwig Van Beethoven
Concerto pour piano et orchestre n°4 en sol majeur op. 58
Allegro moderato / Andante con moto / Rondo
Emanuel Ax, piano

Johannes Brahms
Symphonie n°4 en mi mineur op.98
Allegro non troppo
Andante moderato
Allegro Giocoso – poco meno presto – Tempo I
Allegro energico e passionato – Più allegro

Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction : Leonidas Kavakos

BRAHMS : Symphonie n°4 en mi mineur opus 98
Brahms dirige la création à Meiningen, le 25 octobre 1885. La chronologie est simple: ilBRAHMS HD pour GSTAAD reportage2018 compose en 1884 les deux premiers mouvements ; en 1885, les deux derniers. Le climat en est contrasté, même si l’on parle à son égard de teintes automnales, chaleureuses, crépusculaires. Sous un lyrisme engagé, Brahms exprime aussi le sentiment de profonde solitude, voire d’aspérité et de rudesse. C’est pourtant sur le plan de la forme, l’une des partitions les plus explicitement classiques, en particulier pour son mouvement final en forme de Chaconne (comme les opéras français baroques selon une tradition formelle instituée par Lully). Les premier et deuxième mouvements sont nettement inspirés par Dvorak, rencontré en 1878. En maints endroits, la 4ème de Brahms annonce les accents de la Symphonie du Nouveau Monde du Tchèque.

PLAN. Allegro non troppo. Les cordes portent la houle d’une vague haletante, entre héroïsme et intériorité. Le final très développé confirme le climat de grandeur libre mais sombre. Andante Moderato: son début distribué aux cors et aux bois annoncent directement le Concerto pour violoncelle de Dvorak. Marche, cantilène (violoncelles puis violons), la richesse des épisodes créée un surenchère poétique captivante. Allegro giocoso: exception dans toute l’oeuvre symphonique de Brahms, voici un troisième mouvement qui s’apparente au scherzo traditionnel, légué par Beethoven. Joie, frénésie marquée, entêtement même mais aussi indication dynamique oblige, lyrisme gracieux (violons). Les racines populaires du compositeur y paraissent sans masque avec une franche énergie. Amoureux des développements et des variations, Brahms dévoile une maîtrise formelle absolue dans l’Allegro energico e passionato. Le compositeur reprend le thème d’une cantate de Bach (huit mesures légèrement modifiées de la BWV150), afin d’édifier une construction encore supérieure à ses Variations sur un thème de Haydn (1873). Pas moins de 35 variations qui en découlent s’enchaînent sans impression artificielle. Du grand art.

logo_france_musique_DETOUREFRANCE MUSIQUE, concert en direct de l’Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique, ven 25 fév 2022, 20h.

 

 

 

 

 

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APPROFONDIR

LIRE notre dossier sur les Symphonies n°2 et n°4 de BRAHMS :
http://www.classiquenews.com/johannes-brahms-1833-1897-presentation-des-symphoniessymphonies-n2-et-n4/

LIRE aussi notre critique complète de la SYMPHONIE n°4 de BRAHMS par Phil. Herreweghe, 2015 : http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-brahms-symphonie-n4-2015-alt-rhapsodie-2011orchestre-des-champs-elysees-philippe-herreweghe-1-cd-phi-2015/

LIRE aussi notre critique des Symphonies de Brahms par N Harnoncourt
http://www.classiquenews.com/cd-coffret-nikolaus-harnoncourt-brahms-symphonies-1-2-3-4-concertos-pour-piano-1-et-2-1996-1999-5-cd-warner-classics/

LIRE aussi notre critique du coffret des Symphonies de Brahms par Riccardo Chailly / Leonidas Kavakos : http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-coffret-brahms-complete-orchestral-music-integrale-de-la-musique-pour-orchestre-riccardo-chailly-direction-gewandhaus-orchester-leipzig-7-cd-decca-2006-2014/

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LIVRE événement, critique. Formes, emplois et évolution du livret de ballet de la Renaissance à nos jours (collectif, éditions CLASSIQUES GARNIER)

critique Formes, emplois et eĚvolution du livret de ballet de la Renaissance aĚ€ nos jours (collectif, eĚditions CLASSIQUES GARNIER classiquenewsLIVRE Ă©vĂ©nement, critique. Formes, emplois et Ă©volution du livret de ballet de la Renaissance Ă  nos jours (collectif, Ă©ditions CLASSIQUES GARNIER) – Qu’est ce qu’un livret de ballet ? Est-il identique au livret d’opĂ©ra qui affirme le talent littĂ©raire (ou pas) de son concepteur ? Et d’ailleurs a-t-il au final la mĂŞme utilitĂ© : suivre l’action, comprendre les enjeux dramatiques, etc ? De mĂŞme le mouvement et les pas de danse peuvent-ils ĂŞtre transcrits sous la forme d’un texte qui en pilote les enjeux et la rĂ©alisation ? En rĂ©alitĂ© cet ouvrage fait suite au colloque « écrits pour le mouvement, Ă©crits en mouvement » qui s’est tenu Ă  la Sorbonne en avril 2017. A travers le vaste Ă©ventail chronologique ainsi Ă©voquĂ© – depuis les ballets de cour peu Ă  peu enrichis Ă  la Renaissance, jusqu’aux plus rĂ©centes performances, le livret vit sa vie, Ă©volue, se transforme, sert de multiples usages voire suit des stratĂ©gies spĂ©cifiques, servant autant hier, le mythe et le prestige monarchique qu’aujourd’hui, l’ambition unique du chorĂ©graphe, dĂ©miurge exposé… La diversitĂ© des contributeurs accrĂ©dite la pertinence des synthèses, textes, approches.

CLIC_macaron_2014On y goûte en particulier les propres mots ou la démarche des chorégraphes et danseurs contemporains : Marie-Geneviève Massé, Nicolas Leriche, Maguy Marin… mais aussi la conception historique qu’eut entre autres Pierre Gardel en 1790, lorsqu’il met en mouvement, en danse, le mythe de Psyché, après ses confrères et rivaux, Noverre et Dauberval… le livret en mettant en jeu la singularité artistique du chorégraphe, affirme de façon parfois polémique son auctorialité. Car sous le masque d’une créativité assumée, revendiquée c’est le statut même de l’art de la danse qui est visé ; la reconnaissance de sa suprématie poétique et expressive qui est mise en question. La danse peut-elle dire autant que la musique et le chant ? C’est son ambition comme discipline autonome et ses relations multiples avec les autres arts de la scène qui sont interrogés. La question reste ouverte d’autant que les champs des possibles, que laisse envisager l’art chorégraphique, paraissent désormais incalculables.

Collectif, Sous la direction de Cléren (Marie), Mounier-Vehier (Caroline), Soudy-Quazuguel (Laura), Torrent (Céline).
RĂ©sumĂ© de l’Editeur : “L’ouvrage Formes, emplois et Ă©volutions du livret de ballet de la Renaissance Ă  nos jours analyse le livret de ballet selon une perspective diachronique afin de dĂ©terminer les Ă©tapes de sa mĂ©tamorphose. Ă€ dessein Ă©clectique, il s’adresse autant aux spĂ©cialistes qu’aux amoureux de la danse et des mots.

LIVRE Ă©vĂ©nement, critique. Formes, emplois et Ă©volution du livret de ballet de la Renaissance Ă  nos jours – 268 pages – Parution: 17/11/2021 – Éditeur CLASSIQUES GARNIER – Collection: Rencontres, n° 521

SBN: 978-2-406-12002-5
ISSN: 2103-5636
DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-12004-9

INFOS et ACHAT sur le site de l’éditeur CLASSIQUES GARNIER :
https://classiques-garnier.com/formes-emplois-et-evolution-du-livret-de-ballet-de-la-renaissance-a-nos-jours.html

CD, critique. SAINT-SAĂ‹NS : Quatuors n°1 et 2 – Quatuor Tchalik (1 cd Alkonost classic)

CD, critique. SAINT-SAĂ‹NS : Quatuors n°1 et 2 – Quatuor Tchalik (1 cd Alkonost classic) – Poursuivant leur questionnement chambriste après les Quatuors de Reynaldo Hahn, les Tchalik, fraterie inspirĂ©e, en vĂ©ritĂ© dĂ©bordante d’intuition crĂ©ative, aborde Saint-SaĂ«ns, ses 2 Quatuors parvenus, partitions de pleine maturitĂ©, sĂ©parĂ©es de près de 2 dĂ©cennies, et dont l’acuitĂ© sensible rayonne Ă  travers le geste affĂ»tĂ©, Ă©loquent des 4 instrumentistes.

Saint_Saens_Quatuor_TchalikLe compositeur doué d’une rare habileté contrapuntique qui joue Haydn, Mozart et Beethoven (dont il transcrit pour le piano les derniers Quatuors), fait découvrir aussi Schumann au public parisien, sait renouveler le genre, alors dominé par les germaniques ; en cela il donne l’exemple, comme fondateur de la Société national de musique, créée en 1871, dont le dessein est l’essor de la musique de chambre « nationale » ; en découle l’écriture du n°1 en mi mineur opus 112 (lors d’un séjour de repos aux Canaries), dédié à Ysaÿe ; datée de 1899 (64 ans), à l’extrémité du siècle romantique, l’œuvre qui succède aux essais réussis de Franck (dès 1890), puis D’Indy, Chausson, Debussy, Magnard, qui sait son dernier Beethoven, privilégie nettement le violon I (Gabriel Tchalik); Saint-Saëns déploie une énergie perpétuelle, mordante, nerveuse, d’une infaillible vivacité, aux éclairs oniriques plus enivrants qu’apaisés, exaltés même dont les épisodes trouvent une pause heureuse (enfin) dans le Molto Adagio, intérieur et profond, et finalement éthéré (où règne la partie brillante du premier violon, claire révérence à la virtuosité expressive du dédicataire le violoniste Eugène Ysaÿe. Le Finale redouble d’ingéniosité fusionnant encore vitalité rythmique et ivresse mélodique, d’une fantaisie libérée enthousiasmante. Clarté des lignes architecturales, acuité de l’implication agissante, les 4 musiciens fusionnent et s’écoutent idéalement. Ils soulignent la modernité classique d’un Saint-Saëns, réalisateur exemplaire qui s’écarte du Franckisme, et trouve l’expression de ce nationalisme musical dans la synthèse de sa propre culture intime.

Les Tchalik jouent les 2 Quatuors de Saint-Saëns

Brillant ou concertant, le néoclassicisme énigmatique
de Saint-Saëns

Plus mĂ»r encore et surtout direct (Ă©cartĂ© de la « complexitĂ© inaccessible » du n°1), le n°2 en sol majeur opus 153, tĂ©moigne de la pertinence du compositeur mĂ»r, en 1918. La construction en 3 mouvements, d’une cohĂ©rence organique indĂ©niable (grâce Ă  une Ă©criture plus concertante), mĂŞle nombre de rĂ©fĂ©rences Ă  Franck, aux Viennois (Haydn dans le I). La profondeur suspendue et presque Ă©nigmatique de l’ample Adagio (Ă  la fois inquiet, langoureux, souvent Ă©nigmatique, dans l’esprit miroitant ineffable d’un Proust) contraste nettement avec la volontĂ© libĂ©rĂ©e du Finale, bouillonnant d’inventions Ă  la fois « diabolique et divine »… L’intelligence des interprètes Ă©claire le raffinement avec lequel Saint-SaĂ«ns quelques annĂ©es avant sa mort, Ă©blouit par une grâce « nĂ©oclassique », suractive, aussi nuancĂ©e et lettrĂ©e que son cadet Ravel – autre monstre sacrĂ© du genre. C’est dire. Merci aux Tchalik de rĂ©vĂ©ler avec le tempĂ©rament et le tact ce trĂ©sor mĂ©connu en un geste mesurĂ©, ciselĂ©, taillĂ© dans la suggestivitĂ© la plus subtile, celle de l’éloquence et du non -dit. CLIC_macaron_2014On reconnaĂ®t alors ce Saint-SaĂ«ns qui frappant comme Franck, l’imagination musicale de Proust, lui inspira la fameuse Sonate rĂŞvĂ©e, idĂ©ale, de Vinteuil. L’emblème dĂ©sormais d’un âge d’or français recouvrĂ©. Le Quatuor n°2 est une perle ainsi retrouvĂ©e, vive, intacte, d’une exceptionnelle Ă©loquence secrète – d’une activitĂ© souple et diaphane, d’autant plus opportune pour l’annĂ©e Saint-SaĂ«ns (qui s’achève ainsi de bien belle manière). Voici l’enregistrement le plus convaincant de cette annĂ©e Saint-SaĂ«ns avec l’intĂ©grale des Symphonies par le National de France et Cristian Macelaru. Le CLIC Ă©videmment !

CD, critique. SAINT-SAĂ‹NS : Quatuors n°1 et 2 – Quatuor Tchalik (1 cd Alkonost classic : ALK007 – 56mn – enregistrĂ© en janvier 2021) - CLIC de CLASSIQUENEWS

CD, coffret événement, critique. MUSICA IMPERIALIS / Martin Haselböck (14 cd Aparté)

musica imperialis leopold I martin haselbock wiener akademie cd review critique classiquenewsCD, coffret Ă©vĂ©nement, critique. MUSICA IMPERIALIS / Martin Haselböck (14 cd ApartĂ© 1989 – 1999) – Fondateur de son propre ensemble sur instruments historiques, Orchester Wiener Akademie (1985), l’organiste viennois Martin Haselböck (nĂ© en 1954) fĂŞte dans ce coffret de 14 cd, tout un parcours dĂ©diĂ© aux musiques baroques impĂ©riales, celle des compositeurs ayant Ă©crit pour la Cour impĂ©riale des Habsbourg (de Kerll Ă  Mozart et Salieri…), celle aussi plus rarement jouĂ©e mais non moins intĂ©ressante, des empereurs eux mĂŞmes, dont le plus mĂ©lomane d’entre eux demeure Leopold Ier (1640 – 1705 : rival de Louis XIV et souverain artiste comme le Français), sans omettre son père Ferdinand III (Hymnes)… ni son fils et successeur, Joseph Ier (1678 – 1711: cantate « Regina coeli »). Martin Haselböck Ă©claire les dons de composition des empereurs Habsbourg, fait unique dans l’histoire de la musique. De Leopold Ier, le fondateur de l’Orchester Wiener Akademie restitue plusieurs partitions dont Motets, Psaumes, Lectiones / Nocturni…

HOMMAGE AUX EMPEREURS HABSBOURG
Leopold-Ier-empereur-habsbourgLes empereurs Habsbourg (portrait de Leopold Ier ci contre) furent des italophiles passionnĂ©s, amoureux des voix, mais aussi de l’écriture des compositeurs Ă©trangers surtout napolitains, opĂ©ras et oratorios, messes et requiems ; ainsi… Porpora, maĂ®tre des castrats (napolitains) Farinelli et Cafarelli ; (Haselböck dirige ici son oratorio Il Gedeone de 1737, dans version très convaincante avec Kai Wessel dans le rĂ´le-titre). Leopold Ier est fascinĂ© pour le genre oratorio qui Ă  Vienne produit une forme particulière, le « Sepolcro », Ă©vocation de la mise au tombeau du Christ, interrogation sur le mystère de la mort et de la RĂ©surrection Ă  travers les airs de ceux qui en sont tĂ©moins, Ă  la manière d’une conversation sacrĂ©e… soit une colelction d’airs pour solistes dont la sensibilitĂ© annonce dĂ©jĂ  l’Empfinsamkeit. Soulignons ainsi Fux (compositeur officiel de Leopold Ier dès 1698) dont l’œuvre est ici particulièrement prĂ©sente (3 cd lui sont dĂ©diĂ©s prĂ©sentant plusieurs piliers de son Ĺ“uvre sacrĂ©e : Missa Corporis Christi, la sublime Deposizione della Croce (vers 1728 avec une distribution remarquable dont Dorotea Röschman, Soile Isokoski, Franz Joseph-Selig… ), Il Fonte della Salute (enregistrĂ© en 1999), sans omettre plusieurs motets. CĂ©lèbre pour son traitĂ© contrapuntique Gradus ad Parnassum (1725, dĂ©diĂ© Ă  Charles VI), Fux mort en 1741, illumine la première moitiĂ© du XVIIIè par son Ă©lĂ©gance, le raffinement et la complexitĂ© de l’écriture qui sert l’intensitĂ© dramatique. En somme un rival digne de Haendel. Le coffret comprend aussi plusieurs Ĺ“uvres de Mozart (Messe du couronnement, Ĺ“uvres pour orgue – par Martin Haselböck lui-mĂŞme- ; la rare Missa Solemnis), de Salieri (le court et pompeux Te Deum de 1790) et aussi les Ĺ“uvres viennoises de Biber, Poglietti, Schmelzer (cd 1, intitulĂ© « Battaglia und Balletto / Bataille et ballet »). Le corpus offre une approche originale et reprĂ©sentative de la musique sacrĂ©e impĂ©riale telle qu’elle Ă©tait apprĂ©ciĂ©e Ă  Vienne au XVIIè et XVIIIè.
CLIC_macaron_2014Le cycle de partitions réunies ici, est réédité en version limitée et remasterisée (24 bit / 96 kHz). Avec ce coffret « Musica Imperialis », le label APARTÉ inaugure sa collection intitulée « Resound », une sélection d’interprétations réalisées dans le lieu historique où chaque œuvre a été créée.

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CD, coffret événement, critique. MUSICA IMPERIALIS / Martin Haselböck (14 cd Aparté)

CD1 Baroque Music from Vienna
CD2 Joseph I, Ferdinand III, Leopold I: Sacred Works
CD3 Leopold I: Sacred Works
CD4 Johann Kaspar Kerll: Organ Works
CD5 Johann Joseph Fux: Missa corporis Christi
CD6-7 Johann Joseph Fux: La Deposizione dalla croce
CD8-9 Johann Joseph Fux: Il Fonte della salute
CD10-11 Nicola Porpora Il Gedeone
CD12 Mozart: Coronation Mass Novalis
CD13 Mozart: Organ Works
CD14 Mozart: Missa Solemnis · Salieri: Te Deum
https://www.apartemusic.com/produit/musica-imperialis/
Enregistrements 1989 – 1999

VIDEO : Martin Haselböck
RESOUND – Beethoven “Eroica” – Orchester Wiener Akademie – Martin Haselböck (intĂ©grale 52:42 mn)
https://www.youtube.com/watch?v=0WzsRVQQFmY

Plus d’infos sur le site de la Wiener Akademie / Martin Haselböck :
https://www.wienerakademie.at/resound

LIVRE événement, critique. Frédéric Gagneux : André Suarès et le wagnérisme (Editions Classiques Garnier, nov 2021).

Wagner suares fred gagneux critique livre classique garnier critique par classiquenewsLIVRE Ă©vĂ©nement, critique. FrĂ©dĂ©ric Gagneux : AndrĂ© Suarès et le wagnĂ©risme (Editions Classiques Garnier, nov 2021). Suarès et Wagner, c’est l’équation littĂ©raire (et musicale, prĂ©cisĂ©ment opĂ©ratique) qui ne cesse de fasciner par son rapport lui-mĂŞme obsessionnel, entre l’admirateur et le sujet de son enthousiasme. Le jeune AndrĂ© Suarès (1868 – 1948) contemporain de Claudel, et surtout Romain Rolland, son ami avec lequel il partage une sensibilitĂ© exceptionnelle comme mĂ©lomane pianiste, s’ingĂ©nie Ă  « expliquer » le mystère Wagner. Tout au long de sa vie, il n’a cessĂ© de questionner le drame wagnĂ©rien sans jamais Ă©puiser sa cohĂ©rence… Son Ĺ“uvre littĂ©raire, poĂ©tique, dramaturgique, théâtrale entre en rĂ©sonance avec l’auteur de Parsifal auquel il consacre un essai : Wagner (1899) qui pourrait ĂŞtre considĂ©rĂ© comme la somme vĂ©cue en miroir du wagnĂ©risme en France, particulièrement vivace depuis les annĂ©es 1880.
L’intérêt du regard de Suarès sur Wagner découle d’une connaissance profonde, intime de chaque livret rédigé par Wagner pour ses opéras, comme l’écrivain pianiste joue pour lui-même toutes les partitions wagnériennes. L’écrivain Suarès questionne le poète et dramaturge Wagner. Tout en suivant un cheminement traversé de doutes, surgit la lumière de la compassion telle qu’elle irradie dans Parsifal… Tout cela Suarès dès ses jeunes années de formation à l’époque de la Revue wagnérienne et des premiers concerts wagnériens à Paris (début des année 1880), l’entend, le mesure, l’absorbe.
L’analyse de Frédéric Gagneux brosse le panorama des pistes et commentaires du wagnérien le plus pertinent en France, jusqu’à son essai de 1899. La diversité et la profondeur des écrits sur Wagner, mis en regard avec ses autres textes littéraires (poésies, romans, théâtre…) affirme la sensibilité et la justesse du jeune écrivain marseillais alors en quête de lui-même.

Après une riche introduction et un bilan de la recherche suarésienne, l’auteur développe 6 grandes parties : le contexte wagnérien des années parisiennes (I ; dont une très pertinente évocation des articles de la Revue Wagnérienne et son influence sur les symbolistes) ; les projets artistiques (II : sous le signe de Wagner et de Mallarmé, présentation des œuvres de Suarès tels que Psyché Martyre, Lylian, Airs, Images de la grandeur…) ; les projets dramatiques (III : Suarès sous influence de Wagner… et de Villiers de l’Isle Adam, L’île d’amour, Thulé, l’Atlantide ; sans omettre les drames sur le Christ, dans le sillon du Parsifal wagnérien) ; textes narratifs et projets romanesques (IV : Primavera, Voici l’homme…) ; textes théoriques et projets métaphoriques (V : La nuit mystique de Marseille…) ; enfin une ultime partie évidemment synthétique de toute la période évoquée, dédiée à l’essai de 1899 : Wagner, lequel sonne comme une borne synthétique (VI :

CLIC D'OR macaron 200On y relève les ferments d’une âme artistique fécondée par l’œuvre wagnérienne, comme la musique est fécondée par la poésie… Il en découle tout un monde à la psyché fertile, suractive qui pose les bonnes questions s’agissant de l’amour, du poison insidieux du désir et de la malédiction, du salut,… jusqu’à l’avènement d’un nouveau monde où la beauté et l’art ont supplanté la vénalité, la violence sadique, l’exploitation et l’argent, ainsi que Wagner en a rédigé le projet et le vœu dans ses écrits révolutionnaires. Ce questionnement attise la question de Suarès sur l’art, le sens de ses propres œuvres, la place de l’artiste dans la société, ce qu’il doit surtout réaliser en son nom propre.
Il en découle un sentiment fort de dépassement qui s’exalte à l’écoute et à la lecture de Wagner, le Marseillais souhaitant édifier sa propre constellation littéraire, rythmée comme l’est la partition de son modèle ; ainsi se précisera une œuvre mûre, d’essence spirituelle, plus poétique que réellement théâtrale, où toujours se pose comme l’expression de l’idéal, la musicalité intime du texte.

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LIVRE Ă©vĂ©nement, critique. FrĂ©dĂ©ric Gagneux : AndrĂ© Suarès et le wagnĂ©risme – 543 pages / parution: 10/11/2021 / Collection Classiques Jaunes, n° 720 / SĂ©rie: Essais, n° 22 (Editeur : CLASSIQUES GARNIER) :
https://classiques-garnier.com/andre-suares-et-le-wagnerisme-1.html

Orchestre Symphonique d’OrlĂ©ans. Concert de NoĂ«l, les 18 et 19 dĂ©c 2021

concert-de-noel-orchestre-symphonique-de-noel-marius-stieghorst-concert-annonce-classiquenewsORLEANS. Orch Symphonique d’Orléans, les 18 et 19 déc 2021. CONCERT DE NOËL ! Comme chaque année, l’Orchestre Symphonique d’Orléans retrouve le Chœur Symphonique du Conservatoire d’Orléans pour célébrer Noël en musique. Marius Stieghorst et Élisabeth Renault, chefs respectifs des deux ensembles, ont élaboré un programme joyeux et festif grâce à l’engagement de tous les musiciens et aussi grâce à la présence du timbre éclatant de la trompette, instrument céleste, des anges… ici incarné par le soliste Vincent Mitterrand, trompette solo de l’Orchestre Symphonique d’Orléans depuis de nombreuses années. Dans l’écrin acoustique de l’Église Saint-Pierre du Martroi, musiciens et choristes font résonner les chefs-d’œuvre des plus grands compositeurs baroques : de Vivaldi (Credo) à JS Bach (Herr nun lässet), de Buxtehude (Magnificat) à l’irrésistible Concerto pour la nuit de Noël de l’Archange Corelli, génie de la musique romaine du XVIIè.

BIO express… Vincent Mitterrand débute la trompette au CRD d’Orléans avec Jean-Paul Leroy. Il obtient ensuite un 1er Prix du CNSMD de Paris et crée le quintette 1084°C. Trompettiste titulaire de l’Orchestre Symphonique Région Centre-Tours et de l’Orchestre Lamoureux. Il a également joué plusieurs années avec la troupe d’opérette Les Brigands. Il est actuellement Professeur au CRD d’Orléans et trompette solo de l’Orchestre Symphonique d’Orléans depuis 2015

CONCERT DE NOËL
samedi 18 dĂ©cembre 2021 – 20h30
dimanche 19 dĂ©cembre 2021 – 16h
ORLÉANS, Église Saint Pierre du Martroi

RÉSERVEZ VOS PLACES ici directement sur le site de l’Orchestre Symphonique d’Orléans :
http://www.orchestre-orleans.com/concert/concert-de-noel-2021/

Plein tarif : 27€
Tarif réduit : 24€
Moins de 26 ans : 12€

Concert de Noël

Orchestre Symphonique d’Orléans
Chœur Symphonique du Conservatoire d’Orléans
Cheffe de chœur : Élisabeth Renault
Trompette : Vincent Mitterrand
Violon solo : Pauline Dhuisme

VIVALDI – Credo
BACH – Herr nun lässet
BUXTEHUDE – Magnificat
TELEMANN – Concerto pour trompette
CORELLI – Concerto pour la nuit de Noël
HAENDEL – extraits du Messie

Ce concert ne fait pas partie de l’abonnement.
Réservation et vente auprès du Bureau de l’Orchestre 6 rue Pothier 45000 Orléans du mardi 30 novembre au vendredi 17 décembre, du mardi au samedi de 13h à 17h

CD Ă©vĂ©nement, critique. CALL OF BEAUTY : Bacri, Charles, Beffa, Farjot, Calmel (Julien Chabod, clarinette / Pierre RĂ©mondière, cor / Julien Gernay, piano – 1 cd Klarthe records – 2020)

Call-of-beauty-couverture-magazine-582-KLA103couv_lowCD Ă©vĂ©nement, critique. CALL OF BEAUTY : Bacri, Charles, Beffa, Farjot, Calmel (Julien Chabod, clarinette / Pierre RĂ©mondière, cor / Julien Gernay, piano – 1 cd Klarthe records – 2020) – 3 instrumentistes associent leur timbre rare, subtilement articulĂ©s pour 5 signatures contemporaines et un voyage onirique et divers, au cĹ“ur d’une « beautĂ© sonore », conçue comme un appel Ă  dĂ©passer la crise sanitaire, sociĂ©tale et culturelle que nous subissons toujours. Clarinette, cor et piano s’engagent ainsi en terres inĂ©dites Ă©crites par Nicolas Bacri, Jean-Jacques Charles, Karol Beffa, Johan Farjot, Olivier Calmel… Les 5 compositeurs contemporains forment ainsi un quintette crĂ©atif des plus inspirants visiblement ; respectivement, le Trio Lirico de Bacri tisse un contrepoint expressif voire Ă©ruptif aux incidences fragmentĂ©es ; les Points cardinaux de Charles (4 mouvements) diffusent une brume poĂ©tique plus douce voire tendre oĂą brille le veloutĂ© swinguĂ© de la clarinette (IV) ; Les Ombres errantes de Beffa (3 sections), claire rĂ©fĂ©rence au Baroque Français (pièces pour clavecin de François Couperin), s’immisce dans plis et replis d’une lenteur parfois inquiĂ©tante, toujours mystĂ©rieuse, telle une grisaille miroitante d’une liquiditĂ© interrogative qui n’écarte pas les visions horrifiques…

 

 

 

Julien Chabod, clarinette / Pierre Rémondière, cor / Julien Gernay, piano

Effervescence heureuse de 3 instrumentistes inspirés

 

 

 

Enfin, Menaces de l’arc de Farjot fusionne hédonisme sonore et dramatisme régénéré, en une série de danses caressantes ; quand A thing of beauty de Calmel prend le titre et l’esprit du programme au pied de la lettre, et assume un lyrisme attendri des plus rythmés voire joyeux, au diapason d’un auteur généreux et déterminé.
CLIC_macaron_2014Du début à la fin de ce programme délectable, le dialogue et l’alliance des timbres (surtout cor / clarinette) relèvent d’une orfèvrerie millimétrée, scintillante : un vrai bonheur auditif. Le programme est une effervescence heureuse, sublimée par le sens du partage et de l’écoute optimale, ciselée à 3 instruments, magnifiquement associés. Preuve que la musique contemporaine n’a rien d’abrupt ni ne relève d’aucune abstraction inaccessible. Bien au contraire. Les artistes, compositeurs et interprètes ont su tirer bénéfice des confinements contraints pour approfondir encore et élargir davantage leurs champs sensibles. Les instrumentistes réussissent leur défi, en exprimant au plus juste, la vérité changeante (parfois trouble) des 5 compositeurs joués. Un régal contemporain, d’autant plus opportun en contexte covidien. CLIC de CLASSIQUENEWS.

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CD Ă©vĂ©nement, critique. CALL OF BEAUTY : Bacri, Charles, Beffa, Farjot, Calmel (Julien Chabod, clarinette / Pierre RĂ©mondière, cor / Julien Gernay, piano – 1 cd Klarthe records :
https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/call-of-beauty-detail
10 airs – 56 mn. – CLIC de CLASSIQUENEWS automne 2021.
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Ecouter Les ombres errantes (Lent) :
https://youtu.be/SY63ALnfihY

 

 

 

Ecouter Menaces de l’Arc :
https://youtu.be/9KdX4duujRA

 

 

 

CALL OF BEAUTY / Klarthe records sur SPOTIFY
https://open.spotify.com/album/0saAAFl5A2xb8glCN6jYJR?go=1&sp_cid=7d4337308df8aa1e8767db2b23b93521&utm_source=embed_player_m&utm_medium=desktop&nd=1

 

 

 

 

 

 

CD événement. BRUCKNER : Symphonie n°8 (Wiener Philharmoniker, Christian Thielemann, 1 cd SONY classical)

CD Ă©vĂ©nement. BRUCKNER : Symphonie n°8 (Wiener Philharmoniker, Christian Thielemann, 1 cd SONY classical)bruckner 8 symphony review critique thielemann wiener philharmoniker classiquenews review critique cdAu cĹ“ur de cette symphonie testament, aux dimensions impressionnantes, – la plus monumentale en rĂ©alitĂ© de tout le corpus brucknĂ©rien, avec pour sommet, le finale, ample Ă©difice aux allures de cathĂ©drale symphonique, se dresse aussi la solennitĂ© sensuelle de l’Adagio, lui aussi dĂ©veloppĂ© (290 mesures !) qui Ă©largit la rĂ©sonance des tubas et des cordes (traitĂ©es en vastes chorals) auquel l’appel final est Ă©noncĂ© par le cor dans le rĂ© bĂ©mol le plus serein, rassĂ©rĂ©nĂ©.
Peut-être certains instrumentistes dans les rangs du Philharmonique de Vienne, se souviennent du temps (1996) où ils étaient dirigés dans cette même œuvre par Pierre Boulez et dans l’église de Saint-Florian à Linz, là même où Bruckner tenait l’orgue ? La tradition brucknérienne remonte à loin et explique ce naturel sonore propre aux viennois, cet éclat organique et l’allant de la transparence dans la texture si riche de l’orchestre de Bruckner.

Ampleur et détails de l’architecture brucknérienne

Le plus wagnérien des mouvements (le sublime Adagio) qui ouvre des portes paradisiaques (le cor solo d’une envoûtante prière extatique) permet de mesurer le pas franchi avec les symphonies précédentes (3, 4 également jouées et enregistrées par Thielemann) : dans la 8è, Bruckner semble avoir trouvé un point d’équilibre et même de fusion, entre la forme monumentale, ses tutti aux cuivres spectaculaires, et les séquences d’ivresse chambriste (cordes et bois), réussissant désormais en un flux pacifié continu, les passages entre les épisodes, effaçant désormais l’opposition un rien systématisée auparavant entre les pupitres, dessinés comme des blocs confrontés : ainsi la vision du symphoniste a gommé les systématismes du compositeur-organiste. Dans l’Adagio, ample souffle symphonique qui exhale des ondes sonores progressives, s’accomplit même une partition, au delà de la démesure de l’orchestration, qui frappe par sa volupté naturelle. Dans la révélation divine et la célébration de la Nature, Bruckner s’autorise une sensualité mystique, nouvellement incarnée (la harpe céleste en étant l’étendard fameux). Quel brillant contraste avec le Scherzo, plus terrien voire rustique, d’une évidente évocation pastorale (là encore la résonance associé harpe et cor) et qui dans l’esprit de Bruckner, ailleurs plus mystique (« rempli de Dieu »), affirme le lien du paysan typiquement autrichien, « Michel », archétype proclamé tel, indéfectiblement attaché à sa terre.

Immersion dans la grandeur qui à force d’énoncé ne peut se rendre digeste sans une particulière attention au détail des timbres, et aussi à la transparence du son ; En cela le geste et la conception de Thielemann accomplit un équilibre séducteur et dramatique ; le chef qui connaît son Wagner comme son Bruckner, déploie un hédonisme subtil qui à force d’alchimie minutieuse, accomplit une manière de métamorphose sonore grâce aux alliages instrumentaux opérés par Bruckner ; ce souci du détail et de la couleur orchestrale rehausse encore l’intérêt de sa lecture ; d’ailleurs en cela l’Adagio est de tous les mouvements celui qui annonce le plus directement la réflexion de Mahler sur l’écriture orchestrale. Comme une pause méditative pourtant hyperactive, comme les mouvements plus contrastés et conflictuels qui l’encadrent.
CLIC_macaron_2014Dans la cohérence quasi organique opérée par la gestique du chef, se réalise aussi ce que Boulez certes analytique a réussi : une manière de grand déhanché chorégraphique où les cors invitent la mer des cordes (effectif dépassé par Mahler ensuite) et déroulent leur somptueux ruban émerveillé, délivré comme la réponse au rébus. Christian Thielemann fusionne idéalement avec les Wiener, offrant ainsi une lecture de la 8è dans la version Nowak, particulièrement pensée et élaborée. L’unité du propos malgré sa grandeur, la sincérité de l’intonation, entre mysticisme et sensualité, divin et terrestre réalisent ici une nouvelle réussite totale pour les Viennois et le chef. A suivre.

CD Ă©vĂ©nement. BRUCKNER : Symphonie n°8 (Wiener Philharmoniker, Christian Thielemann, 1 cd SONY classical) – CLIC de CLASSIQUENEWS

CD, critique. PAULINE VIARDOT, mélodies. Stéphanie d’Oustrac, mezzo-soprano / Françoise Tillard, piano (1 cd Le chant de Linos, 2021)

pauline-viardot-melodies-stephanie-doustrac-critique-cd-opera-classiquenews-dossier-noel-2021CD, critique. PAULINE VIARDOT, mĂ©lodies. StĂ©phanie d’Oustrac, mezzo-soprano / Françoise Tillard, piano (1 cd Le chant de Linos, 2021) – Fabuleuse contralto Pauline Garcia-Viardot (1821-1910) aujourd’hui fĂŞtĂ©e ; cette annĂ©e anniversaire (bicentenaire de sa naissance) met ainsi l’accent sur l’interprète comme la compositrice.
A la fin des années 1830, après la mort tragique de sa sœur ainée, diva légendaire (Maria Malibran), Pauline s’affirme sur la scène lyrique parisienne (Théâtre-Italien). La cantatrice inspire les compositeurs (Berlioz), mais aussi les écrivains comme Sand qui écrit de sportraits déguisés de son amie dans Consuelo (1843), La Comtesse de Rudolstadt (1844).
Superbe révélation, ce programme qui souligne le génie de la compositrice, mélodiste et diseuse de premier plan. A l’appui de la journée Pauline Viardot à l’Opéra Comique (6 oct 2021), l’inspiration de Pauline Viardot est enfin réestimée à travers ces 18 mélodies qui s’étendant de 1843 à 1904, imposent un tempérament mélodique et linguistique indiscutable en français, italien, espagnol, russe… L’élève de Reicha et de Liszt se montre digne de ses mentors. La diversité des écritures poétiques (Racine, La Fontaine, Victor Hugo / Pouchkine / Moericke détermine à chaque séquence un caractère vocal spécifique… que le mezzo chaud et articulé de Stéphanie d’Oustrac aime colorer, nuancer, polir avec un goût très sûr.
La babylone mélodique qui surgit dans cette pluralité des esthétiques et des cultures ressuscite évidement la Viardot polyglotte, animant à Paris, un salon fameux et raffiné qui concentre les pointures artistiques de l’heure (Sand, Chopin, Liszt, Berlioz, Gounod, Lehman et Delacroix…)

CLIC D'OR macaron 200Racinienne et donc tragédienne, D’Oustrac / Viardot éblouissent par leur verve dramatique (Scène d’Hermione, 1887), leur puissance ciselée qui évoquent l’intensité de l’opéra et le talent de l’actrice romantique ayant chanté pour Berlioz, sa propre version de l’Orphée de Gluck ; Sapho de Gounod, Desdémone de l’Otello de Rossini, sans omettre Fidès dans Le Prophète de Meyerbeer… Son Andromaque a la dignité d’une souveraine antique (sans le glacial tendu du marbre) ; même réussite pour la scène de Phèdre (1887), âme tragique, fière et rongée par l’amour coupable (incestueux) qui la dévore de l’intérieur.
Berlioz la destinait au chœur, Viardot la sculpte pour la voix seule et le piano : ainsi les langueurs (orientales, à la manière de Delacroix et de Chassériau : « si j’étais sultane… ») de Sara la baigneuse (les Orientales de V. Hugo) ; plus caractérisées encore les mélodies russes (1866) composent tout un pan inédit particulièrement séduisant sur les textes de Koltsov, Tourgueniev, Pouchkine ; même enthousiasme pour les mélodies ibériques qui se colorent d’un tempérament renouvelé, direct, proche du texte. Joueuse, D’Oustrac se délecte à varier la couleur de son timbre selon le personnage de La Fontaine (Le Savetier et le financier) ; tandis que le lied « Nixe Binsenfuss » (Moerike) affirme l’intelligence de l’interprète capable d’une vie intérieure marquée par l’urgence et l’humour insolent. La collection d’airs ainsi révélés appelle d’autres révélations souhaitons-le, tels les pièces comiques sur des livrets de Tourgueniev dont la présence a tant compté pour la diva-compositrice. N’omettons pas de souligner la sensibilité du piano de Viardot, contre champs / chant d’une fabuleuse activité (et qui rappelle que la cantatrice fut l’élève au piano de Liszt et de Chopin). L’enregistrement exploite excellemment l’exceptionnel piano de Stephan Paulello : aux harmonies riches, à la longueur de son… orchestrale.

CD, critique. PAULINE VIARDOT, mélodies. Stéphanie d’Oustrac, mezzo-soprano / Françoise Tillard, piano (1 cd Le chant de Linos, 2021)

CD, critique. BRUCKNER : Symphonie n°3 « Wagner » WAB 103. Wiener Philharmoniker, C Thielemann (2020, 1 cd SONY classical)

bruckner 3 thielemann christophCD, critique. BRUCKNER : Symphonie n°3 « Wagner » WAB 103. Wiener Philharmoniker, C Thielemann (2020, 1 cd SONY classical). Dans la version Nowak de 1877, Bruckner livre en rĂ©alitĂ© sa seconde mouture de la rĂ© mineur. Scherzo dĂ©veloppĂ© dans sa partie finale, – coda plus spectaculaire (au diapason de la dĂ©mesure du Moderato con moto, d’ouverture, rĂ©ellement impressionnant voire colossal, ou du dernier tutti final qui fait rĂ©sonner la clameur cosmique); d’emblĂ©e, comme dans la 4è qui appartient Ă  la mĂŞme intĂ©grale en cours, Thielemann trouve un Ă©quilibre idĂ©al entre l’architecture pharaonique des tutti, gorgĂ©s de vibrations chtoniennes (trombones par 3, cors par 4, trompettes par 2) qui terrassent par l’ampleur du souffle, d’une part ; et les sĂ©quences plus « pastorales » comme Ă©thĂ©rĂ©es oĂą brillent la couleur et les accents plus intimes des bois, d’autre part. L’opulence du geste qui sait ĂŞtre aussi intime (prĂ©figurant les seconds chants de Mahler), cisèle une matière sonore particulièrement transparente malgrĂ© l’apparente Ă©paisseur de l’écriture ; ce qui distingue la version Thielemann, des autres chefs, : sa brillance et sa clartĂ© dĂ©taillĂ©e. La ferveur sincère de Bruckner le croyant convoque l’esprit du cosmos, la grandeur divine, grâce Ă  une orchestre tellurique capable de marteler l’espace Ă  grands coups Ă©ruptifs. Sans jamais ĂŞtre sec, le chef parvient nĂ©anmoins Ă  construire autour du portique monumental, tout un monde scintillant et vibrant. MĂŞme respiration profonde dans l’Adagio, Ă©noncĂ© comme un nocturne apaisĂ© dont l’élan et l’aspiration vers les cimes se font prière mystĂ©rieuse. Le Scherzo, le plus remaniĂ© (Ă©tendu) dans la 2è version, frappe par sa coupe martiale, tellurique Ă  laquelle rĂ©pond la valse enivrĂ©e des cordes ; dans ce contraste de deux directions / dimensions contraires, s’affirment toujours le souffle du cosmos, la conscience d’un destin plus impressionnant, voire inquiĂ©tant. Le « trio » sĂ©duit par sa prĂ©cision rythmique dans laquelle Thielemann fait danser chaque timbre sur les cordes presque insouciantes… avant que Bruckner n’énonce Ă  nouveau le portique guerrier en une marche encore plus dĂ©terminĂ©e ; la sĂ©quence alternĂ©e, opposant 2 mondes lĂ  encore est prodigieuse de clartĂ© et de dĂ©tail.

CLIC_macaron_2014Enfin le dernier mouvement (Finale / Allegro) sculpte l’opposition des blocs avec une grande fermeté organique ; Thieleman creuse l’effet des contrastes entre la polka des cordes (énoncée presque ironiquement) et pourtant avec une tendresse manifeste, et le choral (cors et trombones d’une somptueuse rondeur) assourdissant qui rappelle peines et blessures, morsures répétées d’un destin insensible. Visions terrifiantes, vertigineuses ; séquences dansantes plus insouciantes ; ondes plus souterraines et proprement mystérieuses (en particulier dans le dernier mouvement), orchestration wagnérienne d’une piété riche en secousses et doutes, Thielemann aborde la 3è avec une cohérence détaillée, idéalement expressive : il parvient à exprimer la pluralité du Bruckner croyant. La réussite est totale, comme sa version de la symphonie n°4 plus récente. Le travail du chef avec les Wiener Philharmoniker s’avère passionnant. Intégrale à suivre.

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CD, critique. BRUCKNER : Symphonie n°3 « Wagner » WAB 103. Wiener Philharmoniker, C Thielemann (2020, 1 cd SONY classical)

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LIRE aussi notre critique de la Symphonie n°4 de Bruckner par Thielemann / Wiener Philharmoniker – CLIC de CLASSIQUENEWS :
http://www.classiquenews.com/cd-evenement-critique-bruckner-symphonie-n4-wab-104-edition-haas-thielemann-wiener-philh-2020-salzbourg-1-cd-sony/
Voilà déjà le 3è volume d’une future intégrale Bruckner par Christian Thielemann, à la tête des Wiener Philharmoniker. L’orchestre autrichien semble comprendre naturellement l’écriture brucknérienne puisqu’il la joue depuis 1873 : une continuité et une histoire qui explique d’évidentes affinités. La 4è, créée en 1881, est un sommet entre puissance, spiritualité et tendresse pastorale.

200 ans de CĂ©sar Franck : 1822 – 2022, dossier pour le bicentenaire CĂ©sar Franck

Stradella de CĂ©sar Franck Ă  l'OpĂ©ra royal de Wallonie, 19-29 septembre 2012BICENTENAIRE CESAR FRANCK 1822 – 2022  –  2022 marque les 200 ans de la naissance de CĂ©sar Franck, compositeur nĂ© Ă  Liège (le 10 dĂ©cembre 1822) mais français de coeur et qui marqua dĂ©finitivement la musique hexagonale Ă  l’époque du wagnĂ©risme. Les historiens et musicologues ont rĂ©duit l’image du crĂ©ateur Ă  un organiste mystique, pĂ©dagogue fervent, apportant Ă  chaque genre musical, une manière de modèle irrĂ©futable : le Quatuor, la Sonate, Ă©videmment la Symphonie (chez lui en rĂ© mineur, dĂ©veloppĂ©e de façon organique selon le principe cyclique). En vĂ©ritĂ© Franck et le franckisme – car l’époque est aux courant constituĂ©s, communautarisĂ©s dirions nous aujourd’hui-, dĂ©fend une manière de classicisme moderne : il fait partie des membres fondateurs de la SociĂ©tĂ© nationale de musique, fondĂ©e après le choc de 1870 pour favoriser l’éclosion des compositeurs français (et qu’il dirige en 1886). Ses disciples militent pour son art dĂ©sormais irrĂ©futable et admirable : Chausson, d’Indy, Vierne, Ropartz, Tournemire, BrĂ©ville… sans omettre Mel Bonis et Augusta Holmès dont on ferait bien de redĂ©couvrir la singularitĂ© captivante.
Aux côtés de son œuvre symphonique, passionnante à plus d’un titre, aux côtés de son travail au clavier (piano et orgue), il reste de nombreux pans à réévaluer à la faveur des nombreuses commémorations annoncées entre Liège et Paris en 2022 : en particulier ses partitions pour la voix, révélant un goût pour l’art lyrique comme en témoignent ses mélodies, ses oratorios (Béatitudes), ses opéras (4 au total : Stradella, Le valet de ferme, Hulda, Ghiselle, ce dernier laissé inachevé, terminé par ses élèves, Chausson, D’Indy, Bréville, Rousseau en hommage à leur « Père » décédé le 8 nov 1890 à Paris).

 

 

 

 

Né liégeois, parisien dès 13 ans (1835)
Après avoir rejoint Reicha son premier maître à Paris, Franck s’affirme tel un jeune virtuose et suit les classes du Conservatoire : Zimmermann (paino), Berton (composition), Leborne (contrepoint), Benoist (orgue)… Mais à 20 ans, le jeune prodige doit obéir au père qui entend exploiter en Belgique, les performances de son fils (1842). Franck rompt les liens avec sa famille et retourne à Paris dès 1845, comme organiste et professeur. L’organsite virtuose marque les esprits ; Il devient titulaire de plusieurs églises parisiennes : ND de Lorette (1847), St-Jean-St-François du Marais (1851), Sainte-Clotilde (1859 à 37 ans, disposant d’un Cavaillé-Coll flambant neuf),… partout ses talents d’improvisateur, subjugue. C’est le Liszt de l’orgue.
Professeur d’orgue au Conservatoire en 1871, Franck diffuse un enseignement qui semble poser les fondements de la modernité française.

 

 

 

 

UNE IMAGINATION FÉCONDE ÉGALE A CELLE DE WAGNER… . Comme Wagner, dont il propose une alternative solide, Franck signe des formules musicales qui lui sont spĂ©cifiques : grilles harmoniques et rythmiques (en particulier, alternance syncopĂ©e noire / blanche / noire) dĂ©sormais emblĂ©matiques, prĂ©sentes dans toutes ses Ĺ“uvres. Comme l’auteur de Parsifal, Franck renforce aussi Ă  la fois la structure signifiante et l’unitĂ© organique de ses partitions grâce au principe cyclique, rĂ©exposition d’un thème semblable (« fondateur »).
Si Wagner illustre et renouvelle l’opéra, selon sa théorie de l’œuvre totale, Franck papillonne de formes en genres divers : s’intéressant a contrario du germanique, à la musique de chambre, au piano, à l’orgue et aussi à l’écriture symphonique pure. Dans l’orchestre, Franck organiste colore la texture et les timbres de sa propre expérience sur les Cavaillé-Coll de son époque, suscitant chez ses détracteurs, un reproche d’épaisseur et de densité qui se manifestent en vérité selon les interprètes.

 

 

 

 

L’écriture franckiste : une constellation de nuances à redécouvrir…
Ce qui frappe chez Franck, c’est l’équation idĂ©ale : expression et combinaison, la forme Ă©tant servante du sens. La signature musicale de Franck, – espace et terreau oĂą devraient s’inscrire les prochaines rĂ©alisations passionnantes, demeure glissements chromatiques, raffinement harmonique qui Ă©tablit des marches successives (Ă  l’image de sa conception souvent spirituelle de son art), scintillement des timbres, rĂ©sonance grave des bois, unisson Ă©thĂ©rĂ© des cordes, … La palette expressive franckiste offre une constellation de nuances (au cĹ“ur de la sĂ©duction de sa Symphonie en rĂ© mineur) qui souhaitons le, devrait enfin Ă©merger Ă  la lumière des prochains Ă©vĂ©nements commĂ©moratifs annoncĂ©s en 2022.

 

 

 

 

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discographie 2022

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Retrouvez ici les titres et coffrets Ă©ditĂ©s pour le bicentenaire Franck 1822 – 2022, parmi les plus convaincants (cliquer sur le visuel de couverture pour accĂ©der Ă  la critique complète) :

 

 

 

 

cd cesar franck complete chamber music cd critique review classiquenews clic de classiquenewsCD coffret événement, critique. FRANCK : intégrale de la musique de chambre (4 cd Fuga Libera) – Pour célébrer les 200 ans de la naissance de César Franck (1822 – 1890), né liégeois mais génie primordial pour la musique française à l’époque du Wagnérisme total, l’éditeur Fuga libera édite plusieurs coffrets dont le mérite sous forme d’intégrales thématiques propose une réestimation de son écriture : voici le volet chambriste. Tout y est : autour du Quintette pour clavier (jalon essentiel de 1878) et de la Sonate (pour violon / piano), fleuron de 1886, l’auditeur peut ainsi mesurer le génie franckiste dans la ciselure et le dialogue instrumental, ce en deux parties : l’une relevant de la jeunesse (propre aux années 1840) ; la seconde fixant les évolutions tardives (soit la décennie 1880). Sous une figure avenante et calme, le pianiste et compositeur Franck bouillonne ; son Trio écrit dès 12 ans, marqué par Alkan, …

 

 

 

 

 

 

franck cesar cd coffret set box complete orchestral works 4 cd fuga libera cd review critique classiquenews CLIC de classiquenewsCD coffret événement, critique. César FRANCK : complete orchestral works / Intégrale symphonique (4 cd Fuga Libera) - CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2022 – Le coffret a le mérite, intégrale oblige, et aussi le courage de rétablir certains faits concernant César Franck. Voici le cas exemplaire d’une révélation : Franck atteint une belle maturité artistique dès son jeune âge, alors prodige du piano, récemment naturalisé, élève au Conservatoire de Paris et maîtrisant la forme chambriste et comme ici, l’écriture orchestrale. En témoignent ses premières Variations à 11 ans (!) ; celles « brillantes » d’après l’opéra Gustave III d’Auber (composées en 1834, un an après la création du drame lyrique) ; le thème de la ronde tirée de l’acte II déploie une liberté de ton et une virtuosité mozartienne toujours inspirée à laquelle répond l’orchestration d’esprit webérien. A défaut de savoir si le Concerto n°1 a jamais existé (probable supercherie de Franck père), le Concerto n°2 du fils saisit lui aussi en 1835, car il démontre les débuts franckistes à l’assaut du tout orchestral : la même puissance mélodique et l’ampleur de l’orchestration conçues par l’adolescent de 12 ans (attestant d’ailleurs de son apprentissage éclairé auprès de Reicha) : la carrure beethovénienne, la pensée claire d’une architecture impressionnante, l’emportent sur la tentation de Chopin et d’Hummel…

 

 

 

 

 

 

 

Melodies-et-Duos-Integrale cesar franck critique cd christoyannis jeff cohen classiquenews CLIC de classiquenews palazzetto bru zane 2 cdCRITIQUE, CD Ă©vĂ©nement. CÉSAR FRANCK : intĂ©grale : mĂ©lodies (22) et duos (6). Tassis Christoyannis, baryton / Jeff Cohen, piano / 2 cd Palazzetto Bru Zane. Voici un premier coffret qui marque cette annĂ©e 2022, celle du bicentenaire de la naissance de CĂ©sar Franck (nĂ© en 1822). L’intĂ©grale des mĂ©lodies et duos constitue un corpus mĂ©connu, pourtant de première valeur, du milieu des annĂ©es 1840 Ă  la mort de l’organiste, symphoniste, chambriste de premier plan. La prosodie est toujours très raffinĂ©e ; les textes en revanche pas toujours très inspirĂ©s, mais le raffinement de la parure musicale (ici le piano), la subtile architecture harmonique (qui rappelle l’auteur du Quintette… http://www.classiquenews.com/critique-cd-evenement-cesar-franck-integrale-melodies-22-et-duos-6-tassis-christoyannis-baryton-jeff-cohen-piano-2-cd-palazzetto-bru-zane/ 

 

 

 

 

 

franck-cesar-cd-symphonie-re-ce-que-me-dit-la-montagne-cd-mikko-franck-critique-review-classiquenews-400CD événement, critique. César Franck par Mikko Franck : Symphonie en ré, Ce que l’on entend sur la montagne, Philharmonique de Radio France (1 cd Alpha). Depuis sa création en 1937, le Philharmonique de Radio France n’a jamais semblé aussi heureux et épanoui que sous la conduite du finlandais Mikko Franck. On se souvient d’une remarquable Tosca à Orange où le chant orchestral produisait une tension dramatique captivante (été 2010). On retrouve le même engagement et une entente bénéfique dans ce programme dédié au symphonisme de César Franck. CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2020.

 

 

 

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LIRE aussi notre entretien avec Daniel Weissmann, DG de l’OPRL, Ă  propose du travail de l’orchestre liĂ©geois autour de CĂ©sar Franck …

OPRL, César Franck 2022. ” Jouer Franck fait partie de notre ADN “ (Daniel Weissmann, entretien)  -  Pour l’OPRL, l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège, 2022 est un grand cru, l’année d’une célébration emblématique de son travail artistique, celle du bicentenaire de César Franck, né en Liège le 10 déc 1822. A la mi temps de cette année célébrative, le directeur de l’Orchestre, Daniel Weissmann dresse un état des lieux et souligne combien la musique de Franck porte l’ADN du collectif liégeois. Cette année Franck s’annonce comme un jalon important de l’histoire de l’Orchestre. Entretien pour classiquenews.com

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 Propos recueillis en mai 2022

 

 

 

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 FRANCK : Hulda. Les 15, 17 mai, 1er juin 2022. A liège (15 mai), Namur (17 mai) puis Paris (TCE, 1er juin), l’année César Franck 2022 vivra l’un de ses temps forts assurément avec la recréation de l’opéra Hulda.
hulda cesar franck opera classiquenews recreation opera annee cesar franck 2022 dossier critique operaNĂ© liĂ©geois, CĂ©sar Franck (1882-1885) n’en demeure pas moins le compositeur français le plus dĂ©cisif du XIXè romantique, proposant (et rĂ©ussissant) une alternative convaincante au wagnĂ©risme ambiant, propre aux annĂ©es 1880 – 1890 en Europe. Le liĂ©geois sait ainsi renouveler l’opĂ©ra français en assimilant et Wagner et l’efficacitĂ© de l’opĂ©ra verdien. Wagner / Verdi, et si Franck en rĂ©alisait une Ă©loquente et sĂ©duisante synthèse ? En version intĂ©grale et de concert, la partition (3è opĂ©ra de l’auteur) Ă©claire l’inspiration dramatique de CĂ©sar Franck, soit la Scandinavie mĂ©diĂ©vale, celle de la sociĂ©tĂ© viking, riche en Ă©pisodes sanglants… Est ce pour autant une Ĺ“uvre majeure comme il est annoncĂ© par les producteurs ? L’annĂ©e Franck permet de rĂ©estimer l’écriture de CĂ©sar Franck, en particulier dans le genre lyrique, car sans rĂ©serve, Franck demeure l’un des symphonistes les plus puissant sur le plan dramatique, maĂ®trisant une orchestration particulièrement raffinĂ©e (qui mĂ©riterait d’ailleurs la saveur lĂ©gitime d’un orchestre sur instruments historiques…

LIVRE Ă©vĂ©nement, critique. Écrits de Vincent d’Indy, volume 2 / 1905-1918 – [Actes Sud, sept 2021]

dindy ecrits 1880 1918 actes sud critique livre classiquenews volume 2 sept 2021 9782330153151LIVRE Ă©vĂ©nement, critique. Écrits de Vincent d’Indy, volume 2 / 1905-1918 – [Actes Sud, sept 2021] – Dans ce 2è volume des Écrits de Vincent d’Indy (1851-1931), le compositeur pĂ©dagogue, franckiste et wagnĂ©rien de premier plan pour ne pas dire militant, est au sommet de son activitĂ© officielle de 1905 Ă  1918. Il est compositeur et chef d’orchestre, prĂ©sident de la SociĂ©tĂ© nationale de musique et professeur au Conservatoire,directeur de la Schola Cantorum, foyer de l’avant garde française…

Ses nombreux Ă©crits avec la verve souvent franche et directe qui le caractĂ©rise, pointent les thèmes et sujets majeurs au sein de la pensĂ©e musicale moderniste ; D’Indy suscite mĂŞme des polĂ©miques vives, dans un contexte gĂ©opolitique oĂą les patriotismes sont exacerbĂ©s, entre France et Prusse. Pourtant l’artiste et le crĂ©ateur savent reconnaĂ®tre le gĂ©nie contemporain ou rĂ©cemment dĂ©cĂ©dĂ© : son analyse de Parsifal de Wagner, Ă  travers une confĂ©rence pour La revue hebdomadaire (1913, page 406) est Ă  ce titre un document d’une pertinence demeurĂ©e inĂ©galĂ©e ; propre Ă  son Ă©poque, le confĂ©rencier wagnĂ©rien convaincu parle de « charitĂ© chrĂ©tienne » quand nous disons aujourd’hui compassion (de Parsifal pour le sort d’Amfortas, le roi dĂ©chu) ; mais la vision et la comprĂ©hension de la dernière partition de Wagner, forcent l â€admiration.
Les sujets dont divers et choisis selon le goût du temps : Franck évidement (son modèle absolu), Wagner donc, la musique à travers les âges, l’éducation musicale, sans omettre le rôle musical de la femme, Franz Liszt en 1873, le luth et sa littérature, la musique en 1814, etc…. ce dernier sujet est l’occasion de comparer la vitalité et le propre de la création en Italie, en France et en territoire germanique avec un focus légitimement admiratif sur l’œuvre de Beethoven alors compositeur officiel du congrès de Vienne…
D INDY vincent dossier ecrits classiquenews Vincent_d'Indy_1914Le « bon sens » de D’Indy opposé au goût du plus cérébral Debussy se manifeste encore dans des articles sur la musique française (1904, page 79) où D’indy moins patriote qu’humaniste sait s’élever en des hauteurs non partisanes et belliqueuse qui fonde un génie au delà des nationalités. Emblématique des tensions entre France et Allemagne à la veille de la première guerre mondiale, l’affaire RUST (1913, page 380) montre à quel point le Français entend rétablir la vérité sur un cas exemplaire de falsification moderne d’un auteur (en l’occurrence Friedrich Wilhelm Rust : 1739-1796) que son descendant Wilhelm Rust (1822-1892) souhaitait fabriquer tel un auteur bien supérieur à son contemporain Mozart, et un précurseur direct de… Beethoven. D’Indy, champion des exhumations musicologiques prend la défense du petit fils Rust car il reste convaincu que les Sonates de son aïeul Friedrich Wilhelm sont dans ses Sonates, bel et bien un auteur … remarquable.
CLIC D'OR macaron 200Conservateur, D’Indy n’hĂ©site pas Ă  dĂ©noncer les limites du « modern-style » tel qu’incarnĂ© par R Strauss son contemporain dont il exĂ©cute toute valeur d’Une vie de hĂ©ros. De mĂŞme, « à l’heure du debussysme et des Ballets russes, le chef de l’école franckiste s’oppose tant Ă  Saint-SaĂ«ns qu’à Ravel et Ă  Schönberg,… ». Durant la guerre 1914 – 1918, D’indy reste droit dans ses bottes, fustigeant le mauvais de la “Kultur boche”, tout en demeurant fidèle Ă  l’idĂ©al insurpassable du théâtre wagnĂ©rien. La franchise des engagements, la pertinence des argumentations, la culture d’un homme de goĂ»t qui parle sans phrasĂ©ologie sirupeuse de bon ton, rendent chaque Ă©crit ici annotĂ© et contextualisĂ©, absolument passionnant. Ce qui se confirme ici, dans ce 2è volume, s’est en D’Indy, la droiture indĂ©fectible de l’homme de conviction. Un modèle pour l’artiste de notre Ă©poque.

LIVRE Ă©vĂ©nement, critique. Écrits de Vincent d’Indy, volume 2 : 1905-1918 – [Actes Sud, sept 2021] – 17 x 24 cm – 708 pages – CLIC de CLASSIQUENEWS automne 2021

CD critique événement : « FREUDVOLL UND LEIDVOLL » / JONAS KAUFMANN / LISZT : lieder (Helmut Deutsch (1 cd SONY classical, juin 2020)

CD-Jonas-Kaufmann- lieder Liszt classiquenews review critique cd classiquenewsCD critique Ă©vĂ©nement : « FREUDVOLL UND LEIDVOLL » / JONAS KAUFMANN / LISZT : lieder (Helmut Deutsch (1 cd SONY classical, juin 2020) – Après ses albums Verdi, Puccini, Jonas Kaufmann revient Ă  l’essence mĂŞme du dire, du chant, de la poĂ©sie ciselĂ©e, celle du lied ; mais avec la complicitĂ© d’un magicien hors pair, le pianiste Helmut Deutsch qui tout en lui instillant le goĂ»t de la phrase lisztĂ©enne, est l’acteur majeur de cette rĂ©ussite et aussi un expert visionnaire dont les doigts agiles, suggestifs, ressuscitent ce que nous ignorions jusque lĂ  : le gĂ©nie du Liszt diseur. L’inventeur du poème symphonique, le virtuose du clavier sait aussi articuler et nuancer comme personne les poèmes de Heinrich Heine, Goethe (dont « Freudvoll und Leidvoll » donne le titre du programme) ; Nikolaus Lenau… mais aussi Redwitz, Freiligrath, Rellstab, Herwegh… L’art du chant se fait prosodie sur le souffle, oĂą le naturel, la prĂ©cision des accents, attaques, respiration… doivent Ă©clairer le texte d’un sincĂ©ritĂ© aiguĂ«. Parmi cette gerbe poĂ©tique idĂ©alement incarnĂ©e, perce le triptyque de PĂ©trarque, ces 3 sonnets marquĂ© du sceau de l’emprise amoureuse (Ă  Laure) dont le style et toute l’architecture rĂ©capitulent l’opĂ©ra italien, du dĂ©chirement impuissant (Sonetto 47), Ă  la prière extatique et aux hallucinations angĂ©liques du dernier Sonetto (123).
Certes l’articulation féline du ténor vedette peut sonner parfois âpre et courte, et son legato, à peine déployé. Mais la franchise des accents, et cette raucité du timbre, proche de l’animal blessé, offrent une lecture et une couleur (parfois vériste), proprement troublantes. En outre, le piano de Helmut Deutsch éblouit constamment pas son intelligence expressive, son intériorité souple et profonde ; le dialogue, et la fusion même, qu’il sait insuffler à ce récital à 2 voix égales.
Ici la complicité, l’entente, la compréhension des deux artistes relèvent assurément du prodige. D’autant qu’il s’agit d’une transmission artistique totalement assumée : le pianiste passionné et révélateur des lieder de Liszt ayant transmis sa passion au chanteur, lui-même transfiguré par cette découverte.
CLIC_macaron_20dec13Le résultat est là, à la fois envoûtant et déchirant, explorateur d’un continent lyrique à réestimer. Liszt a composé l’essentiel de ses 90 lieder entre 1840 et 1847, les 7 années où il s’affirme sur la scène européenne comme un prodige du piano inégalable. La gravité et la profondeur des lieder contrebalaçant alors les performances techniciennes du pianiste génial et volontiers surdémonstratif.
L’érudition, la sensibilité, les harmonies audacieuses, l’écriture littéraire de Liszt s’écoutent ici sans limites. Le clavier exprime l’infini d’un art qui tend continûment vers l’audelà des notes, l’invisible et l’éther. Tout ce que son gendre, Wagner, a su recueillir à son contact : une séduction indéfinissable qui appartient à la suprême élégance et la volonté d’expérimentation. Magistral.

CD critique Ă©vĂ©nement : « FREUDVOLL UND LEIDVOLL » / JONAS KAUFMANN / LISZT : lieder / Helmut Deutsch, piano (1 cd SONY classical, juin 2020) – Plus d’infos sur le site de SONY CLASSICAL / Jonas Kaufmann :
https://www.sonyclassical.de/alben/releases-details/jonas-kaufmann-liszt-freudvoll-und-leidvoll

Programme LIEDER de FRANZ LISZT :

Vergiftet sind meine Lieder, S. 289
Freudvoll und leidvoll I, S. 280
Freudvoll und leidvoll II, S. 280
Der König von Thule, S. 278
Im Rhein, im schönen Strome, S. 272
Die Loreley, S. 273/2
Ihr Glocken von Marling, S. 328
Die drei Zigeuner, S. 320

3 Sonetti del Petrarca, S. 270 :
Benedetto sia ‘l giorno, S. 270a/2
Pace non trovo, S. 270a/1
I’ vidi in terra angelici costumi, S. 270a/3

Es muss ein Wunderbares sein, S. 314
O lieb, solang du lieben kannst, S. 298
Die stille Wasserrose, S.321
Ein Fichtenbaum steht einsam, S. 309
Es rauschen die Winde, S. 294
Ich möchte hingehn, S. 296
Der du von dem Himmel bist I, S. 279
Der du von dem Himmel bist II, S. 279
Ăśber allen Gipfeln ist Ruh, S. 306

LIVRE Ă©vĂ©nement, annonce. William Christie. Cultiver l’Ă©motion, Entretiens avec Emmanuel Resche-Caserta (Actes Sud)

CHRISTIE william Bill arts florissants cultiver emotion entretiens actes sud critique annonce classiquenews 9782330154332LIVRE Ă©vĂ©nement, annonce. William Christie. Cultiver l’Ă©motion : Entretiens avec Emmanuel Resche-Caserta (Actes Sud) – Fort d’une carrière exceptionnelle, d’une longĂ©vitĂ© et d’une constance rares, le chef et claveciniste William Christie, “Bill” pour ceux qui ont le privilège de le cĂ´toyer et de travailler sous sa direction, se livre dans ce nouveaux cycles d’entretiens avec la pudeur, la sensibilitĂ©, la culture et l’intelligence qu’on lui connaĂ®t. En cultivant l’Ă©motion comme les fleurs et les massifs de son jardin de ThirĂ© en VendĂ©e, Bill le magicien se raconte sans fard mais avec l’Ă©lĂ©gance des grands. Ayant pour interlocuteur le violon solo de son ensemble Les Arts Florissants, le chef Ă©voque surtout des souvenirs artistiques et plusieurs sĂ©quences qui ont trait avec le rĂ©pertoire et les Ĺ“uvres travaillĂ©s [souvent rĂ©vĂ©lĂ©s].
On y retrouve les traces d’un terreau sensible expliquant la vocation d’un jeune amĂ©ricain installĂ© en France dès 1971, devenu passionnĂ© entre autres par le premier baroque français. L’influence de Ralph Kirkpatrick [et ses confĂ©rences en allemand, italien, français... selon les partitions expliquĂ©es] ; on y dĂ©tecte ce goĂ»t si particulier pour le verbe, le mot autant que la note… Une attention linguistique qui porte tout son projet artistique et musical servant autant l’intelligibilitĂ© du texte que l’Ă©loquence et la souplesse de la musique. Ainsi se prĂ©cise une intelligence fine devenue exemplaire dans l’articulation, la caractĂ©risation, l’incarnation… Autant de qualitĂ©s qui fondent l’excellence des Arts Florissants sous son contrĂ´le, depuis plus de 40 ans aujourd’hui.
Ă€ l’heure que certains disent de la retraite, Bill cultive certes l’émotion en partage ; surtout la transmission car il ne faudrait pas perdre l’acquis ni la pratique ainsi portĂ©s, cultivĂ©s, ciselĂ©s depuis des dĂ©cennies. Autant dire que l’interessĂ© a de l’Ă©nergie Ă  revendre et en un sourire final qui en dit long, la claire intention de poursuivre encore et toujours ; maintenir ce geste artistique dont il est le seul Ă  dĂ©tenir le secret. Et si l’on consulte les prochaines saisons des Arts Florissants, la diversitĂ© rayonne, la curiositĂ© et le dĂ©frichement se confirment, avec comme Ă©thique fĂ©dĂ©ratrice la discipline perfectionniste dans le plaisir du travail et de l’écoute collectifs. Longue vie Ă  l’immortel Bill !

William CHRISTIE / entretiens avec Emmanuel RESCHE-CASTERA
ACTES SUD – parution : septembre, 2021 – 10.00 x 19.00 cm – 144 pages – ISBN : 978-2-330-15433-2 – Prix indicatif : 19€
https://www.actes-sud.fr/catalogue/william-christie-cultiver-lemotion

Résidence. Teodor Currentzis et MusicaEterna à Lucerne : 6-8 oct 2021

MUSICA-ETERNA-teodor-currentzis-annonce-critique-classiquenews-review-classiquenewsRÉSIDENCE. MUSICAETERNA, TEODOR CURRENTZIS à LUCERNE, les 6 -8 octobre 2021. A Lucerne, chef et ensemble (sur instruments anciens) transforment le KKL concert Hall en laboratoire artistique d’un nouveau type, comprenant le temps de leur résidence concerts, master classes, rencontres interactives, projection de films, expos de photographies… Fondé depuis 2004 à Novosibirsk par le maestro grec Teodor Currentzis, MusicaEterna explore les répertoires avec une implication dépoussiérante qui semble recueillir les préceptes vivifiants de pionniers de l’approche historique, de Christie à Harnoncourt. Mahler et Stravinsky, Rameau et Mozart… tout semble inspirer le collectif sous la baguette nerveuse, ciselée, expressive du chef défricheur.

 

 

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Etabli à Saint-Pétersbourg depuis 2019 (au centre culturel Dom Radio), MusicaEterna qui vient de défendre une approche détonnante de l’opéra Don Giovanni de Mozart au dernier festival de Salzbourg, entend développer à Lucerne son premier festival artistique international. Les temps forts de cette Résidence hors normes sont entre autres, la l’opéra pour choeur Tristia de Philippe Hersant (6 oct), composé en 2015 pour le chef et destiné à l’origine à être réalisé par des prisonniers. Une rencontre avec Currentzis et Hersant suivra la performance autour des thèmes de liberté, de foi, d’espérance… A l’appui de la proposition sera projeté le film du réalisateur danois Carl Theodor Dreyer : The World (1955) ; et aussi Hidden Life de Terrance Malick qui traite de l’humanisme à travers l’évocation de la 2è Guerre mondiale (7 oct). Teodor Currentzis propose aussi une masterclass de direction d’orchestre autour de la 5è Symphonie de Mahler, avant de diriger l’oeuvre dans son intégralité (le 8 oct), en écho avec la proposition de la chorégraphe néerlandaise Nanine Linning qui interroge la notion de « Gesamtkunstwerk » / oeuvre d’art total. Le cycle musical de la résidence à Lucerne comprend aussi les 10 poèmes révolutionnaires de Chostakovitch (pièce pour choeur a cappella / direction Fedor Lednev) ; Prayers from St John Chrysostom’s Liturgy (du compositeur russe contemporain Dmitri Smirnov) ; une analyse spécifique de l’Adagietto de la 5è Symphonie de Mahler à travers la projection du film de Visconti : Mort à Venise ; la présentation des œuvres réalisées spécifiquement pour l’occasion par le compositeur en résidence à Dom radio, Alexey Retinsky ; une exposition des photographies d’Alexandra Muravyeva, qui a fixé plusieurs sessions et moments des tournées réalisées par Musicaeterna sur les 5 dernières années…

 

 

PLUS D’INFOS sur les sites KKL,
https://www.kkl-luzern.ch/de/shop-tickets/performances

musicAterna.org
https://musicaeterna.org/visit/residency/lucerne/

 

 

 

 

CRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. ARIANNA SAVAL : LE LABYRINTHE D’ARIANE (1 cd Alia Vox, 2018) – CLIC de CLASSIQUENEWS

AV9941LabyrinthePREPCRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. ARIANNA SAVAL : LE LABYRINTHE D’ARIANE (1 cd Alia Vox, 2018). Sublime rĂ©cital. C’est un tour europĂ©en que nous offre Arianna Savall, harpiste inspirĂ©e et chanteuse au charme Ă©vident. Dès le XIIIè, l’Italie, la France et l’Espagne savent cultiver un rĂ©pertoire unique pour la harpe, vĂ©hicule dĂ©signĂ©e pour la cĂ©lĂ©bration des passions humaines, sacrĂ©es et profanes. Arianna Savall s’en fait l’ambassadrice la mieux investie. La première chanson de Gautier de Coinci au dĂ©but du XIIIème rĂ©alise le rĂŞve et l’idĂ©al de tout croyant; en une prière humble, il remercie le Fils et la Mère misĂ©ricordieuse dans une paix absolue et suspendue, puis après un court intermède instrumental, Arianna Savall chante une mĂŞme humilitĂ©, celle lĂ , aimante et alanguie, du chansonnier de Sant Joan de Los abadesses sur un regsitre plus aigu qui semble implorer tout en berçant.
Dans ce premier album comme chanteuse et harpiste, Arianna Savall enchante littéralement jouant des multiples ressources de sa riche collection de harpes historiques dont elle enchaîne aux côtés des pièces vocales plusieurs plages purement instrumentales où brûle une même vocalita sincère, active, portée par le fort caractère sonore de chaque instrument.
Sirène, prophĂ©tesse inspirĂ©e, musicienne accomplie, la chanteuse fait parler ses harpes dans la tradition ancienne des conteurs et passeurs douĂ©s d’une très riche et gĂ©nĂ©reuse culture vivante. Les textes de ce « labyrinthe » conçu comme un cheminement personnel et hautement spirituel Ă©voquent les feux de l’amour, amour sacrĂ© ou profane comme tragique comme en tĂ©moigne la chanson de la jeune fillette amoureuse faite nonnette “outre son gré », manifeste contre l’enfermement, causant langueur et mĂ©lancolie Ă  celle qui fut ainsi martyrisĂ©e… La voix franche et le timbre cristallin d’Arianna Savall incarne cette chanson bouleversante du français Jean chardevoine [1576]. A plus d’un titre dans ce scintillement des (7) harpes anciennes diverses, choisies,- harpe gothique, romaine, rota, harpe double d’Aragon, arpa dopia Ă  3 registres pour les toccatas de Kapsberger et Trabaci,….- dans les thèmes tendres et graves qu’a favorisĂ©s et sĂ©lectionnĂ©s l’interprète, du moyen-âge au premier baroque, de Coinci Ă  Merula (chanson au verbe rĂ©aliste comme une leçon philosophique : « parle qui veut, parle qui sait »), voici l’un de ses programmes les plus cohĂ©rents et les plus accomplis, entre enchantement et sincĂ©ritĂ©, onirisme et humanisme, culture, sensibilitĂ©, poĂ©sie. L’accord maternel des cordes pincĂ©es et de la voix qui berce produit une collection de pièces mĂ©connues envoĂ»tantes, très habilement CLIC D'OR macaron 200enchaĂ®nĂ©es (avec en guise de final dĂ©lirant, les rythmes ibĂ©riques frĂ©nĂ©tiques des baroques Ribayaz puis Sanz dont Les folies d’Espagne retentissent avec Ă©clat sur la Arpa cruzada de dos Ăłrdones / le tout prĂ©ludĂ© par la sublime ritornello per l’arpa de l’Orfeo de Monteverdi… : superbe cheminement harmonique et mĂ©lodique). Du baume d’une dĂ©lectable justesse. Du nectar bienfaisant en ces temps d’inquiĂ©tude et d’incertitude. Merci Arianna !

CRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. ARIANNA SAVAL : LE LABYRINTHE D’ARIANE (1 cd Alia Vox, 2018) – Enregistrement au Château de Flawinne, Belgique les 23 et 24 mai et les 2 et 3 octobre 2018 – CLIC de CLASSIQUENEWS Ă©tĂ© 2021.

CRITIQUE, opéra. Kaija SAARIAHO : Innocence, création. Aix en Provence, le 10 juillet 2021.

CRITIQUE, opéra. Kaija SAARIAHO : Innocence, création. Aix en Provence, le 10 juillet 2021. Plainte lancinante, souffrance affleurante qui se révèle peu à peu à mesure que la vérité surgit ; découverte écœurante de la barbarie humaine… les noces auxquelles nous assistons virent au cauchemar lorsque l’identité du jeune marié, et le nom du clan familial qui est le sien est précisé par la vieille servante venue dépanner. La famille bien sous tout rapport est en réalité liée à une tuerie dans une école, du fait de la vengeance d’écoliers contre un maître pédophile.
Les glissandos de l’orchestre, les couleurs scintillantes dans l’ombre, les cuivres comme hallucinés explorent à la façon de Wozzek de Berg, la grisaille de l’inconscient, la ténacité de la culpabilité qui même si elle n’est pas consciente ni vécue, poursuit les coupables ; les rattrape dans leur oubli crapuleux. La musique explore tous les champs ouverts, les blessures et les cicatrices.

 

 

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Innocence de Kaija Saariaho (DR)

 

Le chant est souvent tendu, aux aigus vertigineux, pour tous les rôles (le marié, sa mère), sauf pour la jeune épousée, au bord de la sidération. En français, en allemand, en espagnol… l’action revêt la valeur d’un manifeste universel ; miroir de l’horreur et du sadisme en partage ; le livret prend acte de l’actualité d’une adolescence criminelle, avide de gros titres dans les medias, de sa minute de célébrité, quitte à commettre l’inexcusable et exercer la terreur sanguinaire.
Le tourment est d’autant plus actif sur scène que la culpabilité dévore aussi le jeune époux (Tuomas) qui s’en veut de n’avoir pas dénoncé les crimes de son frère, ni les avoir anticipés. « Seul l’amour peut te sauver : dis la vérité à ta jeune épouse », déclare le prêtre. On voudrait qu’il ait raison et que la fatalité n’existe pas. Simon Stone a bien souligné la nécessité d’être honnête pendant le processus de deuil et de reconstruction après un traumatisme ; dans les confrontations inévitables, les aveux qui brûlent ; l’horreur qui est revécue. Stone parle d’empathie tchékovienne, du pouvoir salvateur de l’amour et et de la compassion.

Sur le plateau tournant sur lui-même, se succèdent les solistes Magdalena Kožená (la serveuse), Sandrine Piau (la belle-mère), Tuomas Pursio (le beau-père), Lilian Farahani (la mariée), Markus Nykänen (le marié) : chacun affine son profil avec une vérité souvent brûlante. Le London Symphony Orchestra et l’Estonian Philharmonic Chamber Choir, dirigés par Lodewijk van der Ree, confirment la haute tenue artistique de l’expérience.

Plus que la mise en scène qui ne contrarie pas la musique (à la différence de ce qu’il a fait de Tristan und Isolde, en une déconstruction aussi méticuleuse qu’agaçante), c’est surtout la musique de Kaariaho, aux leitmotivs « courageux », qui envoûtent imperceptiblement. Ils tissent une trame à la fois épaisse et scintillante qui révèlent les âmes jusque dans leurs indicibles complexités. Ici l’appel imminent à la vérité sauve du déni comme de l’oubli. Tout s’irradie en une épiphanie sociale où chacun peut (et doit) être sauvé. Passionnant.

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 VOIR aussi l’entretien avec Simon Stone sur Innocence
https://www.youtube.com/watch?v=cTcepJr3Jms

 

 

REVOIR INNOCENCE de Kaija Saariaho, opéra en création à Aix 2021 / EN REPLAY sur ARTEconcert jusqu’au 9 juillet 2024 :
https://www.youtube.com/watch?v=cTcepJr3Jms

 

 

CRITIQUE, opéra. Orange, Chorégies, le 10 juillet 2021. Saint-Saëns : Samson et Dalila. Alagna, Lemieux… Abel / Grinda

CRITIQUE, opéra. Orange, Chorégies, le 10 juillet 2021. Saint-Saëns : Samson et Dalila. Alagna, Lemieux… Abel / Grinda. Créée à Monte-Carlo en 2018, programmée à Orange en 2020, puis reportée à l’été 2021, covid oblige, et reportée en cet été 2021 du fait de la pandémie, la production de Samson et Dalila par Jean-Louis Grinda, souligne opportunément le centenaire Saint-Saëns 2021.
La direction d’acteurs est claire et efficace, sans grille de lecture décalée, plaquée artificiellement sur l’action originelle. JL Grinda soigne la lisibilité des mouvements de foule (le chœur est essentiel ici, exprimant attentes et prières des Hébreus, révoltés, réduits en esclaves par les Philistins ; les philistins eux-mêmes, dépravés au III, et punis car écrasés sous les ruines du temple). Saluons le choeur, très impliqués en particulier dans le I et le III, il porte l’action à l’identique des protagonistes.

 

 

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Samson (très convaincant Roberto Alagna, héros humain et tristement naïf) y paraît guidé par l’Ange de Jehova, investi par sa mission divine, bientôt trahi / vaincu par Dalila, sirène fatale, pilotée par le Prêtre de Dagon. Libérateur malgré tout des hébreux, Samson / Alagna démontre dans le III, une intensité qui convainc et émeut, une grandeur vulnérable et pourtant surnaturelle. En séductrice lascive, Marie-Nicole Lemieux, affirme peu à peu son esprit de revanche, sa nature charnelle et dominatrice, sa ligne finement énoncée; la beauté voluptueuse envoûte et captive Samson jusqu’à la mort ; son air hypersensuel, rendu célèbre par Maria Callas, « Mon cœur s’ouvre à ta voix / ah verse moi l’ivresse !» (scène III, Acte II) fait fondre toute réserve. Les deux chanteurs réussissent le fameux duo du II, confrontation puis victoire de la femme coupeuse des cheveux de son amant défait, rompant sec le naziréat de son amant vaincu (qui a dévoilé naïvement le secret de sa force). Le secret du pouvoir de Dalila reste ici le très solide Prêtre de Dagon, Nicolas Cavallier, qui impose sa tension virile, son emprise sur la courtisane Dalila, au point de la manipuler totalement. Tout aussi forts et bien caractérisés les personnages du vieil hébreux (Nicolas Courjal), du satrape Abimélech (Julien Véronèse), deux basses francophones, impeccables. A l’instar de leur comparse, Frédéric Caton, parfait en « deuxième Philistin ».

Belle direction d’Yves Abel, qui écarte toute épaisseur surexpressive, en particulier dans la bacchanale qui ouvre le III ; l’écriture d’une subtilité inouïe d’une Saint-Saëns à la fois orfèvre et peintre, y rayonne grâce à la prestation des instrumentistes du Philharmonique de Radio France.

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Diffusion sur France 5 le 16 juillet 2021, Ă  22h10.
Photos (© Philippe Gromelle)

CRITIQUE, LIVE STREAMING, concert. LEIPZIG, BACHFest, le 20 juin 2021. BWV 21; Magnificat BWV 243 / Thomasnerchor Leipzig

BACH FEST LEIPZIGCRITIQUE, LIVE STREAMING, concert. LEIPZIG, BACHFest, le 20 juin 2021. BWV 21; Magnificat BWV 243. Dernier concert du Festival BACH de Leipzig 2021, dans la ville même et dans le lieu emblématique de l’activité de BACH comme directeur musical, l’église Saint-Thomas. Depuis le XVIIIè, la maîtrise de garçons (Thomanerchor Leipzig) perpétue l’activité chorale dont le Cantor à son époque était responsable : divisés en 3 chœurs, les garçons encadrent le chef ; à sa droite et à sa gauche, les plus jeunes d’entre eux, se formant, se familiarisant avec l’expérience du jeu collectif en public ; engagés, vivants, leur tenue assure toute la valeur de l’approche, dirigée par l’actuel directeur musical à Saint-Thomas : Gotthold Schwarz (et sa tignasse capillaire digne de … Liszt). C’est donc une célébration qui met aussi la transmission et la continuité au devant de la scène.
PortĂ©s par l’énergie pĂ©tulante de la BWV 21 « Ich hatte viel BekĂĽmmernis / Mon coeur Ă©tait plein d’affliction » composĂ©e le 17 juin 1714 (Weimar) soit pour le 3e dimanche après la TrinitĂ©, les jeunes chanteurs dĂ©montrent un plaisir rafraĂ®chissant, un chant direct et franc. C’est un temps de rĂ©jouissance oĂą le croyant fusionne avec JĂ©sus en un duo des plus polissĂ©s, davantage conversation Ă©perdue que confrontation compassĂ©e ; en rĂ©alitĂ©, dialogue lumineux et vivant, des plus intimes sur un continuo dansant et Ă©purĂ© (orgue, clavecin, 2 violes) : basse et soprano exaltent cette exaltation assumĂ©e. Bach compose une Ĺ“uvre festive, de cĂ©lĂ©bration heureuse comme le soulignent aussi les 2 airs du tĂ©nor dont la joie sĂ»re et sereine, rayonne ; comme le dernier choeur surtout l’affirme avec une plĂ©nitude conquĂ©rante presque fracassante.

Pause musicale et protocolaire ensuite, initiée avec le Prélude et Fugue BWV 547, grandiose portique qui tutoie les étoiles, le Ciel, jusqu’à Dieu lui-même, d’une passionnante énergie par Ton Koopman au grand orgue de Saint-Thomas. Puis remise de la médaille de la ville à deux personnalités méritantes pour service rendus au sein de la Bach Archive (fondée en 1950) : Dr. Hans-Joachim Schulze et Prof. Dr. Dr. h. c. mult. Christoph Wolff.

 
 

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Annekathrin Laabs (alto), Patrick Grahl (ténor) / DR

 

 

Sur une sélection des textes de Saint-Luc, le Magnificat est en soi une totalité agissante, une cathédrale sonore à l’équilibre remarquable tant chacun de ses volets, comme les parties d’un retable idéal, diffuse une diversité caractérisée pour entre autres ses 5 solistes requis: airs pour soprano I et II, pour basse, pour ténor ; duo alto et ténor ; trio pour les 2 sopranos et l’alto (« Suscepit Israel » avec hautbois)… Bach y cisèle chaque acte vocal comme une prière individuelle, aux côtés de sa puissante écriture contrapuntique dont la fugue finale à 5 parties (avant le Gloria Patri de conclusion) offre une ampleur époustouflante. Chanté en latin (et non pas en allemand), le cycle diffuse une sérénité communicative, une joie rayonnante qui porte trompettes et choeurs angélique dès le début où rient aussi la délicate touche des 2 hautbois et des 2 traversos. Typique de Johann Sebastian, la succession des airs des deux sopranos : le premier resplendit d’une joie inflexible ; le second (sop 1) est plus grave, sombre, exprimant les doutes du croyant (en conversation avec le hautbois). Deux faces de la dévotion où surgit le choeur survolté qui vient comme interrompre l’air 2, par une urgence géniale (« Omnes generationes »).
La gravité sort de l’ombre dans le sublime duo alto / ténor (« Et misericordia ejus a progenie in progenies timentibus eum » / Son amour s’étend d’âge en âge…) révélant la source de miséricorde de Jésus. Le choeur étincelant (avec trompettes) « Fecit potentiam » affirme la puissance divine avec un sens tonitruant ; dramatique, agité, l’air pour ténor décoche lui aussi ses flèches ardentes, celle d’un dieu juste et égalitaire qui foudroie les injustices (« Depósuit poténtes de séde, et exaltávit húmiles » / Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles) ; réjouissante alto dans l’air qui suit « Esuriéntes implévit bónis et dívites dimísit inánes » / Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides-, qui sait articuler le texte avec d’autant plus de souple intelligibilité que les deux traversos qui l’accompagnent, dessinent le plus aimable des cheminement dans la certitude.
Le trio des 3 voix féminines (« Suscépit Israël púerum súum, recordátus misericórdiæ súæ » / li relève Israël, son serviteur ; il se souvient de sa miséricorde) est un acte d’amour, dont la grandeur est restituée dans le choeur fugué à 5 voix (Sicut locutus ), puis transcendé par le vertigineux Gloria final, parfaitement dansant et réjouissant dès la section « Sicut érat in princípio… », qui est la reprise de l’introduction. Ce dernier concert s’inscrit dans la joie et l’engagement. Vite le rendez-vous est pris pour 2022 !

  

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CRITIQUE, LIVE STREAMING, concert. LEIPZIG, BACHFest, le 20 juin 2021. BWV 21; Magnificat BWV 243

J. S. Bach: Ich hatte viel Bekümmernis, BWV 21 •
J. S. Bach: Präludium und Fuge C-Dur, BWV 547
J. S. Bach: Magnificat D-Dur, BWV 243
Thomasorganist : Ullrich Böhme, Catalina Bertucci (soprano), Susanne Krumbiegel (mezzo soprano), Annekathrin Laabs (alto), Patrick Grahl (tenor), Henryk Böhm (bass)
Thomanerchor Leipzig,
Sächsisches Barockorchester
Thomaskantor : Gotthold Schwarz, direction.

 

 

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 Gotthold Schwarz et le Thomasnerchor (DR)

 

 

 

CRITIQUE, concert. LIVE STREAMING, LEIPZIG, en direct du BACHFEST Leipzig, le 11 juin 2021. JS BACH : Cantates BWV 61, 23, 1 et 10. Ton Koopman

koopman-bachfest-leipzigjuin2021-concert-critique-classiquenewsCRITIQUE, concert. LIVE STREAMING, LEIPZIG, en direct du BACHFEST Leipzig, le 11 juin 2021. JS BACH : Cantates BWV 61, 23, 1 et 10. Ton Koopman. Sous la nef rococo et ses palmes élégantissimes toutes d’un blanc nuptial, de l’église Saint Nicolas de Leipzig, sans masque et à bonne distance, les musiciens répondent au souci de tendresse et de lumière intérieure d’un Koopman d’une sérénité constante. A travers les 4 Cantates choisies qui composent ce premier programme, le chef au geste receuilli et précis, sculpte la nuance comme le sens intime du texte. Les timbres instrumentaux sont mis en lumière à égalité avec le chant choral et le relief des solistes.
Se distinguent entre autres, la tendresse du duo sop / alto (contre tĂ©nor), avec deux hautbois obligĂ©s (dont le hautbois da caccia) d’une incomparable sensibilitĂ© entre inquiĂ©tude et compassion (BWV23). Puis la noblesse (attendrie elle aussi) du tĂ©nor – rĂ©citant, sous une une direction toute en souplesse rassĂ©rĂ©nĂ©e d’un Ton Koopman qui fait figure dĂ©sormais d’interprète de rĂ©fĂ©rence, d’une constante attention Ă  l’humanitĂ© d’un Bach qui sait implorer et adoucir. Au demeurant le mĂŞme Ton Koopman est prĂ©sident du fonds Bach Archive / les archives Bach de Leipzig ; il connaĂ®t son Bach jusqu’au bout des doigts, en fin connaisseur et d’une vitalitĂ© intacte. Le choeur rĂ©conforte et accompagne le fervent sur le chemin de la sĂ©rĂ©nitĂ© et de la confiance qu’affirme le duo tĂ©nor / baryton, plein de joie tranquille. L’inusable basse Klaus Mertens rassure et captive par la naturel de son chant articulĂ©. Moelleux et presque jusqu’à la mollesse, l’âme bercĂ©e s’adoucit et s’abandonne car comme il est dit dans l’Evangile de Luc, – dont des extraits sont dits depuis la chaire par le comĂ©dien Ulrich Noethen, « Dieu est avec vous, Ă  vos cĂ´tĂ©s », comme il est prĂ©sent aux cĂ´tĂ©s de Joseph et de Marie. Rien ne vient atteindre la perfection bienheureuse et rĂ©confortante de cette certitude. En outre le rĂ©citant ainsi requis cite les textes dans la traduction de Luther et contextualise chaque cantate dans son contexte biblique.
BACH FEST LEIPZIGFamilier de Bach, passeur expérimenté, Ton Koopman nous fait entendre chaque séquence dans sa portée pédagogique et spirituelle. Ainsi l’air solo du ténor de la BWV1, rayonne d’heureuse confiance. Comme on est épargné des doutes, des inquiétudes qui émaillent ailleurs les pentes escarpées des autres Cantates d’un Bach qui semblent avoir tout pensé de l’itinérance du pèlerin, tout mesuré de l’expérience parfois contrariée, incertaine du croyant. Les chœurs de la BWV1 disent aussi la riche expérience du fervent même quand il doute : l’étonnant duo alto / ténor avec continuo et trompette (surtout) de la BWV 10 exprime la fragilité humaine sur des crêtes incertaines : et le choeur final, court, presque lapidaire, se referme sur le mystère total. L’orchestre détaillé, vivant, bondissant, et dans le cas de Koopman caressant et tendre, se place du côté du croyant. Fraternel, compatissant ; pilier et socle pour la foi. Koopman a bien raison de rester presque une minute immobile après le dernier accord et le silence qui suit la fin du choeur final. Instant suspendu qui rappelle combien la musique est un acte spirituel, profond, sincère, en communion, porté par le sens du texte. Très bon programme d’ouverture du BACH FEST 2021.

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CRITIQUE, concert. LIVE STREAMING, LEIPZIG, en direct du BACHFEST Leipzig, le 11 juin 2021. JS BACH : Cantates BWV 61, 23, 1 et 10. Ton Koopman

Nun komm, der Heiden Heiland, aus der gleichnamigen Kantate, BWV 61
Du wahrer Gott und Davids Sohn, BWV 23
Wie schön leuchtet der Morgenstern, BWV 1
Meine Seel erhebt den Herren, BWV 10
Ulrich Noethen (Sprecher), Ilse Eerens (Sopran), Maarten Engeltjes (Altus), Tilman Lichdi (Tenor), Klaus Mertens (Bass) – Amsterdam Baroque Orchestra & Choir. Ton Koopman, direction.

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Prochain streaming demain samedi 12 juin : Oratorio de Noël, 18h30.

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Bach_Messias_streaming BACHFEST leipzig 2021 annonce critique concert passion classiquenewsLes retransmissions en streaming du BACH FEST Leipzig, se poursuivent jusqu’au 20 juin prochain. LIRE ici notre présentation du cycle des concerts du Festival Bach de Leipzig 2021 :
http://www.classiquenews.com/streamings-les-cantates-de-js-bach-depuis-le-bachfest-leipzig-11-20-juin-2021/

COMPTE-RENDU, live streaming concert. LILLE, le 12 mai 2021. Chostakovitch, Beethoven. Orchestre National de Lille. Anastasia Kobekina, violoncelle. Jean-Claude CASADESUS.

COMPTE-RENDU, live streaming concert. LILLE, le 12 mai 2021. Chostakovitch, Beethoven. Orchestre National de Lille. Anastasia Kobekina, violoncelle. Jean-Claude CASADESUS. Les climats ambivalents de Chostakovitch (Concerto pour violoncelle n°1, créé en 1959 par son dédicataire Rostropovitch) ne laissent pas de fasciner dans une lecture particulièrement vivante. Funambule à pas de velours, à la fois grotesque, plein de panache et aussi d’un délire versant dans l’autodérision aigre, l’ironie cinglante, … le violoncelle de « La » Kobekina ne négocie rien sur l’autel de l’expression musicale : dès l’Allegretto, elle chante, elle murmure, fait parler son instrument avec une acuité sans artifice, une franchise sonore, une immédiateté poétique qui saisissent l’écoute. L’interprète russe fait du premier mouvement une errance hallucinée, une danse ivre, fusionnant avec l’orchestre capricieux, fanfaron, lunaire sous la baguette fluide et passionnément chorégraphique de maestro Casadesus : les pointes de la clarinette, du cor, … accordées à la prière gémissante du violoncelle composent le paysage le plus hystérique et hypnotique entre marche funèbre et enivrement salvateur. A la fois cynique et tendre, Chosta se dévoile ici, en pas feutrés, en cris déchirants. Le Moderato plonge dans des eaux plus énigmatiques et suspendues, un éther d’où sont effacées (provisoirement) les tensions déchirantes du mouvement précédent : le violoncelle solo peut y dérouler à l’infini, son fil langoureux, d’une ineffable peine, cependant que JC Casadesus veille à la direction générale, à cette gravitas qui tord les cœurs et essore l’âme en une interrogation infinie proche de l’insupportable comme un aiguillon brûlant.

 

 

Du chant funambule de Chosta…
au jaillissement beethovénien

 

 

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La Cadenza a voce sola élargit encore le spectre de cette solitude sans fard qui se désespère à force d’être impuissante : Anastasia Kobekina en sculpte chaque accent éperdu ; chaque nuance ténue comme une déflagration intime, un effondrement psychique qu’il faut mettre en relation avec l’expérience personnelle du compositeur. Elle est enchaînée avec le Finale qui précipite l’allure collective en une transe de plus en plus aigre et sarcastique dont les vagues mordantes surgissent et s’affirment plus nettement dans le chant d’un orchestre scintillant et hagard (clarinette / flûte).

A 29’45, seconde partie du concert : jaillit la Symphonie n°5 d’un Beethoven combattant dont le chef, nerveux, définitif, souligne l’enracinement âpre, l’assise chtonienne ; la partition célébrissime s’affirme dès ses notes répétées du début par sa tension; l’énergie, surtout la rage déferlent comme une poussée de lave incandescente ; le tempo est allant, sans retenue, ciblant nette sa résolution ; du chaos se précise peu à peu l’éclosion de l’esprit ; de la matière rugissante primitive surgit la forme d’une pensée conquérante. L’Andante rétablit l’ordre et l’équilibre, mais avec une autorité triomphatrice qui se pare d’éclats guerriers comme de couleurs subtilement voluptueuses (caresse des bois dont l’articulation enivrante du hautbois et du basson… grâce à la connivence des remarquables solistes), d’une souveraine assise (chant des violoncelles). La baguette large, précise semble faire surgir la marche d’une armée qui défile avec la noblesse et l’aplomb recouvrés ; cette sensualité maîtrisée aussi qui convoque déjà la 6è « Pastorale ».
Le Scherzo, plus souterrain, s’impose également par sa tension ultime, son urgence rayonnante ; il prélude et prépare le surgissement final de la lumière qui fait du tourbillon orchestral, une formidable machine ascensionnelle dont la grandeur nourrit le souffle collectif jusqu’à l’exclamation jubilatoire finale, chant de victoire, défilé martial, apothéose instrumentale d’une irrésistible extase en ut majeur. Le chef souligne l’impétuosité caressante, ardente, ivre de la conclusion, très proche dans l’esprit du finale de l’opéra unique de Beethoven, Fidelio.

 

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audito-2.0-Orchestre-National-de-lille-concerts-annonce-critique-classiquenewsREVOIR EN REPLAY le concert JEAN-CLAUDE CASADESUS dirige Chostakovitch et Beethoven (12 mai 2021) sur la chaîne Youtube de l’ON LILLE Orchestre National de Lille :
https://www.youtube.com/watch?v=1Wf4O6R-tXA

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ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE / ELIM CHAN joue Ravel et Beethoven

STREAMING concert. LILLE, sam 10 avril 2021, 20h. L’Orchestre National de Lille poursuit ses concerts 100% numériques en live streaming. Prochain direct depuis l’auditorium du Nouveau Siècle à Lille, samedi 10 avril 2021 : Concerto en sol de Ravel, Symphonie n°2 de Beethoven par la cheffe hong-kongaise ELIM CHAN (directrice musicale de l’Antwerp Symphony Orchestra) et la pianiste nippo-allemande Alice Sara Ott.

ELIM CHAN cheffe classiquenews ON LILLE steaming concert audito 2Ravel, de retour d’une tournée aux USA (1928), éblouit par son écriture virtuose, légère, néo mozartienne, à la fois classique et swinguée dans l’esprit aussi de Saint-Saëns. La Symphonie n°2 de Beethoven affirme en 1803, le tempérament réformateur du compositeur venu de Bonn et déjà établi à Vienne depuis 10 ans. Dans le sillons des génies locaux, Haydn et Mozart, Beethoven offre une synthèse puissante et originale qui recycle le format de la sonate : Ludwig y fixe définitivement le Scherzo ; surtout en récapitulant les tensions et contrastes, cultivés, canalisés dans les mouvements précédents, le Finale jugé « monstrueux » par les auditeurs et les interprètes, affirment une dimension jamais écoutée jusque là. L’énergie conquérante, la force insufflée par la seule volonté musicale contredit pourtant l’une des périodes les plus sombres de la vie de Beethoven, suicidaire et désespéré même, ressentant les effets de sa surdité et rédacteur d’un testament artistique bouleversant à Heiligenstadt. Ni défaite ni dépression dans la Symphonie n°2… mais la pleine conscience des vertus salvatrices de la musique.  Photo : Elim Chan (DR)

L’Orchestre National de Lille / ON LILLE retrouve pour la 3ème fois la cheffe hong-kongaise Elim Chan (venue en 2015 et 2016 Ă  Lille et en rĂ©gion Hauts-de-France) – première femme LaurĂ©ate du concours Donatella Flick Conducting Competition et pour la première fois la pianiste nippo-allemande Alice Sara Ott.

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STREAMING CONCERTaudito-2.0-Orchestre-National-de-lille-concerts-annonce-critique-classiquenews
Samedi 10 avril 2021, 20h

En direct depuis l’Auditorium du Nouveau Siècle à Lille
RAVEL et BEETHOVEN

PLUS D’INFOS sur le site de l’ON LILLE / Orchestre National de Lille
http://www.onlille.com/saison_20-21/concert/ravel-et-beethoven/

 

RAVEL
Concerto pour piano et orchestre en Sol

BEETHOVEN
Symphonie n°2

 
Alice Sara Ott, piano
Orchestre National de Lille
Elim Chan, direction

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L’ON LILLE / ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE poursuit son activité sur la toile grâce à son offre digitale intitulée « l’AUDITO 2.0 » :

La chaîne YouTube de l’Orchestre ? plus d’1 million de vues depuis sa création en 2009 : https://bit.ly/3ortO8b

Notes de programme à retrouver sur : www.onlille.com/saison_20-21/concert/ravel-et-beethoven/

Retrouvez en streaming gratuit les concerts de l’Orchestre dans L’Audito 2.0 : https://bit.ly/2INlAIg

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LIRE AUSSI nos critiques des concerts numériques précédents :

E-CONCERT, STREAMING, critique. LILLE, Nouveau Siècle, le 3 avril 2021. « Enchantements », Wagner, Sibelius / I. Brimberg / Orchestre National de Lille, D. Stasevska, direction. Après le nerf impétueux, vif argent du chef néerlandais Jan Willem De Vriend (concert Beethoven du 13 mars dernier), voici un nouveau volet de l’offre digitale du National de Lille ; ce programme diffusé sur internet du 3 avril 2021, dévoile la sensibilité de la chef invitée Dalia Stasevska, tempérament intérieur en communion avec les instrumentistes lillois ; d’abord précise aux éclats intérieurs mi enivrés mi tragiques de la (lente) Valse triste de Sibelius ; c’est un préambule tout en finesse suspendue pour le Prélude de Tristan : en kimono, la maestra ukrainienne recherche le sens derrière le son ; la résonance intime qui étire chaque accord, en sa tension irrésolue ; l’incandescence du sentiment amoureux, celui des amants maudits Tristan et Yseult se consume ainsi dans la clarté et la transparence ; une urgence intérieure qui creuse l’exaspération de désirs insatisfaits. La cheffe déploie des sortilèges de langueur sensuelle, toujours très soucieuse du son comme de la balance sonore.

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roth-francois-xavier-concert-maestro-concert-classiquenews-critique-concert-classiquenewsCOMPTE-RENDU STREAMING, concert, critique. LILLE, le 13 février 2021. BEETHOVEN, STRAVINSKY. ON LILLE. FX Roth, direction. C’est un Beethoven (Concerto pour piano n°1, 1800) étonnamment clair et comme épuré, nerveux et musclé que François-Xavier Roth fait jaillir, grâce à l’implication de chaque instrumentistes du National de Lille. L’ouverture sonne nette, presque tranchante, avec des tutti précis et accentués ; une vision très architecturée et carrée à laquelle le piano de l’Andalou Javier Perianes apporte une sonorité tranchée elle aussi, souvent plus expressive et percussive voire crépitante que douce et chantante. L’équilibre sonore que préserve le chef, fait chanter chaque instrumentiste en dialogue avec le clavier ; une acuité lumineuse qui est le produit de sa vaste expérience avec son orchestre sur instruments historiques, Le Siècles. Photo : FX Roth (DR)

 

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Dossier 500 ans de la mort de JOSQUIN DESPREZ (1521 – 2021)

josquin desprez par leonardo dossier 500 ans josquin deprez classiquenews500 ANS de la mort de JOSQUIN DESPREZ (1521 – 2021). JOSQUIN, premier auteur vĂ©nĂ©rĂ©, cĂ©lĂ©brĂ© de son vivant tel une cĂ©lĂ©britĂ©, reconnu pour le gĂ©nie de ses mĂ©lodies profanes (vernaculaires) comme de ses pièces sacrĂ©es ? Homme du dĂ©but du XVIè, au temps de la première Renaissance, le Français fait figure de première « pop star », estimĂ© alors Ă  l’échelle europĂ©enne, tant pour ses chansons que ses motets : un phĂ©nix incontournable Ă  l’inspiration profane comme sacrĂ©e, publiĂ© donc diffusĂ© partout en Europe, recherchĂ© par les Grands et les princes… Quel patrimoine musical et artistique nous laisse-t-il en hĂ©ritage ? Qui fut Josquin ? Dossier spĂ©cial 500 ans après sa disparition.

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PORTRAITURÉ PAR LEONARDO ?
Josquin des Prés ou Desprez a laissé une réputation scandaleuse : n’écrivant que lorsqu’il le souhaitait et non à la demande selon certains contemporains (pas toujours très objectifs cependant) ; il pourrait bien être le modèle de ce célèbre portait de Leonardo (photo ci dessus) : alors compositeur à la Cour ducale de Milan, auteur majeur de l’école franco-flamande (comme Franchini Gaffurio qui fut aussi proposé comme modèle du même panneau) ; avant les Banchieri, Gesualdo, c’est le Nord de l’Europe qui donnait le la au continent européen, s’imposant dans toutes les cours dignes de ce nom… écriture contrapuntique, séduction mélodique… la force de Josquin est d’inventer des airs immédiatement séduisants comme il sait aussi tisser des architectures sonores, flamboyantes, ambitieuses, échos à l’ère des cathédrales, au mysticisme foudroyant.

 

 

MORT le 27 août 1521… Où est-il né et quand ? Aucune dates précises quand à sa naissance et son lieu de naissance est tout autant mystérieux ; originaire probablement du Hainaut, entre France et Belgique, Josquin voit le jour au milieu du XVè.
Le musicien sait séduire et se déplacer : témoignages et citations attestent de son séjour à Aix-en-Provence (chapelle du roi René), à Milan (le portrait de Leonardo fixe les traits d’un compositeur au service des Sforza), à Rome (sous Innocent VIII et Alexandre VI, comme en témoigne une inscription dans le saint des saints, la Chapelle Sixtine), à Ferrare (Hercule Ier) et aussi en France à Blois, Paris et Saint-Quentin : il sert à la Cour de Louis XI et Louis XII. Autant d’étapes dans une chronologie qui reste globalement lacunaire.
De toute évidence, Josquin sait sa valeur et entend être payé en retour. Pour rappeler à ses patrons ce qu’ils lui doivent, Desprez, serviteur insoumis, sait réclamer et recouvrer ses créances : le duc Sforza comme Louis XII l’ont expérimenté. Au premier, il compose sa messe / Missa « La sol fa remi / Laisse moi faire » (raillant la désinvolture du mauvais payeur) ; au second, le motet Memor esto verbi tui servo tuo / « Souviens-toi de ta parole à ton serviteur » est plus direct encore et cible le souverain devant toute la cour. Un point avéré néanmoins, sa fin documentée : il expire à Condé-sur-l’Escaut, près de Valenciennes, le 27 août 1521, il y a 500 ans.

 

 

vidéo
De profundis clamavi Ă  5 voix
https://www.youtube.com/watch?v=voiBzAzQrGE
Pomerium / Alan Black

 

 

 

 

PRÉCURSEUR DE MONTEVERDI… mais plus qu’aucun autre auteur au XVIè, Josquin est le premier à rechercher et ciseler la caractérisation émotionnelle. Les sentiments et déjà les passions humaines sont présentes et traitées avec une acuité inédite, aux côtés des architectures abstraites et spirituelles. Le faste, la grandeur, l’esprit de prestige et de solennité se colorent aussi d’une sensibilité nouvelle, qui fait de Josquin le premier peintre du sentiment au cœur de la Renaissance. Avec lui, la mathématique musicale devient aussi expressive qu’ample et complexe. Pour se faire, Josquin réconcilie musique savante et musique populaire, assimilant l’abstraction des canons et du contrepoint de Guillaume de Machaut (mort au siècle précédent en 1377) en les combinant avec sa connaissance des airs populaires (monodies des ménestrels et des artistes de la rue).
Dès lors, artisan de cet humanisme réformateur, Josquin place l’homme au centre de l’univers, quand ses prédécesseurs célébrait la puissance unique, omnipotente et centrale de Dieu.
En Italie, Josquin prépare le terreau de la monodie profane et passionnelle que le baroque Monteverdi porte à un degré de perfection expressive dans le genre du madrigal puis de l’opéra. Peu à peu la musique s’humanise et s’incarne par des voix et des parties instrumentales de plus en plus caractérisées.

 

 

MODERNE, JOSQUIN abolit les frontières entre sacré et profane : sa chanson de BAUDICHON, relatant les exploits d’un bon gaillard endurant est aussi le terreau mélodique de l’une de ses premières messes (Monteverdi fera de même, recyclant le profane dans le sacré et vice versa) : la Missa L’Ami Baudichon est encore classée dans les archives de la Sixtine, depuis Jules II.

 

 

CARACTÉRISATION, INTELLIGIBILITÉ… Avec le souci du sentiment, Josquin soigne particulièrement la sculpture du verbe : ses textes sont choisis et traités avec soin. La Missa Pangue Lingua est un modèle du genre : chaque mot et la façon de le prononcer semblent produire la mélodie. Cette intelligence textuel et mélodique préfigure là encore Monteverdi. L’émergence des langues vernaculaires et l’essor du Français désormais d’usage dans tout acte officiel (1539) souligne le goût linguistique de Josquin, décidément en phase avec son époque. La musique devient langage, expression de l’âme humaine, après avoir été cette architecture abstraite à la gloire de Dieu.

 

 

L’HOMME DES REGRETZ… Nouveau chantre des passions de l’âme, Josquin peint désormais la langueur et l’impuissance, la vanité et la mélancolie. Le mode de mi, introspectif, parfois grave marque une écriture de la peine et de la tristesse, et jalonne régulièrement une œuvre riche en témoignage ému. « Mille regretz » est la chanson favorite de l’Empereur qui renonça au pouvoir, conscient de toute vanité terrestre : Charles Quint ; « Plus nulz regretz » est composée pour la tante et tutrice de ce dernier, Marguerite d’Autriche…

 

 

PREMIERES PARTITIONS IMPRIMÉES… Josquin est le témoin des premières éditions de Gutenberg : son Premier Livre de messes est publié à l’aube du siècle, à Venise en 1502 chez Petrucci ; premier jalon d’une œuvre désormais fixée par l’impression et diffusée partout en Europe. C’est le gage d’une célébrité immédiate, cultivée avec intuition, de son vivant. Ainsi l’écrit et le publié permettent de mesurer dans le détail, la « révolution Josquin » ; ils indiquent précisément à quelle note correspond quelle syllabe : le chanteur ne peut plus improviser désormais, choisissant aléatoirement où placer le texte sur les notes : Josquin stabilise et fixe les règles. autour de 350 partitions lui sont aujourd’hui attribuées ; un examen critique devrait bientôt être réalisé pour distinguer les attributions problématiques et les manuscrits autographes.

 

 

 

 

 

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vidéo
Allegez moy doulce plaisant brunette
Ensemble Clément Jannequin / Dominique Visse / 2021
(extrait du 7ème Livre de chansons)
https://youtu.be/_Y6ir2JwUaI

La chanson évoque la dernière évolution de l’écriture de Josquin : simplifiée, essentielle, immédiatement mémorisable… Plus qu’aucun autre compositeur avant lui, Josquin Desprez a démocratisé la musique ; passant du contrepoint complexe et abstrait, à l’expression sensible, franche et directe de l’âme humaine…

 

 

vidéo
« Ma bouche rit et mon cueur pleure »
Ensemble Clément Jannequin / Dominique Visse / 2021
https://www.youtube.com/watch?v=lOgOw7TElW8

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COMPTE-RENDU, streaming concert. ON LILLE, le 13 mars 2021. Orch National de Lille / Jan Willem De Vriend, direction. Beethoven : Symphonie n°3 « héroïque »

ORCHESTRE-NATIONAL-DE-LILLE-maestro-alexandre-Bloch-concert-classiquenews-critique-annonceCOMPTE-RENDU, streaming concert. ON LILLE, le 13 mars 2021. Orch National de Lille / Jan Willem De Vriend, direction. Beethoven : Symphonie n°3 « héroïque ». A la fois exaltée, ivre de sa propre énergie, la direction précise, claire du néerlandais Jan Willem De Vriend sait être équilibrée en ce qu’elle favorise le détail et porte la tension. Dans l’Eroica de Beethoven pourtant surjouée ici et là, en particulier depuis les célébrations Beethoven 2020 (certes avortées covid oblige),le premier mouvement, regorge de vitalité et de puissance sans jamais sacrifier la précision des ornements ni la balance entre soliste et orchestre, pour chaque intervention caractérisée. Le souffle du destin rayonne ; s’appuyant sur une vision ciselée de l’écriture instrumentale : en clair, le geste du chef flamand, habitué des répertoires préromantiques et romantiques, de surcroît selon ce relief et cette intensité sculpturale propre aux instruments d’époque, nourrit ici une vision qui est fluide, caractérisée, parfaitement architecturée. Comme partition du destin et conduite par une irrépressible énergie, la volonté de Ludwig s’accomplit avec une délicatesse continument exaltante.

Le second mouvement plus grave et sombre ne perd pas la souplesse ni ce mordant parfois glaçant dans la caractérisation instrumentale.

Ample et lugubre, le geste du chef recherchant des sonorités profondes et claires avait ouvert le programme avec caractère et gravitas pour Cherubini dont la Marche funèbre saisissante par ses semonces déchirants (gong souterrain, crépusculaire ; bassons insidieux…), entre désespoir tragique et esprit de grandeur, éclaire la connaissance de Gluck, celui ardent, gémissant voire mystérieux d’Orphée.

Chez Beethoven, c’est encore un très beau travail opéré sur les sonorités et l’intériorité poétique des nuances de timbres. De Vriend sait exprimer la langueur élégiaque du morceau que berce des cordes toujours suaves et rondes. L’héroïsme qu’ouvrage le chef est d’une souveraine tragédie qui ici se déploie sans réserve, exprimant tous les sacrifices et la peine ressentis, vécus dans sa chair par un Beethoven qui d’exalté fut trahi (par Bonaparte devenu Napoléon) et qui aussi ressent les premiers effets de sa surdité. La lisibilité des violoncelles et des contrebasses produit une profondeur au chant inexorable, celui d’une blessure profonde mais toujours noble et digne. Une séquence qui tisse un écho pertinent à la Marche funèbre de Cherubini qui a ouvert le programme, dans un même souci d’intériorité recueillie. La violence dont est capable Beethoven n’écarte jamais une sourde déchirure qui en a permis l’éclosion.

 

 

JW De Vriend et le National de Lille

Un Beethoven éruptif, élégant, subtil…

 

 

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Le Scherzo est pur jaillissement d’une énergie recouvrée qui s’électrise et trépigne, mais en une mise en place parfaitement détaillée, à la métrique précise et claire (rayonne en particulier le chant mordoré, rauque et pourtant rond des cors parfaitement dialogués avec les cordes).

Dans ce sens le dernier Allegro (molto) a la vivacité et même l’élégance (équilibre et clarté des pupitres) d’un souffle printanier, d’une danse de joie autour du feu de l’esprit et de l’espoir. Le héros de cette odyssée orchestrale reste Beethoven lui-même, nouveau héros musicien, alchimiste de nouveaux sons, architecte d’un monde nouveau dont il a seul la conscience ; aux auditeurs d’en saisir les prémonitions salvatrices, la possibilité de le réaliser à partir de prières fraternelles et humanistes dont Ludwig s’est fait le prophète et le chantre.

De Vriend recueille ce formidable élan fraternel et solidaire en un bain orchestral (récapitulatif) dont chaque séquence magnifiquement timbrée et phrasée (cors, flûte, clarinette…) est subtilement caractérisée. C’est un travail d’orfèvre d’un rare fini et qui assoit aux côtés du Beethoven violent, éruptif voire furieux, la noblesse et le raffinement de son écriture, le jaillissement primitif de son inspiration. Ivresse et subtilité. Le cocktail est irrésistible. Les instrumentistes du National de Lille répondent au doigt et à l’œil du chef des plus expressifs. Ce travail de la nuance est passionnant.

 

 

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LIRE aussi notre présentation du concert ORCHESTRE NATIONLA DE LILLE / Cherubini, Beethoven / Jan Willem De Vriend, direction

http://www.classiquenews.com/live-streaming-concert-lon-lille-joue-cherubini-et-beethoven/

VOIR le concert

sur la chaine Youtube de l’ON LILLE Orchestre National de Lille ici :

https://www.youtube.com/watch?v=hW1o2yXeeRc

 

 

VOIR TOUS LES CONCERTS de l’ON LILLE ici :

https://www.youtube.com/channel/UCDXlku0a3rJm7SV9WuQtAdw

 

 
 

 

POINT D’ORGUE de THIERRY ESCAICH

point-d-orgue-voix-humaine-escaich-poulenc-petibon-opera-critique-classiquenewsFRANCE MUSIQUE, sam 27 mars 2021, 20h. POULENC / ESCAICH. La soprano familière des grands défis vocaux chante La Voix humaine du premier, Point d’orgue du second (création, présentée en mars au TCE, sans public). Captation les 3 et 5 mars 2021 pour diffusion sur la toile ultérieure (avril 2021?).

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 FRANCE MUSIQUE, Samedi 27 mars 2021, 20h

Programme double :
La Voix Humaine de Poulenc / Point d’Orgue de Thierry Escaich (création mondiale).
Mise en scène : O.Py,
avec P. Petibon (Elle), J.S Bou (Lui), C.Dubois (L’Autre) – Orchestre National de Bordeaux / J. Rhorer, direction.

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LA VOIX HUMAINE de Jean Cocteau – Francis Poulenc
Tragédie lyrique en un acte (1958)
Paroles : Jean COCTEAU
Musique : Francis POULENC
CREATION MONDIALE

POINT D’ORGUE de Thierry Escaich – Olivier Py
Opéra en un acte
Livret : Olivier PY
Musique : Thierry ESCAICH

En 1958, deux ans après son opéra tragique et historique Dialogues des Carmélites, Francis Poulenc écrit La Voix humaine, partition en un acte composée pour une seule voix de soprano, tragédienne moderne égarée, abandonnée, impuissante face au désarroi de la rupture amoureuse. Le TCE à Paris commande au compositeur (et organiste, d’où le titre de son œuvre), une nouvelle partition lyrique qui serait comme le double de l’ouvrage de Poulenc. Escaich imagine ainsi la suite du monologue sous forme d’un dialogue renoué entre Elle et Lui. « Lui » qui n’apparaît jamais dans l’oeuvre de Poulenc / Cocteau. La parole, le dialogue sont le sujet principal des deux œuvres ainsi présentées en miroir.
Ainsi le « trio » Patricia Petibon, Olivier Py et Jérémie Rhorer se recompose, après leur précédente coopération pour Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc, créé au Théâtre des Champs-Elysées en 2013. On se souvient aussi que Jérémie Rhorer, formé par Thierry Escaich dans ses années d’apprentissage, dirigea la création de son opéra Claude (livret de Robert Badinter, adapté de Claude Gueux de Victor Hugo) à l’Opéra de Lyon, une production mise en scène par Olivier Py et où Jean-Sébastien Bou interprétait le rôle-titre. Les retrouvailles scellent donc la nouvelle production du TCE autour du diptyque POULENC / ESCAICH 2021.

En 1920, le « moine et voyou » Poulenc rejoint le Groupe des Six, dont le porte-parole est Jean Cocteau : les œuvres de cette période sont légères, virtuoses. Mais après 1936 avec la mort de son ami le compositeur Pierre Octave Ferroud, l’inspiration de Poulenc se fait plus grave et sombre (Stabat Mater) tout en poursuivant cette impertinence proche de Satie (Les Mamelles de Tirésias). En 1958, Poulenc s’empare du monologue éponyme de Jean Cocteau (1930) et en déduit un opéra en un acte créé en 1959 salle Favart, par la soprano Denise Duval, son amie et sa complice.
Après Les Enfants terribles (1929) et avant son film La Belle et la Bête (1945), Cocteau imagine en un huis clos étouffant la désespérance d’une femme amoureuse qui tente de renouer le fil avec son amant, au téléphone, dans sa chambre d’hôtel.

POINT D’ORGUE… Une apothĂ©ose pour ELLE
L’organiste et compositeur, Thierry Escaich retrouve son ancien élève Jérémie Rhorer (classe de composition) pour la création de Point d’orgue dont le sujet offre une suite à La Voix humaine de Poulenc / Cocteau. Escaich a longtemps joué le Concerto pour orgue et orchestre de Poulenc, au flux énergique, aux audaces harmoniques singulières. Pour son nouvel ouvrage conçu en « miroir », Escaich développe en résonance et par goût personnel, un univers harmonique, post-tonal, polytonal, qui vient plutôt de Debussy, Ravel, Poulenc, Dutilleux, Honegger. La continuité de l’un à l’autre ouvrage, vient du même instrumentarium, dans l’esprit d’un orchestre Mozart.
A la descente aux enfers que dessine le mélodrame de Cocteau, Escaich, inspiré par le livret de Py pour Point d’orgue, offre une sublime résurrection à Elle, dans une conclusion qui frappe par sa sérénité. La force inédite de l’héroïne si malmenée par Poulenc et Cocteau, submerge la scène d’une force virile saisissante qui finit par emporter comem dans un thriller psychologique, les deux rôles masculins : Lui et l’Autre, respectivement pour baryton et ténor. Le compositeur trouve à chaque mots du livret, une nuance musicale propre à ciseler et éclairer les composantes d’un échiquier du sentiment et de la passion humaine.
L’écriture vocale de Point d’orgue est plus opératique que l’ouvrage précédent, Claude. Escaich utilisant la forme d’arias, qui résonnent parfois comme des pastiches, « des sortes d’éclipses dans un esprit opéra bouffe bien que la tonalité générale du texte soit plutôt sombre. » Thierry Escaich connaît à présent idéalement les performances artistiques de Jean-Sébastien Bou et Patricia Petibon. Concernant le ténor Cyrille Dubois, son timbre correspond parfaitement à l’idée du personnage telle qu’elle s’est affirmée peu à peu au cours de la rédaction du livret d’Olivier Py.

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STREAMING, opéra, CRITIQUE I Le 21 février 2021. VERDI : Aida : Tézier, Kaufmann, Opéra de Paris

UnknownSTREAMING, opéra, CRITIQUE I Le 21 février 2021. VERDI : Aida : Tézier, Kaufmann, Opéra de Paris. A nouveau cette nouvelle production d’Aida présentée à l’Opéra de Paris fait surgir la question d’un décalage malheureux entre l’unité et le sens originels de la partition quasi archéologique de Verdi (qui reçut les conseils de l’égyptologue français, Auguste Mariette) et les options de la mise en scène signée de la confuse et non verdienne Lotte de Beer. Exit la grandeur exotique d el’Egypte ancienne et flamboyante du NOuvel Empire : voici une action traitée comme une comédie de mœurs dans un musée XIXè, avec marionnettes pierreuses à l’avenant, sans que l’on sache vraiment ce que ses « doubles » des protagonistes ajoute à la clarification du propos.
Peu inspirée par l’univers verdien, Lotte de Beer plaque des préconçus et des thématiques qui n’ont rien à voir avec la dramaturgie verdienne, caractérisée comme toujours par le conflit douloureux entre amour et devoir, solitude impuissante des individus et nécessité de la loi sociale et politique. Dans le sillon tracé et fixé par le grand opéra version Meyerbeer, Verdi oppose avec génie, la question des conflits géopolitiques et le destin des individus dont l’amour contredit les plans et les intérêts supérieurs, d’autant que comme dans Don Carlo(s), l’église s’en mêle et soumet tout un chacun à la loi mystérieuse mais avide et vorace des dieux.

VOIX PUISSANTES et CHEF EXPRESSIF
Aida à l’Opéra de Paris en février 2021

Même général victorieux, Radamès a trahi son pays pour l’amour de la belle éthiopienne Aida, réduite en esclave à la Cour d’Amnéris, l’égyptienne trop jalouse, qui aime Radamès mais sans retour.
Les costumes renvoient à l’époque où fut composé l’opéra, fin XIXè, pour l’inauguration du Canal de Suez. Mais dans cette grille conteporaine, on n’identifie pas clairement les relations qui situent chaque personnage… Ne parlons ni des décors ni du mouvement des chœurs comme de la directions d’acteurs : quand ils ne sont pas laids et décalés, il sont absents. Ce manque de vision, de cohérence… interroge.

Unknown-1Heureusement la réalisation musicale est à la hauteur de cet événement parisien, affiché, diffusé en plain confinement de la culture et du spectacle vivant. Le chef Michele Mariotti détaille et insuffle de belles couleurs, des nuances expressives très convaincantes : il souligne sous chaque épisode la double lecture : politique / individuelle. Le plateau réunit des chanteurs à décibels, puissants naturellement et heureusement phrasés. Ainsi les femmes sont très incarnées, aux timbres magnifiquement opposés. La fauve, sombre et viscérale Amnéris, dévorée par la jalousie (Ksenia Dudnikova aux aigus qui dérapent parfois cependant) contredit le soprano clair et tout aussi sonore de Sondra Radvanovsky, Aida palpitante et sobre, riche en harmoniques sensibles. Le cast souligne ici combien la partition est aussi une affaire d’hommes (comme dans Don Carlo/s également avec le duo Carlo et Posa) : Ludovic Tézier affirme un Amonasro (père d’Aida), félin, articulé, noble de bout en bout (vrai baryton verdien sculptant avec finesse son profil psychologique), tandis que Jonas Kaufmann (Radamès) colore sa voix sombre d’éclats crépusculaires qui brûlent littéralement dans la scène finale où les deux amants sont réunis mais emmurés vivants. Evidemment les voix à l’intonation si facile semble souvent être indifférents aux mots et au texte en général (à l’exception de Kaufmann). Dommage.
Voici donc une production vocalement intense et caractérisée, orchestralement passionnante, mais dénaturée (encore) par une mise en scène à l’éclectisme déconcertant. Photos : Aida / Mariotti © Vincent Pontet / Opéra national de Paris

 

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STREAMING, opéra, CRITIQUE I Le 21 février 2021. VERDI : Aida : Tézier, Kaufmann, Opéra de Paris

 

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VOIR la captation d’Aida de Verdi par M Mariotti, J Kaufmann, S Radvanovsky, L Tézier, K Dudnikova… Opéra de Paris

https://www.arte.tv/fr/videos/100855-001-A/giuseppe-verdi-aida/

 

 

LIEN DIRECT vers la page ARTE CONCERT / Aida de VERDI
https://www.arte.tv/it/videos/100855-001-A/giuseppe-verdi-aida/
REPLAY jusqu’au 20 août 2021.

 

 

VOIR ici AIDA de VERDI / OpĂ©ra de Paris / Mariotti, Kaufmann, TĂ©zier… :

 

 

STREAMING, opéra, critique. Genève, le 19 fév 2021. MOZART : La Clémence de Titus. Rau, Emelyanychev.

titus rau emelyanychev titus opera mozart critique classiquenewsSTREAMING, opéra, critique. Genève, le 19 fév 2021. MOZART : La Clémence de Titus. Rau, Emelyanychev. L’Opéra de Genève présentait en live streaming une lecture contemporaine du dernier seria mozartien, n’hésitant pas sous le regard militant et très politique de Milo Rau (directeur du NTGent / Théâtre de Gand) à dénaturer la tension et la continuité de la partition par des inserts parlés, des séquences purement théâtrales, des effets vidéo, car comme c’est la règle à présent, ce qui se passe sur scène ne suffit plus mais doit être nécessairement réalisé en fonction de ce que donne sa projection en grand écran au dessus : triste réalité des mises en scène actuelles. Ici Titus est un souverain solitaire, malmené par la pression de la rue (et des migrants), conscient ou non des revendications de la classe laborieuse dépossédée ; comme il est indiqué dès la séquences du début (chorale), « l’insurrection vient » (qui est en réalité la fin de l’opéra quand Titus sait pardonner à ceux qui l’ont trahi, d’où le titre).

TITUS, les migrants et la Révolution

La confusion qui règne sur scène est contredite par l’excellence des musiciens et du chef, le trépidant maestro Maxim Emelyanychev, toujours prêt à nuancer dans l’urgence et l’extrême tendresse la partition de Mozart. Rau amoncèle des idées, gadgets, situations humaines misérabilistes, déjà vus ; rien de neuf sinon la dénonciation des laissers pour compte et des miséreux (claire référence à la jungle de Calais ou les camps de Lesbos) que l’élite bourgeoise et monarchique spolie toujours un peu plus. Ainsi la scène trash voire gore de ce genevois, employé par l’Opéra de Genève qui se dénude sur scène et est assassiné sur les planches, son cœur extirpé palpitant comme un trophée désormais emblématique de l’exploitation des classes précédemment dénoncé. Si l’art est pouvoir, pourquoi user d’aussi grosses ficelles, entre laideur et gros sabots ? Milo Rau suivrait les pas de Mozart qui tout en servant la forme désormais archaïque de l’opéra seria (certes de mise pour le couronnement de Leopold II) sait aussi la réformer, voire la faire imploser. Mais ici l’humanisme et l’idéal maçonnique de Wolfgang, clairement perceptible dans la scène finale de la clémence du roi sont totalement voilés, trahis par la foire et le déballage scénique.

Dans cette relecture théâtreuse, le metteur en scène s’en donne à cœur joie quitte à rajouter au livret (de Métastase repris par Mazzola) ainsi décousu, déformé : chaque chanteurs existaient avant d’être ici sur scène, riche d’une vie personnelle souvent dense voire tragique, et qui explique ce qu’il chante désormais ; Anna Goryachova (Sesto), Serena Farnocchia (Vitellia), Marie Lys (Servilia), Cecilia Molinari (Annio) ; dans cette aréopage aux destins « foudroyés » et aux états d’âme à l’avenant, Bernard Richter (Titus) a été témoin de la mort de son père lors d’un match de foot et la figure du sage, véritable double de Titus, Publio, cultive une distanciation presque ennuyée et détachée de facto : Justin Hopkins (Publio) pose la question du sens même de l’œuvre artistique : pourquoi jouer devant un parterre de rois et de notables sans appartenir à leur classe ? Jouer c’est servir. S’avilir ? Rien de plus.
On imagine illico un lien avec le destin même de Mozart, sa rébellion visionnaire contre son employeur, l’infect Colloredo. Une suite bouleversante d’interventions de migrants opprimés transforme l’opéra de Mozart en scène humanitaire, dénonçant les oppressions, les crimes et les tortures infects perpétrés partout sur la planète… pour autant est ce vraiment la vocation d’un opéra que d’être l’étendard de cet engagement certes louable ?
On en oublierait presque ce que l’on écoute avec intérêt. Car ici triomphe en un renversement bénéfique in fine, l’art musical de Mozart, sa somptueuse connaissance des cœurs. L’éclat sombre et articulé, très juste de Serena Farnocchia fait une Vitellia, humaine, attachante alors qu’elle est la « méchante », manipulant Sesto pour tuer l’empereur Titus. Anna Goryachova, rossinienne avérée, incarne justement bien un Sesto sacrifié (Vitellia le malmène sans scrupule) ; il ne peut tuer Titus car ce dernier a clairement déclarer vouloir épouser la sœur de Sesto, Servilia (qui aime l’ami de Sesto, Annio). La tendresse des duos brille par sa vérité et sa chaleur émotionnelle (Annio / Servillia, servi par Cecilia Molinari et Marie Lys, d’une constante finesse, entre sincérité et fragilité).
L’incendie du Capitole oĂą alors qu’ailleurs, le doute persiste quant Ă  l’assassinat de Titus, est magistralement exprimĂ©, plein de souffle et de d’éclairs… Le chef Ă©claire ce Mozart de la fin, dĂ©jĂ  romantique par ses contrastes saisissants et un orchestre foudroyant (qui pourrait ĂŞtre en rĂ©alitĂ© le vĂ©ritable protagoniste du drame)… VOIR l’opĂ©ra ici : https://www.gtg.ch/en/digital/

Direction musicale : Maxim Emelyanychev
Mise en scène : Milo Rau

Tito, Bernard Richter
Vitellia, Serena Farnocchia
Sesto, Anna Goryachova
Servilia, Marie Lys
Annio, Cecilia Molinari
Publio, Justin Hopkins

Chœur du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse Romande

STREAMING OPERA (chez soi) du 19 février 2021

EN DIRECT : GLI ANGELI interprète JS BACH

LIVE BACH mc leod concert critique annonce opera classiquenews Gli-Angeli-Geneve© FoppeSchutSTREAMING BAROQUE, cantates de JS BACH. GLI ANGELI, ce soir, lundi 8 fĂ©v 2021, 20h. Superbe concert angĂ©lique, baroque et sacrĂ© grâce au tempĂ©rament et Ă  l’implication artistique du jeune ensemble genevois sur instruments anciens, GLI ANGELI. En direct depuis le Temple de Saint-Gervais Ă  Genève, l’ensemble Gli Angeli prĂ©sente 4 cantates sur mĂ©lodie de choral dont la sublime BWV 127 dont l’air « Die Seele ruht » est l’un des plus bouleversants de toute l’œuvre du Cantor de Leipzig. GLI ANGELI s’Ă©tait distinguĂ© en mars 2020, il y a presque un an, en Ă©ditant leur propre lecture de la Passion selon Saint-Matthieu (LIRE ci après notre critique)

 

DISTRIBUTION
Le violon de Leila Schayegh, le traverso de Marc HantaĂŻ, le hautbois d’Emmanuel Laporte dialogueront avec les voix d’Aleksandra Lewandowska, Alex Potter, Valerio Contaldo et Stephan MacLeod, tous les quatre dĂ©jĂ  rĂ©unis pour la passionnante version de la Passion selon Saint-Matthieu / Matthäus Passion Ă©ditĂ©e par Gli ANgeli en mars 2020… Lire ci après, critique du cd.

 

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VISIONNER LE CONCERT DE CE SOIR :

Lundi 8 février 2021 à 20h,
en direct depuis le Temple de Saint-Gervais à Genève,
JEAN SEBASTIEN BACH : 4 cantates sur mélodie de choral
dont l’extraordinaire BWV 127 et son air Die Seele ruht
A VIVRE EN DIRECT sur les sites :
www.gliangeligeneve.com, ainsi que YouTube et sur Facebook.
Présenté par Philippe Albèra

 

 

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Malgré la pandémie et l’état d’urgence sanitaire qui interdisent les concerts en public, certains ensembles développent une résilience créative rétablissant l’activité artistique et le lien avec le public. En témoigne cette initiative bienvenue qui souligne la pertinence d’un collectif récemment constitué et dont la proposition chez Bach s’avère très intéressante.

De quoi revivre la musique en direct, en ces temps d’étouffement de la culture et du spectacle.

Prochain concert GLI ANGELI : suite des Cantates de Jean-Sébastien BACH,
le 10 mai 2021 au Temple Saint-Gervais à Genève

 

 

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CD / GLI ANGELI : Passion selon Saint-Mathieu / Matthäus Passion

 

bach js matthaus passion gli angeli stephan macleod cd critique review cd classiquenews 7619931301228_frontcover_grandeCD, critique. JS BACH : Passion selon Saint-Matthieu (Gli Angeli, McLeod – 1 cd CLAVES, avril 2019). Voyons d’abord les enjeux de la partition et ce qu’en souligne les interprètes…  Le nouvel ensemble genevois créé par le baryton Stephen MacLeod, un habituĂ© du monde des cantates et des passions de JS BACH pour les avoir chantĂ© partout dans le monde sous la direction des chefs les plus aguerris dans ce rĂ©pertoire, aborde l’Everest du Baroque sacrĂ© (avec la messe en si). DonnĂ©e dès le Vendredi Saint 1727 Ă  Saint-Thomas, avec ses orgues, chĹ“urs, continuos doubles, dans les deux tribunes du vaisseau Ă  Leipzig, la Passion selon saint-Matthieu est bien cette formidable machine fraternelle rayonnant de tendresse et de compassion. Après la Saint-Jean (1724), moins dĂ©taillĂ©e, plus abstraite, la Saint-Matthieu en deux parties, exprime les Ă©tapes de la Passion de JĂ©sus, mais sans emprunter Ă  l’opĂ©ra, selon le cadre strict des autoritĂ©s religieuses de Leipzig. Tandis que l’EvangĂ©liste (tĂ©nor) narre directement les faits, les textes additionnels de Picander, sollicitĂ© par Bach pour les arias, ariosos, choeurs (soit 12 chorals, repères pour le fervent luthĂ©rien) explore les champs de la ferveur chez ceux qui reçoivent le message Ă©vangĂ©lique : la poĂ©sie implique l’auditeur en un acte de participation et de compassion Ă  chacune des situations du drame christique. JĂ©sus humain souffre dans sa chair (Mon Dieu pourquoi m’as tu abandonnĂ©?). Pourtant le traitement musical, s’il doit s’écarter des ficelles de l’opĂ©ra, souligne les points forts de la narration : foule haineuse contre solitude impuissante et doloriste de JĂ©sus. L’abandon, la souffrance, le dĂ©sespoir y sont particulièrement aiguisĂ©s… EN LIRE PLUS

GSTAAD MENUHIN FESTIVAL 2021 : CAP sur LONDRES (14 juil – 4 sept 2021)

london londres gstaad menuhin festival 2021 christoph muller annonce programm festival classiquenewsGSTAAD MENUHIN FESTIVAL 2021 : CAP sur LONDRES, locations ouvertes, billetterie disponible en ligne sur le site du GSTAAD MENUHIN FESTIVAL ! Le premier festival estival en Suisse, réjouissant chaque été par la diversité virtuose de sa programmation, grâce à ses paysages éblouissants, aux lieux des concerts, sous la tente de Gstaad ou dans les petites églises médiévales du Saanenland (là même ou joua son fondateur le violoniste Yehudi Menuhin) aura lieu cet été du 16 juillet au 4 septembre 2021. Le Festival a ouvert ses locations, tous les concerts sont désormais en vente sur le site du GSTAAD MENUHIN FESTIVAL
https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/newsticker/lettre-christoph-mueller

 

 

ÉTÉ 2021 : CAP SUR LONDRES

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GSTAAD-MENUHIN-FESTIVAL-2021-LONDRES-LONDON-classiquenews-programme-billetterie-reservation-classiquenewsJOIE, ESPOIR, CONTACTS… EN SÉCURITÉ. « Notre envie de retrouver des concerts vivants, le besoin du contact direct, physique, avec les artistes, sont immenses. Il est impĂ©ratif que ceux-ci puissent ĂŞtre Ă  nouveau comblĂ©s! C’est dès lors avec une joie toute particulière et remplie d’espoir que nous vous prĂ©sentons aujourd’hui le programme de notre Festival 2021. Votre sĂ©curitĂ© nous tient Ă  cĹ“ur et constitue notre prioritĂ© absolue. Grâce Ă  la mise en place d’un plan de protection soigneusement pensĂ©, nous sommes persuadĂ©s d’avoir fait de notre mieux pour vous permettre de vivre des concerts en toute sĂ©curité », prĂ©cise enthousiaste le directeur du Festival, Christoph MĂĽller.

Dans le sillage d’Ă©ditions 2018 et 2019 gĂ©nĂ©reusement plĂ©biscitĂ©es (PARIS, puis VIENNE), le GSTAAD MENUHIN FESTIVAL poursuit sa pĂ©rĂ©grination musicale au fil des capitales artistiques : en 2021, cap sur LONDRES / LONDON.

Éclectisme et excellence sont toujours au rendez-vous : outre les incontournables stars de la scène classique et des musiciennes et musiciens devenus familiers (Sol Gabetta, Bertrand Chamayou, Yuja Wang…), la nouvelle étape londonienne marque les débuts fracassants et les retrouvailles pleines de promesses : ainsi la présence de Chick Corea, des pianistes Maria João Pires, Alice Sara Ott ; de la diva coloratoure Lisette Oropesa sans omettre la fougue du ténor Javier Camarena, découverte de la saison dernière…

 

 

 

ÉCLECTISME et EXCELLENCE dans le SAANENLAND

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DĂ©diĂ©es Ă  la relève, les sĂ©ries très suivies Ă  prĂ©sent «Menuhin’s Heritage Artists» et «MatinĂ©e des Jeunes Etoiles» offrent des tremplins prometteurs au violoniste Bomsori Kim, aux pianistes français charismatiques Alexandre Kantorow ou Marie-Ange Nguci.

Dans le Saanenland, le GSTAAD MENUHIN FESTIVAL propose une affiche unique au monde cet été ; une promesse incontournable qui pourrait marquer la fin du confinement comme célébrer la vie et le partage que favorise toujours l’expérience musicale d’un Festival. Concerts grands symphoniques et lyriques (sous la tente de Gstaad), plus intimes et chambristes comme dans l’église de Saanen où joua Yehudi Menuhin, sans omettre les 7 classes des Académies dont la passionnante direction d’orchestre, le GSTAAD MENUHIN FESTIVAL démontre un talent continu et tenace pour partager l’excellence et la diversité artistique. Rendez vous incontournable cet été, du 16 juillet au 4 septembre 2021.

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Toutes les infos, les concerts 2021, ici :

https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/newsticker/lettre-christoph-mueller

 

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Coffret cd événement, annonce. MAHLER / BERLINER PHILHARMONIKER (10 cds)

Mahler symphonies Berliner Philharmoniker cd review critique cd classiquenewsCoffret cd événement. MAHLER / BERLINER PHILHARMONIKER (10 cds). Le prestigieux orchestre berlinois se montre très inspiré en éditant ce coffret somptueux qui regroupe une nouvelle intégrale des Symphonies de Mahler soit les 9 symphonies et l’Adagio de la 10è (laissée inachevée à la mort de Mahler en 1911). 8 chefs se partagent l’affiche en un cycle divers ainsi réalisé sur une décade. C’est désormais une mémoire de la direction, exploitant toutes les ressources d’un collectif parmi les plus impliqués de la planète classique qui se dévoile, posant des jalons dans l’histoire du Philharmonique de Berlin. Le mélomane découvre / retrouve tous les délices de l’imaginaire mahlérien sous la conduite de ses 3 derniers directeurs musicaux, non des moindres depuis Karajan (Claudio Abbado dans l’Adagio de la Symph n°10, alors pour le centenaire de la mort du compositeur en 2011, Sir Simon Rattle et le plus récent, l’actuel Kirill Petrenko). 5 autres candidats à l’excellence complètent cet aéropage, chacun ayant travaillé avec les instrumentistes, marquant à leur façon, l’approche du Berliner Philharmoniker dans l’univers mahlérien : aux côtés d’un géant référentiel, Bernard Haitink,, les plus récents, diversement convaincants : Gustavo Dudamel, Daniel Harding, Andris Nelsons, Yannick Nézet-Séguin. On y détecte ce qui fortifie le jeu collectif et aussi les particularités de chaque baguette. De quoi ravir et satisfaire tout appétit symphonique. Le grand bain orchestral est le vrai sujet de ce coffret événement, qui paraît fin janvier 2021, réconfort en ces temps de disette musicale et de fermeture généralisée des salles de concerts.
L’édition (dessinĂ©e par l’artiste amĂ©ricain Robert Longo) comprend 10 cd, mais aussi 4 blu-ray – plusieurs documents vidĂ©o et une riche collection d’articles prĂ©sentant les enjeux de l’écriture mahlĂ©rienne comme une introduction Ă  chaque opus. Chaque volet s’inscrivant de façon spĂ©cifique dans l’histoire de la symphonie, comme Ă  un moment particulier de la vie de Gustav Mahler. Coffret Ă©vĂ©nement : CLIC de CLASSIQUENEWS janvier 2021.

The symphonies of Gustav Mahler : intégrale des symphonies de Mahler.
10 cd · 8 chefs / conductors · 10 years of the Berliner Philharmoniker

10 CD – 4 Blu-ray – Hardcover edition – prix indicatif : €109

Berliner Philharmoniker
Gustav Mahler Symphonies Nos. 1–10

Daniel Harding
Symphony No. 1

Andris Nelsons
Symphony No. 2

Gustavo Dudamel
Symphony No. 3

Yannick Nézet-Séguin
Symphony No. 4

Gustavo Dudamel
Symphony No. 5

Kirill Petrenko
Symphony No. 6

Sir Simon Rattle
Symphony No. 7

Sir Simon Rattle
Symphony No. 8

Bernard Haitink
Symphony No. 9

Claudio Abbado
Symphony No. 10 (Adagio)

Booklet: 128 pages (German/English)

ACHETER le coffret MAHLER / BERLINER PHILHARMONIKER
sur le site du BERLINER PHILHARMONIKER :

https://www.berliner-philharmoniker-recordings.com/mahler-symphonies.html

 

 

 

Avantages réservés aux acheteurs sur le site du Berliner Philharmoniker :

Download code: 
For high-resolution audio files of the entire album (24-bit/48 kHz)

Digital Concert Hall: 
7-day ticket to the video streaming platform of the Berliner Philharmoniker 

 

 

CD événement. BEETHOVEN : Symphonie n°5 (MusicAeterna, Teodor Currentzis, 2018)

Beethoven Symphony 5 teodor currentzis music aeterna cd review clic de classiquenews cd critique beethoven 2020CD Ă©vĂ©nement. BEETHOVEN : Symphonie n°5 (MusicAeterna, Teodor Currentzis, 2018) – VoilĂ  assurĂ©ment la version que nous attendions pour l’annĂ©e Beethoven, d’autant mieux ciselĂ© grâce Ă  l’acuitĂ© nuancĂ©e des instruments d’époque. Truglion orfèvre, maĂ®tre de ses troupes, Teodor Currentzis instille dès les premiers coups du destin, conçus, polis tels des dĂ©flagrations colossales, une urgence qui place d’emblĂ©e Beethoven comme ce hĂ©ros moderne, jamais vu / Ă©coutĂ© avant lui, maĂ®tre d’une conscience dĂ©cuplĂ©e ; nervositĂ©, accents tendus, vifs, sculptĂ©s au scalpel mais d’une rondeur hĂ©roĂŻque et tragique idĂ©ale : les cordes fouettent les cuivres, Ă©lectrisent les bois comme en un Ă©veil qui rugit ; âpre autant q’un insatisfait. L’engagement des instrumentistes de MusicaAeterna est saisissante, d’une Ă©nergie impĂ©rieuse.
De quoi apprécié l’andante con moto qui suit tel une réconciliation d’une douceur apaisante dont le chef grec étire les respirations avec une onctuosité au relief jubilatoire. Là encore le geste est large, ample, profond. Qui creuse avec une intériorité contemplative chaque séquence plus tendre, en particulier le chant en second plan des violoncelles. L’apport des instruments d’époque cisèle les écarts de nuances, la couleur de chaque pupitre, affirmant encore le génie de Beethoven dans son orchestration. Le jeu des flûtes et des bois, ponctué par la fanfare des cuivres révèle ici mieux qu’ailleurs, le goût de Ludwig pour le timbre : un aspect trop négligé et qui singularise son écriture : sa sonorité, ses alliages sont uniques et Currentzis se délecte à nous en partager le nectar instrumental. Tout en ciselant aussi la ferveur dansante, chorégraphique de ce feu orchestral miroitant.

Entre la transe et la danse, le feu ardent, crépitant
de Currentzis chez Beethoven

Le second Allegro (pas encore clairement dénommé Scherzo) en ut mineur exprime la force d’une nouvelle tension, énoncée comme une fabuleuse interrogation, ici sublimée par la transe des contrebasses, racines d’une élévation croissante, véritable furie orchestrale qui transcende les tensions en un chant éperdu de plénitude sonore, né du magma primitif jusqu’à l’explosion enivrée, d’une couleur toute fraternelle. Ne serait-ce que pour ce crescendo jubilatoire de pure exaltation, le cd vaut la première place. Et montre à nouveau la valeur convaincante des instruments d’époque. Belle apport pour l’année Beethoven 2020. Dans l’esprit du final de Fidelio, le dernier Allegro ainsi enchaîné fait éclater la victoire de lumière ; chaque étincelle naît ici de l’énergie bouillonnante de l’orchestre pour asséner encore et encore l’accord de rédemption définitive, comme une CLIC D'OR macaron 200libération ultime, l’accord parfait d’ut majeur. Beethoven se montre alors le parent du Mozart de la Jupiter : conquérant, victorieux, olympien. Quel parcours ! Une lecture magistrale qui tombe à pic pour l’année Beethoven 2020. Et qui la referme pour nous de façon magistrale. CLIC de CLASSIQUENEWS de janvier 2021. LIRE aussi notre dossier BEETHOVEN 2021 : les 250 ans.

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CD Ă©vĂ©nement. BEETHOVEN : Symphonie n°5 (MusicAeterna, Teodor Currentzis, enregistrĂ© Ă  Vienne 2018) – CLIC de CLASSIQUENEWS de janvier 202.

Compte-rendu critique, opéra (streaming). Berlin, le 14 déc 2020. Wagner : Lohengrin. Alagna. Bieito / Pintscher

Compte-rendu critique, opĂ©ra (streaming). Berlin, le 14 dĂ©c 2020. Wagner : Lohengrin. Alagna. Bieito / Pintscher – Roberto Alagna chante son premier Wagner en incarnant Lohengrin Ă  Berlin, en dĂ©cembre 2020. Comme un acte de rĂ©sistance contre l’asphyxie dont souffrent les théâtres d’opĂ©ra en Europe, l’OpĂ©ra d’État de Berlin rĂ©ussit le dĂ©fi de monter sur scène Lohengrin en dĂ©cembre 2020, sans public mais retransmis en huis clos, – respect des gestes barrières appliquĂ©s sur les planches, sur internet afin que chacun depuis son salon ou tout Ă©cran connectĂ© (l’opĂ©ra chez soi) puisse apprĂ©cier les enjeux artistiques de cette nouvelle production wagnĂ©rienne berlinoise. Atout de taille, c’est la prise de rĂ´le de Roberto Alagna dans le rĂ´le-titre : cette prise de rĂ´le devait se concrĂ©tiser Ă  Bayreuth dès 2018 mais pas assez prĂŞt, le tĂ©nor a reportĂ© pour cette annĂ©e, Ă©gayant une planète lyrique mondiale en berne. Le Français incarne le chevalier descendu du ciel pour sauver l’honneur de la princesse Elsa von Brabant. Son jeune frère a Ă©tĂ© noyĂ© et elle mĂŞme est l’objet des pires accusations par le couple d’intrigants Telramund et sa femme Ortrud, sorcière manipulatrice qui saura dĂ©truire Elsa malgrĂ© l’aide providentiel de Lohengrin.

 

 

 

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Malade, la soprano bulgare Sonya Yoncheva a du renoncer pour chanter la partie Elsa ; remplacée donc ici par la soprano lituanienne Vida Miknevičiūtė, voix plus fragile, aux aigus mal assurés / assumés, ce qui gêne l’expression d’une Elsa angélique, bafouée, et aussi innocente, trop innocente. Après tout celle qui bénéficie d’une aide miraculeuse, s’en rend indigne, sottement manipulée par la perfide Ortrud.
Puissant, clair, tendu comme une lame d’acier, avec la maîtrise du vibrato requise et l’ardeur expressive qui sied à l’image du chevalier sauveur, Roberto Alagna incarne avec grande allure et vraie intensité, la figure droite, irradiante du chevalier prophétique (d’autant que le medium est large, jamais forcé). Le preux céleste rayonne de volonté virile, présence souvent impliquée, parfois incandescente. Soulignant ainsi tout ce qu’a d’italien, la partie d’un Lohengrin latinisée ; de fait, l’opéra médiéval de Wagner est souvent présenté comme le plus italien de ses ouvrages …
Assuré et harmoniquement riche, le Roi Henri L’oiseleur est idéalement campé par la droiture virile du baryton basse, René Pape, familier de Wagner puisqu’il chante aussi Marke et Gurnemanz).
Le couple noir, celui de Telramund et Ortrud est ici déséquilibré hélas ; le Telramund, préfiguration de Klingsor chez Parsifal, manque de démonisme trouble (Martin Gantner est raide et brutal) ; quant à Ortrud, la sorcière brille a contrario de son époux, d’une chaleur corsée (Ekaterina Gubanova) dont on comprend qu’elle se montre efficace pour tromper la jeune Elsa, certes bécasse trop naïve.

 

 

 

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FROIDEUR CONVENUE ET CONFUSE… Visuellement et scĂ©niquement, le Lohengrin du catalan Calisto Bieito se perd dans ses visions acides, dĂ©calĂ©es, anti oniriques ; d’une barbarie dĂ©senchantĂ©e (nombreux tuyaux et barreaux d’acier froid ; nombreux nĂ©ons et dĂ©cors en boĂ®te ; vĂŞtements contemporains sans aucun esthĂ©tisme… avec comme toujours, Ă©lĂ©ments d’une farce grinçante, les masques de clowns, ici et lĂ  peints sur le visages comme pour mieux dĂ©noncer une humanitĂ© dĂ©chue et maudite, qui jouent et reprĂ©sentent plutĂ´t qu’ils ne vivent en vĂ©rité… ) ; les mouvements des personnages sont caricaturaux et tendus ; la direction d’acteurs… comme Ă©bauchĂ©e. On nous dira : « la covid : distanciation ! », mais le protocole sanitaire aura bon dos. Le metteur en scène manque d’imagination comme de suggestion. En Ă©cartant toutes rĂ©fĂ©rences au merveilleux mĂ©diĂ©val conçu par Wagner, la poĂ©sie originelle du drame est fortement atteinte. Evidemment on pense Ă  l’autre Wagner que Beito devait rĂ©aliser Ă  l’OpĂ©ra Bastille (ce Ring attendu dirigĂ© par Philippe Jordan, pour son dĂ©part, et finalement retransmis Ă  la radio dès le 26 dĂ©cembre 2020) ; peut-ĂŞtre cette empĂŞchement se rĂ©vèle argument, car la mise en scène ici dĂ©tone, déçoit, agace par sa cruditĂ© redondante. Et les vidĂ©os qu’on nous inflige, ici comme ailleurs, n’apporte rien de neuf ; tout cela, sans vĂ©ritable portĂ©e onirique, finit par embrouiller. Imposer le dĂ©tail au dĂ©triment d’une vision forte et puissante.

Musicalement, la direction de Matthias Pintscher déjà écoutée dans ce répertoire, relève le défi de ce huis clos par temps de pandémie. Le geste est solide et fluide à la fois ; la Staatskapelle Berlin offrant des sonorités souvent éperdues, à l’image du « rêve » d’Elsa dont on ne comprend toujours pas pourquoi elle fabrique sa propre mort amoureuse, alors que le ciel lui envoie un héros idéal. Au final, une production bienvenue dont on ne gardera pas le souvenir de la mise en scène plutôt convenue, confuse, souvent indigeste.

 

 

 

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Compte-rendu critique, opéra (streaming). Berlin, le 14 déc 2020. Wagner : Lohengrin. Alagna. Bieito / Pintscher

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VOIR Lohengrin par Roberto Alagna
sur ARTEconcert / REPLAY jusq’12 janvier 2021 :
https://www.arte.tv/fr/videos/101256-001-A/roberto-alagna-garder-la-foi/