Compte-rendu critique opéra (streaming). Dijon, le 11 déc 2020. Luigi ROSSI : Il Palazzo incantato / Le palais enchanté. Murgia / Alarcon

ROSSI-PALAIS-ENCHANTE-opera-dijon-streaming-live-critique-opera-chez-soi-on-line-critique-classiquenewsCompte-rendu critique opéra (streaming). Dijon, le 11 déc 2020. Luigi ROSSI : Il Palazzo incantato / Le palais enchanté. Murgia / Alarcon. L’Opéra de Dijon marque le départ de son directeur Laurent Joyeux avec cette recréation de l’opéra de Luigi Rossi, Le Palais enchanté (Il Palazzo incantato), retransmis sur internet en huis clos du 11 au 31 décembre 2020 (accès gratuit). L’ouvrage est un bon repère dans l’histoire de l’opéra romain baroque sous le pontificat fastueux d’Urbain VIII : créé en février 1642, au Palais Barberini, l’année de l’Incoronazione di Poppea du Vénitien Monteverdi… L’année est donc celle d’une maturité inédite et inouïe du théâtre lyrique italien. Quand la France ne produira son premier opéra national que… 30 ans plus tard (Lully, Cadmus et Hermione, 1673).

 

Palais labyrinthe
de la guerre amoureuse

 

 

 

Le Cardinal Giulio Rospigliosi (futur Clément X) écrit le livret inspiré du labyrinthe amoureux de l’Arioste (Roland Furieux). En décrivant vertiges et égarements des amoureux, proies de l’Amour cruel et acide, le texte sanctifie a contrario les délices de l’amour sacré et spirituel.
Ici le chef LG Alarcon souligne sans emphase toute l’invention d’un Rossi favorisé par la cour pontificale romaine : une séduction fastueuse qui allait aboutir à son Orfeo, créé à Paris en 1647. 16 solistes permettent une libre combinaison vocale où le choeur est aussi sollicité. Les instrumentistes de La Cappella Mediterranea cultive l’étonnante suavité de l’écriture rossienne, en phase avec le decorum de la Rome des Papes baroques.
Le metteur en scène Fabrice Murgia, par ailleurs directeur du Théâtre national Wallonie-Bruxelles, troque l’architecture romaine baroque contre des lieux contemporains d’une inhumanité froide, désincarnée, à l’image du désarroi intérieur de chaque personnage : prison, aéroport, hôtel standardisé… tandis que le grand écran au dessus de la scène, scrute l’action, les mouvements des chanteurs et focuse sur leur visage, fixant leur trait démultiplié comme pour mieux dévoiler le désarroi qui les anime, la souffrance qui les éreinte. L’étouffement et l’impuissance collective dominent, jusqu’au déroulement de l’acte III quand point la blancheur d’un rideau de salvation : l’amour peut être heureux. Mais pour aimer, il faut combattre.

Dans cette arène des possessions et des emprises passionnelles, donc douloureuses, les chanteurs sont de jeunes tempéraments qui séduisent et convainquent. Deanna Breiwick et Fabio Trumpy incarnent Bradamante et Ruggiero, deux personnalités ardentes et vocalement très investies. D’une manière générale, tous les rôles sont bien caractérisés ; certains chanteurs assurant même plusieurs parties, comme c’est le cas de Mariana Flores, soprano plastique et mordante tour à tour Magie au Prologue, Marfisa confidente de Bradamante, Doralice). Distinguons entre autres, le mage assuré, expressif de Mark Milhofer ; l’Angelica piquante et charmante d’Ariana Venditelli ; l’Orlando toute en noblesse virile( et aussi en vertiges intérieurs) de l’excellent baryton Victor Sicard ; l’Astolfo de Valerio Contaldo, sans omettre le nain ambivalent, messager parfois inquiétant du contre-ténor Kacper Szelazek. Le chœur de Namur inspire au choristes dijonais une classe irrésistible. Brillant écho aux chants solistes qui exprime aussi le cheminement souvent incertain d’une humanité en marche et soumise à des lois qui la dépasse et l’inféode. Production riche en rebonds et événements de cette guerre d’amour si fascinante sous la plume d’un Rossi manifestement saisi par les soubresauts que produit Amour malicieux ; reprises (si la covid le permet) à Nancy et Versailles. A noter des problèmes de son et de synchronisation (image vidéo et son) qui affaiblissent l’expérience digitale.

Le Palais enchanté mis en scène par Fabrice Murgia (© Gilles Abegg – Opéra de Dijon)

 

 

 

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VOIR l’opéra chez soi
ROSSI : Le Palais enchanté à l’Opéra de Dijon / en REPLAY jusqu’au 31 décembre 2020 :
https://opera-dijon.fr/fr/au-programme/calendrier/saison-20-21/le-palais-enchante/

 
 

CD, événement critique. CLÉMENT : Sonates en trio, Iakovos Pappas (Maguelone, 2019)

clement-sonates-en-trio-pappas-lusson maguelone critique cd classiquenewsCD, événement critique. CLÉMENT : Sonates (Maguelone, 2019). Le claveciniste Iakovos Pappas ne fait pas que ressusciter l’écriture audacieuse d’un créateur français oublié, Charles François Clément mort à Paris en 1789. Il en explique très minutieusement les qualités compositionnelles (plan, références à la danse, importance du rondeau, parité entre le violon et le clavecin, ce dernier comptant pour deux voix…). : l’auditeur mesure une conception et une pensée musicale aussi audacieuse voire complexe que Mondonville et … Rameau. Clément a fait évoluer le genre du Trio et de la musique instrumentale française au XVIIIè d’une manière marquante, par son originalité et sa fantaisie expérimentale. Avec la liberté de ton des polémistes des Lumières, le claveciniste n’oublie pas aussi dans la première partie du livret d’épingler les préjugés et fausses croyances sur la musique baroque et le classicisme, n’hésitant pas à mettre en doute aussi ceux qui jugent (les critiques) quand il ne faudrait pourtant que prendre en compte leeur argumentaiton et la légitimité de leur autorité critique… Livre cd événement, CLIC de CLASSIQUENEWS Noël 2020. Prochaine critique dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com. Parution numérique, dès le 1er décembre 2020 – Parution physique : 4 décembre 2020. Plus d’infos sur le site du label Maguelone

CLIC_macaron_2014CD événement, annonce. Charles-François CLÉMENT (1720 – 1789) : Sonates en trio, Iakovos Pappas, clavecin / Augustin Lusson, violon (Maguelone, 2019) – CLIC de CLASSIQUENEWS Noël 2020 – 6 Sonates en trio, 1743 – Livre cd Maguelone MAG 358.435 – Enregistrement sept 2019 – durée : 1h10. Notice livret : essai “Considérations sur la légitimité de l’autorité critique et son usurpation” par Iakovos Pappas.

CD événement. JS BACH : ORATORIO DE NOËL / WEIHNACHTS-Oratorium (Savall, 2019  -  2 cd ALIA VOX)

JS-BACH-weihnachts-oratorium-oratorio-de-noel-cd-savall-nations-catalunya-alia-vox-cd-critique-ALIA-VOX-critique-cd-classiquenews-AVSA9940COVEROratoriPREPCD événement. JS BACH : ORATORIO DE NOËL / WEIHNACHTS-Oratorium (Savall, 2019  -  2 cd ALIA VOX) – Profitant de la respiration naturelle des prises live (déc 2019 à Barcelone), ce cycle des cantates de Noël formant « oratorium » (bwv 248) affirme une cohérence progressive produite dans la continuité du geste musical ; la lecture dévoile l’ampleur du projet spirituel élaboré par l’artisan Bach, son unité aussi : les 6 séquences célèbrent le nom glorieux de l’Enfant, nouveau né miraculeux dans lequel se concentrent tous les espoirs, Jésus de Béthléem ; sa puissance surgit bientôt car il est le Sauveur. Il appartient à l’interprète de suivre la conception de Bach ; dans la sensibilité orchestrale (raffinement instrumental dans les parties solistes des hautbois, cor, basson, flûte, violon…), la vitalité des choeurs et la ferveur intime des chorals, se précise une vision tendre et pastorale (présence des bergers marchant jusqu’à Béthléem en Judée) ; Jordi Savall réussit tout cela, reliant surtout les partitions liturgiques au matériau orchestral précédent ; car nul doute qu’ici s’affirme l’ambition lyrique et le goût des couleurs comme des grands effectifs du Cantor de Leipzig. Si le compositeur n’a jamais écrit d’opéras à proprement parler, ces 6 cantates / parties formant cycle, propose plus qu’un oratorio, un opéra spirituel dont le sens s’approfondit dans chaque réflexion incarnée par les arias solistes ou les chorals idéalement singularisés. Chacun opère ce questionnement fondamental de l’humain confronté au Mystère divin, source d’une interrogation salvatrice sur sa vie et ses actes. Les partitions éclaire le dialogue intime de l’âme du croyant avec elle-même. Et l’on suit ainsi le cheminement d’une pensée de plus en plus sûre, joyeuse, voire conquérante. A contrario des autres cantates, – si nombreuses de la part de JS Bach, il y a peu de place au doute comme à l’errance panique. Ici triomphe dans la caresse de l’Enfant, la toute puissance du Sauveur.

En décembre 2019, Jordi Savall et ses fidèles troupes construisent une lecture particulièrement vivante qui implique le groupe, la communauté, insufflant un sentiment de partage fraternel. Seule réserve : la prise de son qui privilégie les basses au détriment du détail dans les aigus ; éloigne les vents et les bois dans une définition ronde, ample, globalement peu détaillée. Côté solistes, c’est l’un des plateaux les plus homogènes écoutés jusque là : chacun des solistes assurant une caractérisation fine, dans la sobriété expressive et l’articulation du texte.

Suivons les temps forts des 6 sections. La somptueuse sinfonia de la Cantate 2 (plage 10) réaffirme la conscience orchestrale de Bach : extension purement instrumentale de la plénitude du croyant, contrepoint égal aux chorals qui rayonnent d’humaine espérance.
Formidable machine d’espérance incarnée, le cycle prépare en réalité, depuis son début, à l’élégie à 2 voix, vocale / instrumentale : ténor / traverso (« Joyeux bergers hâtez vous » : tout en vocalises attendries pour l’Enfant récemment né ; Savall y cultive avec brio et clarté ce pastoralisme clair et sobre (excellente projection et intonation du ténor Martin Platz ). La certitude du croyant s’accomplit davantage dans l’aria sui qui suit nimbé de la grâce des cordes et des hautbois (pour une prière qui tendant au sommeil et à la sérénité des justes au repos, invite à la pure délectation de la joie : sobre et onctueux contre ténor Raffaele Pe qui articule en souplesse et grande probité lui aussi).
Savall emporte sa troupe dans l’exaltation libre et la ferveur partagée, clarifiant avec tendresse les chorals somptueux qui concluent la cantate de la journée 2 : superlatif premier choeur doxologique qui est toute exaltation verticale (« Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur la terre / Ehre sei Gottin der Höhe und Friede auf Erden» ; puis intérieur et réfléchi (avec le choeur des bois et des vents alterné, pause pastorale des plus poétiques) : « Wir singen dir in deinem Heer / Fortement nous chantons avec ton armée », armée plus attendrie elle aussi que réellement martiale, et donc d’une bouleversante humanité.

JOURNEE 3 – Savall montre en quoi Bach soigne les effets de contrastes dramatiques, d’une partie à l’autre. Retour aux trompettes festives et rayonnantes avec le JOUR III de la Nativité : « Weihnachtsag » quand les bergers regroupés vont à Béthléem pour voir l’Enfant (superbe choeur de marche débordant d’élan choral collectif : plage 26 cd1, « Lasset uns nun gen Bethlehem / A Béthlémen allons maintenant »). Le duetto sop / bas (sur un tapis de bassons dansants) scelle la protection du Père sur ses enfants. La prière recueillie qui concentre la fragilité du petit être divin, nouveau né, exprimée par l’alto « Schliebe,mein herze, dies selige Wunder / Enferme vite ô mon cÅ“ur ») souligne la valeur de toute naissance humaine dans un dialogue avec le violon et la viole : la sobriété de l’alto masculin Raffaele Pe, assuré, constant sur la tessiture de cet air grave, est idéale, d’une rondeur superbement humaine. On a distingué une même probité stylistique dans sa participation à l’intégrale Stradella (Santa Pelagia, La Forza delle stelle, sous la direction de Andrea De Carlo). Savall soigne particulièrement l’articulation des chorals qui suivent : expression d’une effusion individuelle où chaque fervent est touché dans son coeur par le miracle de l’Enfant – quel contraste avec le choeur final, d’une exaltation royale (trompettes) qui est la reprise du choeur d’ouverture. La tendresse et la lumière traversent à nouveau cette 3è Journée.

 

 

Tendresse et lumière
A Barcelone, Jordi Savall
dirige l’Oratorio de Noël de JS BACH

 

 

 

JOURNÉE IV : fête pour le 1er janvier. La séquence est riche d’espérance, célébrant en Jésus, le Sauveur et le guide protecteur. Le Choeur d’ouverture est plein de sérénité aux couleurs cynégétiques (cor naturel), annonçant l’avènement du Fils Rédempteur. Puis l’Arioso de la basse fait alliance avec « Mon Jésus » protecteur qui écarte toute inquiétude de la mort… ce que reprend l’air (central de cette Journée IV) de la soprano (excellente car sobre et claire Katja Stuber) en dialogue avec le hautbois (délicieux effets d’échos) ; la ferveur devient individuelle et le texte comme la musique renforce le lien entre l’Enfant et le seul nom pur et puissant de Jésus, avec chaque croyant. Ce dialogue entre Dieu et le fidèle est au coeur de la nouvelle section : les nombreux « Ja / oui » repris par la voix et le hautbois soulignent la certitude du croyant, comme baigné par la tendresse infinie et caressante de Jésus (ce qu’exprime le sublime récitatif qui suit, associant la basse accompagné par l’orchestre et le choeur des sopranos). Aussi engagé, presque combattant d’une ardente joie, le ténor rend grâce au Sauveur (« Ich will nur dir zu Ehren leben / Je veux vitre pour ta seule gloire ») : Savall construit cet air remarquable dans l’allant et l’exaltation mesurée propres aux meilleurs allegros orchestraux de Bach : l’articulation mordante et les ornements précis du ténor s’accordent idéalement là encore à la vitalité des instruments, qui semble gravir des marches à mesure que le continuum instrumental se déroule sous les pas du soliste. C’est la marche du pèlerin et le chemin du croyant qui sont ainsi évoqués dans ce sublime morceau.

JOURNÉE V (Dimanche après le 1er janvier). Le défi est l’activité des choeurs à la prodigieuse vitalité contrapuntique, ce dès le somptueux et ambitieux choeur d’ouverture; véritable cathédrale céleste (« Ehre sei dir, Gott, gesungen / Gloire te soit rendue, Dieu tout puissant ») : dans cette excitation première du collectif perce la curiosité des rois mages venus honorer la dignité de l’Enfant nouvellement né. La séquence souligne surtout la lumière de Jésus (thématique reprise dans le choral final), irradiant le monde, l’écartant des tentations maléfiques (air de la basse : « Erleucht auch meine finstre Sinnen / Eclaire aussi mes sombres pensées »). Plus narrative, la séquence évoque l’effroi d’Hérode quand est proclamée la naissance de Jésus et l’avènement du roi de Judée. Le trio sop / alto / ténor, parfaitement bien caractérisé (avec violon solo obligé) : « Ach, wenn wird die Zeit erscheinen? / Ah quand viendra-t-il ce jour tant attendu ? » exprime l’impatience des croyants à témoigner de l’avènement du royaume de Jésus. Les interprètes expriment l’impatience et la joie intérieure des croyants.

CLIC D'OR macaron 200JOURNÉE VI : Epiphanie – Par la voix de la soprano et en un très bel air, la toute puissance du Sauveur est célébrée contre les ennemis : air dramatique proche de l’opéra que Savall aborde avec une franchise et une élégance de ton auxquelles le clair soprano  Katjia Stuber apporte précision et clarté naturelle («  Nur ein wink von seinem händen / D’un seul signe de sa main ») ; même détermination heureuse du ténor dont l’air  «  Nun mögt ihr stolzen feinde schrekken / Durs ennemis essayer de me terroriser » confirme qu’il sera protégé, invincible, par le Sauveur. En dévoilant l’essence divine de Jésus, la musique souligne son caractère martial et protecteur. Le choral final complète ce tableau des délices en annonçant une nouvelle ère pour l’humanité qui repose dans les mains du Seigneur qui est combattant brisant « la mort, le diable, le péché et l’enfer  / Tod, teufel, sünd und hölle». Ainsi de la tendresse à la certitude, Savall inscrit tout le cycle dans une progressive détermination ; la volonté du croyant qui se dresse renforcé par le miracle du dieu Sauveur.

CD événement. JS BACH : ORATORIO DE NOËL / WEIHNACHTS-Oratorium (Savall, 2019  -  2 cd ALIA VOX) – cycle enregistré sur le vif, en décembre 2019 au Palau de la Musica Catalana, Barcelone. CLIC de CLASSIQUENEWS décembre Noël 2020.

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Approfondir :

MARIN-MARAIS-CD-ALCIONE-jordi-Savall-concert-des-nations-cd-classiquenews-critique-dossier-noel-classiquenews-critique-cd-Autre cd JORDI SAVALL : Alcyone de Marin Marais / CLIC de CLASSIQUENEWS Hiver 2020 – En 1706, Marin Marais, chef d’orchestre à l’Académie royale, adulé pour ses dons de violiste et depuis toujours favorisé par le Roi, livre Alcione, ultime tragédie en musique du règne de Louis XIV. Il y a peu d’effusion amoureuse et heureuse dans une partition qui touche par son éloquence instrumentale, sa progression tragique, ses rares duos sublimes (Alcione / Pelée au IV et V), ses évocations maritimes et sa tempête, mêlée au songe qui frappe Alcione. Jordi Savall accomplit en 2007 l’une des meilleures contributions au genre lyrique du Grand Siècle, éclairant même cette modernité poétique CLIC_macaron_2014de Marais, en particulier dans le flux irrépressible qui mène le drame vers son dénuement finalement heureux quand Neptune touché, ressuscite les amants éprouvés afin qu’ils engendrent les Alcions, protecteurs des marins, chasseurs de tempêtes et donc de naufrages.
https://www.classiquenews.com/cd-evenement-critique-marais-alcione-jordi-savall-3cd-alia-vox-2017/
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 LIRE aussi

Raffaelle Pe, contre-ténor, chante Stradella / Cycle intégrale par Andrea De Carlo :

STRADELLA, Santa Pelagia
http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-stradella-santa-pelagia-andrea-de-carlo-2016-1-cd-arcana/

STRADELLA, Forza delle Stelle
http://www.classiquenews.com/stradella-la-forza-delle-stelle-mare-nostrum-2013/

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CD événement, critique. VIVALDI : Argippo (Biondi, 2 cd Naïve, 2019)

1092389CD événement, critique. VIVALDI : Argippo (Biondi, 2 cd Naïve). Les plus rétifs souligneront combien la réalisation dont il est question ici, est un patchwork qui émiette sa valeur par son éclectisme puisqu’il s’agit en réalité d’une combinaison d’airs certes de Vivaldi mais aussi de ses contemporains : Pescetti, Galeazzi (qui écrit le grand air d’Argippo à la fin du II : « Da più venti combattuta »), et même les plus connus Hasse et Porpora. Ce à quoi nous rétorquerons qu’a contrario d’être « léger » ou fragile, le document, ainsi intégré dans l’intégrale des opéras vivaldiens, permet de rétablir l’ écriture du Vénitien dans le contexte artistique de son époque, confrontée à ses rivaux dont surtout les napolitains ; car Vivaldi incarne la fureur vénitienne ; une palpitation vibratile et rythmique qui lui est propre et qui s’impose irrésistiblement ici dans ce jeu finalement profitable des comparaisons. L’air du personnage de Zanaida, fille du souverain Tsifaro, au début « Se lento ancora il fulmine » imprime une frénésie volubile emblématique de tout l’ouvrage, défendu alors par la stricte connaissance des possibilités de la chanteuse légendaire Anna Giro, contralto coloratoura, muse, compagne, infirmière du Pretre Rosso ; un défi que relève superbement la française Delphine Galou, sur la crête fragile, ardente d’un cœur furieux d’avoir été trahi puis abandonné ; son air qui suit au II (« Io son rea dell’onor mio ») affirme une autre qualité dans le portrait de cette jeune princesse blessée, souffrante, délirante : l’esprit d’une vengeance acharnée : en implorant chez son père, la férocité du juge, Zanaida entend qu’il assassine le traître dont elle est victime. De même l’air du III de Silvero : « Se la bella tortorella » exige une vocalità d’agilité et de tendresse qu’incarne très bien le seconde contralto de la distribution, l’excellente Marianna Pizzolato. Dans ce labyrinthe de vertiges et ressentiments, l’Osira d’Emöke Baráth, affirme son beau soprano dramatique, tout autant articulé, éclatant et mordant dans la passion paniquée, celle d’une épouse qui ne sait plus si elle peut craindre pour sa vie ni compter sur la fidélité de son mari Argippo (« Un certo no so che… »).
Vivaldi montre ici qu’il sait écrire pour voix de basse, en rien formatée ni standardisée, mais habitée par une pulsion sensible (air de Tsifaro au II : « A piedi miei svenato », plein d’énergie vengeresse au diapason de sa fille qui réclame que le sang soit versé).

A partir des exécutions crées à Vienne et Prague en 1730 (dirigées par Vivaldi alors), puis Darmstadt (sous la conduite de l’impresario Peruzzi), l’opéra vivaldien est alors devenu un « pasticcio » (une compilation d’airs dérivés de plusieurs opéras précédents, écrits par Vivaldi et d’autres compositeurs), le musicologue Reinhard Strohm a recomposé en somme une version « idéale » qui pourrait être celle du spectacle vendu par Vivaldi au producteur Peruzzi, et présenté à Venise début 1732 : le Pretre Rosso y compilait ses propres airs, en complicité avec les compositeurs Pescetti et Galeazzi …
CLIC D'OR macaron 200Dans ce festival d’arias de diverses mains, la cohérence des voix, chacune caractérisant parfaitement profils psychologiques et enjeux de situations, opère en conviction et allant dramatique ; le jeu des instrumentistes, en effectif resserré,- que des cordes (pas de timbres pastoraux ni martiaux : ni bois ni cuivres) offre une superbe voile aérée, toute en motricité fouettée et nerveuse, qui sait aussi nuancer ses effets (la marque de Fabio Biondi depuis sa vision réformatrice des Quatre Saisons). En fin d’impétueuse carrière, Vivaldi qui meurt en 1741 à Vienne, semble toujours aussi furieusement inspiré. Il suit en pleine guerre contre les turcs, le rapprochement économique et culturelle de Venise avec l’Asie et surtout l’Inde, propre aux années 1720 : la figure du Moghol et ici du souverain du Bengale (dans le livret Cingone / Chittagong en désigne la capitale) et de sa cour offrent une source poétique renouvelée (comme en témoigne aussi son Concerto pour violon dit le Il Grosso Mogul RV 208). Voilà pourquoi ce nouveau jalon de l’intégrale Vivaldi chez Naïve, s’impose tout autant que les précédents opus. C’est même au regard de son format court (3 actes en 2 cd), une excellente entrée en matière pour explorer la riche édition Vivaldi opérée par l’éditeur Naïve.

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CLIC D'OR macaron 200CD événement, critique. VIVALDI : Argippo RV Anh.137. Baráth, Galou, Pizzolato… Europa Galante, Fabio Biondi – enregistré en Italie en oct 2019 / Vivaldi edition volume 64 / CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2020.

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LIRE aussi notre présentation annonce du coffret 2 cd VIVALDI : Argippo / Fabio Biondi / Vivaldi edition 64…

CD événement critique. BUXTEHUDE : Sonate (Les Timbres, 2017, 2018 1 cd Flora)

les-timbres-buxtehude-cd--trios-critique-review-cd-classiquenews-CLIC-de-noel-2020CD événement critique. BUXTEHUDE : Sonate (Les Timbres, 2017, 2018 1 cd Flora). Propres aux années 1690 (l’Opus I est publié à Hambourg en 1694 ; l’Opus II, en 1696, et dans la foulée du succès du précédent), les deux recueils de «  Sonate à due, violino et violadagamba con cembalo ») s’inscrivent parfaitement dans l’esthétique phantasticus de cette fin de siècle qui en terres germaniques, fusionne les écritures italiennes (de Corelli à Monteverdi…) et nordiques (sans omettre la touche d’élégance lullyste, marque d’une assimilation de la mode française. cf Sonata 5 de l’Opus I) : ici règne la liberté d’une écriture virtuose, sans prétexte dramatique ni suite de danses (à l’exception de la seule gigue finale de la Sonate 3 Opus II). Une première offrande majeure à l’essor de la musique pure et abstraite.

Intégrale des Sonate à 3 de BUXTEHUDE
Volubilité éclectique et libre des Timbres

Le geste impétueux, subtil, imprévu (proche de l’improvisation) structure ce goût de la musique pure qui grâce aux Timbres, devient captivante expérimentation. On y détecte cette complicité délectable entre les 3 complices de toujours : la violoniste japonaise Yoko Kawakubo, la violiste française Myriam Rignol et le claveciniste belge Julien Wolfs. Ce dernier avait publié un cd enchanteur dédié à Froberger (« Méditation ») : laboratoire musical « secret, savant, complexe… », que la souple articulation du claveciniste rendait soudainement naturel et accessible (LIRE notre critique du cd “Méditation” / Frobeger, par Julien Wolfs, CLIC de classiquenews / octobre 2017) : http://www.classiquenews.com/cd-evenement-compte-rendu-critique-froberger-par-julien-wolfs-clavecin-1-cd-musica-flora/

Au service de l’immense Buxtehude, l’imagination maîtrisée des Timbres affirme une même affinité suggestive et heureuse : accordée à la complexité des architectures fuguées, au parcours des harmonies les plus raffinées, la souplesse mélodique atteint aussi des sommets de poésie musicale. Le jeu renouvelle la notion même, nouvelle, de meslange des genres (les Goûts réunis que pratique Muffat avant Couperin)… Il faut donc une pensée interprétative libérée de toutes contraintes techniques pour exprimer l’incandescence d’une écriture finement contrastée qui saisit par ses surprises et sa fluidité. Les liens préservant l’unité ? L’invention des passages harmoniques et le geste parfois improvisé de certaines parties solistiques (« con discretione » de la Sonata 6 de l’Opus I). Chaque instrumentiste cisèle et sculpte sa partie comme un élément essentiel d’une totalité active qui fait sens.
Autant de libre virtuosité, alliant expressivité et naturel, – ainsi incarnée, exprimée-, égale les meilleurs opus de Biber, Schmelzer, Rosenmüller, et moins connu, l’ami de Buxtehude, Johann Adam Reincken.
Les Timbres éclairent ainsi le génie musical universel de Buxtehude à Lübeck, capable d’y développer l’activité de concerts (Abendmusik selon la tradition lancée par son prédécesseur, Tunder, à la Marienkirche) ; une activité lyrique et dramatique même, mais sacrée (offre concurrentielle et complémentaire à l’Opéra de Hambourg), qui aux côtés de ses obligations d’organiste, soulignent l’hyperactivité du compositeur dans « sa » ville : un précurseur et un modèle pour Telemann à Hambourg et JS Bach à Leipzig ; d’ailleurs ce dernier se forme définitivement auprès de son « modèle » Buxtehude à Lübeck à l’hiver 1705. Voilà donc un jalon essentiel pour comprendre l’étoile Buxtehude avant… la constellation sidérante Bach. En plongeant aux racines du baroque germanique, Les Timbres idéalement inspirés et tout en complicité, nous enchantent encore et toujours. C’est un nouvel accomplissement après leur précédent Couperin (Concerts royaux, mai 2018, lui aussi distingué par un CLIC de classiquenews).
http://www.classiquenews.com/cd-critique-fr-couperin-concerts-royaux-les-timbres-1-cd-flora-2017/

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CLIC D'OR macaron 200CD événement critique. BUXTEHUDE : Sonate (Les Timbres, 2017, 2018 2 cd Flora : 1h29 + 1h10). CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2020. Saluons la clarté mesurée du texte (anglais et français), idéalement illustré par des peintures dans l’excellence de Desportes et d’Oudry sur le thème des oiseaux (le concert des oiseaux par Melchior de Hondecoeter, vers 1670 : les nuances chromatiques dont le peintre est capable, égale ici les mille demi teintes musicales du grand magicien Buxtehude).

 

 

 

 

 

 

 

 

Autres cd des Timbres critiqués sur CLASSIQUENEWS :

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COUPERIN par les timbres cd visuel cd classiquenewsCD, critique. FR. COUPERIN : Concerts royaux (Les Timbres, 1 cd Flora 2017). Révélé après l’obtention du Premier Prix au prestigieux Concours International de Bruges en 2009, l’ensemble LES TIMBRES, fondé par Yoko Kawakubo (violon), Myriam Rignol (viole de gambe) et Julien Wolfs (clavecin) ne cesse depuis de régénérer la scène baroque et l’approche des oeuvres, dont comme ici, les plus difficiles. Les habitués du Festival Musique et Mémoire en haute-Saône le savent bien à présent : le collectif qu’ils ont coutume de suivre chaque été (et aussi pendant l’année musicale), incarne une pratique musicale en partage qui révolutionne concrètement le fonctionnement d’un ensemble. Ce jeu sans leader, comme s’il s’agissait pour chaque programme, d’une conversation à parties égales, a depuis produit ses effets… souvent éblouissants. L’art subtil, exigeant du consort de violes par exemple, – avant eux défendu par Jordi Savall entre autres, devient dans ce dispositif égalitaire, une expérience forte, réellement fluide, où la musique devient langage…
ENSEMBLE MAGICIEN : Les Timbres, trio enchanteurCar il ne suffit pas de jouer les notes, il faut aussi savoir respirer, comprendre la fine architecture qui relie chaque partie à l’autre, en un tout organique qui permet surtout à chacun de caractériser sa partie, sans dominer les autres. A une telle école de l’intelligence collective, de suggestion et de l’infinie richesse des nuances, les Timbres font merveille, invitant à leur table raffinée, mélancolique, enivrée, plusieurs complices de leur choix, à leur convenance, car François Couperin (1668-1733), s’agissant de l’instrumentarium de ses Concerts royaux, a laissé l’interprète libre de choisir les combinaisons sonores, question de goût, question de timbres. Ainsi autour du noyau trinitaire (violon / viole / clavecin), se joignent hautbois, flûtes, seconde viole… le miracle se produit à la fois voluptueux et subtil, sachant aussi exprimer toute l’ineffable grâce retenue des épisodes très contrastés de l’immense François Couperin. Pour l’année Couperin 2018 – 350è anniversaire, le programme précédemment joué / rodé en concert, ne pouvait mieux tomber.

 

VOIR notre reportage vidéo Les Timbres enregistrent COUPERIN
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COUPERIN portraitVIDEO, Reportage. Les Timbres jouent COUPERIN. Le 20 avril 2018 sort le nouveau disque de l’ensemble sur instruments d’époque, Les Timbres : Concerts Royaux de François COUPERIN. L’année Couperin ne pouvait rêver meilleur hommage ni accomplissement plus pertinent. Reportage vidéo réalisé pendant l’enregistrement à Frasne le Château en juillet 2017 – Qu’apportent aujourd’hui Les Timbres ? Quels sont les défis de l’interprétation, le propre de l’écriture de François Couperin, quelle est sa conception de la musique concertante ? Musique d’un équilibre délicat où chaque partie compte, se complète, s’écoute, le monde instrumental de Couperin permet aux Timbres de dévoiler davantage ce qu’ils maîtrisent, l’art du dialogue concerté, l’harmonie collégiale dont rêve tout ensemble musical… CD récompensé par un “CLIC†de CLASSIQUENEWS

Réalisation : Philippe-Alexandre PHAM © studio CLASSIQUENEWS.TV 2018

VOIR le teaser du cd concerts royaux de Fr. Couperin par Les Timbres
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http://www.classiquenews.com/cd-evenement-couperin-concerts-royaux-par-les-timbres-1-cd-flora-musica/NOUVEAU CD, TEASER. Concerts Royaux (Paris 1722) par LES TIMBRES — Les Timbres jouent COUPERIN. Le 20 avril 2018 sort le nouveau disque de l’ensemble sur instruments d’époque, Les Timbres : Concerts Royaux de François COUPERIN. L’année Couperin ne pouvait rêver meilleur hommage ni accomplissement plus pertinent. TEASER vidéo réalisé à l’occasion de l’enregistrement à Frasne le Château en juillet 2017 – Musique d’un équilibre délicat où chaque partie compte, se complète, s’écoute, le monde instrumental de Couperin permet aux Timbres de dévoiler ce qu’ils maîtrisent, l’art du dialogue concerté, l’harmonie collégiale dont rêve tout ensemble musical… CD récompensé par un “CLIC†de CLASSIQUENEWS
Réalisation : Philippe-Alexandre PHAM © studio CLASSIQUENEWS.TV 2018

Cd événement, critique. MARAIS : Alcione – Jordi Savall (3cd Alia Vox, 2017)

MARIN-MARAIS-CD-ALCIONE-jordi-Savall-concert-des-nations-cd-classiquenews-critique-dossier-noel-classiquenews-critique-cd-Cd événement, critique. MARAIS : Alcione – Jordi Savall (3cd Alia Vox, 2017). En 1706, Marin Marais, chef d’orchestre à l’Académie royale, adulé pour ses dons de violiste et depuis toujours favorisé par le Roi, livre Alcione, ultime tragédie en musique du règne de Louis XIV. Il y a peu d’effusion amoureuse et heureuse dans une partition qui touche par son éloquence instrumentale, sa progression tragique, ses rares duos sublimes (Alcione / Pelée au IV et V), ses évocations maritimes et sa tempête, mêlée au songe qui frappe Alcione. Jordi Savall accomplit en 2007 l’une des meilleures contributions au genre lyrique du Grand Siècle, éclairant même cette modernité poétique de Marais, en particulier dans le flux irrépressible qui mène le drame vers son dénuement finalement heureux quand Neptune touché, ressuscite les amants éprouvés afin qu’ils engendrent les Alcions, protecteurs des marins, chasseurs de tempêtes et donc de naufrages.

En recréant ainsi Alcione de 1706,

Jordi Savall dévoile le génie orchestral
et la veine tragique de Marin Marais

CLIC_macaron_2014La Chaconne finale, véritable morceau orchestral, indique au début XVIIIè, le souffle symphonique d’une écriture à redécouvrir d’urgence. A la clarté et l’articulation du continuo comme de l’orchestre, répond le souci du verbe et des récits dramatiques que portent à une perfection agissante les 3 solistes réunis ici : Léa Desandre dans le rôle titre (laquelle délivre pour Alcione, une soie vocale des plus fluides, à la fois onctueuse et mordante, éclairant aussi cette angélisme volontaire), Cyril Auvity, ténor souple en Ceix, et surtout le baryton percutant, naturel Marc Mauillon qui fait du personnage de Pellée, le pilier de l’action : l’amoureux en souffrance d’Alcione brûle littéralement par son ardeur virile jusqu’à son suicide « heureux » au V. Il revient à Marais d’éblouir par son écriture colorée et puissante, pourtant dans un genre qui avait été dominé jusque là par Lully. Le soin qu’apporte Savall à la caractérisation et l’enjeu poétique de chaque acte, et ce dès le Prologue (duel Apollon / Pan) convainc particulièrement.

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Cd événement, critique. MARAIS : Alcione – Jordi Savall (3cd Alia Vox, 2017) – CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2020. Plus d’infos sur le site d’ALIA VOX :
https://www.alia-vox.com/fr/catalogue/marin-marais-alcione-tragedie-lyrique/

CD événement, critique. JS BACH : Suites anglaises (BWV 806 à 811). PAOLO ZANZU, clavecin (1 cd Musica ficta)

zanzu-paolo-clavecin-suites-anglaises-de-js-BACH-cd-critique-evenement-CLIC-classiquenews-avril-2020-musica-fictaCD événement, critique. JS BACH : Suites anglaises (BWV 806 à 811). PAOLO ZANZU, clavecin (1 cd Musica ficta) – Voici un réjouissant programme porté de mains de maître par le claveciniste Paolo Zanzu, tempérament désormais incontournable de la scène baroque actuelle. Ex assistant de Bill Christie et de Gardiner, ayant fondé son propre ensemble depuis 2017, Le Stagioni (Les Saisons), le chef et claveciniste confirme un rare talent pour la caractérisation lumineuse, surtout claire et ciselée. Une attention active et nuancée qui assure la réussite de ce nouvel album dédié aux Suites « anglaises » de JS Bach.

Paolo Zanzu aborde l’écriture éclectique d’un Bach très habile à échafauder mille architectures sur le clavier ; il en ressort l’intelligence et l’imagination de Bach alors au travail à Köthen vers 1720, destinant probablement les pièces à un possible patron anglais (d’où leur titre) : l’interprète montre combien Bach est inspiré par les suites du français Dieupart, auxquelles il joint une ouverture italienne en guise de « prélude »… D’ailleurs, le jeu du claviériste indique l’ampleur de chaque Prélude, véritable mouvement de concerto, évoquant même le dialogue soliste / orchestre, avec une durée croissante, de la Suite n°1 à la dernière (n°6). Celle ci d’une ambition remarquable, agit même comme un mouvement autonome, d’une maturité méditative extrême qui fait penser à la fantaisie en ré mineur de Mozart (K397).

Distinguons d’emblée la Suite 1 BWV 806, pour restituer chaque cycle formant une « Suite » : le Prélude (1) est atemporel hors temps hors enjeu dramatique, d’un équilibre souverain (il est appelé dans les Suites n°5, – abstraite ; surtout n°6 – dépassant les 7 mn -, à un développement en effet remarquable). Puis l’Allemande (2) toujours de la n°1 est jouée déterminée, droite, d’un allant irrépressible ; la profondeur un rien mélancolique allant en s’accentuant à mesure que l’on progresse à travers les 6 Suites.
La Courante (3) d’une nostalgie dansante, affirme un caractère plus intérieur qui est davantage développé dans la suite logique « Courante II et 2 doubles » où l’interprète fait chanter l’instrument avec une éloquence rhétorique jamais sèche, d’un rebond galbé idéal.

  
 

Claveciniste, fondateur de l’ensemble Le Stagioni

Paolo Zanzu célèbre la liberté et l’invention
des Suites anglaises de JS BACH

  
 

paolo-zanzu-suites-anglaises-jean-sebastien-bach-cd-portrait-UNE-582La Sarabande (4) est d’un caractère plus noble, large et majestueux où le jeu trouve des respirations et des notes détachées / pointées comme suspendues. L’agilité bienheureuse des deux Bourrées I et II (5) affirme par contraste une rusticité radieuse qui met en avant les qualités d’articulation du clavecin, étonnant de précision et d’intensité expressive. La sobriété rayonnante dont fait preuve Paolo Zanzu captive d’autant que le contrepoint qu’exige cette bourrée en 3 volets est un exercice de haute virtuosité digitale. Ce qu’exalte encore davantage comme un point d’accomplissement majeur, le final en forme de Gigue (6), d’une palpitante activité.

Délectable, le jeu entre les danses, lesquelles sont abordées différemment selon les Suites, chacune ayant son terrain d’expression privilégié : Bourrées (3 volets pour les Suites 1 et 2 / Gavottes de même pour la 3 ou la 6 ; Passepieds de la n°5) ; le claveciniste expose, articule, superpose pour un final des plus « explosifs », soit une gigue qui est énergie et électrisation pure, revendication et proclamation du compositeur pour la suprématie expressive et poétique de son art (voir la Gigue finale conçue comme une apothéose de la Suite n°2). Tandis que la dernière Gigue (n°6) semble traversée par un souffle et une urgence inexorable, parcourus eux-mêmes d’éclairs et de déflagrations chtoniens, une sorte de tremblement de terre purement musical dont l’excellent Paolo Zanzu rétablit la puissance et l’assise rythmique comme le chant et l’ivresse infinis.
Les mouvements plus introspectifs (Allemande puis Sarabande) permettent de superbes méditations, distinctes de la course revendiquée dans les passages plus vifs (Bourrées, Gavottes, Passepieds…). Ainsi l’éloquence sobre et murmurée, presque grave de l’Allemande de la n°3 qui dit un adieu, tout en finesse et pudeur.

Par contraste, le dessin très ciselé des Gavottes en triptyque de la même n°3 affirme une superbe précision dans le contrepoint qu’enrichit la sonorité tout en rondeur du clavecin choisi : clavecin allemand par Anthony Sidey et Frédéric Bal à Paris (1995), d’après un clavier historique de l’école de Gottfried Silbermann, ca. 1735.

On y saisit ainsi l’urgence d’une danse aux profonds enjeux, presque grave elle aussi, aux résonances secrètes (La Musette) ; dont le flux continu expose tous les tenants et aboutissants d’une situation irrépressible et les résout aussi, dans le même temps, en un jeu étonnamment clair et précis (superbe architecture de la Gigue finale de la 3). Le jeu des distanciation ou des temps en écho, comme deux plans distincts (rapproché / lointain), se lit admirablement dans le déroulement des énergiques Passepieds de la n°5.

CLIC D'OR macaron 200La clarté rhétorique du jeu de Paolo Zanzu renforce le sentiment de profonde cohérence organique à travers chaque Suite, et d’une Suite à l’autre, et dans la totalité des 6 Suites ; c’est un cheminement tonal global qui suit « l’hexacorde descendant (la majeur, la mineur, sol mineur, fa majeur, mi mineur, ré mineur), retraçant la mélodie du choral Jesu meine Freude » … schéma « secret » élucidé dans la passionnante notice écrite par le claveciniste. Le point d’orgue est réalisé aussi à travers l’évolution des Gigues qui concluent chacune chaque Suite : la dernière, n°6, atteint un très haut degré de virtuosité débridée, « véritable «Trille du diable» clavecinistique » comme le précise très justement Paolo Zanzu.
Voilà longtemps que le clavier de Bach n’avait pas sonné si chantant, à la fois virtuose, impérieux, débordant d’énergie et d’imagination ; de clarté et de précision. Magistrale compréhension d’un Bach polymorphe qui ose, se régénère, expérimente. CLIC de CLASSIQUENEWS d’avril et mai 2020.

 
 

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CD, événement. JS BACH : Suites anglaises n°1 à 6 BWV 806-811 / Paolo ZANZU, clavecin – Enregistrement réalisé en 2017 et 2018 – 2 cd Musica Ficta – 2h10mn. CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2020.

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Entretien avec Paolo Zanzu

  
 
 

paolo-zanzu-suites-anglaises-jean-sebastien-bach-cd-portrait-UNE-582ENTRETIEN avec Paolo ZANZU à propos des Suites Anglaises de JS BACH. Pour son nouvel album édité par Musica Ficta, Paolo Zanzu interroge la liberté inventive, l’ambition des 6 Suites Anglaises de JS Bach. La sobriété rayonnante dont fait preuve Paolo Zanzu, son souci de l’équilibre et de la clarté fait toute la valeur d’une lecture solaire qui captive par sa grande finesse d’articulation. Entretien exclusif avec le jeune claveciniste, fondateur de son propre ensemble Le Stagioni (depuis 2017).

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Pour quelle raison avoir choisi d’enregistrer les Suites Anglaises de JS BACH ?

Les Suites anglaises étaient en partie déjà dans mon répertoire depuis l’adolescence, ce sont des morceaux dont je suis familier depuis longtemps. C’est aussi mon préféré des trois grands recueils de suites que Bach a écrits. En outre, la virtuosité, très présente dans ces pièces, est un défi que j’aime relever.

 
 

Dans la réalisation, quels sont les points à soigner en particulier : la vocalité, la clarté du contrepoint, leur caractère expérimental… ?

Plusieurs aspects des Suites anglaises demandent une attention particulière, en premier lieu leurs dimensions. Ces suites sont plus longues et plus articulées que les Suites françaises et les Partitas. Chacune est introduite par un prélude très développé et souvent très long (le dernier approchant des huit minutes), construit comme un premier mouvement de concerto, dans une alternance de solos et de tutti orchestraux.
Ensuite, chaque morceau de la suite a son caractère propre, mais on peut identifier des caractéristiques communes. Les allemandes, par exemple, sont très écrites, avec un flot ininterrompu de doubles croches, ce qui représente un réel défi pour l’interprète qui doit en véhiculer toute l’expressivité et la grâce, sans jamais devenir bavard. Une spontanéité qui semble naturelle, mais qui cache, comme sous un épais feuillage, un contrepoint complexe est aussi un élément constitutif de ces pièces, dans la tendresse d’une gavotte comme dans la virtuosité d’une gigue. Il faut donc préserver ce naturel, dans la complexité de sa texture contrapuntique.

 
 
Comment avez-vous choisi l’instrument et quelles sont ses qualités qui ont piloté votre choix final ?

J’ai choisi pour cet enregistrement le même instrument que pour mon disque consacré aux Suites de Haendel : une copie d’un clavecin allemand non signé, probablement de l’école de Gottfried Silbermann, des années 1730, faite par Anthony Sidey et Frédéric Bal. L’original comme la copie sont des trésors. La beauté du son, le jeu cristallin, qui permet d’entendre distinctement chaque voix même au milieu d’un riche contrepoint, la puissance, les basses à la longue résonance, les aigus qui chantent comme une voix humaine font de ce clavecin un des plus beaux instruments que je connaisse. Et, bien entendu, la provenance et la période de construction de son modèle en font aussi un instrument idéal pour ce recueil.

 
 

Savons-nous précisément dans quel cadre JS BACH les a composées puis jouées ? Ces éléments historiques vous ont-ils influencé dans la réalisation de l’enregistrement ?

On sait relativement peu de choses sur les Suites anglaises, car nous n’avons pas l’autographe de Bach et qu’il n’existe aucune édition d’époque. Il nous reste plusieurs manuscrits différents, dont les plus importants de la main de Johann Christian Bach et de Heinrich Nikolaus Gerber. Premier des trois grands recueils de suites à avoir été écrit, les Suites anglaises datent probablement des années 1720, période à laquelle Bach consacrait son génie à la composition de musique profane, à la cour de Köthen. On sait également que l’adjectif anglaises, qui n’est probablement pas le fait du compositeur, n’a du moins aucun rapport direct avec le style ou l’esthétique de ces pièces, plutôt d’inspiration italienne, française et allemande. Pour autant, je trouve toujours utile et important de connaître le contexte historique, artistique et musical d’une pièce, même si parfois cela ne nous renseigne aucunement sur la façon de la jouer.

 
 
Comment rétablir la continuité et l’unité organique de chaque suite “malgré” la succession des danses si diversifiées qui succèdent au Prélude initial ?

La suite est à l’époque baroque ce que la sonate est aux époques classique et romantique, c’est-à-dire une forme consacrée où s’exprime le génie du compositeur, illustrant l’horizon psychologique d’une génération. Ce n’est pas la seule, bien entendu, mais c’est une des principales, avec le concerto. Il va donc de soi que dans une suite, en Allemagne au XVIIIe siècle, à une allemande succède une courante, à laquelle succède une sarabande, et ainsi de suite. Ces morceaux sont intimement liés thématiquement et psychologiquement. À l’interprète revient seulement de saisir leur logique interne pour permettre à l’auditeur de mieux la percevoir.

 
 

Propos recueillis en avril 2020

 
 
  
 
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Visitez le site de Paolo Zanzu / Le Stagioni : https://www.paolozanzu.com/fr/le-stagioni

 

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CD événement, critique. HANDEL : AGRIPPINA. DiDonato, Fagioli, Vistoli… (3 cd ERATO, 2019)

didonato-joyce-agrippina-fagioli-pisaroni-orlinski-vistoli-lemieux-maxim-EMELYANYCHEV-il-pomo-doro-cd-opera-cd-review-opera-concert-orchestre-classiquenews-gd-formatCD événement, critique. HANDEL : AGRIPPINA. DiDonato, Fagioli, Vistoli… (3 cd ERATO, 2019). Pour portraiturer la figure de l’impératrice Agrippine, Haendel et son librettiste Vincenzo Grimani n’écartent aucun des éléments de la riche biographie de Julie Agrippine, sÅ“ur de Caligula : la 4è épouse de Claude fait tout pour que le fils qu’elle a eu en premières noces d’Ahenobarbus, soit reconnu par l’empereur et lui succède : Néron, pourtant dissolu, décadent – effeminato (comme Eliogabalo, et tel que le dépeint aussi Monteverdi au siècle précédent dans l’Incoronazione di Poppea), sera bien sacré divinité impériale (non sans faire assassiner sa mère au comble de l’ingratitude : qu’importe dira l’ambitieuse politique qui déclara « qu’importe qu’il me tue, s’il devient empereur »… ). Au moins Agrippine n’avait aucun faux espoir.

La présente lecture suit les recommandations et recherches du musicologue David Vickers (qui signe la captivante et très documentée notice de présentation – éditée en français), soucieux de restaurer l’unité et la cohérence de la version originelle de l’opéra, tel qu’il fut créé au Teatro Grimani di San Giovanni Grisostomo en 1709 à Venise. L’action s’achève avec le mariage entre Ottone et Poppea ; s’il perd (fugacement) la main de la jeune beauté, Néron gagne la fonction impériale : il est nommé par Claude, empereur, à la grande joie d’Agrippine… Ainsi, l’ambitieuse a triomphé ; ses multiples manigances n’étaient pas vaines.
L’apport le plus crédible de la proposition est ici, la suite de ballet qui conclut l’action comme une apothéose, soit 5 danses dont la Passacaille finale, dérivées de la partition sur papier vénitien du précédent opéra Rodrigo.

 

 

Nouvelle lecture d’Agrippina sommet italien de Haendel (Venise, 1709)

JOYCE DIDONATO,  ambitieuse & impérieuse

 

 

 

La diversité des accents, nuances, instrumentaux et vocaux, expriment vertiges et scintillements des affetti, autant de passions humaines qui sont au cœur d’une partition surtout humaine et psychologique ; Haendel avant le Mozart de Lucio Silla, atteignant à une compréhension hallucinante du coeur, de l’âme, du désir ; l’incohérence et la contradiction, la manipulation et la faiblesse sont les codes ordinaires des machinations à l’œuvre ; même cynisme que chez Monteverdi dans l’Incoronazione di Poppea (opera de 1642 qui met en scène le même trio : Agrippine, Néron, Poppée), Haendel fustige en une urgence souvent électrique, embrasée, la complexité sadique des uns, l’ivresse maso des autres, en un labyrinthe proche de la folie, en une urgence aussi qu’expriment parfaitement la tenue de chaque chanteur et l’engagement des instrumentistes : ici Claude et Néron sont faibles ; seule Agrippine impose sa détermination virile (mais elle aussi se montre bien fragile comme le précise son grand air fantastique du II : « Pensieri, voi mi Tormenti » : la machiavélique se présente en proie fragile, en victime). D’ailleurs Haendel dessine surtout des individualités (plutôt que des types interchangeables d’un ouvrage à l’autre) ; il réussit là où Mozart en effet, à révéler les motivations réelles des êtres : pouvoir, désir, argent… pour y parvenir rien n’arrête l’ambition : Agrippine commande à Pallante qu’elle séduit d’assassiner Narcisso et Ottone… puis courtise Narcisso pour qu’il tue Pallante et Ottone (II).
Haendel invente littéralement des scènes mythiques indissociables de l’histoire même du genre opéra : le Baroque fabrique ici une scène promise à un grand avenir sur les planches, en particulier à l’âge romantique : comment ne pas songer à l’air des bijoux de Marguerite du Faust de Gounod, en écoutant « Vaghe perle », premier air qui dépeint la badine et légère Poppea, ici première coquette magnifique en sa vacuité profonde ?

Sur cet échiquier, où l’ambition et les manigances flirtent avec folie et désir de meurtre, triomphe évidemment Agrippine, parce qu’elle est sans scrupule ni morale, et pourtant hantée par l’échec, ainsi que le dévoile l’air sublime du II comme nous l’avons souligné (« Pensieri, voi mi tormentate ») : diva ardente et volubile, viscéralement ancrée dans la passion exacerbée, Joyce DiDonato souligne la louve et le dragon chez la mère de Néron, avec les moyens vocaux et l’implication organique, requis. C’est elle qui règne incontestablement dans cet enregistrement, comme l’indique du reste le visuel de couverture : Agrippina / Joyce très à l’aise, en majesté sur le trône.
A ses pieds, tous les hommes sont soumis : Néron, en fils dévoué et tout occupé à conquérir Poppea (plutôt que le pouvoir) – au miel bavard, lascif (impeccable Franco Fagioli cependant plus vocal que textuel) ; l’époux Claude (non moins crédible Luca Pisaroni) ; acide et parfois serré, l’Ottone de Orlinski vacille dans sa caractérisation au regard de sa petite voix… le contre-ténor qui brille ici, reste le Narcisso de l’excellent Carlo Vistoli (dès son premier air au I : « Volo pronto »), voix claire, assurée, d’une santé conquérante : il donne corps et épaisseur à l’affranchi de Claude, et aurait tout autant lui aussi séduit en Néron.
Junon de luxe, deus ex macchina, Marie-Nicole Lemieux qui célèbre en fin de drame, les amours (bientôt contrariés) de Poppea et Ottone, complète un cast plutôt fouillé et convaincant.
CLIC D'OR macaron 200Nos seules réserves vont à la Poppea de la soprano Elsa Benoît, aux vocalises trop imprécises, à l’incarnation pas assez trouble et suave ; et aussi à l’orchestre Il Pomo d’oro. Non que l’implication de l’excellent chef Maxim Emelyanychev ne déçoive, loin de là : articulé, fougueux, impétueux même ; mais il manque ostensiblement à sa direction, à son geste, l’élégance, la caresse des nuances voluptueuses que savait y disséminer avec grâce John Eliot Gardiner dans une précédente version, depuis inégalée. Parfois dur, dès l’ouverture, nerveux et sec, trop droit, Emelyanychev déploie une palette expressive moins nuancée et moins riche que son ainé britannique. Haendel exige le plus haut degré d’expressivité, comme de lâcher prise et de subtilité. Caractérisée et impérieuse, parce qu’elle exprime l’urgence de tempéraments possédés par leur désir, la lecture n’en reste pas moins très séduisante. Les nouvelles productions lyriques sont rares. Saluons Erato de nous proposer cette lecture baroque des plus intéressantes globalement. La production enrichit la discographie de l’ouvrage, l’un des mieux ficelés et des plus voluptueux de Haendel. C’est donc un CLIC de CLASSIQUENEWS de février 2020.

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CD événement, critique. HANDEL : AGRIPPINA. DiDonato, Fagioli, Vistoli… (3 cd ERATO, enregistrement réalisé en mai 2019)

HANDEL / HAENDEL : Agrippina (version originale de 1709)

Avec Joyce DiDonato, Carlo Vistoli, Franco Fagioli, Elsa Benoit, Luca Pisaroni, Jakub Józef OrliÅ„ski, Marie-Nicole Lemieux…
Il Pomo d’Oro / Maxim Emelyanychev, direction – Enregistrement réalisé en mai 2019 – 3 cd ERATO

LIRE aussi notre annonce présentation du coffret événement AGRIPPINA par Joyce DiDonato :
http://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-handel-joyce-didonato-chante-agrippina-de-handel-3-cd-erato-mai-2019/

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TEASER VIDEO
Handel: Agrippina – Joyce DiDonato, Franco Fagioli, Elsa Benoit, Luca Pisaroni, Jakub Józef Orliński…

 

 

 

 

 

 

Joyce DiDonato brings the roguish charm of Handel’s leading lady to life in this sensational recording of Agrippina, with Il Pomo d’Oro and their chief conductor Maxim Emelyanychev. Alongside Joyce is a magnificent cast of established and rising stars that includes Franco Fagioli, Elsa Benoit, Luca Pisaroni, Jakub Józef OrliÅ„ski, and Marie-Nicole Lemieux. “Agrippina feels like the most modern drama,” Joyce DiDonato told The Observer. “The story unfolds like rolling news today. And I keep saying, ‘This is genius. How did Handel know the human psyche so profoundly?’”

Discover / approfondir: https://w.lnk.to/agpLY

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LIRE aussi notre critique du cd événement : SERSE de HAENDEL / Fagioli, Il Pomo d’Or / Maxim Emelyanychev

Handel fagioli serse haendel cd review critique cd par classiquenews opera baroque par classiquenews genaux aspromonte Serse-CoffretCD, critique. HANDEL / HAENDEL : Serse (1738) / Fagioli, Genaux (Emelyanychev, 2017 – 3 cd DG Deutsche Grammophon, 2017). Voilà une production présentée en concert (Versailles, novembre 2017) et conçue pour la vocalità de Franco Fagioli dans le rôle-titre (il rempile sur les traces du créateur du rôle (à Londres en 1738, Caffarelli, le castrat fétiche de Haendel) ; le contre-ténor argentin est porté, dès son air « « Ombra mai fu » », voire stimulé par un orchestre électrique et énergique, porté par un chef prêt à en découdre et qui de son clavecin, se lève pour mieux magnétiser les instrumentistes de l’ensemble sur instruments anciens, Il Pomo d’Oro : Maxim Emelyanychev. La fièvre instillée, canalisée par le chef était en soi, pendant les concerts, un spectacle total. Physiquement, en effets de mains et de pieds, accents de la tête et regards hallucinés, le maestro ne s’économise en rien.

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CD, événement, annonce. HANDEL : Joyce DiDonato chante Agrippina de Handel (3 cd ERATO – mai 2019)

didonato-joyce-agrippina-fagioli-pisaroni-orlinski-vistoli-lemieux-maxim-EMELYANYCHEV-il-pomo-doro-cd-opera-cd-review-opera-concert-orchestre-classiquenews-gd-formatCD, événement, annonce. HANDEL : Joyce DiDonato chante Agrippina de Handel (3 cd ERATO – mai 2019). Enregistrée en mai 2019, cette nouvelle lecture du premier chef d’œuvre absolu du jeune Haendel, alors finissant son tour d’Italie et établi à Venise (l’opéra Agrippina est créé au San Giovanni Grisostomo le 26 déc 1709), renouvelle notre connaissance de l’œuvre, un accomplissement pour le Saxon qui s’y montre fin connaisseur de l’opéra seria auquel il apporte sa science des mélodies suaves, de l’élégance et aussi de l’expressivité tragique et impérieuse (s’agissant du rôle d’Agrippine, la mère autoritaire du jeune Néron). Pour l’une et l’autre, la version éditée par Erato réunit un superbe couple, caractérisé, fin, impliqué, au verbe rageur : Joyce DiDonato en impériale dominatrice ; Franco Fagioli en Nerone, un rôle que le contre-ténor argentin incarne à merveille tant depuis son Eliogabalo de Cavalli (Palais Garnier, sep 2016 : lire notre compte rendu critique : http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-paris-palais-garnier-le-16-septembre-2016-cavalli-eliogabalo-recreation-franco-fagioli-leonardo-garcia-alarcon-direction-musicale-thomas-jolly-mise-en-scene-2/ ), son timbre acide et velouté à la fois excelle à exprimer l’essence des princes efféminés, décadents… soumis à l’empire des sens, portraiturés avant Haendel par … Monteverdi (l’Incoronazione di Poppea).
En « fosse », Fagioli retrouve d’ailleurs, le pétaradant et très articulé Maxim Emelyanychev et son ensemble sur instruments d’époque, Il Pomo d’Oro : une phalange prête à en découdre pour exprimer tous les vertiges de la passion haendélienne… Contre-ténor, chef et instrumentistes avaient précédemment convaincu dans un Serse (1738), enregistré en 2017 pour DG : Lire ici notre critique du cd Serse par Franco Fagioli ( CLIC de CLASSIQUENEWS d’oct 2018 : http://www.classiquenews.com/cd-critique-handel-haendel-serse-1738-fagioli-genaux-emelyanychev-2017-3cd-deutsche-grammophon/ ).
Autour de ce couple promis à devenir légendaire, Erato regroupe un parterre idéal qui joue lui aussi sur la finesse des caractérisations de chaque profil : Elsa Benoit (suave et sobre Poppea), l’impeccable Narciso de Carlo Vistoli, comme l’Ottone de Jakub Jozef Orlinski, lequel ajoute son timbre acide et musical lui aussi pour cette prise en studio proche de l’idéal. Après Monteverdi au siècle précédent, et lui aussi phare de l’opéra vénitien, Haendel se hisse à la plus haute marche de l’inspiration d’après l’Antiquité romaine : le cynisme et la passion embrasent tout ; rien n’arrête l’ivresse des hauteurs et du pouvoir ; s’il deviennent fous et inhumains, tous les candidats tentés par la toute puissance s’emballent au delà de toute mesure ; chaque politique ici libéré, peut exprimer sa soif de puissance, de gloire, de séduction. Et au sommet de la partition s’inscrit en lettres d’or et chant souverain, l’air accompagnato, très développé, incisif, halluciné de la prima donna barocca, Joyce DiDonato, au I : “ Pensieri, voi mi tormentate (de plus de 6 mn : un air essentiel dans la partition), dans laquelle la mère qui manipule, est hantée par ses propres craintes que tous ses stratagèmes n’échouent à faire de son fils Nerone, l’empereur, successeur de Claude… Traversée par les spasmes et les visions d’une fragilité inconnue jusque là, l’ambitieuse semble mesurer tout ce qu’elle peut perdre et tout ce qu’elle engage dans cette course au pouvoir. La vipère en chef voudrait nous faire croire qu’elle est pauvre victime. Génial Haendel ! Par sa cohérence et le relief ciselé de chaque protagoniste de ce huis clos bien romain, s’impose dans la discographie. Grande critique à venir dans le mag cd dvd livres de CLASSIQUENEWS

LYON. LE PARNASSE AU FEMININ

jacquet de la guerre compositrice parnasse au feminin concert hostel dieu classiquenews evenement concert baroque lyonLYON, 5, 11 et 12 février 2020. LE PARNASSE AU FEMININ. 2è volet du triptyque Baroque au féminin, le Parnasse au Féminin précise la sensibilité musicale des compositrices à l’époque de Lully (Jacquet de la Guerre) puis de Rameau (Duval puis Demars)… A la tête de son ensemble sur instruments anciens (le Concert de l’Hostel Dieu), Franck-Emmanuel COMTE poursuit sa quête exploratrice à la recherche des femmes musiciennes ayant ébloui par leur grâce et leur inspiration, les deux siècles baroques en France, aux XVIIè et XVIIIè. Le programme PARNASSE AU FEMINIM offre un panorama remarquable sur la créativité des compositrices oubliées de l’Histoire. Illustration : portrait de la parisienne Élisabeth-Claude Jacquet de la Guerre, née en 1665

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DISTRIBUTION
Saskia Salembier, mezzo-sopranoCONCERT HOSTEL DIEU FRANCK EMMANUEL COMTE logo 2018 pour classiquenews
Reynier Guerrero et Sayaka Shinoda, violons
Aude Walker-Viry, violoncelle
Nicolas Muzy, théorbe
Florian Gazagne, basson
Patrick Rudant, traverso
Franck-Emmanuel Comte, clavecin & direction

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AGENDA LE PARNASSE AU FEMININ

 

 

5 février 2020
LYON – Bibliothèque municipale de Lyon (69)
Conférence musicale autour des compositrices parisiennes au XVIIIe siècle

 

 

11 et 12 février 2020
LYON – Musées des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon (69)
Le Parnasse au fémininparnasse-au-feminin-baroque-au-feminin-concert-hostle-dieu-franck-emmanuel-comte-classiquenews-concert-annonce-evenement-baroque-classiquenews
Création de la composition commandée à Emilie Girard-Charest
Avant-propos animé par Aliette de Laleu, journaliste à France Musique, avec la compositrice Emilie Girard-Charest, Julien Dubruque, professeur agrégé et responsable éditorial au Centre de musique baroque de Versailles et Saskia Salembier, mezzo et violoniste baroque, Aline Sam-Giao, directrice générale de l’Orchestre national de Lyon et Aude Walker-Viry, violoncelliste baroque et interprète de la création contemporaine d’Émilie Girad-Charest.

 

 

 

5 mars 2020
MARSEILLE – Mars en Baroque (13)
Le Parnasse au féminin

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Le Parnasse au Féminin par Le Concert de l’Hostel Dieu : 

 

 

 

 

 

 

 

UN NOUVEAU PANTHEON DES FEMMES MUSICIENNES
JACQUET DE LA GUERRE, DUVAL, DEMARS…

 

comte-franck-emmanuel-concert-hostel-dieu-portrait-classiquenews-baguette-marco-polo-classiquenews-582En France, dès le XVIIe siècle, l’éducation artistique et l’apprentissage de la musique des jeunes filles de bonne famille sont incontournables. Le programme Le Parnasse au féminin est construit autour d’œuvres de compositrices du Siècle des Lumières : la parisienne Élisabeth-Claude Jacquet de la Guerre, née en 1665 dans une famille de facteurs de clavecins, affirme son talent singulier comme chanteuse, claveciniste et compositrice. Sa tragédie en musique Céphale et Procris (1694) affirme un tempérament solide qui a acclimaté le modèle lullyste. Protégé de Louis XIV, Jacquet de la Guerre devient la compositrice la plus célèbre du XVIIè.
Au siècle suivant, celui des Lumières, Melle DUVAL danseuse et claveciniste naît en 1718. Son père serait Cornelio Bentivoglio, nonce du pape et promoteur de la constitution du clergé, d’où le surnom attaché à la musicienne : « la constitution ». Son opéra-ballet Les Génies est créé en 1736 au moment où Rameau a triomphé avec son révolutionnaire Hippolyte et Aricie (1733). La Duval – Constitution y déploie un zèle remarquable pour les goûts français et italiens, idéalement réunis. La DUVAL a toutes les grâce d’un Rameau amoureux.
Hélène-Louis DEMARS née à Paris en 1736, règne dans la capitale comme claveciniste virtuose, maîtresse du clavecin. Ses petites cantates, ou cantatilles (les avantages du buveur, l’Horoscope de 1748 ; Hercule et Omphale, pour voix seule et symphonie de 1752…) affirme une sensibilité pour l’éloquence et la sensualité.
Paraissent également les pièces plus légères de Françoise de Saint-Nectaire, Julie Pinel. Comme un écho contemporain, sont enchassés parmi les auteures baroques, les mouvements d’une œuvre commandée à la compositrice Émilie Girard-Charest (intitulée « Foison »).

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VOIR le teaser du programme
https://www.youtube.com/watch?time_continue=110&v=Xdwut2eqn2U&feature=emb_logo

 

 

TOUTES les infos sur le site du CONCERT DE L’HOSTEL DIEU
http://www.concert-hosteldieu.com/programmes/parnasse-au-feminin/

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AGENDA COMPLET LE PARNASSE AU FEMININ

 

 

5 février 2020
LYON – Bibliothèque municipale de Lyon (69)
Conférence musicale autour des compositrices parisiennes au XVIIIe siècle

 

 

11 et 12 février 2020
LYON – Musées des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon (69)
Le Parnasse au féminin
Création de la composition commandée à Emilie Girard-Charest
franck-emmanuel-comte-concert-hostle-dieu-concert-582Avant-propos animé par Aliette de Laleu, journaliste à France Musique, avec la compositrice Emilie Girard-Charest, Julien Dubruque, professeur agrégé et responsable éditorial au Centre de musique baroque de Versailles et Saskia Salembier, mezzo et violoniste baroque, Aline Sam-Giao, directrice générale de l’Orchestre national de Lyon et Aude Walker-Viry, violoncelliste baroque et interprète de la création contemporaine d’Émilie Girad-Charest.

 

 

5 mars 2020
MARSEILLE – Mars en Baroque (13)
Le Parnasse au féminin

 

 

26 mars 2020
Le Parnasse au féminin

 

Institut Français à Londres (RU)

30 mai 2020
Baroque au Féminin
FROVILLE – Festival de Froville avec Heather Newhouse, Stéphanie Varnerin et Anaïs Bertrand

 

 

5 septembre 2020
Le Parnasse au Féminin
Ravenne, Italie

 

 

15 octobre 2020
Maria Antonia de Saxe
(3è volet du triptyque « Baroque au féminin »)
LYON – Salle Molière avec Emmanuelle de Negri
Les compositrices françaises sont à l’honneur : Jacquet de la Guerre, Duval, de Saint-Nectaire, Pinel, Demars… avec une création de la compositrice Emilie Girard-Charest

 

 

 

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LIRE aussi notre présentation de la saison 2019 – 2020 du CONCERT DE L’HOSTEL DIEU / FRANCK EMMANUEL COMTE : triptyque Le Baroque au Féminin, le Panasse au féminin, La Francesina, Folia à Paris…

FRANCK-EMMNUEL COMTE réinvente le BaroqueLe propre du CONCERT DE L’HOSTEL DIEU depuis ses débuts est de rendre vivante, une première approche (nécessaire) de recherche et de questionnement. Dans la réalisation, le geste se précise et devient naturel, par sa liberté d’interprète et de concepteur, en serviteur zélé et « historiquement informé » des compositeurs et pratiques anciennes, Franck-Emmanuel COMTE nous rappelle que « la création s’insinue partout : dans l’ornementation mélodique, dans les orchestrations où l’instrumentation est souvent laissée libre par les compositeurs, dans l’harmonisation des lignes de basses continues, dans l’arrangement des pièces instrumentales… Un terrain de jeu exaltant, une terre de liberté qui dépassent bien souvent le cadre scientifique et ancrent ces musiques patrimoniales dans le temps présent. »
Ce goût de la liberté qui devient « imprévisibilité » apporte aujourd’hui au collectif du CONCERT DE L’HOSTEL DIEU sa faculté à demeurer spontané. Vertu essentielle pour que le Baroque continue de nous parler. En témoigne les thématiques et temps forts de la nouvelle saison 2019 – 2020 …

 

 

 

 

 

CD événement, critique. Giacomo Antonio PERTI (1661-1756) : La Lingua profetica del taumaturgo di Paola, San Francesco, vers 1700 – Concerto Soave. JM Aymes, direction (2018, 1 cd LANVELLEC éditions)

PERTI oratorio bologne la lingua profetica critique review cd classiquenews CLIC de classiquenewsCD événement, critique. Giacomo Antonio PERTI (1661-1756) : La Lingua profetica del taumaturgo di Paola, San Francesco, vers 1700 – Concerto Soave. JM Aymes, direction (2018, 1 cd LANVELLEC éditions). PERTI est un compositeur bolonais précoce, particulièrement adulé à Vienne et d’une longévité exemplaire (comme Porpora) : Perti meurt en 1756 à 95 ans. Rival d’Alessandro Scarlatti, maître de chapelle de la Basilique San Petronio (où dormait la partition de La Lingua profetica), Perti affirme un tempérament à part : séduction mélodique, raffinement harmonique, habileté contrapuntique et vrai sens du drame. On peut présager un destin pareil à celui de Vivaldi, d’abord connu pour sa seule oeuvre instrumentale : les Quatre Saisons, puis sujet d’une passion récente pour ses opéras… On souhaite un même phénomène Perti à partir du dévoilement de cet oratorio royal oublié : une vingtaine d’opéras et le même nombre d’oratorios sont à exhumer ; c’est dire l’importance du filon. En 1700, les Medicis auraient commandité cet oratorio au sujet spécifique dédié à la naissance et au baptême du premier fils de Charles VIII et d’Anne de Bretagne (Charles-Orland qui mourra à 3 ans en 1495), mais aussi à la maternité quasi miraculeuse en tout cas inespérée de Louise d’Angoulème, mère du futur François Ier (né en 1494). Une telle dévotion volgare s’explique par la relation privilégiée entre la dynastie toscane et la monarchie française.

Perti alterne avec vivacité et souci de caractérisation instrumentale recitativos secos puis arias proprement dites.
A l’inverse de beaucoup d’oratorios de la période, le sujet fait la singularité de la partition de Perti ici exhumée ; pas de Saints, de Christ ou de Vierge Marie, mais des personnages historiques qui expriment leur vœu politique dans l’observance de la religion. Rien ne surclasse la volonté d’assurer la continuité de la lignée des Valois français.
Composant un retable haut en couleurs et riche en profils psychologiques, le quatuor vocal excelle grâce à l’engagement de chaque chanteur qui brosse le portrait musical de chaque protagoniste, avec mention spéciale pour les femmes : superbe soie expressive et très incarnée de la solaire Louise d’Angoulème, défendue par le mezzo éruptif, juste, mordant de Lucile Richardot (décidément un tempérament vocal à suivre pas à pas) ; sans omettre la tendre et très profonde Anne de Bretagne de la soprano Maria Cristina Kiehr dont la couleur et le caractère sont très convaincants ; face à eux, deux chanteurs tout autant impliqués par les enjeux des situations : le Saint-François de Paule, oracle autoritaire et noble de Stephan McLeod ; enfin Valerio Contaldo, fervent Charles VIII, à la fois fragile et CLIC_macaron_2014conquérant, belle figuration du monarque français, premier acteur des guerres d’Italie, dès 1494 quand il prend le titre de roi de Naples… La nervosité dramatique et le sens du relief sonore émanant du continuo complètent avec naturel, cette résurrection majeure. Recréé en 2015 au Festival Les Rencontres Internationales de Musique Ancienne en Trégor à Lanvellec, l’oratorio de PERTI ressuscite ainsi et perdure grâce à ce témoignage exemplaire, réalisé en 2018. Au regard de la qualité de la partition, de l’originalité du sujet célébrant la couronne française, il fallait absolument en garder trace. Passionnant. CLIC de CLASSIQUENEWS de janvier 2020.

 

 

 

 

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CD événement, critique. Giacomo Antonio PERTI (1661-1756) : La Lingua profetica del taumaturgo di Paola, San Francesco, vers 1700 – Concerto Soave. JM Aymes, direction (enregistrement 2018, ingénieur du son : François Eckert, UVM distribution). 1 cd LANVELLEC éditions – durée : 1h15mn
https://www.festival-lanvellec.fr/lanvellec-editions / CLIC de CLASSIQUENEWS

PARIS, La Madeleine. Olivier PERIN nommé titulaire adjoint du Grand Orgue de la Madeleine

PARIS, La Madeleine. Olivier PERIN nommé titulaire adjoint du Grand Orgue de la Madeleine. L’organiste Olivier Perin prendra officiellement ses fonctions d’organiste titulaire adjoint du Grand Orgue de La Madeleine à compter du 1er mars 2020. Directeur du Conservatoire de la Métropole du Grand Nancy depuis 2015, et organiste titulaire de l’église Saint-Paul-Saint-Louis du Marais depuis 1997, Olivier PERIN (46 ans) est né à Orléans. Nommé à l’âge de 22 ans titulaire du grand orgue de la cathédrale d’Orléans, après avoir été Petit chanteur de Sainte-Croix d’Orléans, il accède en mars 2020, à l’un des plus prestigieux postes d’organiste à PARIS. Olivier PERIN succède ainsi à d’illustres musiciens tels Camille Saint-Saëns et Gabriel Fauré, devenant l’adjoint du non moins célèbre organiste François-Henri Houbart, titulaire du superbe instrument historique Cavaillé-Coll depuis plus de 40 ans.

 

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Ses pairs admirent chez lui une véritable passion pour le rôle de l’orgue : « pour sa capacité à « colorer » les différents temps liturgiques, à relever et à caractériser les différents moments d’une célébration eucharistique, à porter vers Dieu la prière des fidèles, à toucher et émouvoir chacun d’entre eux ». Un avenir radieux se profile pour le nouvel organiste à La Madeleine. A suivre

 

 

 

 
 

L’orgue à La Madeleine : les dimanches musicaux à 16h

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CONCERTS LE DIMANCHE à 16h La Madeleine propose régulièrement le dimanche, un grand concert d’orgue à 16h (dimanche musicaux), mettant en avant les qualités uniques au monde de son grand orgue, dans une acoustique propre à la grande nef de La Madeleine… chef d’oeuvre néoantique au cœur du Paris Historique, inscrit dans un axe sacré qui la relie via la place de la Concorde, à un autre temple, celui de l’Assemblée Nationale… VOIR ici les concerts de la saison des dimanches musicaux.
http://www.concerts-lamadeleine.com/index.php?action=concerts

 

 

 

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CD événement, critique. DUMESNY : « haute-contre de Lully ». R Van Mechelen – A Nocte Temporis (1 cd alpha).

Dumesny-Haute-Contre-de-Lully cd classiquenews critique annonce review cd critique classiquenews critique opera critique concertCD événement, critique. DUMESNY : « haute-contre de Lully ». R Van Mechelen – A Nocte Temporis (1 cd alpha). Et voici un programme admirable par ses défis et son originalité, parce qu’il engage aussi un chanteur devenu chef, et comme la contralto Natalie Stutzmann, créateur de son propre ensemble A nocte temporis : le haute contre flamand Reinoud van Mechelen (né en 1987 à Leuven) : il vient d’être nommé artiste en résidence au festival laboratoire Musique et Mémoire dans les Vosges du Sud (chaque année en juillet, soit 3 années d’accompagnement artistique exemplaire à suivre absolument à partir de juillet 2020).

On se souvient de ses débuts chez William Christie à l’époque du Jardin des Voix, puis de ses prises de rôles plus ou moins heureuses chez Rameau, Charpentier et autres compositeurs des premier et second Baroque Français. Aujourd’hui les défis et essais d’hier ont évolué et avec l’expérience, une claire détermination et la conscience d’un répertoire se sont affirmés, dans la maîtrise plus réaliste des moyens artistiques. Il revient au chanteur chef d’avoir identifié l’itinéraire d’un chanteur de premier plan, à l’époque de Lully, quand ce dernier perfectionna l’opéra français au XVIIè pour la Cour de Louis XIV. Ses rôles sont d’autant plus intéressants qu’ils illustrent aussi la dernière manière de Lully dans le genre lyrique français.

 

 

 

Portrait d’un cuisinier
devenu le ténor favori de Lully

Né circa 1635 à Montauban, Louis Gaulard Dumesny, meurt quand meurt le Roi Soleil (entre 1702 et 1715) selon le texte de la notice dont la rédaction contient de nombreuses confusions voire incohérences (seule faiblesse de ce disque en tout points exemplaires).
D’abord cuisinier (chez l’intendant Foucault), Dumesny, chanteur (haute-contre / ténor), est recruté par Lully dès 1675 : il chante dans les choeurs de Thésée (1675), Atys (1676), surtout Isis (1677, partition sublime récemment ressuscitée et réévaluée dans laquelle il incarne de petits rôles : Triton, un nymphe / l’auditeur en pourra écouter l’ouverture ici) ; il chante ensuite Alphée dans Proserpine (1680) : quadra, le chanteur perce l’affiche alors, succédant dans les premiers rôles à Bernard Clédière (parti à la retraite en 1682).
Dumesny crée les rôles titres des 6 derniers opéras de Lully : Persée (1682), Phaéton (1683), Amadis (1684), Roland (1685), Renaud dans Armide (1686) et Acis et Galatée (1686). Devenu le ténor héroïque emblématique de l’opéra lullyste des années 1680, le chanteur vedette après la mort du Surintendant, chante dans les opéras de la nouvelle génération : Alcide de Marais, Jason dans Médée de Charpentier, Apollon dans Issé de Destouches, Octavio dans l’Europe Galante de Campra.

 

 

 

Dumesny, le chanteur qui chantait faux
et s’enivrait au champagne
pour suivre le rythme et honorer ses emplois…

 

 

 

Dumesny doit son succès à sa voix évidemment (aucune précision convaincante sur sa tessiture exacte dans le texte cité, sinon « haute-taille vers haute-contre » / ou plutôt haute-taille, c’est à dire ténor léger – quoique dans dans le cas de Dumesny, les aigus restaient « très parcimonieux » / quoique il semble que « sa tessiture semble avoir monté avec le temps ») ; à ses dons d’acteurs, sa physionomie séduisante (grand, d’un « beau brun, bien fait »)… de quoi susciter tous les fantasmes. Il faut néanmoins nuancer tout cela car le diapason de l’époque était d’un ton plus bas ; surtout, le goût de la Cour de Louis XIV privilégiait toujours les tessitures graves.

Seule réserve, – comble pour un chanteur : Dumesny chantait faux, ne sachant pas son solfège, apprenant pour chaque production, chaque rôle, note par note ; c’est à dire par coeur. Pourquoi pas !

Aujourd’hui, le contre-ténor Reinoud van Mechelen affirme une toute autre musicalité ; une détermination même qui donne de la valeur à cette résurrection d’une personnalité musicale propre aux opéras de Lully dans la décennie 1680. Pourtant le programme laisse surtout la place aux musiques post-lullystes, celle de Colasse, Marais, Charpentier, Destouches, Campra…

La longévité de l’artiste, sa constance restent délicates ; dans les années 1690, Dumesny n’y échappe pas : alcoolique, il devient gros ; d’humeur de plus inconstante, il rate de nombreux emplois, « ayant l’air d’un manant à la ville ». En outre, les frasques de sa vie personnelle alimentent la chronique « people » de l’époque : cleptomane, il détrousse les artistes femmes de la troupe de l’Académie royale ; et ses relations passionnelles avec Marie Le Rochois (favorite de Lully) ou de La Maupin occupent les esprits parisiens, toujours voraces à relayer un scandale.

CLIC D'OR macaron 200Non obstant ces petits déboires bien humains, Dumesny éblouit ses prises de rôles pendant plus de 20 ans, ayant débuté sa carrière à l’opéra à un âge avancé (40 ans). Le ténor léger devait avoir un chant souple et tendu à la fois, capable d‘un « lyrisme élégiaque et de pages dramatiques », conférant à ses personnages, une profondeur et un trouble certainement captivant, ce dès « Persée » en 1675. Voilà un premier pas vers une caractérisation plus juste des chanteurs français à l’époque de Lully. A quand dans la foulée, un autre opus dédié au plus grand ténor léger lui aussi (haute taille ou haute contre ?) du siècle suivant, Jélyote, vedette des opéras de Rameau ? On rêve aussi d’un programme tout autant défendu et engagé, maîtrisant l’articulation et la projection de la langue de Racine. Car selon l’analyse légitime de Bill Christie (entre autres), – clairvoyance visionnaire et malheureusement toujours polémique actuellement, le baroque français c’est surtout la maîtrise d’un chant français continument …intelligible. A travers ce programme passionnant, Reinoud Van Mechelen ressuscite le profil d’un ténor lullyste aux défis lyriques d’une indiscutable valeur. Par ses choix de répertoire, la collection des airs d’opéras réunis, le programme est magistral. C’est donc un CLIC de CLASSIQUENEWS pour décembre 2019.

 

 

  

 

  

 

  

CD événement, critique. DUMESNY : « haute-contre de Lully ». R Van Mechelen – A Nocte Temporis (1 cd Alpha). Enregistré à Anvers en 2018.

 

 

 
 

 

 

Programme du cd Dumesny : « haute-contre de Lully »
Reinoud Van Mechelen, chant et direction   –  A Nocte Temporis

1.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ISIS, LWV 54 : OUVERTURE 
02:08
2.
JEAN-BAPTISTE LULLY – PERSÉE, LWV 60 : CESSONS DE REDOUTER LA FORTUNE CRUELLE 
01:37
3.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ARMIDE, LWV 71 : PLUS J’OBSERVE CES LIEUX, ET PLUS JE LES ADMIRE 
03:31
4.
JEAN-BAPTISTE LULLY – AMADIS, LWV 63 : BOIS ÉPAIS, REDOUBLE TON OMBRE 
02:31
5.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ACIS ET GALATÉE, LWV 73 : FAUDRA-T-IL ENCORE VOUS ATTENDRE… 
01:41
6.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ACIS ET GALATÉE, LWV 73 : RITOURNELLE 
00:34
7.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ACHILLE ET POLYXÈNE, LWV 74 : PATROCLE VA COMBATTRE, ET J’AI PU CONSENTIR… 
02:44
8.
JEAN-BAPTISTE LULLY – MISERERE, LWV 25 
01:11
 

9.
PASCAL COLLASSE – ACHILLE ET POLYXÈNE : QUAND, APRÈS UN CRUEL TOURMENT… 
01:31
10.
PASCAL COLLASSE – ACHILLE ET POLYXÈNE : ENTRACTE 
01:16
11.
PASCAL COLLASSE – ACHILLE ET POLYXÈNE : AH! QUE SUR MOI… – PRÉLUDE 
01:16
12.
MARIN MARAIS – ALCIDE : MON AMOUREUSE INQUIÈTUDE 
02:46
13.
MARIN MARAIS – ALCIDE : NE POURRAIS-JE TROUVER DE REMÈDE… 
05:50
14.
PASCAL COLLASSE – THÉTIS ET PELÉE : CIEL ! EN VOYANT CE TEMPLE REDOUTABLE… 
05:03
15.
PASCAL COLLASSE – ENÉE ET LAVINIE : J’ENTENDS D’AGRÉABLE CONCERTS… 
03:12
16.
HENRY DESMAREST – DIDON : INFORTUNÉ QUE DOIS-JE FAIRE?… 
03:22
17.
HENRY DESMAREST – DIDON : LE SOLEIL EST VAINQUEUR (INSTRUMENTAL) 
01:35
18.
MARC-ANTOINE CHARPENTIER – MÉDÉE, H.491 : QUE JE SERAIS HEUREUX, SI J’ÉTAIS MOINS AIMÉ !… 
02:44
19.
MARC-ANTOINE CHARPENTIER – MÉDÉE, H.491 : SECOND AIR POUR LES ARGIENS – SARABANDE 
03:17
20.
ELISABETH JACQUET DE LA GUERRE – CÉPHALE ET PROCRIS : AMOUR, QUE SOUS TES LOIS… 
02:40
21.
HENRY DESMAREST – THÉAGENE ET CARICLÉE : MA VERTU CÈDE AU COUP… 
03:16
22.
HENRY DESMAREST – LES AMOURS DE MOMUS : LIEUX CHARMANTS, RETRAITES TRANQUILLES… 
01:42
23.
CHARLES-HUBERT GERVAIS – MÉDUSE : AIR – SARABANDE – MENUET 
04:11
24.
HENRY DESMAREST – LES FÊTES GALANTES : EBBRO FAR VOGLIO IL MIO CORE… 
02:59
25.
HENRY DESMAREST – CIRCÉ : SOMMEIL – AH! QUE LE SOMMEIL EST CHARMANT… 
05:32
26.
ANDRÉ CARDINAL DESTOUCHES – AMADIS DE GRÈCE : HÉLAS! RIEN N’ADOUCIT… 
03:35
27.
ANDRÉ CAMPRA – L’EUROPE GALANTE : SOMMEIL – SOMMEIL, QUI CHAQUE NUIT…
 
 

VIDEO

 

https://youtu.be/b5nR_70GtnY

  
   

CD événement, critique. JOHAN SEBASTIAN BACH : Ouvertures for orchestra bwv 1066 – 1069 (Concerto Italiano, Rinaldo Alesandrini, 2 cd Naïve, 2018)

BACH-JS-ouvertures-orchestra-rinaldo-alessandrini-naive-2-cd-critique-cd-review-critique-baroque-classiquenewsCD événement, critique. JOHANN SEBASTIAN BACH : Ouvertures for orchestra bwv 1066 – 1069 (Concerto Italiano, Rinaldo Alesandrini, 2 cd Naïve, 2018). Le chef Rinaldo Alessandrini poursuit son exploration du continent BACH chez Naïve avec ce double coffret. Après les Brandebourgeois qui remontent à la période de Coethen, voici les Ouvertures pour orchestre… Enregistré en déc 2018 à Rome, le programme met en perspective autour des 4 Ouvertures pour orchestre de Jean-Sébastien, les Suites des autres « Johann » du clan, ses cousins, Johann Bernhard et Johann Ludwig. On a souvent classé le style d’Alessandrini, comparé à celui de son confrère baroqueux, Biondi, comme le plus intellectuel des deux : l’épure conceptuelle du premier, a contrario de l’organique imaginatif et généreux du second, confinant parfois à une sécheresse qui contredit la sensualité pourtant inscrite dans la musique italienne.

S’agissant de Jean-Sébastien Bach, le chef bénéficie des excellentes personnalités qui composent son ensemble Concerto Italiano, collectif capable de restituer cette synthèse magistrale d’un Bach alors en pleine maîtrise de ses moyens et qui se joue des styles italiens et surtout français, en une pensée germanique qui organise et structure pour la cohérence et l’unité globale.

 

 

 

Danses françaises et italiennes

 

 

 

Le chef italien s’intéresse aux Ouvertures BWV 1066 à 1069, et jouées de façon chronologique : la n°2 bwv 1067 est bien malgré son numéro, la plus tardive du corpus, datée de 1738 ; les œuvres depuis récemment, ne sont plus classées dans le corpus des partitions de Coethen (1717-1723), mais plus tardives, datées de la période de Leipzig : Jean-Sébastien a composé nombre de partitions profanes, purement instrumentales, pour les musiciens virtuoses du Collegium Musicum (dirigés auparavant par Telemann). Cela simultanément à ses cantates et Passions. Les instrumentistes professionnels avaient coutume de donner leurs concerts à Leipzig au Café Zimmermann, de 1723 à 1741. JS dirigea le collectif très applaudi à partir de mai 1729 (et jusqu’en 1741). Les instrumentistes de Saint Thomas dont il était Cantor et Director Musices purent se mêler aux instrumentistes du Collegium pour l’exécution de Cantates ambitieuses et des Passions, dont la Saint-Mathieu.
Certaines Ouvertures ont pu être composées antérieurement à Leipzig, quand JS était le compositeur de plusieurs cours : Coethen donc jusqu’en 1728 ; Saxe-Weissenfels dès 1729 ; puis en 1736, Dresde, composées dans l’un de ces contextes pour un événement dynastique: l’Ouverture n°2 bwv 1067 est liée à la Cour de Dresde de façon sûre – sa partie de flûte étant dédiée au soliste Buffardin alors au service de l’Electeur de Saxe, Auguste III ; quand la n°4 serait bien de Coethen…

Dès la majestueuse ouverture  BWV 1068, sommet d’élégance roborative, à laquelle succède immédiatement une fugue des plus ciselées par un Bach supérieurement inspiré, le geste du maestro italien affirme une évidente précision, un souci de la clarté, voire une stricte lisibilité verticale, au détriment d’un certain abandon ; ce qui s’exprime dans une coupe sèche mais d’une motricité rythmique nerveuse ; Alessandrini souligne le relief de l’écriture concertante, et surtout l’opposition / dialogue tutti / soliste, d’un caractère alterné très italien. L’ouverture pointée rappelle bien sûr l’esthétique française et son esprit dansé, d’une immuable souplesse ; quand le style fugué revient au seul génie de Bach et révélateur bien souvent de cet élan lumineux et solaire qui le caractérise. Il faut donc trouver le liant évident entre la partita (séquentielle) et la suite de danse, qui respire et s’unifie pourtant de l’un à l’autre épisode.

Depuis le modèle de Lully transmis en Allemagne par Muffat, l’élégance est française. Et Bach sur ce plan connaît bien son affaire ; il faut articuler et faire parler la musique pour éviter d’en dissoudre le caractère et l’expression.
De sorte qu’en guise d’Ouvertures, Alessandrini nous comble par un catalogue de pièces dansantes aux nuances expressives, idéalement restituées.
La lente Courante (noble, solennelle, majestueuse – la plus « française », qui ouvre comme au bal, l’Ouverture n°1 bwv 1066), le rapide Passepied y paraît (n’est-il pas un menuet mais en plus électrique voire rustique c’est à dire pastoral?), semblant écarter définitivement toute Allemande, au profit des séquences authentiquement « françaises » soient : bourrées, gavottes, menuets, alors très à la mode. Quand la seule Gigue (qui referme la pétulante bwv 1068) est dans le style italien.
Avec beaucoup de subtilité, et d’imagination aussi, Alessandrini soigne la Sarabande de la bwv 1067 (plus rapide et plus expressive que la Courante qui reste formelle et contrôlée, mais tout autant majestueuse) – même attention particularisée pour le Menuet, danse qui a le plus grand succès et le plus durable au XVIIIè – rapide, nerveux mais léger et sautillant : allègre, badin. Sautillante tout autant, la forlane qui doit être expressive comme la gigue. Quant à la gavotte, JS Bach n’oublie pas son caractère lui aussi pastoral (comme le passepied).
Qu’elles soient dansées ou jouées comme arrière fond fastueux pour les événements politiques qui en sont le prétexte, les 4 ouvertures orchestrales de Bach expriment la quintessence du mouvement. Avouons que précis et architecturé, le geste du chef sait aussi respirer, rebondir, fluidifier…

Complément utile à la richesse chorégraphique des Ouvertures de Jean Sébastien, le programme ajoute l’Ouverture pour cordes seules (très française) de son cousin et ami Johann Bernhard Bach (1676 – 1749) qu’il fait jouer, signe de reconnaissance, par les instrumentistes du Collegium. Plus liées et alanguies, moins syncopées et donc hâchées avec un sens de la ligne plus naturel, les 8 sections (comprenant les Rigaudons par trois; absents chez JS) sonnent plus évidents, en particulier l’excellente bascule du Menuet (9): que des cordes donc, mais quel feu contrasté : quel soin dans l’articulation. Un chambrisme mieux abouti. Auquel le hautbois proche d’un Couperin à cette mesure française dans l’Air qui suit (10)…

Enchaînée la suite BWV 1065 s’affirme davantage encore par son caractère et ses tempéraments idéalement contrastés qui propre à JS, semblent s’élever vers des hauteurs jamais visitées avant lui. La très belle Forlane, vivace et rustique, déploie une activité intérieure solaire, gonflée d’une saine ardeur, portée par un assise rythmique parfaite. Enfin le passepied qui conclut cette guirlande enivrée, rappelle évidemment ce qu’en fera Haendel dans Watermusic

Dans le CD2, on note la même qualité inventive chez l’ainé des trois Bach, ici réunis, le Bach de Meiningen, Johann Ludwig (1677 – 1731) dont JS joue les Å“uvres à Leipzig en 1726 et 1750, preuve là encore d’une belle estimation.
CLIC_macaron_2014De Johann Sebastian, Alessandrini joue enfin les deux ouvertures bwv 1069 et surtout bwv 1067, la plus développée et la plus inventive ne serait-ce que dans la Sarabande, la Bourrée en 3 parties ; l’élément très original en est la Polonaise, avec flûte initialement confiée à Buffardin qui déploie cette autorité militaire, idéalement caractérisée, à la fois hautaine et nerveuse grâce à laquelle Bach rend hommage à Auguste III, Electeur de Saxe et roi de Pologne depuis 1734. De même la « Battinerie » pour Badinerie (conclusion) est bien jouée scherzando, léger et élégant, fulgurante comme une bambochade et selon l’esprit fouettée, élégante, légère, fugace d’un Fragonard. Ce travail de ciselure instrumentale, porté sur l’intonation, l’articulation, la réalisation des ornements, en préservant la ligne du souffle, les phrasés, la respiration accrédite donc une excellente lecture. Du fort bel ouvrage qui démontre s’il en était besoin, la conception géniale de JS Bach pour le Café Zimmermann à Leipzig. CLIC de CLASSIQUENEWS de l’automne 2019.

 

 

 

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CD événement, critique. JOHAN SEBASTIAN BACH : Ouvertures for orchestra bwv 1066 – 1069 (Concerto Italiano, Rinaldo Alesandrini, 2 cd Naïve, 2018).

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CD, critique. VIVALDI : L’Estro Armonico. ARMONIOSA (2 cd Reddress, mai 2018).

vivaldi estro aronico armoniosa cd critique review redderess critique cd classiquenewsCD, critique. VIVALDI : L’Estro Armonico. ARMONIOSA (2 cd Reddress, mai 2018). Superbe geste collectif plein d’allant, de cohérence énergique, avec un soin apporté à l’équilibre instrumental. Le cycle entier des 12 concertos de l’opus 3 de Vivaldi rayonnent par leur entrain solaire, la volonté d’articuler sans esbrouffe ni effets d’archet… qui est le lot commun de bon nombre d’autres interprètes, pas aussi scrupuleux. L’unité sonore est évidemment préservée ici par le nombre des musiciens d’Armoniosa : du fait de la transcription pour ensemble de chambre réalisée par le claveciniste Michele BARCHI, ce sont 5 individualités qui savent s’écouter, combiner chaque partie, réaliser une vision à la fois expressive, poétique, habitée. On peut la penser très proche de ce qu’a pu entendre de son vivant Vivaldi, selon les possibilités d’exécution. La partition gagne un relief et une précision accrue du contrepoint.
C’est surtout un parcours expérimental où Vivaldi remet tout à plat à partir des cordes seules : la vie, l’exaltation, l’entrain, ici dépouillés de maniérisme et de calculs surinvestis, font merveille : l’activité de l’orgue soliste entre autres soutient constamment ce désir d’élévation et de sublimation rythmique de la forme (et qui passe aussi par les recherches de couleurs plus subtiles encore dues aux registrations de l’instrument).
L’honnêteté et la sensibilité du geste collectif font la différence, apportant à l’ensemble des concertos, une nouvelle définition de chaque ligne, une vitalité spécifique où palpite une singulière et saine caractérisation de chaque séquence.
L’énergie et l’inventivité du cycle allait durablement marqué les propres recherches du jeune JS BACH, alors âgé de 26 ans, quand il était employé à Weimar comme organiste (1708 – 1717). Plus tard encore, Bach s’en souviendra pour la réalisation de son Concerto pour 4 claviers BWV 1065. Il y a donc la passation d’une vivacité inventive originelle, vivaldienne, dont les 5 instrumentistes d’Armonosia expriment l’allant et l’activité roborative. Il n’y a aucun doute que ces 12 Concertos publiés en 1711 à Amsterdam, constituent la bible de tout le répertoire baroque du XVIIIè européen.

CLIC D'OR macaron 200En s’éloignant des versions historiques en plus grand effectif, voilà qui contredit définitivement le mot réducteur et quelque peu dépréciatif de Stravinsky à l’endroit d’un Vivaldi ennuyeux et répétitif, qui aurait composé … plus de 500 fois « le même concerto » ! Vivaldi y varie le canevas et l’alternance des épisodes allegro / adagio, osant des notations nouvelles telles, « spiritoso » (RV522, Larghetto), « spiccato » (RV565, adagio et Largo). Passionnante relecture d’un pilier de la littérature baroque du premier XVIIIè. CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2019.

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CD, critique. VIVALDI : L’Estro Armonico. ARMONIOSA (2 cd Reddress, mai 2018). Double cd, enregistrement réalisé en Italie en mai 2018. CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2019

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VIDEO TEASER
https://www.youtube.com/watch?v=BlE1UXqmpW0

CD événement, annonce. FARINELLI par CECILIA BARTOLI (DECCA, 8 nov 2019)

CD événement, annonce. FARINELLI par CECILIA BARTOLI (DECCA, 8 nov 2019)… Le nouveau disque de la mezzo romaine CECILIA BARTOLI est dédié au castrat légendaire Farinelli, soliste d’exception, champion de la troupe de Porpora à Londres dans les années 1730, au grand dam de Haendel son rival qui ne pouvait lui compter que sur le lustre virtuose du castrat Caffarelli… Après des récitals titres défendus par ses confrères Jaroussky, surtout Vivica Genaux ou Ann Hallenberg, vraies tempéraments pour ce répertoire riche en acrobaties vocales, Cecilia Bartoli prolonge dans ce nouveau programme « FARINELLI » (annoncé le 8 novembre 2019), son précédent album intitulé SACRIFICIUM (2009) où la diva dénonçait le sort de milliers de garçons à Naples, soumis à l’épreuve ignoble et dangereuse de la castration.
Après la dénonciation (2009), voici le temps de la … jubilation (soit 10 ans plus tard), celle incarnée par celui qui incarne l’âge d’or du beau chant napolitain du XVIIIè et qui fut adulé tel un dieu vivant à la Cour de Madrid où à l’invitation de la Reine Isabelle, Farinelli chantait uniquement pour le souverain Philippe V, dépressif et malade.. (deux airs de l’Artaserse de Hasse… chaque soir) puis pour Ferdinand VI, sa voix ayant gagné en profondeur et gravité, arborant moins d’artificielle virtuosité.

farinelli cecilia bartoli fall septembre 2019 annonce cd review critique classiquenews DECCA cd critique10 ans après SACRIFICIUM… Sur la cover de l’album, Cecilia Bartoli paraît travestie en homme mûr et brun, latin, barbu… ce qui n’a pas manqué de susciter de vives réactions… La diva italienne a semé le trouble parmi ses fans, certains en mal de références plus anciennes, n’hésitant pas à comparer son visage à celui du chanteur travesti autrichien Conchita Wurst. Alors Cecilia farinellisée serait-elle plus Wurst ou christique ? Vaine polémique pour celle qui s’exhiba crâne chauve et pistolet dégainé quand il fallait légitimement ressusciter le génie du compositeur baroque Agostino STEFFANI, (CD « MISSION » 2012) ; s’agissant aussi d’une diva habituée à se travestir comme actrice dans maintes productions lyriques… En réalité, son nouveau look barbu syriaque n’a rien à voir avec les portraits officiels de Farinelli, plutôt très soigné, perruqué, poudré… De toute évidence, la cantatrice n’en est pas à sa dernière transformation. Ce qui compte reste la qualité et la pertinence de sa lecture des airs pour Farinelli, là où tant d’autres chanteurs se sont risqués. Vivaldienne et Gluckiste, Haendélienne et Steffanienne, la diva de tous les défis, relèvera-t-elle celui de Farinelli ? Réponse dans notre prochaine critique à venir dans le mag cd dvd livres de classiquenews, d’ici début novembre 2019. Et peut-être avant, en avant-goût, nos premières impressions du cd reçu, avant la grande critique développée… A suivre…

 

 

 

 

 

Programme annoncé : 12 airs des opéras de Brischi, Porpora, Giacomelli, Caldara, Hasse…

‘Nell’attendere mio bene’ from Polifemo by Porpora

‘Vaghi amori, grazie amate’ from La festa d’imeneo by Porpora

‘Morte col fiero aspetto’ from Marc’Antonio e Cleopatra by Hasse

‘Lontan… Lusingato dalla speme’ from Polifemo by Porpora*

‘Chi non sente al mio dolore’ from La Merope by Broschi

‘Come nave in ria tempesta’ from Semiramide regina dell’Assiria by Porpora

‘Mancare o Dio mi sento’ from Adriano in Siria by Giacomelli

‘Si, traditor tu sei’ from La Merope by Broschi*

‘Questi al cor finora ignoti’ from La morte d’Abel by Caldara

‘Signor la tua Speranza… A Dio trono, impero a Dio’

from Marc’Antonio e Cleopatra by Hasse

‘Alto Giove’ from Polifemo by Porpora

* world premiere recording

 

 

farinelli cecilia bartoli fall septembre 2019 annonce cd review critique classiquenews DECCA cd critique

 

 

 

A propos de Farinelli et l’art des castrats…
LIRE aussi sur Classiquenews

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CD SACRIFICIUM (DECCA, 2009)
http://www.classiquenews.com/cecilia-bartoli-sacrificium2-cd-decca/

CD MISSION : Agostino STEFFANI (DECCA, 2012)
http://www.classiquenews.com/cecilia-bartoli-chante-agostino-steffani1-cd-mission-decca/

CD, compte rendu critique. FARINELLI, a portrait / un portrait, par Ann Hallenberg (Aparte, Live in Bergen, 2011)
http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-farinelli-a-portrait-un-portrait-par-ann-hallenberg-aparte-2011/

CD. Franco Fagioli : Arias for Caffarelli (1 cd Naïve)
http://www.classiquenews.com/cd-franco-fagioli-arias-for-caffarelli-1-cd-naive/

CD. Philippe Jaroussky. Airs de Porpora pour Farinelli (1 cd Erato)
http://www.classiquenews.com/cd-philippe-jaroussky-airs-de-porpora-pour-farinelli-1-cd-erato/

 

 

 

 

 

Portrais d’époque de Farinelli

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Il n’y a pas de rapport direct entre le visuel barbu choisi par Cecilia Bartoli et les portraits historiques du castrat napolitain Farinelli, plutôt connu pour son visage poupin et glabre…

 

 

 

FARINELLI portrait classiquenews Jacopo_Amigoni_-_Retrato_de_Carlo_María_Broschi,_Farinelli_-_Google_Art_Project

 

Bartolomeo Nazarie - Portrait of Farinelli 1734 - Royal College of Music London

Portrait de Farinelli (Carlo Broschi) – DR

 
 

CD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018).

Lully_versailles_portraitCD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018).. Le grand motet versaillais gagne une splendeur renouvelée quand le Surintendant de la Musique, Lully (nommé à ce poste majeur dès 1661), s’en empare ; finit le canevas modeste d’une tradition léguée, fixée, entretenue dans le genre par les Sous-Maîtres de la Chapelle, Du Mont et Robert jusque là. En 11 Motets exceptionnels, publiés chez Ballard en 1684, Lully voit grand, à la mesure de la gloire de Louis XIV à laquelle il offre une musique particulièrement adaptée : les effectifs choraux sont sensiblement augmentés (2 chœurs), complétés par les fameux 24 violons du Roi. L’apparat, la majesté, le théâtre s’emparent de la Chapelle; mais ils s’associent à l’effusion la plus intérieure, réalisant entre ferveur et décorum un équilibre sublime. Equilibre que peu de chefs et d’interprètes ont su comprendre et exprimer. Quand le Roi installe la Cour à Versailles en 1682, l’étalon incarné par Lully représente la norme de l’ordinaire de la Messe : Louis ayant goûter les fastes ciselés par son compositeur favori, nés de l’association nouvelle des effectifs de la Chambre et de la Chapelle. Ainsi le Motet lullyste marque les grandes cérémonies dynastiques : Dies irae puis De Profundis sont « créés » pour les Funérailles fastueuses de la Reine Marie-Thérèse (juillet 1683), respectivement pour « la prose » et pour « l’aspersion du cercueil royal », en un véritable opéra de la mort.
Mais le succès le plus éclatant demeure le Te Deum, donné pour la première fois dans la chapelle ovale de Fontainebleau, pour le baptême du fils ainé de Lully (9 sept 1677), hymne glorifiant ses parrain et marraine, Louis XIV et son épouse, à force de timbales et de trompettes rutilantes, roboratives. 10 ans plus tard, le 8 janvier 1687, Lully dirige son œuvre victorieuse aux Feuillants à Paris, emblème de la gloire versaillaise mais se blesse au pied avec sa canne avec laquelle il bat la mesure ; le 22 mars suivant, le Surintendant auquel tout souriait, meurt de la gangrène.

Lully dies irae de profundis te deum motets de lully cd critique review cd ALPHA-444-DIGIPACK-gabaritA_309-42625x271mm-190419-17h30-300x278Sans disposer du timbre spécifique qu’apporte l’orchestre des 24 Violons, le chef réunit ici des effectifs nourris dans un lieu que Lully aurait assurément apprécié, s‘il l’avait connu : la Chapelle royale actuelle, édifiée après sa mort. La lecture live (février 2018 in loco) offre certes des qualités mais la conception d’ensemble sacrifie l’articulation et les nuances au profit du grand théâtre sacré, quitte à perdre l’intériorité et la réelle profondeur. Néanmoins, ce témoignage repointe le curseur sur une musique trop rare, d’un raffinement linguistique, dramatique, choral comme orchestral … pour le moins inouï. Saluons le Château de Versailles qui s’emploie depuis quelques années à constituer de passionnantes archives de son patrimoine musical.

Que pensez du geste d’Alarcon dans ce premier enregistrement de musique française, de surcroît dédié à Lully ? Suivons le séquençage du programme…
DIES IRAE : d’emblée émerge du collectif affligé, le timbre noble et tendre de la basse Alain Buet d’une élégance toute « versaillaise » (sidération du MORS STUPEBIT), d’une intention idéale ici : on s’étonne de ne l’écouter davantage dans d’autres productions baroques à Versailles. Idem pour la taille de Mathias Vidal (Quid sum miser…), précis, tranchant, implorant et d’un dramatisme mesuré comme son partenaire Alain Buet (Rex Tremendae). Les deux solsites sont les piliers de cette lecture en demi teintes. La nostalgie est le propre de la musique de Lully, d’une pudeur qui contredirait les ors louis le quatorziens ; mais parfois, la majesté n’écarte pas l’intimisme d’une ferveur sincère et profonde.
LG Alarcon opte pour un geste très affirmé, parfois dur, martial… à la Chapelle. Pourquoi pas. Un surcroît de sensualité mélancolique eusse été apprécié. Car c’est toute la contradiction du Grand Siècle à Versailles : le décorum se double d’une profondeur que peu d’interprètes ont été capables d’exprimer et de déceler (comme nous l’avons précisé précédemment) : Christie évidemment ouvrait une voie à suivre (mais avec des effectifs autrement mieux impliqués). Tout se précipite à partir de la plage 9 (INGEMISCO Tanquam reus), vers une langueur détachée, distanciée que le chef a du mal à ciseler dans cette douceur funèbre requise ; mais il réussit la coupe contrastée et les passages entre les séquences, de même que le « voca me » (CONFUTATIS), – prière implorative d’un infini mystère, dont la grâce fervente est plus esquissée que vraiment… habitée. Idem pour l’ombre qui se déploie et qui glace avant le LACRYMOSA… aux accents déchirants. Malgré un sublime PIE JESU DOMINE entonné solo par Mathias Vidal, le surcroit instrumental qui l’enveloppe, rappelle trop un réalisme terre à terre. Le geste est là encore pas assez nuancé, mesuré, trouble, déconcertant : il faut écouter Christie chez Charpentier pour comprendre et mesurer cette profondeur royale qui n’est pas démonstration mais affliction : témoignage humain avant d’être représentation. Dommage. Manque de pulsions intérieures, lecture trop littérale, respirations trop brutales; la latinité du chef qui sait exulter chez Falvetti, et d’excellente manière, peine et se dilue dans le piétisme français du premier baroque.

Que donne le DE PROFUNDIS ? là encore malgré l’excellence des solistes (et les premiers Buet et Vidal en un duo saisissant de dramatisme glaçant), le chef reste en deçà de la partition : manque de profondeur (un comble pour un De Profundis), manque de nuances surtout dans l’articulation du latin, dès le premier choeur : l’imploration devient dure et rien que démonstrative. Les tutti plafonnent en une sonorité qui manque de souplesse comme d’intériorité. Mais quels beaux contrastes et caractérisations dans le relief des voix solistes (ici encore basse et taille : d’une déchirante humanité, celle qui souffre, désespère, implore). Les dessus n’ont pas la précision linguistique ni la justesse émotionnelle de leurs partenaires. Les vagues chorales qui répondent aux solistes (QUIA APUD DOMINUM) sonnent trop martiales, trop épaisses, affirmées certes mais sans guère d’espérance au salut.

L’ultime épisode qui évoque la lumière et le repos éternel ralentit les tempos, souligne le galbe funèbre, épaissit le voile jusque dans le dernier éclair choral, fougueux, impétueux, quasi fouetté (et lux perpetua luceat eis), mais volontairement séquencé, avec des silences appuyés, qui durent, durent et durent… au point qu’ils cisaillent le flux de la déploration profonde. Nous sommes au théâtre, guère dans l’espérance de la grâce et du salut. Comme fragmentée, et même saucissonnée, la lecture, là encore en manque de respiration globale, frôle le contre sens. Ce De Profundis ne saisit pas.

Par contre dans le TE DEUM, les instrumentistes – trompettes et timbales à l’appui convoquent aisément les fastes du décorum versaillais. Le chef y trouve ses marques, affirmant avant la piété et le recueillement pourtant de mise, l’éclat du drame, l’or des splendeurs versaillaises. A chacun de juger selon sa sensibilité : mais pour nous, Lully sort déséquilibré. Moins intérieur et grave que fastueux et solennel. A suivre.

 
 

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CD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (ChÅ“ur de chambre de Namur, Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018). Collection “Château de Versailles”.

 

 

 

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VOIR Lacrymosa de Lully par LG Alarcon / Millenium Orch / Ch de ch de Namur (festival NAMUR 2015) :

https://www.youtube.com/watch?time_continue=229&v=3G4Dc1NjKXA

 
 

CONCERT DE L’HOSTEL DIEU : Barbara STROZZI, le BAROQUE AU FEMININ

Le CONCERT DE L'HOSTEL DIEU : le BAROQUE AU FÉMININ  LYON. 15, 16 oct 2019 / FE COMTE : LE BAROQUE AU FEMININ…Que savons nous exactement des compositrices actives à l’époque baroque ? A travers son cycle de concerts intitulé BAROQUE AU FEMININ, – l’un des fils rouges de sa nouvelle saison 2019 – 2020, le CONCERT DE L’HOSTEL DIEU et FRANCK EMMANUEL COMTE avec la collaboration de la soprano Heather Newhouse, interrogent le génie d’une femme exceptionnelle, interprète, muse et compositrice, qui au XVIIè montre une maestrià remarquable tant son écriture saisit par sa puissance dramatique, sa suavité montéverdienne, son souci et son exigence des textes poétiques mis en musique… Barbara Strozzi (1619-1677), auteure vénitienne renommée à son époque, grâce à la beauté de son chant, sa plasticité féminine, avait tout pour plaire, séduire, subjuguer.
Barbara Strozzi, élève de Cavalli, se montre l’égal de Monteverdi, empruntant au grand Claudio, son art unique de la projection du texte porté par un choix réfléchi de motifs rythmiques et mélodiques. Ici la fusion verbe et texte, sens et chant saisit immédiatement et l’on s’étonne que Barbara Strozzi n’ait pas été jouée plus souvent jusque là. D’autant que l’on connaît bien sa carrière et que même, son père, Bernardo Strozzi, auteur célèbre de la Venise du XVIIè, l’a portraiturée en un tableau non moins connu des amateurs (cf. ci contre).

concert-hostel-dieu-raison-deraison-saison-2019-2020-classiquenews-franck-emmanuel-COMTE-classiquenewsSes madrigaux étonnent par leur modernité et leur efficacité: une absence évidente de maniérisme ou d’effets décoratif. La compositrice maîtrise l’articulation du texte, exprime sans circonvolutions l’architecture de chaque poème. Leur plasticité expressive rehausse la qualité et la suggestion des poèmes. De sorte que son récitatif est l’un des plus raffinés qui soient, avec ceux de ses prédécesseurs, eux-mêmes génies de l’opéra à Venise (Monteverdi) et dans toute l’Europe, jusqu’en France (Cavalli).
Au milieu du XVIIè, son écriture vaut les meilleurs opéras de Monteverdi: sens du drame, intensité de la prosodie, alliance subtile de la note et du verbe, où chaque “effet†ne paraît que si le sens du texte et les images du poèmes le réclame. Partout dans son oeuvre à présent bien documenté, Barbara Strozzi fait montre d’un génie des passions amoureuses et des affects dramatiques. Tant d’éclats maîtrisés convoquent les éclairs et les vertiges d’un Caravage!

RAFFINEMENT MUSICAL et EXIGENCE POÉTIQUE… Morsures du texte, soluté de la musique. En se jouant constamment des registres poétiques, des allusions, des références cachées et secrètes, des tons et inflexions entre mysticisme et sensualité, érotisme voilé et douleur amoureuse, l’écriture multiplie les facettes du sens: fidèle à Monteverdi, partageant une exigence sur tous les registres, poétiques et musicaux, Barbara Strozzi “ose†et réussit une musique de lettrés, tout autant jubilatoire, complexe et immédiatement intelligible. Son tempérament sait concilier ambition littéraire des poèmes choisis et franchise de l’expression. Autant de valeurs captivantes qui font les délices de chacun des programmes qui lui sont consacrés. Franck Emmanuel COMTE élargit cette évocation du génie au féminin, en jouant aussi les Å“uvres d’autres compositrices italiennes : F. Caccini, A. Bembo…

 

 

 

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OCTOBRE 2019
Compositrices et interprètes baroques…

 

concert-hostel-dieu-raison-deraison-saison-2019-2020-classiquenews-franck-emmanuel-COMTE-classiquenewsBAROQUE AU FÉMININ, c’est le fil rouge de toute la saison nouvelle avec des développements, des découvertes et là encore des rencontres artistiques fortes. Premier volet et série de concerts : « La Donna barocca†(autour des compositrices italiennes : BARBARA STROZZI et ses consœurs italiennes…). Muse et compositrice légendaire au XVIIè, Barbara Strozzi incarne la musique baroque à son époque, dans une langue sensuelle et remarquablement articulée : le Concert de l’Hostel Dieu célèbre les 400 ans de sa naissance. Et avec elle, les écritures non moins captivantes d’autres compositrices italiennes, telles Francesca Caccini, Isabella Leonarda et Antonia Bembo. Avec la soprano Heather Newhouse(déjà écoutée dans le programme Folia).

 

 

Programme présenté en avant-première dès le dim 22 septembre (Journées du Patrimoine 2019) à L’Hôtel de Ville de Lyon, 1 place de la Comédie LYON 1, de 14h à 17h

 

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Les 15 puis 16 octobre 2019, LYON, Musée des tissus et des arts décoratifs. VIDEO : Heather Newhouse : L’Eraclito amoroso (Barbara Strozzi)

 

 

 

 

  

 

RÉSERVEZ
http://www.concert-hosteldieu.com/agenda/la-donna-barocca-4/

 

 
 

 
 

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CD critique. JS BACH : Variations Goldberg : Pascal Vigneron, orgue (1 cd Quantum – 2018)

Vigneron pascal variations goldberg js bach critique cd moneta Couverture-QM-7084-362x326 orgue critique cd classiquenewsCD critique. JS BACH : Variations Goldberg : Pascal Vigneron, orgue (1 cd Quantum – 2018). Difficile encore aujourd’hui d’élucider la genèse précise des Variations Goldberg, point d’accomplissement de la Clavier-Übung (IV). Composées fin 1740 (édité à Nuremberg en 1741), la partition autographe (découverte à Strasbourg) qu’elle ait été conçue pour soulager les nuits d’insomnie du Comte Kayserling, et jouées par son claveciniste virtuose dédié (le jeune claviériste Goldberg justement), les 30 Variations d’après le thème initial posent un défi à l’interprète en terme de construction et d’architecture, d’éloquence et d’articulation, de résolution des ornements, de direction et de caractère général. Musique nocturne, musique de salon, intimiste et cérébrale… ou développement irréductible à un instrument et un contexte précis ? La proposition de Pascal Vigneron élargit la vision ; elle touche plutôt à l’universel et à l’infini poétique de la partition. Comme certains pianistes ont su révéler depuis la lecture visionnaire de Rosalyne Turek (puis Gould…) la fascinante déclamation envoûtante des pièces sur clavier moderne, la présente approche reconsidère le matériau d’origine ; doué d’un imaginaire discursif et expressif en liaison directe avec les ressources multiples du grand orgue choisi, Pascal Vigneron régénère notre perception des Goldberg…
L’organiste qui est aussi directeur du festival BACH de Toul (Meurthe-et-Moselle) renouvelle la perception et la compréhension comme le contexte des Goldberg.
Le modèle du genre « Thème et variations » (sublimé ensuite par Beethoven dans les Diabelli), écarte ici sa réalisation sur un clavecin à deux claviers, pour l’universalité poétique de l’orgue, son ampleur spatialisée comme ses ressources de couleurs, de timbres, de dynamique sonore… Et quel orgue ! puisqu’il s’agit de l’instrument « royal » abrité par la Cathédrale de Toul, un instrument unique et très impressionnant (70 jeux par Curt Schwenkedel en 1963, restauré ensuite par Y. Koenig de 2012 à 2016). L’ampleur sonore sert-elle l’esprit d’une œuvre que l’on penserait plutôt taillée pour l’intime et la douceur nocturne ?

L’interprète familier de l’œuvre (il l’a déjà enregistré, mais dans un « marathon » regroupant le jeu sur clavecin, piano et donc comme ici orgue), ne cesse d’interroger la matière musicale, conscient de ses références manifestes ou le plus souvent subliminales à travers une grille propre à Bach mêlant géométrie, mathématiques, gématrie et même symbolique rosicrucienne. L’organiste précise les points forts et de rebond de toute le cycle, vécu, investi tel un édifice ; il en déduit la structure et la charpente; « piliers, voûtes et flèches » d’une cathédrale sonore dont les dimensions sur l’orgue, atteignent celles, spirituelles, ascensionnelles, de la Messe en si. C’est à la fois un sanctuaire sonore, espace infini pour l’imaginaire, et un itinéraire mental dont le mitemps est le fameux Andante ou 15è Variation (la seule dont Bach ait précisé l’indication de tempo).

vigneron pascal orgue variations goldberg jean sebastien bach critique cd bach classiquenewsPour réussir le passage du clavecin à 2 claviers au grand orgue, Pascal Vigneron a choisi les reprises, les organise en un cheminement cohérent tout en jouant des timbres caractérisés (là où le clavecin ne présente qu’une même sonorité). Le grand orgue outre une clarification du sens de chaque reprise (en miroir), ajoute aussi cette spatialisation unique et spécifique, qui déploie l’effet de musique pure quasi abstraite, sans omettre un système de registration qui colore davantage l’activité discursive de chaque variation : l’organiste en alchimiste plasticien sert le dessein de la pièce, choisit et dose la part des Bourdon, Bombarde, trompette, clairon, flûte, chromorne (entre autres couleurs à sa disposition).
La vision du kaléidoscope musical s’en trouve à la fois redessinée et magnifiée dans son propos architecturé: entre les 2 variations aux extrémités du cycle, s’enchaînent (et se répondent) : 4 variations en simple miroir ; 5 en triple miroir ; 6 en quadruple.

Sur le grand orgue de la Cathédrale de Toul,
Pascal Vigneron joue JS BACH…
Les Goldberg réinventées

Selon ce plan, l’interprète précise d’ailleurs dans le livret, chaque registration selon chaque variation. Il en découle tout un voyage sonore, astucieusement articulé selon les reprises choisies (leurs échos ornementés), chacune brillant par sa registration colorée ; autant de points dynamiques du discours qui relance continument la trame expressive et l’allant global de ce formidable retable sonore. Les doigts courent, articulent, structurent, organisent,
Le sens de l’articulation, plus étroitement lié à l’intimisme sculpté du clavecin, se ressent aussi d’autant plus que Pascal Vigneorn fait un usage très mesuré du pédalier, préférant la ciselure et le relief, à l’ampleur et la puissance. Celles ci ne sont pas totalement écartées pour autant : les deux dernières variations, avant la réitération allusive de l’Aria da capo (« adieu définitif »), ont toute la noblesse requise pour souligner en quoi dans le monumental aussi, les Goldberg marque l’esprit et retiennent l’écoute, sans jamais perdre le fil de leur équilibre souverain. Lecture personnelle et sensible d’un monument musical absolu. JS Bach lui-même n’aurait peut-être pas écarté cette adaptation sur l’orgue, instrument dont il fut à en croire ses contemporains, un praticien de première valeur. De toute évidence, le présent enregistrement met en lumière les formidables possibilités du grand orgue de la Cathédrale de Toul, par l’un de ses plus ardents défenseurs. En ce sens, le programme enregistré est aussi un formidable exemple de valorisation patrimoniale.

 

 

 

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CD critique. JS BACH : Variations Goldberg : Pascal Vigneron, orgue (1 cd Quantum – enregistré sur le grand orgue de la Cathédrale de Toul en avril 2018)

 

toul-saint-etienne-orgue-festival-bach-de-toul-concerts-festival-BACH-TOUL-critique-concert-annonce-classiquenews

 

 

 

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LIRE AUSSI

notre annonce des concerts du WEEK END Variations Goldberg du Festival BACH de TOUL 2019 (10ème édition) :

TOUL-festival-Bach-annonce-concerts-festival-presentation-BACH-A-TOUL-2019-classiquenewsTOUL. Festival BACH, week end Variations GOLDBERG, les 29 et 30 juin 2019. Pascal Vigneron, directeur du Festival Bach de Toul propose ce week end, samedi 29 et dimanche 30 juin 2019, un cycle entièrement dédié aux Variations Goldberg de JS BACH, sommet absolu du genre Thème et Variations. La partition sera interprétée au piano et au clavecin et aussi à l’orgue par Pascal VIGNERON lui-même. Ce dernier a récemment fait paraître une nouvelle interprétation des Goldberg sur le grand orgue de la Cathédrale de Toul…

CHAMBORD. Le Carnaval de Florence avec Léonard, nouvelle création de Doulce Mémoire

BLOIS carnaval de Florence avec leonard annonce programme concert classiquenews critique 30 ans doulce memoire classiquenews image-carnaval-500x500CHAMBORD, vend 28 juin 2019, 20h. 30 ans de Doulce Mémoire, création : Léonard au Carnaval de Florence. En ouverture de son 9è festival, le château de Chambord, dessiné par Leonard de Vinci affiche un nouveau spectacle prometteur : « Au Carnaval de Florence avec Léonard »… La tradition cultivée par l’imagerie populaire et la peinture troubadour depuis le XIXè (cf les tableaux de Ingres sur le sujet) ont imposé la figure monolithique du sage Vinci, talentueux et visionnaire ingénieur et peintre employé à Milan au service des Sforza ; puis du noble vieillard, premier invité arrivé à la cour de François Ier…

Le programme présenté par Doulce Mémoire et Denis Raisin-Dadre met plutôt en lumière le « fêtard », amoureux des sensations et nouvelles expériences que suscitent un nouveau type de plaisirs et de divertissements (dont il maîtrise aussi la conception). Jeune et fringuant, Léonard s’est affirmé aussi lors des fêtes de carnaval à Florence, foyer de la Renaissance italienne.

Frivole et libérée, Florence devient puritaine
Leonardo préfère Milan…

Léonard recueille les fruits inestimables de la Florence humaniste qui avait réussi la synthèse de la pensée néoplatonicienne et du christianisme. Il y connaît la joie de vivre, l’extraordinaire émulation artistique au début du XVIè, la folle gaîté et l’ivresse libre du carnaval et de ses mascarades avant la grande réaction piétiste emmenée par le moine Savonarole, lequel inquisiteur italien, remplace le carnaval par les processions de pénitents. Léonard préfère alors Milan où, à la cour des Sforza, la fête continue.

 

 

 

 

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CHAMBORD (41)
Château, vend 28 juin 2019, 20h
Le Carnaval de Florence avec Léonard
RESERVEZ
https://www.doulcememoire.com/agenda/carnaval-28juin19/

 

 

 

 

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Instrumentistes et chanteurs de Doulce Mémoire ressuscitent les fêtes carnavalesques de la jeunesse de Léonard avec l’imagination et la verve qui les caractérisent. La liberté facétieuse du geste le dispute au raffinement des restitutions des danses, en costumes Renaissance. Les timbres rayonnants et savoureux des flûtes, bombardes, doulçaines, sans omettre la fameuse lira da bracio dont Leonardo était virtuose, les percussions et le luth enrichissent encore une palette flamboyantes de couleurs musicales.
La Renaissance est un âge d’or des peintres ; la couleur et le jeu visuel qu’elle permet, s’immisce aussi dans le spectacle de Doulce Mémoire.
Avant Caravage et ses fabuleux contrastes (vieilles suivantes, jeunes beautés héroïques), Leonardo au XVIè a la fascination des types humains et le réalisme difforme voire monstrueux ; il ose le premier affronter et exalter la beauté et la monstruosité comme les deux faces d’une même réalité poétique. Ainsi pendant le Carnaval et ses délires en cascades, défilent les figures grotesques qui parsèment ses carnets, figures qu’il a pu voir lors de ces fêtes où toute la cité paraît travestie, sur des chars en jouant et en chantant ; « où les poésies les plus sublimes de Laurent le Magnifique et de Poliziano côtoient des textes extrêmement lestes voire obscènes ».
La force de l’imagination rencontre le raffinement et la pensée universelle de Leonardo, jeune lion prophétique. Nouvelle production incontournable.

 

 

 

 

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Distribution
Bruno Le Levreur, alto
Hugues Primard, ténor
Matthieu Le Levreur, baryton
Marc Busnel, basse
Pascale Boquet, luth, guitare renaissance
Nicolas Sansarlat, lira da braccio
Elsa Frank, flûtes, bombardes, doulçaines
Johanne Maitre, flûtes, bombardes, doulçaines
Jérémie Papasergio, flûtes, bombardes, doulçaines
Bruno Caillat, percussions
Denis Raisin Dadre, flûtes, bombardes, doulçaines et direction

Spectacle événement repris à Ribeauvillé, le 5 octobre 2019

https://www.doulcememoire.com/programmes/au-carnaval-de-florence-avec-leonard/

 

 

 

 

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CD événement, critique. DUEL : Porpora / Handel in London. Le Concert de l’Hostel Dieu / Giuseppina Bridelli / Franck-Emmanuel COMTE, direction (1 cd ARCANA, juin 2018)

duel-concert-de-l-hostel-dieu-franck-emmanuel-comte-giuseppina-bridelli-opera-cd-evenement-critique-cd-cd-review-opera-musique-classique-news-classiquenewsCD événement, critique. DUEL : Porpora / Handel in London. Le Concert de l’Hostel Dieu / Giuseppina Bridelli / Franck-Emmanuel COMTE, direction (1 cd ARCANA, juin 2018). Londres : 1733-1737. Les années 1730 marquent l’essor du seria italien à Londres. Au point que les spectateurs londoniens arbitrent une émulation inédite entre deux créateurs, d’un théâtre à l’autre, chacun selon ses ressources propres. Deux compositeurs, deux goûts, deux esthétiques… Porpora le napolitain, Haendel / Handel le Saxon présentent simultanément à Londres leurs ouvrages respectifs, dans un esprit défricheur et d’estime réciproque, dont témoignent leurs opéras « italiens », goûtés par l’élite et le public londoniens. La guerre n’aura pas lieu, d’ailleurs comme le rappelle les interprètes ici, elle n’eut jamais lieu.
« Stille amare », extrait du Tolomeo de Handel était très admiré de Porpora… dont les cantates opus 1 étaient bien connues et plutôt très appréciées de Haendel. Estime réciproque avérée vous disait-on. De fait, le geste de Franck-Emmanuel Comte, fondateur de son ensemble sur instruments historiques, Le Concert de l’Hostel Dieu, souligne la noblesse des écritures, surtout leur plasticité expressive et leur essence dramatique.

En choisissant la soliste Giuseppina Bridelli, la réalisation insiste aussi sur l’articulation saisissante du texte, dans ses éclaircissements vocaux propres : la jeune diva proposant même sa propre résolution des vocalises, selon le témoigne de contemporains qui au XVIIIè ont laissé des écrits sur le chant des castrats … napolitains évidemment, pour lesquels ont composé Porpora comme Handel (cf variations da capo et section B pour Scherza infida d’Ariodante de Handel : superbe révélation du programme).
En 1733, Handel qui règne sur la scène lyrique londonienne doit subir la concurrence de l’Opera of Nobility qui invite Porpora. Le Prince de Galles Frederick souhaite mettre à l’affiche les plus grands chanteurs d’alors Francesca Cuzzoni, Senesino, Antonio Montagnana, et bien sûr Farinelli, dans des pièces composées directement par les Italiens, surtout Napolitains… d’où Porpora. Dès lors une rivalité, souvent exacerbée par les medias de l’époque, s’impose aux deux compositeurs ; Handel allant même jusqu’à démontrer son ouverture stylistique en intégrant des ballets français, avec le concours de la ballerine vedette Marie Sallé (cf les ballets ici joués de l’acte II d’Ariodante).
PORPORA HANDEL concert hostel dieu bridelli opera italien classiquenewsDramatique et d’une étonnante sensibilité orchestrale, Handel varie ses effets comme dans Alcina (Sta nell’ircana pietrosa tana) où Ruggiero en chasseur hésitant (alors chanté par Carestini) brille par sa virtuosité technique, une flexibilité vocale dont Giuseppina Bridelli transmet le feu et l’énergie expressive. Assurent alors pour sa performance incarnée, habitée, les instrumentistes du Concert de l’Hostel Dieu. C’est pour le chef et l’orchestre un retour éloquent aux sources de l’opéra baroque, une manière de revisiter ce qu’ils connaissaient déjà, et qu’ils réinvestissent avec feu et vérité.

 
 
 

LONDRES, 1733…
Handel / Porpora : essor du verbe incarné
Giuseppina Bridelli et Le Concert de l’HOSTEL DIEU

 
 
 

Le grand succès de ses années pour Porpora demeure Polifemo (écrit simultanément à Ariodante de Handel) qui regroupe les divos et divas d’alors : Cuzzoni, Mantagnana, Farinelli, Senesino, Francesca Bertolli, Maria Segatti. Giuseppini Bridelli en chante l’air de Calypso, amoureuse éperdue et admiratrice lumineuse d’Ulysse dont elle raconte alors l’exploit sur le cyclope géant Polyphème (Il gioir qualor s’aspetta, plage 10). Tout l’art de la jeune mezzo sait y fusionner la chair agile, ductile de sa technique et la justesse de ses intonations, celles d’un chant clair et explicite, qui suit avec intelligence et variations de nuances, le sens du texte (l’attente et l’espérance alimentent l’ardeur du désir).
Mais l’échec global de la venue de Porpora à Londres tient aux limites de la langue italienne : les récitatifs fussent-ils aussi ciselés que ceux de David dans l’oratorio (unique) David e Bersabea, ne suffirent pas à convaincre l’audience londonienne, trop volage ; on sait avec quel talent Handel recompose totalement son style en adoptant des recitatifs plus courts et en anglais. Le sens du verbe incarné défendu par Giuseppina Bridelli, la souple ardeur du continuo comme sculpté, nerveux, mordant, bondissant par Franck-Emmanuel Comte réussissent pourtant une superbe scène amoureuse (David exprime son amour naissant pour Bethsabée qu’il rencontre alors). Entre émoi et ravissement, le travail sur le texte et les couleurs de l’orchestre témoignent d’une vision et d’une conception très fouillées de la part des instrumentistes et du chef du Concert d’Hostel Dieu.

CLIC_macaron_2014On ne cesse de pesner, du début à la fin de ce programme, qu’ils ont eu bien raison de revenir aux fondamentaux du Baroque lyrique, le théâtre à la fois linguistique et coloratoure de Handel. L’intonation poétique sert avant tout le sens de la situation dramatique et la direction du texte : la franchise du chef de ce point de vue, son efficacité et sa poésie soulignent aussi chez Handel comme chez Porpora, à travers les exemples que nous avons mis en avant, tout ce qui caractérise et distingue l’un par rapport à l’autre. Entre un Handel obligé au renouvellement, et un Porpora ductile, naturellement agile mais contraint lui aussi à une nouvelle exigence dramatique et vocale, nous tenons dans ce récital lyrique, une claire évocation d’un âge d’or du seria italien à Londres. Magistrale réalisation pour un sujet original, idéalement explicité. CLIC de CLASSIQUENEWS d’avril 2019.

 
 
 
 
 
 

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CD événement, critique. DUEL : Porpora / Handel in London. Le Concert de l’Hostel Dieu / Giuseppina Bridelli / Franck-Emmanuel COMTE, direction (1 cd ARCANA, juin 2018) – CLIC de CLASSIQUENEWS du mois d’avril 2019.

 
 
 
 
 
 

LIRE AUSSI notre présentation du cd DUEL / PORPORA vs HANDEL – Le Concert de l’Hostel Dieu / Giuseppina Bridelli / Franck-Emmanuel COMTE, direction (1 cd ARCANA, juin 2018)
https://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-duel-porpora-and-handel-in-london-le-concert-de-lhostal-dieu-franck-emmanuel-comte-1cd-arcana-2018/

 
 
 
 
 
 

Passion selon Saint-Jean

BACH mc leod concert critique annonce opera classiquenews Gli-Angeli-Geneve© FoppeSchutPOITIERS, TAP. 1er avril 2019 : BACH, Passion selon St Jean. Parmi les grandes œuvres religieuses de Johann Sebastian Bach, la Passion selon Saint Jean reste la plus introspective, celle qui parle et s’adresse directement à l’auditeur, croyant ou non. L’Évangile selon Saint Jean évoque les mortels impuissants démunis que des événements extraordinaires et troublants dépassent. Bach compose un tableau dramatique très humain aux figures marquantes dont Jésus le sacrifié et le Sauveur, Pierre le traître qui se repend, Pilate et, omniprésentes, les foules versatiles et hostiles (turba), en quête de salut, en rpoie au désespoir… En Suisse, Stephan MacLeod et l’ensemble Gli Angeli Genève (fondé en 2005) interprètent au concert l’intégrale des cantates de Bach ; un projet et une expérience musicale qui facilitent leur compréhension de cette Passion.
Les chanteurs, solistes ou chœurs, placés devant l’orchestre, font face au public ; ils projettent directement le sens du txte et le message spirituel de la Passion vers l’assemblée des auditeurs, comme les croyants à l’église.

Comparé à la Saint-Mathieu, plus humaine et fraternelle, la Saint-Jean est cet opéra sacré de Bach, plus âpre, mordant, resserré qui se concentre sur le sacrifice et la tragédie de la mort. Hautement dramatique, la partition est un sommet parfois terrifiant qui questionne le sens de la mort et des souffrances éprouvées. Comme pour la Messe en si, ou la Saint-Mathieu, le chef doit maîtriser le sens du détail comme la clarté de l’architecture contrapuntique, sans omettre le relief et surtout le sens du texte… lequel donne le tempo exact. C’est aussi une question de couleurs vocales et instrumentales… Le TAP à Poitiers accueille l’une des formations, avec Vox Luminis / Lionel Meunier, les plus convaincantes actuellement chez Bach.

RESERVEZ VOTRE PLACE
https://www.tap-poitiers.com/spectacle/bach/

Poitiers, TAP
JS BACH : Passion selon Saint-Jean
Lundi 1er avril 2019, 20h30
Gli Angeli
Stephan MacLeod, direction

CD, annonce. « 33 ». Simon Ghraichy, piano (1 cd DG Deutsche Grammophon)

ghraichy piano simon cd classiquenewsCD, annonce. «  33 ». Simon Ghraichy, piano (1 cd DG Deutsche Grammophon). Après un premier disque DG intitulé « Héritages » (il avait 31 ans), le pianiste à la chevelure léonine récidive dans un programme dénommé « 33 » (comme son nouvel âge), lui aussi métissé, comme lui alliant rythmes latinos, saveurs outre-Atlantiques et standards romantiques français (plus ou moins connus tel Alkan, génie oublié du romantisme français au clavier : cf. la Chanson de la folie au bord de la mer). Il est en fait mexicain, libanais et français : triple nationalité qui est une chance, la promesse de réalisations au carrefour de plusieurs cultures ; la concrétisation d’une nouvelle constellation, mosaïque de mondes sonores épicés, variés, éclectiques. L’ancien élève du Conservatoire national supérieur de musique de Paris décloisonne la notion sclérosante de répertoires : il n’y a ni répertoire classique ni chemins détonnants ; ni grands maîtres, ni petits maîtres. Il n’y a que des sensibilités et des expériences, des imaginations audacieuses et suggestives qui se cristallisent sous les doigts et par la volonté créative de quelques compositeurs dont le pianiste démiurge sélectionne et agence chaque œuvre ainsi choisie. « Liszt et les Amériques » était le titre de son récital à New York (Carnegie Hall, 2015) : déjà la volonté d’un multiculturalisme sans frontières et sans apriori. Dans son nouvel album, « 33 », les alliages sont tout aussi prometteurs, percutants, parfois provocants : Tárrega, Alkan, Ramirez, Schumann, Gonzales, Glass, Nyman, Szymaánski, Shilingl, Schumann… là encore, la volonté d’une alternance entre deux mondes : le nouveau et l’ancien, entre le populaire et le savant, le traditionnel et le classique… Voilà qui rompt avec des traditions et des postures conservatrices. A chacun de trouver l’unité et la cohérence dans ce meiltingpot surprenant et peut-être enivrant.

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CD, annonce. 33, Simon Ghraichy, piano. 1 cd DG. Annoncé le 8 février 2019 – concert le 19 février 2019 au TCE, PARIS.

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CD, critique. RAMEAU : Le Temple de la Gloire (McGegan, Berkeley, 2017 – 2 cd Philharmonia Baroque Orchestra)

CD, critique. RAMEAU : Le Temple de la Gloire (McGegan, Berkeley, 2017 – 2 cd Philharmonia Baroque Orchestra). Concernant un précédent enregistrement haendélien celui-là, et réalisé en 2005 (Atalanta), nous avions déjà souligné la saisissante activité dont était capable la direction de Nicholas McGegan : un vent de renouveau semblant souffler sur les Å“uvres baroques françaises et européennes, dont l’activité, l’expressivité, le frémissement spontané… contrastaient nettement avec ses homologues français en particulier.
rameau temple de la gloire temple of glory cd review cd critique par classiquenews mcgegan philharmonia baroque orchestra cd MI0004433611D’emblée ce qui frappe dans cette lecture du Temple de la Gloire, c’est l’éloquente naïveté et la fraîcheur qui sonnent comme improvisées et donnent l’impression délectable que la musique qui s’écoule, se fait au moment de la représentation…
D’autant qu’il s’agit d’un live, saisi sur le vif avec les applaudissements du public américain, et ses réactions en cours de spectacle. La sensibilité intacte du chef britannique porte tout l’édifice. Cette candeur qui s’efforce à chaque mesure, restitue l’étonnante vitalité suggestive d’une musique qui est poétique de la tendresse et de la sensualité ; qui s’exprime à part, essentiellement instrumentalement, quand Rameau, génie de l’orchestration, diffuse sa mystique de la danse… là où les français cérébralisent, se figent, voire se pétrifient souvent dans une raideur mécanique, – trait remarqué chez beaucoup de chefs actuels, ou se cantonnent à un paraître rigide et corseté.
Il y a bien deux visions de Rameau qui se cristallisent dans la comparaison entre la France et ses interprètes baroqueux, et ce que réalise ici le chef né en 1950, Nicholas McGegan, infatigable ramélien. Pulsion électrique, sens de la phrase, rebonds et couleurs, sans omettre comme on l’a dit, le génie de la danse et le relief des timbres instrumentaux dans chaque intermède ou épisode « orchestral » qui complètent l’action proprement dite…
Voilà qui atteste une étonnante régénération de l‘approche ramiste, … désormais et souvent « hors Hexagone », comme en témoigne aussi l’excellente compréhension actuelle du hongrois Gyorgyi Vasgehyi (depuis Budapest).

En Californie, les troupes du Philharmonia Baroque Orchestra…
McGEGAN : le vent nouveau américain au service du Baroque français

Flûtes et cors, cordes et vents s’enivrent, s’exaltent dans cette esthétique infiniment pastorale qui s’autorise d’amples développements purement orchestraux, dont seul Rameau a le secret : l’ouverture et les tableaux de glorification de Trajan (III) l’expriment totalement : le Dijonais aime surtout s’alanguir et s’épancher à l’évocation d’une nature idyllique préfigurant en ses miracles panthéistes Haydn … et sa Création.

Comme il faut bien débuter dans la ténèbre jalouse, Rameau imagine dans le prologue un formidable combat ; celui déjà conditionné entre l’Envie, rageuse, haineuse et Apollon, magnifique astre solaire qui est ici à la cour de Louis XV, une belle référence à Louis XIV, son arrière grand père, et le créateur au siècle précédent du Versailles palatial, éclatant.
La fièvre de Rameau, son éloquence dramatique sont inscrits par un relief saisissant que McGegan réactive à chaque mesure, sachant s’approfondir et se précipiter. Tout le drame qui va se jouer, justifie l’édification du temple éblouissant, apollinien, celui tant convoité de la gloire ; car va paraître le héros que le monde attend et qui se révélera dans l’acte III (sous la figure de Trajan, mais un Trajan, égal de Titus, et comme lui digne de clémence, vertu des plus sages).

Rares les héros dignes de l’édifice et de sa symbolique vertueuse. Au premier acte paraît le vaniteux Belus (impeccable et convaincant Philippe-Nicolas MARTIN), vainqueur des peuples de Lydie laquelle pourtant l’aime (comme Elvira aime Don Giovanni : d’une passion quasi masochiste). C’est que le héros ici vainqueur a perdu toute humanité. Il est devenu barbare, véritable tyran ; verrue immonde et arrogante… qu’Apollon foudroie illico en lui refusant l’accès au Temple de la gloire. Ainsi sont châtiés, les faux héros qui ne sont que banals, misérables, furieux.

Les chœurs soignent leur articulation ; les instrumentistes du Philharmonia Baroque redouble de rondeur heureuse, de vitalité nourrie de saine tendresse et de fraîche aspérités qui colorent la restitution de la version originale de 1745 avec une sincérité stimulante.

Aux portes du temple de la gloire, le grand prêtre surveille les entrées. Même Bacchus (acte II) si fier et fanfaron (un peu juste Artavazd Sargsyan) ne peut y pénétrer : trop de raillerie, de suffisant orgueil, lui aussi, de suffisance méprisable, et de certitude affichée, quand bien même, il est adoré par Érigone, le dieu des plaisirs n’est pas persona grata. Lui aussi est écarté du Temple… Presque à défaut et de façon expéditive, la gloire lui rend ses hommages, en fin d’action, reconnaissant cependant que son ivresse procure aux mortels le pur bonheur terrestre. Mais cela ne suffit.

L’acte III apporte la clé d’un ouvrage faussement disparate dont les actes si divers en vérité se répondent.
Pour mériter la gloire immortelle et non les vaines grandeurs, le héros vainqueur et triomphant doit être Clément ; ainsi Trajan (efficace Aaron Sheehen) soumettant les 5 Parthes à Artaxarte sait leur pardonner et susciter les palmes de la gloire qui descend des cieux et couronne enfin celui qu’on attendait (soit Louis XV commanditaire et protecteur de Rameau en 1745).
nicholas_mcgeganPour lui l’admiration des peuples vainqueurs et vaincus, l’amour de Plautine. Ainsi, déjà au milieu du siècle, les Lumières éblouissant à Versailles dans cette leçon de sagesse où Rameau et son librettiste en toute fantaisie font un Trajan proche de… Titus (le délice du genre humain et du monde) : celui-la même qui en 1791 à l’extrémité du cycle, inspire Mozart pour son ultime seria (la bien nommée « Clémence de Titus »). Ainsi un seul héros, Louis XV, fait le bonheur du monde et vertueux parmi les héros, a la capacité de pénétrer dans le Temple tant désiré. Nicholas McGegan défend cette fresque versaillaise antiquisante et très morale avec le feu, le panache et la tendre générosité qui l’inspire, du début à la fin : en particulier dans les danses si nombreuses ici et qui portent l’émancipation et la volonté de prééminence de la musique pure sur le drame qui n’est que prétexte. Palpitant.

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VOIR aussi le reportage vidéo du Temple de la Gloire de Rameau à Berkeley, en avril 2017, par Nicholas McGegan
https://www.youtube.com/watch?time_continue=14&v=bmSzNDLmSMY

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CD, critique. RAMEAU : Le Temple de la Gloire (McGegan, Berkeley, 2017 – 2 cd Philharmonia Baroque Orchestra)

JEAN-PHILIPPE RAMEAU
Le Temple de la Gloire
(The Temple of Glory)

Opera in three acts with a prologue
Libretto by Voltaire
Original 1745 Version

PHILHARMONIA BAROQUE ORCHESTRA & CHORALE
Nicholas McGegan, music director and conductor
Bruce Lamott, chorale director

Marc Labonnette, baritone
Philippe-Nicolas Martin, baritone
Camille Ortiz, soprano
Gabrielle Philiponet, soprano
Chantal Santon-Jeffery, soprano
Artavazd Sargsyan, haute-contre
Aaron Sheehan, haute-contre
Tonia d’Amelio, soprano

Recorded live at Cal Performances, Zellerbach Hall, U.C. Berkeley, CA | April 28, 29 & 30, 2017. © and 2018 Philharmonia Baroque Productions™

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CD, critique. SALIERI : Les Horaces (Les Talens Lyriques, 2 cd Aparté – 2016)

salieri les horaces talens lyriques rousset critique opera critique cd cd review par classiquenews CLIC de classiquenews AP185-2-3000-1024x1024CD, critique. SALIERI : Les Horaces (Les Talens Lyriques, 2 cd Aparté – 2016). Versailles, 1780… Un certain engouement défendu par le milieu parisien et versaillais, s’est récemment porté (avec plus ou moins de réussites) sur les opéras créés à Versailles sous le règne si court de Louis XVI et Marie-Antoinette ; soit pendant les années 1780 (décennie faste il est vrai, pour les arts du spectacle / comme si avant la révolution à venir, au bord du gouffre, les patriciens et les nantis de l’ancien régime, s’en donnaient à cÅ“ur joie dans une ivresse aussi intense qu’insouciante). L’époque est au grand spectacle, avec tableaux spectaculaires voire terrifiants, ballet développé et aussi intrigue sentimentale qui « humanise » tout cela.
Nous avions déjà pu mesurer dans le cadre du même courant de résurrections, les fameuses Danaïdes, opéra antérieur du même Salieri, créé en 1784 à Versailles également mais sur un sujet tiré de l’Antiquité (certes la plus sanglante et tragique : car il y est question d’un massacre en bonne et due forme… LIRE ici notre critique des Danaïdes de Salieri, également restitué par Les Talens lyriques en 2013 et une partie de la distribution des Horaces…).
http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-salieri-les-danaides-christoyannis-van-wanroij-rousset-2013/

 

 

 

Versailles, 1786
Les Horaces… la tragédie cornélienne selon Salieri

 

 

 

salieri-portrait-classiquenews-les-danaides-1784-antonio-salieriAvant le « grand opéra romantique » (fixé au siècle suivant par Spontini et Meyerbeer, dans la suite de Rossini (on le voit : que des étrangers), le XVIIIè français, sait lui aussi s’ouvrir à la diversité et aux talents extérieurs, puisque après Rameau (le dernier grand génie lyrique hexagonal, après Lully), c’est le Chevalier Gluck qui opère la réforme de l’opéra français au début des années 1770 : pour revitaliser un genre qui se sclérosait, – la tragédie en musique (hérité de Lully), Rameau d’abord, puis Gluck, puis à partir des années 1780, une colonie de compositeurs étrangers paraissent à la Cour et présentent leur conception du drame lyrique. Gossec, Vogel, Johann Christian Bach, mais aussi les Napolitains (Sachini, Piccinni), puis Salieri, autorité européenne, surtout viennoise, apportent chacun leur éclairage à l’édifice lyrique français.
Avant la Révolution et comme les prémices du chaos à venir, la nervosité, une certaine frénésie (gluckiste) se mêlent alors à la ciselure nouvelle des affects, au moment où la notion de sentimentalité s’impose et avec elle, les germes du romantisme.
Après donc Les Danaïdes, opéra sanglant dont le tableau du massacre perpétré par les vierges Danaïdes état un prétexte spectaculaire, voici (avant Tarare, perle lyrique des Lumières, bientôt abordé dans la suite du visionnaire en la matière, Jean-Claude Malgoire), Les Horaces, créé en 1786, au moment où David fixe pour Louis XVI, les règles nouvelles de l’art pictural, ce néoclassicisme à la clarté expressionniste, elle aussi nerveuse et immédiatement intelligible (Le Serment des Horaces, présenté au Salon de 1784). 

 

 

NEOCLASSICISME TRAGIQUE… C’est la période où il n’est pas d’acte héroïque s’il ne produit pas de sacrifice. Du peintre au compositeur, circule une évidente célébration du radicalisme héroïque, à peine tempéré ou adouci par la tendresse de quelque personnage isolé (ainsi sœur d’Horace, Camille dont l’amour sincère infléchit réellement le cœur du Curiace… mais en vain). Ici, la destinée individuelle est broyée par la machine de l’implacable Histoire : les pères (le vieil Horace, obstiné, suicidaire) transmettent aux fils, l’esprit de haine et de vengeance, faisant peser la menace de l’extinction de la race. Meurtre, tuerie, vengeance et jalouse haine, hargne, possession, déraison… sont les ferments des livrets d’alors, prétextes évidemment à de passionnantes mises en musique.
Avec Salieri (sur les traces de Corneille), qu’en est-il ?

On ne saurait trop louer l’effort qui produit cette résurrection salutaire, indice d’une époque lyrique qui pourrait pas sa diversité et les profils invités, être présenté comme un véritable âge d’or du spectacle lyrique en France. 10 ans avant la Révolution, la Cour de France produit quantité d’ouvrages les uns plus passionnants et saisissants que les autres. Ce n’est pas ces Horaces qui contredisent la tendance. La grandeur morale de chaque figure, et dans chaque clan opposé, incarne un idéal louable.
A l’heure où l’opéra français tente de se réinventer, en particulier comme dans le cas des Horaces, en revisitant les textes classiques du siècle précédent, ici, celui de Corneille, Salieri s’attèle à une tragédie romaine au français le plus noble, porteur de sentiments exacerbés.
Las, la tension essentielle et sa forme expressive première : la langue est malheureusement bien mal défendue dans cette interprétation qui recherche surtout la nervosité et l’expressivité : rares sont les chanteurs, malgré la qualité de leur timbre et une certaine élégance de style, à savoir maitriser totalement la courbe tendue du verbe cornélien : une seule chanteuse suffit à démontrer ce qui fait les limites et une certaine séduction : Judith van Wanroij, qui a fait des héroïnes altières ou princières, sa spécialité, mais si discutable quand on l’écoute yeux fermés, tentant – vainement de deviner ce qu’elle dit : c’est tout le relief sémantique d’un Corneille plutôt inspiré alors (Les Horaces, 1640) qui disparaît de façon dommageable. Clarté, déclamation tendue et naturelle, ferme et tendre, héroïque et tragique doivent évidemment inféodé tout l’édifice à l’orchestre comme de la part de chaque soliste. Quel plaisir alors d’écouter la fine fleur des ténors français actuels : Cyrille Dubois (Curiace), Julien Dran (Horace) : leur intelligibilité rend encore plus exaltant le relief d’un texte nerveux, musclé qui les affronte sans ménagement, jusqu’à la mort. Pour les deux voix masculines, le présent album mérite tous les suffrages. Quel nerf et quel style ! D’autant que l’orchestre sert cette frénésie postgluckistes avec une tension permanente. Même engagé articulé et bien déclamé de la part de Jean-Sébastien Bou qui fait un vieil Horace, animé par la vengeance.
C’est du David sur scène, une peinture vivante et palpitante du mot déclamé, la claire et noble expression des passions les plus rivales et les plus extrémistes.
Salieri a le sens du rythme : scènes de foule et bataille, attendrissement tendre (duo Camille / Curiace), cas de conscience de Curiace, entre loi et devoir, sentiment et désir, le théâtre lyrique s’exalte, s’embrase même. Il reste incompréhensible qu’au moment de la création, une partie du public ait ri plutôt qu’il ait été touché par cette lyre abrupte et acerbe où coule un sang facile, et se dressent des orgueils pourtant sincères et chacun légitime… les interprètes à la création furent-ils en dessous des défis conçus par Salieri ?Après 3 représentations en décembre 1786, le second opéra de Salieri en France disparut totalement. Belle recréation.

 

 

 

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Antonio Salieri (1750-1825) : Les Horaces

Judith Van Wanroij, Camille
Cyrille Dubois, Curiace
Julien Dran, le jeune Horace
Jean-Sébastien Bou, le vieil Horace
Philippe-Nicolas Martin, L’Oracle, un Albain, Valère, un Romain
Andrew Foster-Williams, Le Grand-Prêtre, le Grand-Sacrificateur
Eugénie Lefebvre, Une suivante de Camille
Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles
Olivier Schneebeli, direction
Les Talens Lyriques / Christophe Rousset, direction

2 cd APARTE AP185 – enregistrement réalisé en 2016. CD1 : 55’33
/ CD2 : 30’10

 

 

 

CD, critique. HANDEL Atalanta, HWV35 (McGegan, 2005 – 2 cd Philharmonia Baroque)

Atalanta-web-cover cd critique cd review McGegan clic de classiquenewsCD, critique. HANDEL Atalanta, HWV35 (McGegan, 2005 – 2 cd Philharmonia Baroque). Quel rafraîchissement stimulant apporte aujourd’hui le collectif réuni et porté par le chef Nicholas McGegan, en Californie (Berkeley), lequel inspirant ses troupes outre-Atlantiques du Philharmonia Baroque (orchestre et chÅ“ur), s’ingénie à défendre une vision gorgée de verve et de franche sincérité, à mille lieues des directions franco-françoises, souvent trop cérébrales et corsetées qui ont oubliées depuis des décennies de dictat en tous genres, l’esprit du Baroque : son caractère certes discursif mais surtout improvisé. La liberté du geste telle qu’elle est aujourd’hui défendue par McGegan incarne une direction pour nous salutaire dans l’interprétation baroque, d’autant que depuis les années 1990/2000, nombre de chefs autoproclamés experts en la matière, distille chacun un système et un type directionnel bien identifiable et parfaitement mécanisé. Faisant oublié, la caractère essentiel de la révolution baroqueuse défendue depuis les années 1970, l’audace, le risque, l’expressionnisme. A croire que l’intensité défricheuse des Harnoncourt et Malgoire, puis Jacobs et Goebel, … est devenue lettre morte.

 

 

Nicholas McGegan :
le souffle nouveau, revivifiant du Baroque
venu de Californie

 

 

Rien de tel avec le Britannique McGegan qui grâce à une politique avisée de publications discographiques, entretient la mémoire de son approche avec un discernement et une activité constante que beaucoup peuvent lui envier. D’emblée, c’est la preuve de la vitalité du courant et de l’interprétation baroque en CALIFORNIE…
Voyez cette ATALANTA enregistrée à Berkeley (Californie), en septembre 2005.

haendel handel classiquenewsPASTORALE AMOUREUSE... La partition a été rarement jouée et cette résurrection complète, très historiée, fait tout le mérite du chef. Créée le 12 mai 1736 – avec feu d’artifice final, pour célébrer les noces du Prince de Galles et de la princesse Augusta de Saxe-Gotha, l’œuvre est ici enregistrée sur le vif et comme « chauffée », après une série de représentations scéniques données auparavant au Göttingen Handel Festival. McGegan officie avec un instinct véritable, une intuition de l’instant qui aiguise l’acuité des accents et réussit la caractérisation des personnages de cette Arcadie lyrique. Séduire une beauté glaçante est un défi souvent relevé qui honore d’autant mieux celui qui sort victorieux ; ainsi l’histoire léguée par la mythologie grecque, celle d’Atalante, qui au préalable dédaigne les avances du beau Méléagre (le frère de Déjanire), préférant les plaisirs de la chasse aux délices plus subtils de l’amour… Mais voilà, pendant la chasse du monstrueux sanglier de Calydon, Atalante et Méléagre croisent leurs regards.
En maître des passions humaines, chasseur / révélateur du sentiment enfoui, Haëndel sait développer le vertige profond, en particulier celui qui inspire à Atalante (très convaincante Dominique Labelle) son grand monologue du II (« ‘Lassa! ch’io t’ho perduta »), où la jeune chasseresse exprime son trouble et ses tiraillements car elle comprend qu’elle se ment à elle-même, foudroyée en vérité par le jeune Méléagre. Il est vrai que face au Méléagre, toute tendresse et séduction de la seconde soprano, Susanne Rydén, tout cœur ne saurait demeurer de pierre… l’optimisme lumineux du timbre renforce l’attractivité du jeune guerrier.
Aux côtés des amoureux principaux, l’assemblée des bergers tel Aminta (excellent Michael Slattery) et son aimée Irene (superbe air, plein de juvénile ardeur : « Come alla tortorella », parfaite et sensuelle Cécile van de Sant) enrichit la partition d’une myriade d’émotions vraies dont Haendel a le secret.

CLIC_macaron_2014Le Philharmonia Baroque Orchestra démontre d’étonnantes affinités dans l’art d’ornementer et de caractériser, selon le souci de fluidité et d’éloquence, de dramastisme et d’élégance, souhaité manifestement par le chef. Voilà qui surclasse évidemment sa première approche de l’oeuvre de Haendel, qui remonte à 1984 avec une équipe bien moins engagée et ciselée.

 

 

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CD, critique. HANDEL Atalanta, HWV35 (McGegan, 2005 – 2 cd Philharmonia Baroque)

Distribution
Dominique Labelle, soprano
Susanne Ryden, soprano
Cecile van de Sant, mezzo-soprano
Michael Slattery, tenor
Philip Cutlip, baritone
Corey McKern, baritone
Philharmonia Chorale – Bruce Lamott, director
Philharmonia Baroque Orchestra
Nicholas McGegan, conductor
Philharmonia Baroque Productionsâ„¢

Achetez ce cd édité par le label fondé par Nicholas McGEGAN
https://philharmonia.org/product/handel-atalanta-2/

 

 

 

CD événement, annonce. CALDARA : Maddalena ai piedi di Cristo (1 cd Alpha, Damien Guillon, 2017)

maddalena ai piedi di cristo caldaia damien guillon cd critique par classiquenewsCD événement, annonce. CALDARA : Maddalena ai piedi di Cristo (1 cd Alpha, Damien Guillon, 2017). Damien Guillon et son Banquet Céleste revisitent avec une acuité palpitante voire mordante la brûlante ferveur de Madeleine, telle que l’a magnifiquement exprimée et mise en musique, le Vénitien Antonio Caldara, né sur la lagune vers 1670. Caldara à l’égal d’un Cavalli plus tardif et montéverdien, incarne le second âge d’or de l’opéra vénitien au XVIIè. C’est le maillon manquant entre Monteverdi et ses élèves, et Vivaldi.

Maître exceptionnel de l’opéra comme de l’oratorio, il offre à Barcelone le premier opéra en terre catalane, Il più bel nome (1708), commande de son futur patron Charles VI, auprès duquel il s’installera, à Vienne, en 1716. Caldara, dont la catalogue totalise environ trois mille œuvres à son actif, décède dans la capitale Habsbourg en 1736 (dans la même Kärtnerstrasse que Vivaldi…) et comme le Pretre Rosso, dans l’oubli et la misère. Johann Mattheson l’admire à le place à l’égal de Haendel et de Vivaldi.
Dans le genre créé à Rome, au moment de la Contre-Réforme, par Carissimi et Landi, Caldara éblouit l’histoire musicale dans sa Maddalena ai piedi di Cristo, oratorio « volgare », c’est-à-dire récité en italien […] soit en langue vernaculaire et non en latin.
Les 6 protagonistes se partagent la Terre et le Ciel : Marthe, Madeleine et un Pharisien ; Jésus, l’Amour Terrestre et l’Amour Céleste. En trente-trois airs et ensembles, de forme récitatif-aria, chacun témoigne de sa ferveur et de son trouble confronté au Sacrifice de Jésus sur la Croix. Après un enregistrement légendaire signé rené Jacobs (qui a donc ressuscité et dévoilé la puissance incantatoire et sensuelle de ce sommet musical), voici la nouvelle génération baroqueuse prête à relever les défis de ce sommet de la ferveur italienne baroque. Grande critique cd à venir dans la mag cd dvd livres de classiquenews.com

 

VOIR Damien Guillon et Le Banquet Céleste interpréter l’oratorio de Caldara : Maddalena ai piedi di Cristo (été 2017)

https://www.youtube.com/watch?time_continue=233&v=9MnmL7b1qPQ

CD, critique. WA MOZART : Bastien und Bastienne (v 1768), Classical Opera, Ian Page (1 cd Signum)

grabmusik bastien bastienne mozart ian page classical opera the cd review critique cd par classiquenews CLIC de classiquenewsCD, critique. WA MOZART : Bastien und Bastienne (v 1768), Classical Opera, Ian Page (1 cd Signum). Ce disque très finement articulé éclaire les débuts de Wolfgang Mozart, alors âgé de 11 et 12 ans ; son écriture ciselée en matière d’ornementation, une maturité dramatique et poétique déjà confondante ; certes dans son cas unique, l’expérience et la maîtrise n’attendent pas l’âge des années ; le jeune compositeur dans GRABMUSIK, synthèse d’oratorio, – dans sa version originelle de 1767, s’inscrit dans le style Empfindsamkeit, post gluckiste, en une expressivité et des formules napolitaines très proches des Italiens de Paris, dans les années 1780 : Piccinni et Sachini. C’est dire déjà la synthèse visionnaire qu’opère alors le jeune Mozart, plus d’une décennie avant eux. La force expressive et la souplesse émotionnelle de sa manière suggèrent avec une étonnante efficacité les élans de l’âme du pêcheur, perdu, errant, inquiet. Puis c’est toute la tendresse compatissante de l’Ange qui affirme ce en quoi excelle Wolfgang : son empathie fraternelle, sa grande et irrésistible tendresse.
Le baryton Jacques Imbrailo sait nuancer et rendre palpitante sa partie marquée par le doute et l’aveuglement presque terrifié, quand l’Ange de la soprano Anna Lucia Richter parfois un peu âpre et raide, exprime cette compassion qui envahit l’être de lumière au contact du Pêcheur perdu. On reste saisi et convaincu par la justesse des chanteurs et de l’orchestre, admirables ambassadeurs de cette pudeur tendre qui fait la marque du jeune Mozart, en rien aussi compassé et mécanique que ses contemporains alors.
Mozart-Launch-1La date de la GRABMUSIK justifie ensuite que l’on joue son premier opéra, BASTIEN UND BASTIENNE, chanté en allemand, destiné à un cercle privé (le théâtre du jardin de Mesmer à Vienne), et restitué dans sa version première de 1768. Toute la tendresse de Mozart se déploie dans ce minidrame pastorale où Bastienne délaissée, désireuse de retrouver l’amour de Bastien, feint, ment, dissimule et affiche l’indifférence afin que son aimé brûle à nouveau de ce premier désir dont elle est nostalgique : pour gravir les étapes de ce rituel sentimental qui est une reconquête amoureuse, Bastienne est aidée du mage et sage Colas. Déjà percent ici dissimulation, manipulation, serments et parodie des sentiments, tels qu’ils seront amplifiés à la fin de sa courte existence, dans Cosi fan tutte. Mozart se montre manifestement inspiré par Rousseau dont Le devin du village a inspiré la trame de Bastien et Bastienne. L’ouvrage est ainsi célébré par le collectif britannique pour ses 250 ans (après sa création de 1768).
Classical OperaLe londonien Ian Page et son orch Classical Opera, ainsi que les trois chanteurs requis, peaufinent, articulent, cisèlent toutes les nuances d’une partition tissée dans la tendresse la plus simple et la plus raffinée. Au service du premier singspiel de Mozart, le geste subtil et nerveux de Ian Page fait ici toute la différence et place son collectif musical parmi les meilleurs interprètes de Mozart aujourd’hui. Tout au moins s’agissant de ses premiers drames lyriques. L’enregistrement s’inscrit dans un vaste cycle artistique intitulé MOZART 250 qui englobe un vaste choix de pièces dramatiques et lyriques. La réalisation est indiscutable par sa cohérence et sa grande élégance. D’autant que le chef et son orchestre (classical opera et the Mozartists) ont précédemment joué et pour certains ouvrages, enregistré Il Sogno di Scipione, Zaide, Il re pastore, Mitridate, Die Schuldigkeit der ersten gebots (Le devoir du premier ordre), Apollo et Hyacinthus… CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2018.

 

 

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CLIC D'OR macaron 200CD, critique. WA MOZART : GrabMusik (1767), Bastien und Bastienne (v 1768), Anna Lucia Richter, Alessandro Fisher, Jacques Imbrailo, Darren Jeffery / Classical Opera / Ian Page, direction (1 cd Signum). CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2018 / Parution annoncée le 14 sept 2018

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AGENDA, à NOTER : Ian Page et Classical Opera donnent Bastien et Bastienne, dans le prolongement de leur enregistrement en concert à Londres, Wigmore Hall, le 18 sept 2018 à 19h30
Plus d’infos ici :
http://www.classicalopera.co.uk/whats_on/bastien-und-bastienne/

VOIR l’enregistrement de Bastien et Bastienne / Entretien avec Ian Page
http://www.classicalopera.co.uk/videos/recording-mozarts-grabmusik-and-bastien-und-bastienne/

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CD événement, critique. HOMMAGE A VIVALDI. VIVICA GENAUX, Mezzo. Bach consort Wien, Rubén Dubrovsky (1 cd Sony classical, 2015)

vivaldi hommage a vivica genaux ruben dubrovsky sony classical cd review cd critique par classiquenews CLIC de classiquenews de septembre 2018CD événement, critique. HOMMAGE A VIVALDI. VIVICA GENAUX, Mezzo. Bach consort Wien, Rubén Dubrovsky (1 cd Sony classical, 2015). C’est une excellente idée que de souligner le génie de Vivaldi à Vienne, capitale de la pompe impériale Habsbourg où il mourut en 1741, quasiment oublié de tous. Certes le Vénitien incarne l’essor de la furià baroque au début du XVIIIè avec l’énergie et la poésie que l’on sait, instrumentalement et opératiquement. Du reste la redécouverte de sa verve lyrique reste la découverte la plus importante sur le plan musicologique des 20 dernières années. Ruben Dubrovski cisèle un orchestre pétillant et un choeur très impliqué, mais sans maniérisme aucun, revitalisant un style très identifiable, encore baroqueux en plein essor du préclassicisme (début des années 1740) : le Pretre Rosso a été à Venise même déclassé par les Napolitains, nouveaux champions de l’opéra. Mais s’il s’agissait de souligner le génie éruptif et introspectif du Vénitien, le défi est amplement relevé et réussi : les interprètes sont au niveau de l’enjeu, à commencer par l’impeccable mezzo américaine Vivica Genaux, diva de Fairfbanks (Alaska), rompue à l’exercice redoutable des vocalises acrobatiques, comme à la science de la couleur et des nuances expressives les plus ténues. Il n’y a qu’une seule autre mezzo à l’égaler dans ce type de répertoire : Ann Hallenberg. Elle aussi passionnante vivaldienne (et qui a elle aussi dédier plusieurs récitals à la légende des castrats).
CLIC D'OR macaron 200Le choix des œuvres ici abordées évoque l’âge d’or de Vivaldi à Venise, alors (en 1715), « maestro di viola all’inglese, à l’Ospedale della Pietà, sur la rive lagunaire. Sa verve quasi opératique à l’église (cf ses deux motets chantées par la mezzo : In tubato mare irato RV 627 / Sum in Medio tempestatum RV 632) impose le tempérament très contrasté d’un génie de la musique quand dans le même instant, à Vienne, Fux devient Kapellmeister à la cathédrale Saint-Etienne de Vienne…
Constamment inspirée et juste expressivement, Vivica Genaux saisit la certitude  fervente du motet d’ouverture (RV 627) avec un aplomb dramatique idéal pour des pièces qui certes sont pour l’église da chiesa mais exige un investissement total ; déjà dans le morceau préliminaire (« In tubato mare irato « ), d’une agilité redoutable puis dans le III « Resplende bella Divina stella », plage 3 où la chanteuse creuse la mystique plus sombre et sereine du texte. Entre murmure et hallucination, le verbe articulé, se colore de nuances infimes, qui affirment la sensibilité de la diva canadienne.

 

 

 

En 2015, la mezzo américaine enregistre un programme Vivaldi somptueusement chanté :
Vivica Genaux est la diva Vivaldienne d’aujourd’hui

Vivica / Vivaldi : double V gagnant !

 

 

 

L’Alleluia final, introduit alors le choeur très souple et investi fusionnant avec un continuo souple et fleuri.
Même sentiment dans la Kyrie RV 587, dont l’Allegro (plage 6) fait écouter le choeur d’enfants à la fois tendre et d’une intonation simple. La sûreté comme la musicalité du geste choral suscite l’enthousiasme.
Voilà une franchise de ton que n’a pas l’intégrale en cours de Naïve, à notre avis, au style plus sec et tendu (cf Biondi, Alessandrini). Ce qu’apporte Dubrovski chez Vivaldi, c’est une détente qui prend soin de l’équilibre des pupitres / parties et du détail dans la restitution des couleurs du continuo.
Le dernier épisode plus audacieux encore (second Allegro, plage 7) dans ses vagues harmoniques ascendantes, élabore une architecture ample ; c’est la cathédrale vivaldienne baignée de lumière (de soleil) et d’électricité que le chef fait irradier avec un naturel très appréciable.

Le cœur poétique du programme, encadré par les 2 motets, reste le NISI DOMINUS (ailleurs traité par tous les haute contre parmi les plus célèbres dont évidemment Andreas Scholl qui en avait laissé une sublime version avec 415, Chiara Banchini). Dubrovsky et Vivica Genaux soignent l’intensité poétique de chaque section, le geste et les accents du chef, s’inspirant directement du chant ciselé de la diva. Vitalité et nervosité sont idéales, élaborant un Nisi dominus à la fois plein de certitude et de simplicité grave.
VIVICA GENAUX, sublime vivaldienne !Vivica Genaux éblouit par un timbre souple, agile, riche en couleurs, une intelligence des nuances dont la palette en passages raffinés surclasse tous ces alters égos masculins lesquels n’ont pas son agilité ni sa articulation millimétrée du verbe (tels les Cencic, Jaroussky, Fagioli… au delà de la question de la tessiture, nous parlons surtout de la question du style et des nuances vocales : sur ces deux derniers points, la tenue de l’Américaine est exceptionnelle). Une telle articulation rend immédiatement passionnants, la projection et le sens du texte. La mezzo de Fairbanks (où elle est née en 1969) en a encore à nous apprendre sur l’arche palpitante d’un Vivaldi touché par la grâce.

Le sublime III (Surgite, presto, plage 10) cultive les agissements étatiques d’une magicienne enivrée, douée de mille séductions, d’autant que le continuo la suit ensuite dans une traversée hallucinée et nocturne d’un engagement purement poétique (captivant Andante : Cum dederit, le morceau le plus long du cycle) où Vivaldi tire la pâte instrumentale et la corde vocale en une suspension d’essence fantastique à laquelle la mezzo inspirée, enchantée, déploie sa science des nuances introspectives, des couleurs ténues, rares.
Qui aujourd’hui peut l’égaler dans cet art majeur de la couleur, du legato, de l’intonation ? Aucun haute contre actuel (y compris le splus célèbres): c’est dire sa maestrià.

Le Credo RV 591 est une belle réalisation dont le chef interroge avec un choeur nuancé là encore, la courbe énigmatique (Et incarnatus est) ; ciselant même en une coupe sèche parfaite, le rythme plus narratif du Crucifixus, tel un balancement inquiet et dramatique pourtant de plus en plus serein à mesure que le grand choeur s’en empare…
La prise de son, l’impact très contrôlé du collectif (bien électrisé par le chef) donnent l’impression d’une célébration heureuse et investie saisie sur le vif dans l’espace de l’église (en réalité l’enregistrement a eu lieu en mars 2015 à la Chapelle de Hofburg à Vienne, haut lieu impérial viennois).

On ne peut s’empêcher de songer à l’opéra dans le second et dernier motet (RV632 : « Sum in medio Tempestatum »), tant le timbre élargi et généreux, souple et royalement agile de la mezzo enchante par sa justesse acrobatique. Évidement le premier épisode est uniquement de virtuosité mais d’une superbe affirmation textuelle, et linguistique. Comme on l’a dit précédemment : qui chante ainsi aujourd’hui ? Répond à ce préliminaire pétaradant, la séquence introspective plus grave et sombre, d’une noblesse de ton presque élégiaque : « Semper maesta,sconsolata ».
L’intonation de l’orchestre comme de la soliste sont superlatifs :
ce Vivaldi est stupende / c’est une formidable réalisation qui brille par son intelligence, sa nervosité, son engagement, sa subtilité. Portée par un collectif qui partage sa finesse, Vivica Genaux est aujourd’hui, – avec Ann Hallenberg, la mezzo vivaldienne la plus convaincante de l’heure. Superbe récital. CLIC de classiquenews de septembre 2018.

 

 

 

 

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CD événement, critique. HOMMAGE A VIVALDI. VIVICA GENAUX, Mezzo. Bach consort Wien, Rubén Dubrovsky (1 cd Sony classical, 2015)

 

 

 

 

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Engagements de Vivica Genaux d’ici le printemps 2019
Une diva à suivre
Ressource : http://www.vivicagenaux.com

15 septembre 2018, Festival de Fénétrange (France) : airs d’opéras de Vivaldi
7 et 8 octobre 2018 : Vivaldi, Gloria et Imeneo (Madrid, Auditorio nacional de Musica)

20 – 30 octobre 2018 : Ljubljana (Slovenie) : SERSE (Arsamene) de Haendel – production reprise au

Capitole de TOULOUSE, les 7 et 9 novembre 2018

Prise de rôle
ARTASERSE de HASSE (Mandane)
Sydney (Australie) / Pinchgut Opera
29 nov – 5 décembre 2018

+ d’infos : visiter le site officiel de Vivica Geanux
http://www.vivicagenaux.com/engagements.html

 

 

 

 

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A NOTER : Vivica Genaux reprendra en concert son programme déjà enregistré déidé à Farinelli, au prochian Festival international de Musique Baroque de La Valette à Malte, « BROSCHI, Handel : hommage à Farinelli », Teatru Manoel, Valletta, le 11 janvier 2019

CD, critique. CONTINUUM : JUSTIN TAYLOR, clavecin. D. Scarlatti / Ligeti (1 cd Alpha déc 2017)

TAYLOR JUSTIN continuum cd critique cd review CLIC de CLASSIQUENEWS 2018 26536ee4-2102-4ddd-b930-73dc3bd23b63CD, critique. CONTINUUM : JUSTIN TAYLOR, clavecin. D. Scarlatti / Ligeti (1 cd Alpha déc 2017). Né en Angers en 1993, Justin Taylor se distingue comme son confrère Julien Wolfs  (de l’ensemble Les Timbres, – autre virtuose habité du clavecin)  parmi les clavecinistes actuels les plus inspirés ; non pas les plus doués, techniquement souverains : ils sont nombreux, mais avec ce supplément d’âme qui fait du clavecin, l’instrument du souffle et des affects baroques, comme on dit du piano, qu’il est le chant du sentiment romantique… Digitalité filigranée grâce à un clavecin précis, d’une rare éloquence cristalline (un Ruckers-Hemsch 1636-1763), et surtout un rubato qui architecte l’écoulement dès les premiers Scarlatti, le jeu et l’approche du jeune Taylor ne cesse de nous éblouir. Il échafaude tout un jardin musical où le sens de la construction sait aussi respirer et articuler avec une clarification énergisante. Qu’il s’agisse de morceau de trépidation (première Sonate K141) ou dans l’extase à peine marquée, d’une suspension rêveuse (l’aria qui suit K32), le jeune claveciniste montre une aisance technicienne associée à une superbe intelligence poétique.

Justin Taylor ose de nouveaux mondes sonores, de Scarlatti II à Ligeti

Tous les horizons du clavecin,
machine exploratoire

TAYLOR Justin clavecin par classiquenews compte rendu critique concertTaylor construit un programme qui fait dialoguer Scarlatti et Ligeti, passage des styles a priori abrupt voire acrobatique mais d’une grande évidence en réalité dans ce jeu sonore qui place le clavecin au centre d’une réflexion plus critique sur l’instrument et ses ressources abstraites, expressives, poétiques. Qu’ont à faire ensemble, ainsi réunis en une arène improbable, le protégé de son père Alessandro, et bientôt favori de la Reine Maria Barbara à Madrid, et l’exilé, entravé, interdit d’instrument, Ligeti passant de Transylvanie à la Roumanie ? Le Napolitain séduit par sa virtuosité immédiate, solaire, embrasée ; l’Autrichien ne cesse de saisir par son questionnement visionnaire et prophétique auquel le son pincé du clavecin apporte une résonance inquiète, tendue, faussement abandonnée… D’un côté l’exaltation rêveuse de Scarlatti (dans ses rythmes impossibles, plus ibériques qu’italiens et qui citent souvent le fandango de la guitare), de l’autre l’interrogation permanente de Ligeti, âme sans attaches, plutôt conscience universelle qui trace de nouvelles frontières? Mais entre eux, se développe au delà de la forme, l’imaginaire voire le délire d’une question toujours posée : cf la Passacaille ungherese (décembre 1978), qui combine baroque et tension hongroise, comme l’équation inextricable d’un doute, d’un sentiment d’indécision continu. Il est fascinant d’écouter le bavardage presque envahissant de Scarlatti qui suit dont les passages harmoniques et les séries de grilles tentent aussi à ce questionnement hors du temps.
Dans Hungarian rock, intitulé aussi Chaconne, nouvelle révérence au Baroque, Ligeti atteint une transcendance du rythme et de la danse qui construisent au final une déconstruction consciente de la forme musicale : là encore se développe cette question : où vais-je ? pourquoi ? comment ? Dans ce sens critique et expérimental où rien ne semble figé, Ligeti va plus loin encore dans « Continuum » (1968) justement qui donne son titre à l’album de Justin Taylor : la répétition apparemment statique et régulière, produit une vibration qui est le souffle même des métamorphoses, tissant in fine ce continuum presque linéaire où Ligeti voyait une poétique de la mécanique (celle de l’imprimerie de son oncle) : on reste convaincu par la maîtrise nuancée et hagogique du claviériste, qui semble totalement séduit par ce jeu sonore et technique, lequel questionne dans toutes les directions possibles (et audibles), les ressources de l’instrument.

 

 

 

CLIC D'OR macaron 200Au terme de ce voyage sonore en immersion dans la mécanique et la sonorité du clavecin baroque, Justin Taylor trouve ce point de partage qui relie Scarlatti II à Ligeti, unis au delà des siècles par une même pensée critique sur la sonorité du clavecin. L’audace et la justesse du programme sont remarquables. Car il ne s’agit pas de savoir bien jouer. Il faut encore pour servir la musique, oser toujours de nouvelles perspectives qui élargissent l’expérience de la musique, au disque et au concert. Bravo l’artiste !

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CD, critique. CONTINUUM : JUSTIN TAYLOR, clavecin. D. Scarlatti / Ligeti (1 cd Alpha déc 2017). CLIC de CLASSIQUENEWS de l’été 2018.

COMPTE-RENDU, ORATORIO. BEAUNE, le 15 juillet 2018. HAYDN : Les Saisons, GABRIELI Ch, con & pl. PAUL McCREESH

COMPTE-RENDU, ORATORIO. BEAUNE, le 15 juillet 2018. HAYDN : Les Saisons, GABRIELI Ch, con & pl. PAUL McCREESH, direction. L’oratorio de Haydn occupait l’affiche à Beaune 2018 : La Création tout d’abord le 13 juillet (assez terne et tendue sous la direction plus méticuleuse que naturelle et flexible de Laurence Equilbey), surtout le moins estimé Les Saisons de 1801, ce 15 juillet donc, point culminant pourtant d’une réflexion active voire surinspirée par Haydn sur le genre et aussi d’après le poème panthéiste, naturaliste et religieux d’un certain James Thomson (poème The Seasons, vers 1730).

mc-creesh-oratorios-ahendel-Paul-McCreesh_0335_credit-Ben-WrightDans le cas du britannique Paul McCreesh, le geste est autrement plus sûr et visionnaire, généreux et architecturé, avec une attention très fine pour les détails et ici, emblème d’un auteur qui fut autant génial dans le quatuor que la Symphonie (deux genres qu’il « inventa » littéralement), les timbres orchestraux. Les Saisons sont d’abord une partition pour les instruments, capables sous la direction de McCreesh, d’exprimer le souffle, les mouvements, spectaculaires et intimes, de la miraculeuse Nature, à travers l’enchantement des saisons. En leur succession, porteuse de variété et d’éloquente caractérisation. Paul McCreeesh, ardent défenseur de la partition après le non moins sublime Nikolaus Harnoncourt, dévoile cependant sa propre traduction en anglais, écartant la piètre mise en poésie en allemand par Swieten d’après le texte originel anglais. Est ce pour cela que connaissant dans le moindre détail littéraire, l’ouvrage du dernier Haydn, le chef en exprime toute la dimension émerveillée et spirituelle avec autant de franchise et d’intensité? Il y a un fossé entre la conception efficace mais sans âme d’Equilbey et l’ivresse sensorielle, un appel à la contemplation partagée que proclame Mc Creesh.
Le séjour londonien (où il a un véritable public) de Haydn (1791-1795) lui permet d’approfondir encore sa connaissance de la source première de l’oratorio anglais : Haendel. Après La Création, coup de mâitre de 1799, voici donc Les Saisons de 1801 où le vieux compositeur, comme Rubens en fin de carrière, décuple d’audace formelle, de verve et d’imagination. Le plat qu’en délivre McCreesh est à la fois copieux et admirablement détaillé.
Les Gabrieli Choir, Consort & Players sont à leur aise, dans cette fresque opératique de 3h de musique continue : où en particulier dans l’Automne, se développent dans une verve inédite, les tableaux (délirants) de la chasse et surtout des vendanges. L’été est plus amoureux (mettant en avant le couple désirant, sensuels de la soprano et du ténor solistes) ; l’hiver dévoile la morale du cycle à travers les frimats et l’impuissance solitaire de l’homme face à ce paysage saisissant de glace et de neige (somptueuse introduction orchestrale, d’une force poétique aussi impressionnante que le début de La Création : son chaos primordial). Les interprètes indiquent tout ce que la partition a de poésie, non descriptive mais évocatoire, au sens d’une écriture moins narrative que poétique qui annonce évidemment la 6è Symphonie « Pastorale » de Beethoven, créée 7 annnées plus tard en 1808. Simon le fermier (basse), sa fille Hannah et le fiancé de cette dernière, Lucas, agrémente le tableau, chacun témoignant de son expérience et aussi de la bienveillante nature, elle même emblème du miracle divin. Comme le dit McCreesh, Les Saisons sont l’oeuvre la plus écologiste du XVIIIIè, une défense enivrée, parfois délirante, célébrant l’harmonie et la perfection de la Nature.
Dans cette tapisserie scintillante où l’orchestre récapitule les enchantements du monde, – surgissement du soleil à l’été, chasse à l’automne où brâment d’éloquents et rutilants cors (spacialisés), avant l’ivresse collective du tableau des vendanges, – pièce maîtresse et défi relevé par le choeur qui conclut dans le délire le plus truculent l’Automne. Les 3 solistes redoublent de précision et de justesse expressive : à Simon (impeccable Ashley Riches) dans l’Hiver, revient le dévoilement de la leçon ainsi développée pendant 3h : les Saisons récapitulent une existence humaine. Et l’homme à l’hiver de sa vie ne peut que remercier le destin et dieu de l’avoir ainsi réconcilier avec le monde et la miraculeuse nature.
MCcreesh paul gstaad menuhin festival par classiquenews 02_dsc_1701_fuer_newsticker-465L’élégance de Hadyn, sa verve et son sens du drame non dénué d’humour font les délices de cette lecture inspirée, stylée, … marquée par la question du tempérament et de la vivacité, clairs éléments définissant aujourd’hui l’approche du collectif Gabrieli. A Paul McCreesh, infatigable meneur de troupes, revient le mérite de comprendre une œuvre révélée avant lui par Harnoncourt (excellent enregistrement chez Sony) : McCreesh, plus britannique qu’aucun autre, cisèle, sculpte le raffinement viennois de Haydn avec un savoureux naturel proche de l’opéra. Avant Beaune, le chef a pu diriger la partition lors du premier week end inaugural du Festival Menuhin de GSTAAD (Suisse, Saanenland), le 14 juillet dernier, jalon remarqué de la 62è édition de l’événement fondé par Yehudi Menuhin en 1957.

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COMPTE-RENDU, ORATORIO. BEAUNE, le 15 juillet 2018. HAYDN : Les Saisons, 1801. Hanna : Carolyn Sampson, soprano — Lucas : Jeremy Ovenden, ténor — Simon : Ashley Riches, basse. GABRIELI CHOIR, CONSORT & PLAYERS. PAUL McCREESH, direction.

CD, critique. JS BACH : Daniel Lozakovich, violon (Concertos BWV 1042, 1041 – Partita n°2 BWV 1004 – DG Deutsche Grammophon 4799372)

LOZAKOVICH daniel JS BACH violons concertos nos1 et 2 PARTITA N2 critique cd cd review par classiquenewsCD, critique. JS BACH : Daniel Lozakovich, violon (Concertos BWV 1042, 1041 – Partita n°2 BWV 1004 – DG Deutsche Grammophon 4799372).  Il n’avait que 17 ans… Il est encore un enfant mais comme chez … Mozart, il y a une grâce enfantine qui d’emblée pose et affirme l’artiste. Malgré son très jeune âge, le violoniste prodige Daniel Lozakovich (né suédois, en 2001 à Stockholm) impressionne par sa grande maturité artistique, une musicalité inouïe qui creuse la puissance sonore a contrario des bateleurs démonstratifs et un rien agités que l’on entendait jusque là : son intériorité et sa gestion d’un temps émotionnel, nous touchent infiniement; une telle économie pourtant éloquente et véhémente irradie dans la Partita n°2, jouée évidemment solo, dont l’exposition du jeu solitaire, sans aucun artifice subjugue de bout en bout. La lumière irradiante qui émane de son archet, sa pudeur incandescente, la tenue et la ligne de sa sonorité en font l’égal de Menuhin immédiatement mais avec une sensibilité, et une pensée qui renouvellent aussi considérablement le geste violonistique, la projection du son, comme l’énoncé des phrases. Sa Chaconne en ré mineur du même Bach avait impressionné par la hauteur de la conception, la fragilité vibratile de l’émission, l’intensité d’un geste habité, souverain, non par sa certitude mais sa justesse et sa vérité (Verbier été 2016).

 
 
 

Daniel Lozakovitch, le Menuhin du XXIè ?
Premier cd d’un déjà très grand du violon

 
 

CLIC_macaron_2014Tout découle d’une conscience ample, et d’une compréhension parfaite de l’architecture des oeuvres. En signature exclusive pour 3 albums chez DG (contrat signé en juin 2016), voici donc le premier album de la série : jouer JS BACH en ouverture est un pari fou à son âge mais totalement réussi, si l’on en juge par les idées que le jeune interprète nous transmet. La maîtrise et la retenue distante que le jeune inteprrète sait maintenir dans son jeu lui évite minauderie, détails, maniérisme et démonstration de toute sorte.
La probité distingue son jeu d’une clarté et d’une simplicité exceptionnelles. N’écoutez que les 5 épisodes enchainés de la Partita BWV 1004 : l’enchaînement des deux derniers est à pleurer par le miracle d’une lecture évidente, habitée, d’une flexibilité émotionnelle sans fard (Gigue puis Chaconne). Ce premier disque est celui d’un futur très grand du violon. Et l’on se félicite qu’un si grand artiste, n’ait pas suivi le voeu de ses parents qui voulaient en faire un tennisman.

 
 
 

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CD, critique. JS BACH : Daniel Lozakovich, violon (Concertos BWV 1042, 1041 – Partita n°2 BWV 1004 – DG Deutsche Grammophon 4799372). Parution : le 8 juin 2018

 
 
 
 

CD critique. GLUCK : ORFEO (Naples 1774),Jaroussky,I Barrochisti, Fasolis 1cd Erato 2016-2017).

GLUCK ORFEO napoli 1774 fasolis jaroussky forsythe cd erato cd review critique cd par classiquenewsCD critique. GLUCK : ORFEO (Naples 1774),Jaroussky,I Barrochisti, Fasolis 1cd Erato 2016-2017). VERSION NAPOLITAINE. Diego Fasolis, en maestro inspiré nous dévoile une version peu connue de l’Orfeo gluckiste donnée triomphalement à Naples (après sa création originelle à Vienne en 1762) avec danses et arrangements spécifiques pour réussir sa création au moment du carnaval de 1774. D’emblée la tenue magistrale de l’orchestre sur instruments anciens, détaillée, colorée, vive et subtilement énoncée impose une parure idéale à cette version historiquement informée de l’Orfeo de GLUCK à la mode napolitaine. L’activité de l’orchestre, très fluide et nerveux, mais sans sécheresse s’impose de bout en bout. Le dramatisme rond jamais véritablement mordant mais parfaitement équilibré dans sa caractérisation demeure l’atout majeur de cette lecture très aboutie voire ciselée : elle n’a pas encore la force décuplée de la version parisienne une décennie plus tard (entre autres grâce au morceau qu’ajoute alors Gluck, la fameuse danse des Furies, d’une frénésie hallucinée/nante) mais ici, le souffle que projette dans le tableau des furies justement, et que doit assagir et séduire l’endeuillé Orphée (scène III, entrée aux enfers) le maestro maître des rebonds élégiaques (évocations des ombres heureuses aux Champs-Elysées, scène V) ou donc tragiques, Diego Fasolis, suscite notre plein enthousiasme.
Il s’agit de la version pour voix de contre ténor aigu à laquelle il n’est pas certain que le chant de Philippe Jaroussky, tout en acidité (souvent peu contrôlée) et en intonation univoque, malheureusement toujours égale apportent l’éclairage idéal: on sait la séduction du timbre du français mais force est de constater l’usure d’une voix de plus en plus aigre aux aigus tirés dont le médium préserve désormais la tessiture inégale et pleine de contorsions linguistiques assez surprenante.

Face à ce chant limité et artificiel, l’amour de la soprano Emöke Barath séduit, envoûte. De même, l’Euridice d’Amanda Forsythe est d’une élégance mozartienne et l’adjonction de son grand air de bravoure (pour satisfaire les caprices narcissiques de la prima donna et aussi satisfaire aux canons de l’opéra italien soit l’air peu joué ailleurs signé Lasnel / Naselli: « tu sospiri ») apporte un éclairage premier, majeur, grâce au timbre suave et idéalement incarné de la soprano : voilà qui donne une épaisseur inédite au personnage d’Euridice ; on comprend mieux que dans la scène VI, la ressuscitée confrontée à l’apparente froideur de son aimé, provoque son retournement fatal en pleine ascension salvatrice. La jeune soprano vole la vedette au contre-ténor français. Son chant reste sincère et juste malgré l’écriture ornementée, un rien bavarde de Lasnel. L’expression de l’amoureuse perdue, démunie, déconcertée est totalement réussie.
Le choeur demeure honnête parfois appliqué mais articulé. Les vrais protagonistes restent les instruments anciens, idéalement canalisés sous la baguette d’un orfèvre épris de sensualité tragique : maestro Fasolis. Pilotant avec flexibilité et efficacité ses I Barrochisti, le chef diseur et lui aussi poète, souligne ce qui fait la force de l’opéra révolutionnaire de GLUCK aidé de son librettiste Cazalbigi, sa grande cohésion continue, son souffle unitaire : un chef d’Å“uvre et une épure dramatico tragique conçue selon les divines proportions d’un relief antique.

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CD, critique. GLUCK : ORFEO (Naples 1774),Philippe Jaroussky, Emöke Barath, Amanda Forsythe, I Barrochisti, Diego Fasolis, 1cd Erato 2016-2017)

CD, critique. MUSICA NOVA : Jordi Savall (viole soprano) et Hespèrion XXI (1 cd Alia Vox)

ALIA-VOX-critique-cd-classiquenews-MUSICA-NOVA-savall-review-cdCD, critique. MUSICA NOVA : Jordi Savall (viole soprano) et Hespèrion XXI (1 cd Alia Vox). En préambule de ce programme admirable, la notice rédigée par l’éditeur ALIAX VOX, elle-même très claire : «  Peut-être tout a-t-il commencé, dans les premiers jours du siècle naissant, ou peut-être au milieu d’une obscure nuit d’hiver de la belle année 1400. Un siècle où l’on commençait à connaître les merveilleuses histoires et les odyssées d’une ancienne civilisation millénaire redécouverte, celles de temps antiques (NDLR : l’Antiquité gréco romaine, à travers les vestiges et ruines patrimoniales toujours en place) dans lesquels les philosophes étaient des maîtres de sagesse et d’humanité et où la musique, entre les mains d’Orphée était capable d’amadouer les fauves les plus sauvages. Au milieu de tant de nouveautés et de merveilles, il n’est pas étonnant que quelque vieux ménestrel ait pu imaginer sur son instrument à corde, un son nouveau plus riche et plus expressif, en pensant à une musique nouvelle, une ’musica nova’ qui permettrait de fusionner sur un seul instrument le chant amoureux de l’ancienne fidula d’arc, du rebab ou du rebec des troubadours avec les douces pulsations du vieux luth mauresque, porteur de belles harmonies et de rythmes pleins de joie. Ce luth mauresque, un instrument qui fut remplacé par la vihuela de mano ou viole de main, après les successives expulsions d’Espagne des Juifs en 1492 et des Maures en 1609. »
Voilà posée l’équation d’un phénomène qui a marqué le renouveau des arts et de la culture en Europe au XVè : la Renaissance ou la redécouverte de l’Antiquité, de ses proportions harmoniques, de sa philosophie et de son esthétique d’une beauté à couper le souffle.
Sur les traces de ce nouveau langage qui évidemment concerne l’écriture musicale et surtout l’instrumentarium ainsi réinventé, Jordi Savall restitue ce consort de violes qui représente l’idéal sonore d’un temps de redécouverte. Ainsi naît la viole Renaissance (6 cordes / 7 frettes) dont les premières images sont produite à Valence et Barcelone, en terres catalanes pour le plus grand plaisir du chef natif, à la fin du XVè…
CONSORT DE VIOLES à 5 instruments : La musique nouvelle depuis 1400, s’affirme alors, en véritable chambrisme où, ici, dialoguent, s’écoutent, répondent les 5 instruments à cordes : violes de gambes soprano (Savall et Pierlot), viole ténor (Casademunt), basse de viole (Duftschmid), sans omettre le violone (Puertas)… soit un quintette qui rétablit la présence vibratile, poétique d’un chœur instrumental qui a posé dès le XVè à travers l’expérience collective canalisée, les fondements de notre musique de chambre européenne. Aux cordes résonantes solistes, s’invitent selon les pièces, les percus (Estevan), l’archiluth (Solinis), le théorbe et la guitare (Diaz-Latorre). C’est donc aussi un collectif d’individualités au tempérament et à la personnalité très affinée, mais ouverte à l’autre, qui incarne une odyssée humaine, car ces musiciens là, réunis autour de leur pair (et non pas chef : il faut assister à un concert d’Hesperion XXI pour mesurer l’humilité fraternelle qui rayonne du geste intérieur et bienveillant de Jordi Savall à l’adresse de ses complices), réalise aussi une utopie collégiale d’une rare entente. Complicité, égalité composent ici un tout autre fonctionnement musical et interprétatif qui fait rupture avec le dispositif hyper conventionnel du concert traditionnel, où un musicien autocélébré chef, « dirige » les autres. A travers cette fraternité musicienne, Jordi Savall a toujours défendu l’idée d’un vivre ensemble, d’un penser ensemble concret, vivant, accessible, grâce à la pratique musicale. Une réalité qui fait exemple et modèle aujourd’hui.

 
 
 

Jordi Savall et Hespérion XXI ressuscitent la magie du consort de violes

Joyaux chambristes des XVIè et XVIIè siècles

 
 
 

savall-festival-fontfroideAvec la viole Renaissance, se précise le chant spécifique de l’instrument, cordes résonantes et expressives désormais dont l’âme propre exprime une individualité instrumentale inédite. A Venise dès 1540 (recueil « Musica Nova » édité alors, et qui donne son titre au présent album), se développe une riche littérature de manuscrits pour instruments seuls, sans la voix. les Canzone per sonare régénèrent et réinventent les danses, la complexité contrapuntique. Le parcours passionnant du programme débute logiquement à Venise en 1500 (série de 4 danses vénitiennes : Pavanne royal, gaillarde, el todescho, Saltarello), passe entre autres par un Ricercar d’Andrea Gabrielli (musicien à Venise), puis en vaste tour d’Europe, réssuscite l’Angleterre elisabetaine et jacobéenne de Dowland, Gibbons, William Brade… ; fait escale à Hambourg en terre germanique (Paduan, dolorasa, Allemande (évidemment) et Gaillarde de Samuel Scheidt (intériorité à la fois spirituelle et sensuelle du premier Baroque) ; puis, préparé par La Cetra du vénitien (toujours) Legrenzi, transporte en France, à la Cour de Versailles, (1680) où sous Louis XIV, Marc Antoine Charpentier écrit sa conception d’une conversation pour violes : Concert pour quatre parties de violes (H 545). Soit 6 sections d’un cycle lumineux et ciselé qui compte 2 gigues (anglaise et française) et s’achève par une Passacaille. Enfin, source d’une fierté native bien légitime, l’Espagne baroque finit la boucle dans Folias & Danzas ibéricas (1680-1700), complétant une traversée qui s’achève avant l’avènement du XVIIIè : San Lorenzo, Araujo et surtout Joan Cabanilles que Savall s’est ingénié à ressusciter de concerts en cd : sa « Corrente italiana » palpite et s’embrase à travers l’intimité collective des fameux 5 instruments à cordes, auxquels s’ajoutent théorbe et tambour. Le visuel de couverture, les fameuses Noces de Cana de Véronèse souligne cette apothéose du chambrisme Renaissance où les musiciens de cette philosophie appliquée sont placés au centre, et au premier plan de la toile spectaculaire.
CLIC_macaron_2014Méditatifs, jusqu’à être vaporeux et évanescents, en maîtres de l’ombre et de lumière, expressifs mais mesurés et nuancés, les instrumentistes d’Hesperion XXI subliment cet essor révélé de la musique de chambre, déjà pratiquée à très haut niveau au XVIè et XVIIè siècle. Un modèle du genre, que perpétuent aujourdh’ui, d’une génération à l’autre, le jeune ensemble sur instruments anciens, Les Timbres (remarquable cd des Concerts royaux de François Couperin, édité simultanément au printemps 2018, et comme MUSICA NOVA de Jordi Savall, élu CLIC de CLASSIQUENEWS de mai 2018).

 
 
 
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Track listing MUSICA NOVA :
1500 DANZE VENEZIANE :
1-4. Anonimo Pavana del Re – Galliarda la Traditora – El Todescho – Saltarello 6’06

1540 MUSICA NOVA
5. Hieronimus Parabosco Ricercare XIV « Da Pacem »
2’16

1589 RICERCARI & CAPRICCI
6. Giovanni Battista Grillo
Capriccio V
2’27

7. Andrea Gabrieli Ricercar VII
2’38

1612 ELIZABETHAN & JACOBEAN CONSORT MUSIC
8. John Dowland Lacrimae Pavan 3’43
9. John Dowland The King of Denmark Galliard 1’32
10. Orlando Gibbons In Nomine a 4 2’21
11. William Brade Ein Schottisch Tanz 2’53

1621 LUDI MUSICI. HAMBURG
12-15. Samuel Scheidt
Paduan V – Courant Dolorosa –Allemande XVI – Galliard Battaglia XXI 13’18

1644 CORONA MELODICA
16. Biagio Marini Passacaglia à 4 3’11

1673 LA CETRA17. Giovanni Legrenzi Sonata sesta a 4 Viole da gamba 5’42

1680 LE CONCERT DE VIOLES À LA COUR DE LOUIS XIV
Marc-Antoine Charpentier : Concert pour quatre Violes (H.545)
18-23. Prélude – Allemande – Rondeau – Gigue anglaise – Gigue française – Passecaille 21’24

1680-1700
FOLÃAS & DANZAS IBÉRICAS
24. Pedro de San Lorenzo Folia (Obra de 1er Tono, N. 10) 3’32
25. Pedro de Araujo Consonancias de 1º Tom 2’56
26. Joan Cabanilles Corrente italiana 3’16

 
 
 

distribution :
HESPÈRION XXI
Philippe Pierlot, Sergi Casademunt, Lorenz Duftschmid, violes de gambe
Xavier Puertas, violone · Xavier Díaz-Latorre, archiluth, théorbe & guitare ·
Enrike Solinis, archiluth . Pedro Estevan, percussion
Jordi Savall viole de gambe (soprano) et direction

Enregistrement les 6 et 7 d’avril à la Collégiale de Cardona (Catalogne) par Manuel Mohino.Montage et Masterisation SACD : Manuel Mohino (Arsaltis)

 
 
 

CLIC de CLASSIQUENEWS de mai 2018

CD, critique. MUSICA NOVA : Jordi Savall (viole soprano) et Hesprion XXI (1 cd Alia Vox)  
 
 
https://www.alia-vox.com/fr/catalogue/musica-nova/
 
 
 

CD, compte rendu critique. LA REVEUSE : MARIN MARAIS, Pièces de viole (1 cd Mirare, 2016 et 2017).

MARAIS MARIN pieces de viole cd la reveuse critique cd review cd par classiquenews 927bce66-9c57-41c3-ad24-f59205758d34CD, compte rendu critique. LA REVEUSE : MARIN MARAIS, Pièces de viole (enregistré en 2016 et 2017). La Rêveuse choisit une collection de pièces de violes parmi les deux derniers Livres de Marin Marais, publiés en 1717 et 1725. A l’heure où l’histoire semble se précipiter (mort de Louis XIV en 1715, régence de Philippe d’Orléans, puis avènement du jeune Louis XV en 1723 à 14 ans), Marin Marais impose une virtuosité pour la viole inégalable : il a pour seul rival Forqueray. On aime souvent opposer la rondeur mondaine et opportuniste de Marais, au feu passionné, sauvage de Forqueray.

Sur les traces de ces deux étoiles de la viole baroque française, (l’Ange et le Démon), La Rêveuse trouve l’élégance du geste juste, la vérité des accents les plus nuancés pour exprimer tout ce que fait le charme et la séduction de l’écriture de Marais.
Un laisser agir, une grâce faite d’abandon et de tension, qui se rapproche de fait de cette « sprezzatura » ou naturel, grâce auquel, la difficulté s’efface sous l’illusion de la facilité.
Tout en ciselant cette grâce du geste qui distingue Marais en son temps, à la fois, compositeur et interprète, La Rêveuse éclaire aussi sa sensibilité pour la couleur et les tonalités (comme le précise avec raison Florence Bolton dans le texte très bien argumenté de la notice accompagnant le cd).

L’ELOQUENTE POESIE DE MARIN MARAIS

Les instrumentistes montrent ici combien dans ses 2 derniers Livres, Marais aime caresser et modeler avec un sens nouveau de la transition et des nuances. En cela, les interprètes soulignent l’apport de la facture française propre aux recherches de Marais : manche renversé, surtout 7è corde, grave, propre à faire vibrer l’humeur mélancolique.
Flattant et cultivant la pénombre et les zones instables, Marais favorise un imaginaire nouveau, plus allusif et poétique que démonstratif et virtuose : tel est l’enjeu et le caractère du Badinage par exemple (au fa dièse fragile et presque inquiet) où la voix basse doit murmurer littéralement (dans l’esprit des amants du peintre Watteau – en couverture du cd-, nostalgiques, saturniens, presque dépressifs).

Eloquents et flexibles, les instrumentistes de la Rêveuse savent faire chanter et même parler violes, clavecin et théorbe au diapason de cette palette de l’introspection. Une esthétique qui s’appuie aussi sur la précision presque maniaque avec laquelle Marais (comme François Couperin au même moment) note les « agréments » (nuances et accents requis pour respecter l’esprit et le caractère de chaque pièce). Même « batterie de signes » chez Marais, à l’esprit pointilleux car il sait l’enchantement et l’ivresse même que peuvent produire ses pièces si l’on respecte ses indications à la lettre (et jusqu’à la ponctuation chez Couperin) : la collection que nous proposent les musiciens de la Rêveuse le démontre à l’envi.

Exigeant et défricheur voire expérimental, Marais nous stupéfie totalement dans le livre V par exemple où règne Le Tact, qui révèle un nouveau pizzicato de la main gauche…
Comme Couperin, Marais réinvente la notion de Suite, qu’il écarte à la faveur d’une suite de Caractères, autant d’épisodes investis dramatiquement comme autant de miniatures spécifiquement caractérisées. Couperin est aussi présent à travers deux pièces transposées pour le théorbe (pratique attestée par Robert de Visée et qui témoignent du succès des oeuvres pour clavecin de Couperin). Portrait émotionnel, séquence dramatique liée à une expérience particulière (vraies scènes de genre, comme en écho à la vie sociale du compositeur…, à la Cour, à la ville…) ; ainsi Le jeu du volant (ancêtre du Badminton… mais pratiqué au sein des classes les plus aisées); de même, sont brossés avec une nouvelle intensité poétique (et grand naturel technicien) : la vivante Biscayenne, le Doucereux, La Provençale, et dernier opus de la collection, La Rêveuse, divin miroir de la Mélancolie. Mais parmi les paysages climatiques et sociétaux, distinguons l’inénarrable Fête Champêtre, évocation quasi picturale, avec ses seconds plans sonores où résonnent selon le goût d’alors, la musette et le tambourin, qui font fureur à la ville. Subtile, doués d’une sonorité enchanteresse, les instrumentistes de La Rêveuse composent ici l’un de leurs meilleurs programmes dédiés aux poètes coloristes baroques : Couperin et Marais évidemment. Magistral sélection, geste convaincant. CLIC de CLASSIQUENEWS de janvier 2018.

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CLIC_macaron_2014CD, compte rendu critique. LA REVEUSE : MARIN MARAIS, Pièces de viole — 1 cd Mirare, enregistré en 2016 et 2017. CLIC de CLASSIQUENEWS de février 2018.

RINALDO de HAENDEL (1711)

Bruxelles : Tamerlano et AlcinaANGERS NANTES OPERA. HAENDEL : Rinaldo, 24 janv – 6 fév 2018. Un couple brillant s’impose ici, Rinaldo / Renaud et Almirena, la fille de Goffredo, le chef des armées des croisés venues assiéger et conquérir Jérusalem. Dans la cité occupée par les musulmans, Argante tente vainement de sauver son trône et ses privilèges grâce à la magie de son amante la perfide et fourbe Armida (figure emblématique des sorcières baroques, noires et manipulatrices). La force de la partition de Haendel est de marier l’héroïque et le fantastique, labyrinthe poétique propre à régénérer le genre de l’opera seria moribond et trop mécanique ; les failles qu’il sait y développer offrent par instants, de superbes portraits individuels où percent la folie et la vulnérabilité maladie des hommes. L’Amour est un poison délicieux et mortel. Même si l’amour et la vertu triomphent, il faut que les héros passent par l’épreuve du doute, du soupçon, de la haine et de la trahison.
Avec Rinaldo (1711), le jeune Haendel, saxon âgé de 26 ans, qui vient de finir son tour italien, offre son premier opéra italien à Londres. Le triomphe est total : il scelle d’heureuses noces entre l’étranger et la public londonien. Haendel apporte tout à Angleterre : l’opéra seria et bientôt l’oratorio d’abord italien, ensuite spécifiquement anglais… une trajectoire inouïe dans l’histoire de l’opéra baroque et dans l’Histoire musicale tout court.

Présentation de Rinaldo de Haendel sur le site d’Angers Nantes Opéra :

« En ce début de XVIIIe siècle à Londres, on craignait Georg Friedrich Haendel autantrinaldo qu’on l’admirait. Celui qu’on avait surnommé le grand ours parce qu’il était grand et massif, était célèbre pour ses colères. Ne l’avait-on pas vu donner des coups de pied à ses musiciens inattentifs ou leur jeter leurs instruments à la figure quand ils ne parvenaient pas à suivre ses indications ? Force de la nature, glouton et solitaire, souvent débraillé, déambulant dans les rues en parlant à haute voix, Haendel n’avait rien d’un gentleman mais avait conservé sa rudesse allemande et l’héritage d’érudition de sa ville natale, l’universitaire Halle.
Sa puissance physique, son caractère volontaire, rigoureux, il les mit entièrement au profit de son oeuvre et de son ambition, de Halle, où il se forme, à Hambourg où il se révèle à dix-huit ans avant que d’y créer son premier opéra, Almira, à tout juste vingt ans. Puis en Italie dans laquelle son talent brille à Florence, Rome, Naples et Venise où son opéra Agrippina connaît un tel triomphe qu’il peut s’en servir comme d’un prestigieux marchepied pour atteindre, conquérir Londres, qu’il désire, à seulement vingt-cinq ans.
Bourreau de travail, sans autres plaisirs connus que ceux de la musique et de la table, passant rarement plus de trois semaines pour composer un opéra ou un oratorio, capable de corriger ses erreurs en trois nuits si le public n’est pas aussitôt conquis, le jeune prodige fascine le beau monde, est introduit à la Cour d’Angleterre où la reine Anne le reçoit avec enthousiasme. On l’admire brillant claveciniste et organiste, on savoure la rigueur architecturale de ses compositions, on s’extasie de sa maîtrise de l’art du théâtre, on aime son exotique parfum musical qu’il a importé d’Italie. On espère aussi son autorité salvatrice.
Et, en effet, la brutalité de Haendel apporta le salut tant désiré à la scène londonienne, menacée de périr quand la mode de l’opéra italien, en gloire depuis 1706, aurait fini par disparaître de ses excentricités. Car les divas que sacrait cet opéra multipliaient les caprices, ne voulaient plus chanter qu’à prix d’or, exigeaient crânement qu’on réécrive leurs rôles pour mieux servir leur talent… et leur prétention. Haendel remit de l’ordre, voulut même passer par la fenêtre une prima Donna qui refusait sa partition. Les mélomanes anglais avaient longtemps espéré, attendu un maître digne de remplacer Henry Purcell, Haendel leur a offert plus qu’ils n’espéraient, lui qui, même vieillissant, même devenu aveugle, continua de composer, demeurant fidèle à sa patrie d’adoption jusqu’à sa mort à l’âge de soixante-quatorze ans.”

 
 
 

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RINALDO de HAENDEL par ANGERS NANTES OPERA
OPERIA SERIA – EN TROIS ACTES.
Livret de Aaron Hill et Giacomo Rossi. Créé au Queen’s Theater de Londres le 24 février 1711.

 
 

NANTES THÉÂTRE GRASLIN
mercredi 24, vendredi 26,
dimanche 28, lundi 29, mercredi 31 janvier 2018

 

ANGERS GRAND THÉÂTRE
dimanche 4, mardi 6 février 2018

en semaine à 20h, le dimanche à 14h30

 
 

RESERVER VOTRE PLACE
http://www.angers-nantes-opera.com/rinaldo.html

 
 
 

distribution :

DIRECTION MUSICALE BERTRAND CUILLER
MISE EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHIE CLAIRE DANCOISNE

AVEC
Paul-Antoine Bénos, Rinaldo 
Lucile Richardot, Goffredo 
Emmanuelle de Negri, Almirena 
Aurore Bucher, Armida 
Thomas Dolié, Argante

Ensemble Le Caravansérail
Bertrand Cuiller (direction)

CD, compte rendu, critique. BERLIOZ : Les Troyens. John Nelson (4 cd + 1 dvd / ERATO – enregistré en avril 2017 à Strasbourg)

berlioz-les-troyens-didonato-spyres-nelson-3-cd-ERATO-annonce-cd-premieres-impressions-par-classiquenewsCD, compte rendu, critique. BERLIOZ : Les Troyens. John Nelson (4 cd + 1 dvd / ERATO – enregistré en avril 2017 à Strasbourg). Saluons d’emblée le courage de cette intégrale lyrique, en plein marasme de l’industrie discographique, laquelle ne cesse de perdre des acheteurs… Ce type de réalisation pourrait bien relancer l’attractivité de l’offre, car le résultat de ces Troyens répond aux attentes, l’ambition du projet, les effectifs requis pour la production n’affaiblissant en rien la pertinence du geste collectif, de surcroit piloté par la clarté et le souci dramatique du chef architecte, John Nelson. Le plateau réunit au moment de l’enregistrement live à Strasbourg convoque les meilleurs chanteurs de l’heure Spyres DiDonato, Crebassa, Degout, Dubois… Petite réserve cependant pour Marie-Nicole Lemieux qui s’implique certes, mais ne contrôle plus la précision de son émission (en Cassandre), diluant un français qui demeure, hélas, incompréhensible. Même DiDonato d’une justesse émotionnelle exemplaire, peine elle aussi : ainsi en est-il de notre perfection linguistique. Le Français de Berlioz vaut bien celui de Lully et de Rameau : il exige une articulation lumineuse.
La Chute de Troie convoque des personnages qui se font individualités fortes : désespérée, mais sublimes (selon l’idéal de Berlioz qui recherche chez Gluck, la grandeur humaine, la noblesse morale quelque soit la situation et le destin) : ainsi le Chorèbe de Stéphane Degout, hier servi avec peut-être plus de distinction encore, par l’inusable et altier Ludovic Tézier ; idem dans la seconde et dernière partie, Les Troyens à Carthage dont l’orchestre sait aussi sculpter avec une volupté lascive, les couleurs africaines.
A défaut d’un français parfait, le sens commun resserre la cohésion de l’équipe dans l’exactitude du sentiment et du caractère de chaque scène. Saluons après un Jon Vickers légendaire sous la direction de Colin Davis (référence absolue), l’américain Michael Spyres (qui aux côtés d’Enée, chante aussi chez Berlioz, un remarquable et très humain, Faust). La ligne, la pureté du style le distinguent de ses partenaires. Torche vivante, embrasée, amoureuse passionnée qui se consume totalement, la Didon de Joyce DD marque les esprits par la vérité de son incarnation, moins l’éloquence linguistique de son personnage. Elle est donc plus organique et féline, sauvage mais princière qu’aristocratique par un verbe ciselé. Mais les nuances et les couleurs fauves d’une grande tragédienne sont bien là : proches du sublime.
Le soin apporté aux « seconds rôles » fait les grandes réalisations. Saluons aussi le Narbal épatant de Nicolas Courjal, comme l’HyIas de Stanislas de Barbeyrac, le Iopas de Cyrille Dubois, deux figures montantes du chant français (baroque autant que romantique), de même la sentinelle très juste de Richard Rittelmann au tout début de l’épopée…

CD. BERLIOZ : Les Troyens maîtrisés de John NelsonArchitecte, soucieux de la direction globale comme de la grande lisibilité des scènes, entre l’individuel (qui prime dans le destin tragique du couple Didon / Enée dans la seconde partie), et la flamme collective où souffle le vent de la fresque virgilienne, John Nelson réalise une approche plutôt sérieuse et construite. Pourtant sans atteindre la vérité et la profondeur de Colin Davis, Nelson accomplit une lecture structurée, construite où s’assume aussi la belle présence des choeurs requis pour l’expérience strasbourgeoise. Du beau métier, solide et expressif. Mais… reconnaissons que le français et sa lisibilité continuelle manquent cruellement ici. En 1969, Colin Davis savait autrement maîtriser l’éloquence déclamatoire mais si naturelle du texte berliozien, d’une grandeur humaine, juste et poétique. Nonobstant nos infimes réserves, la lecture de Nelson 2017 s’impose par son nerf, sa franchise expressive, son relief dramatique global; l’engagement des chanteurs, prêts à caractériser leur partie, malgré un français vraiment inintelligible pour certains. Même perfectible, cette version est une production lyrique ambitieuse, qui dans sa version enregistrée, alliant l’audio et la vidéo, – 4cd et 1 dvd-, doit être soulignée en gras, – nouveau fleuron Erato, élément moteur qui régénère l’industrie du disque en pleine crise.

 

 

 

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CD, compte rendu, critique. BERLIOZ : Les Troyens. John Nelson (4 cd + 1 dvd de 1h25mn / ERATO – enregistré en avril 2017 à Strasbourg).

CLIC_macaron_2014BERLIOZ : LES TROYENS. Opéra en 5 actes et 2 parties : La Prise de Troie et Les Troyens à Carthage. Livret du compositeur, d’après L’Énéide de Virgile. Création en allemand à Karlsruhe au Hoftheater le 6 et 7 décembre 1890 — Première partie créée en français, le 4 novembre 1863 à Paris, au Théâtre Lyrique / Seconde partie créée en français, le 28 janvier 1891 à Nice, au Théâtre municipal

 

 

Par ordre d’apparition :

 

 

Un soldat (acte I), un capitaine grec (acte II) : Richard Rittelmann
Cassandre : Marie-Nicole Lemieux
Chorèbe : Stéphane Degout
Enée : Michael Spyres
Ascagne : Marianne Crebassa
Panthée : Philippe Sly
Hélènus, Hylas : Stanislas de Barbeyrac
Priam : Bertrand Grunenwald
Hécube : Agnieszka Sławińska
Ombre d’Hector, Mercure : Jean Teitgen

Didon : Joyce Di Donato
Anna : Hanna Hipp
Iopas : Cyrille Dubois
Narbal : Nicolas Courjal
Sentinelle I : Jérôme Varnier
Sentinelle II : Frédéric Caton

Chœur de l’Opéra national du Rhin
Direction : Sandrine Abello

Badischer Staatsopernchor
Chef du chœur : Ulrich Wagner

Chœur philharmonique de Strasbourg
Chef du chœur : Catherine Bolzinger

Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Direction musicale : John Nelson

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CD événement, critique: DOLCE DUELLO (Decca). Cecilia Bartoli et Sol Gabetta

Dolce-Duello-Edition-limiteeCD critique : DOLCE DUELLO (Decca). Cecilia Bartoli et Sol Gabetta. Deux tempéraments féminins s’accordent ici pour partager un goût d’une ineffable finesse, associant virtuosité et expressivité dans une série d’arches de plus en plus languissantes et sensuelles. Classiquenews avait relevé l’esprit napolitain, le piquant ensoleillé du visuel de couverture où les deux stars associées se tenant sous l’ombrelle, tout en enfourchant leurs Vespas emblématiques…. tout signifie ici car tout est cohérent. Il souffle une ivresse très latine, piquante, agile, plus rauque qu’auparavant, moins élastique peut-être, mais toujours remarquablement véloce et d’une belle intensité chez la mezzo romaine Cecilia Bartoli. Lui donne la réplique avec souplesse et finesse, le jeu tout en intelligence mordorée de la violoncelliste argentine Sol Gabetta. La sélection a retenu des airs lyriques extraits d’opéras dont plusieurs premières, avec violoncelle obligé : ce sont deux voix pour un chant d’une volupté ardente, vive, palpitante, combinant vocalité du violoncelle, chaleur ambrée et chaleureuse de la voix. Le programme avait été lancé / créé au dernier festival estival de Gstaad en Suisse, fin août 2017, où rayonnait la complicité des deux personnalités. Sol Gabetta n’en est pas à sa première expérience : on se souvient d’un disque d’une même eau complice réalisé avec le piano d’Hélène Grimaud.

A 2 voix égales, Cecilia Bartoli, Sol Gambetta

Sous l’ombrelle, 2 Lolitas s’alanguissent et palpitent…

Ici règne ce mélange ensorcelant d’agilité, et d’abandon, de nerf et de tendresse, diversemment mesurés, déployés avec l’instinct musical et l’intelligence de deux authentiques divas de l’intention et de la finesse, sachant l’une comme l’autre nuancer, colorer, moduler pour exprimer non plus la séduction de la musique, mais son sens sur le plan émotionnel.

GABETTA BARTOLI dolce duello cd DECCA presentation impression par classiquenewsSur la trace des castrats créateurs de la plupart des airs ici restitués (en première mondiale pour certains), Cecilia Bartoli a sélectionné en complicité avec Sol Gabetta plusieurs airs d’une langueur virtuose rare : celle du vénitien du XVIIè, Antonio Caldara dont deux airs sont retenus ; mais aussi paraissent Domenico Gabrielli – ici la révélation de l’album dans « Aure voi de’ miei sospiri« , Air d’Inomenia extrait de San Sigismondo, re di Borgogna (1687), mais aussi Haendel ou Vivaldi dont Cecilia Bartoli incarne les tiraillements de Vitellia du Tito Manlio (acte I)…, – certains autres airs, réalisant l’équation délicate de l’agilité et la sincérité expressive. La tristesse et la profondeur funèbre d’Alceste de l’Arianna in Creta de Haendel, se déploie dans les mélismes et du violoncelle et de la maezzo suave, alangie (1734). Mais c’est certainement dans la gestion de la ligne vocal, sur le souffle, que Bartoli s’affirme dans Nitocri de Caldara (un inédit de 1722), qui ouvre ce formidable programme, équilibré et progressif tout en soignant la contraste des séquences dramatiques. Du Vénitien, Gianguir de 1724 permet non pas un duel, mais la confrontation de deux intensités éperdues, frénétiques, violoncelle et voix, très subtilement imbriqués. Du bel ouvrage pour des partitions méconnues qui trouvent deux ambassadrices au charme convaincant.
Sol Gabetta, en conclusion du programme, joue le Concerto opus 34 de Luigi Boccherini, d’une virtuosité là encore intérieure ; la soliste toujours très subtile, éclaire le parcours sentimental et émotionnel avec les instrumentistes de Cappella Gabetta (Andres Gabetta, direction). De sorte que ce bouillonnement tendre et sculpté avec finesse, double sur le plan purement instrumental, l’éclat, la brillance et la sincérité des tourments et extases précédemment incarnés sur le plan vocal. Belle et tendre association.

Programme du cd Dolce Duello :

01. Antonio Caldara : « Fortuna e speranza« , Air de Emirena extrait de Nitocri (1722)
02. Tomaso Albinoni : « Aure andate e baciate« , Air de Zefiro extrait de Il nascimento dell’Aurora (1710)
03. Domenico Gabrielli : « Aure voi de’ miei sospiri« , Air de Inomenia extrait de San Sigismondo, re di Borgogna (1687)
04. Antonio Vivaldi : « Di verde olivo », Air de Vitellia extrait de Tito Manlio (1719)
05. Georg Friedrich Haendel : « What passion cannot Music raise and quell!« , Air extrait de Ode for St. Cecilia’s Day (1739)
06. Antonio Caldara : “Tanto e con sì gran pena », Air extrait de Asaf extrait Gianguir (1724)
07. Georg Friedrich Haendel : « Son qual stanco pellegrino« , Air d’Alceste extrait de Arianna in Creta (1734)
08. Nicola Porpora : « Giusto Amor, tu che m’accendi », Air d’Adone extrait de Gli Orti esperidi (1721)
09-11. Luigi Boccherini : Concerto pour violoncelle, op. 34

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CLIC_macaron_2014CD événement, critique : DOLCE DUELLO (Decca). Cecilia Bartoli et Sol Gabetta – Parution le 10 novembre 2017. Prochaine grande critique du cd Dolce Duello le jour de la parution du cd – Gradn entretien exclusif avec Sol Gabetta à venir sur CLASSIQUENEWS.COM

LIRE aussi notre dépêche annonce du cd DOLCE DUELLO par Cecilia Bartoli et Sol Gabetta

CD événement, annonce. JS BACH : BRANDENBURG CONCERTOS / REINHARD GOEBEL (2 cd SONY classical, 2016).

BACH JS BRANDEBOURG CONCERTOS berliner barock solisten reinhard goebel 2 cd sony classical critique cd review cd presentation par classiquenews CLIC de classiquenews decembre 2017 cadeau de NOEL 2017  dossier cd de NOEL 2017  le must to share._SX522_CD événement, annonce. JS BACH : BRANDENBURG CONCERTOS / REINHARD GOEBEL (2 cd SONY classical, 2016). Reprise réjouissante. 30 années après avoir gravé une première et légendaire approche sur instruments d’époque des Concertos Brandebourgeois , – alors avec son ensemble aujourd’hui disparu Musica Antiqua Köln, le violoniste ressuscité, plus inspiré et chantant que jamais, Reinhard Goebel, devenu chef, propose (ici fin 2016) une nouvelle version juvénile, superlative du cycle flamboyant signé par un Bach des plus aimables et mondains. Le chef a réuni un collectif d’instrumentistes épatants qui savent mêler virtuosité, finesse, total engagement et précision. On croirait qu’ils viennent d’exhumer la partition et la lire avec un enthousiasme premier.
Les 6 Concertos mythiques, complété par la sinfonia BWV 174 – aux deux mouvements où les cordes décollent et s’embrasent en une chorégraphie en lévitation, illustrent avec éloquence et entrain tout ce que l’intelligence musicale peut accomplir, décidant des partis interprétatifs. Il en résulte une lecture qui saisit par sa coupe nerveuse et tonique, un bain d’énergie et un festival de timbres (cordes, vents et cuivres d’une santé concurrentielle) qui est aussi vivier de nuances en constante réinvention.
Avec un nouvel ensemble berlinois – Berliner Barock Solisten, le père de la révolution baroque après Harnoncourt, renoue avec ce qui manque chez beaucoup de virtuoses de la jeune génération baroqueuse actuelle, le sens du risque, le goût de l’expérimentation, profitant de ce que le Baroque proche de l’improvisation, permet une infinité d’options possibles dans la résolutions des phrasés, de la dynamique, de la balance, de l’articulation, de l’équilibre instrumental…
Force est de constater que le « vétéran » Goebel regorge aujourd’hui d’idées, cultive une imagination jamais au repos, préfère comme ici, repousser encore les limites de l’expressivité surprenante. Parmi d’autres joyaux accomplis, le pétulant BWV 1048, n°3, regorge et d’allant, d’articulationet de fluidité impérieuse. La frénésie et l’élégance sont idéalement canalisées au service de la jubilation.
Voici assurément le triomphe de l’imagination, de la liberté servie par une expérience, une vision, un engagement de premier fervent. C’est bien d’une seconde jeunesse, passionnante par les chemins de traverse qu’il nous fait découvrir s’agissant d’un cycle que l’on croyait connaître de fond en comble. Lecture jubilatoire. Prochaine grande critique dans le mag cd dvd livres de classiquenews

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CLIC D'OR macaron 200CD événement, annonce. JS BACH : BRANDENBURG CONCERTOS / REINHARD GOEBEL (2 cd SONY classical, 2016) – enregistrement réalisé à Berlin, diapason 442, en juillet et décembre 2016. CLIC de classiquenews de novembre et décembre 2017.

CD événement, annonce. In Excelsis Deo. Desmarest / Valls (2 sacd Alia Vox – Jordi Savall, 2016)

CD ALIA VOX critique annonce presentation review in exelcis deo jordi savall valls desmaret compte rendu critique review cd classiquenewsCD événement, annonce. In Excelsis Deo. Desmarest / Valls (2 sacd Alia Vox – Jordi Savall, 2016). Voici un disque éloquent, solennel qui replace avec quel sens de l’actualité brûlante (hasard heureux / malheureux du calendrier) la question de l’identité catalane (ici baroque). En exhumant la Missa Scala Aretina du catalan Francesc Valls (1671-1747), créée en pleine Guerre de succesison d’Espagne, à Barcelone en 1702, Jordi Savall et ses troupes catalanes sur instruments d’époque, souligne cette spécificité artistique, esthétique qui place Barcelone au début du XVIIIè au rang des capitales ferventes les plus démonstratives, mais aussi les mieux caractérisées. Un disque à l’indiscutable valeur artistique qui pose avec raison la question de la singularité culturelle catalane dans le contexte indépendantiste de cette fin 2017.
La Missa Scala Aretina (1702) révèle une connaissance approfondie des styles français, italien, germanique, ce à une époque située avant la résolution spectaculaire de la guerre de succession d’Espagne, survenue avec la chute de Barcelone, le 11 septembre 1714. Valls se rapproche ainsi d’un certain Biber, autre compositeur du XVIIè – mais qui précède Valls, habile dans le traitement des effectifs multiples sous la voûte (pour Biber, celle de la cathédrale ou Dom de Salzbourg), et en particulier de sa Messe Bruxellensis à 23 parties (dont 2 choeurs de 4 chanteurs distincts) que Jordi Savall a abordé dans un autre enregistrement. Ecrite pour 11 parties, la Missa Scala Aretina engage 3 choeurs (de 3, 4 et 4 solistes) plus 2 violons (doublés par les hautbois), 1 violoncelle, 2 orgues, 1 harpe and 2 trompettes (plus 1 violone et 1 trombone, ajouté selon l’usage avéré de l’époque).
Ce qui frappe immédiatement ici c’est la franchise du style, portée par une joie irrépressible et inexorable, riches en effets et contrastes, le développement d’un contrepoint complexe, aux architectures savantes, qui comprend des passages concertants d’une belle intériorité, ce malgré les cuivres (trompettes) au chant d’une solennité permanente. Se distinguent les sextuors du Qui tollis peccata mundi, les quatuors de l’Et incarnatus est où s’affirment a contrario chaleur et tendresse. Mais c’est essentiellement le parcours des dissonances si personnelles (début de l’Agnus Dei) qui caractérise l’écriture de Valls, dont la ferveur s’écarte d’une majesté uniquement superfétatoire : l’atténuation et la délicatesse intérieure que sait y déployer chef et musiciens, servent le dévoilement du génie catalan baroque, dans les dernières années du règne de Louis XIV.
CLIC_macaron_2014SAVALL-582-390-jordi-savall-l-orfeo-reeditionCouplée à la Messe à deux choeurs de Desmarets (Versailles, 1704) donc crée deux années plus tard, la Missa de Valls rend justice à une maturité musicale qui renforce de facto l’idée d’une spécificité catalane. Plus de 300 ans après sa création, la partition porte fièrement l’acuité stylistique d’un compositeur dont on peut plus gommer l’originalité. Il est passionnant de comparer les deux oeuvres et les climats distincts qu’elle permettent d’identifier : la sonorité ample, voluptueuse des accents choraux de Desmarest renseigne parfaitement cette couleur versaillaise propre au Grand Siècle, où domine la marque de l’orchestre lullyste, à la fois solennel, grandiose et aussi d’une tendresse spécifiquement française.

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CD CLIC de CLASSIQUENEWS de novembre 2017. Grande critique à venir dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com – enregistré à Versailles en juillet 2016. 2 SACD ALIA VOX