Opéra de jeunesse
Dans le rôle travesti de l’empereur Otton, assez crédule pour se laisser berner par l’insatiable Cleonilla, la contralto Sonia Prina s’affirme par le timbre opulent et chaud, large et souple d’une voix impliquée, avec cet abattage proche du texte qui confère à chacun de ses airs, une vérité émotionnelle irrésistible.
On reste moins convaincu par Topi Lehtipuu qui tout en sachant briller par une articulation projetée séduisante, déçoit par des aigus tirés et limités, une palette dynamique moins étendue et affirmée que ses consoeurs, un maniérisme affecté qui réduit son personnage de Decio, à la caricature du bellâtre en pâmoison.
Or les nuances et l’ambivalence (cette folie qui menace tout amoureux soumis au doute et au poison de la jalousie paranoïaque) caractérise les opéras amoureux de Vivaldi: tout l’orchestre et les milles diaprures instrumentales qui s’y cachent, indiquent en effet cette profondeur que l’on peine à reconnaître chez l’opéra vivaldien (alors qu’il ne pose aucun problème chez Haendel), mais que, opportunément, Giovanni Antonini sait capter et remarquablement exprimer: en fait, v beaucoup mieux que ses confrères italiens Biondi (qui empoigne et trépigne) ou Alessandrini (moins riche et profond par un continuo trop lisse et poli). Nous voici donc avec un vivaldien parmi les plus aboutis et réfléchis de l’intégrale Naïve, avec les chefs Dantone et Sardelli.
Voilà donc un excellent document lyrique, nouvel accomplissement de l’intégrale vivaldienne en cours. Naïve rassemble les interprètes idoines pour exprimer la fureur du premier Vivaldi au théâtre. Ottone in villa reste son premier opus d’importance, créé à Vicenza (Teatro delle grazie) en 1713. A 35 ans, celui qui s’est déjà forgé une solide réputation comme compositeur de musique instrumentale (il est en outre un excellent violoniste), montre une capacité éblouissante dans la veine lyrique.
Antonio Vivaldi (1678-1741): Ottone in villa, 1713. Livret de Lalli. Avec Sonia Prina (Ottone), Julia Lezhneva (Caio), Cleonilla (Veronica Cangemi), Roberta Invernizzi (Tullia), Topi Lehtipuu (Decio). Il Giardino Armonico. Giovanni Antonini, direction.