vendredi 29 mars 2024

Wagner : les premiers opérasLes Fées, La Défense d’aimer, Rienzi (1828-1842)

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Avant de composer ses premiers opéras, Wagner est un jeune chef qui dirige de nombreux opéras dont il apprend le métier, l’écriture, les enjeux… vocaux comme dramatiques. Dès 15 ans à Leipzig (1828), le jeune compositeur apprend l’écriture musicale auprès de Theodor Weinlig, alors cantor à Saint-Thomas. Une première Symphonie en ut (1831) démontre un tempérament très tôt maîtrisé: bavard souvent, emporté toujours, entier et déjà fabuleusement épique.


Les Fées, La Défense d’aimer… vers Rienzi

Leipzig, Riga, Paris, Dresde (1828-1842)

Les premiers essais lyriques indiquent clairement l’assimilation du grand opéra français où les chœurs spectaculaires, les grands airs dramatiques, les finales d’acte sont particulièrement soignés: Les Fées composé à Wurtzbourg en 1832 (créé en 1888) quand il est justement chef des choeurs de l’Opéra, dérive directement de Weber et Marschner, les artisans de l’opéra romantique en germe.
A Magdebourg où il est chef d’orchestre en 1834, Wagner compose et fait crée La défense d’aimer en 1836 (au titre déjà annonciateur de tout son théâtre qui met en scène l’impossibilité de réaliser ses désirs):
Wagner y associe la grande forme d’Auber enrichie par la connaissance de l’opéra italien. C’est un échec qui l’amène à réfléchir sur une forme musicale où drame, action et chant sont étroitement fusionnés: il écrira désormais, comme Berlioz, ses propres livrets. A 23 ans, Wagner s’impose déjà comme compositeur et chef d’orchestre de talent: il épouse alors sa première compagne, l’actrice Minna Planer (1836), est nommé à Königsberg. En 1837, il est à Riga comme chef d’orchestre où s’élabore la trame de Rienzi, ouvrage décisif de la jeunesse qui synthétise tout ce que le compositeur a appris en dirigeant depuis la fosse, où il fusionne les formes spectaculaires et ses propres conceptions théâtrales. D’aucun ont jugé avec raisons que Rienzi était le dernier opéra de Meyerbeer. Le sujet historique, la force virile des personnages masculins, l’ampleur des finales (admirablement réussis) soulignent la filiation meyerbeerienne… que Wagner retrouvera encore dans Tannhäuser (1845), dans le septuor masculin de l’acte I, en particulier, qui rappelle les hommes des Huguenots du IV (1836).

Poursuivi pour dettes, Wagner s’enfuit de Riga: traverse la Baltique, rejoint Londres puis Paris où il arrive en 1839. Il souhaitait y faire représenter à l’Opéra, Rienzi dont la réussite formelle aurait plu au parterre: souffle et grandeur, psychologie et intimité, choeurs monumentaux, orchestre en feu, finales très soignés. Aucun doute, c’est une première somme qui recueille tout ce que le jeune compositeur de 26 ans pouvait faire de mieux. A Paris, écarté des cercles influents, Wagner vit de petits travaux (transcriptions, réductions, et aussi rédaction pour la Gazette Musicale).
A Meudon, il compose une grande partie du Vaisseau Fantôme dont le thème marin et la présence de la houle menaçante ne sont pas sans évoquer sa traversée agitée sur l’océan entre Londres et Paris. Déjà se profile, dans le choix de grandes figures héroïques masculines, toutes à différents niveaux maudites, abonnées au malheur et aux épreuves, l’opéra romantique germanique dont il réalise le modèle avec Tannhäuser et Lohengrin. Leur légende respective occupe l’esprit du compositeur en France.

C’est finalement la création de Rienzi à Dresde en 1842, à presque 30 ans, que Wagner obtient le poste de Kapellmeister à la Cour de Saxe dès 1843. Le spectaculaire et la violence solennelle dans l’esprit de Spontini y impressionnent l’audience: Wagner a trouvé non pas à Paris mais à Dresde, son premier public et un protecteur engagé.
Volontiers déclamatoire, l’écriture de Rienzi brosse l’éclat du tribun qui se voue au bien public. Sa relation avec sa sœur Irène (grand soprano lyrique) est l’un des atouts de la partition, et exige deux interprètes de premier plan (duo extatique et solennel du V): le ténor est ici la clé de voûte d’un opéra magnifiant le politique vertueux, investi par une mission d’ordre spirituel. Constituant le trio tragique, Adriano (rôle travesti pour mezzo), l’amoureux d’Irène est lui aussi un personnage spectaculaire plein de fougue et de verve démonstrative, en particulier dans la dernière scène où il rejoint le couple fraternel dans le Capitole en flamme, incendié par le peuple versatile et manipulé qui rejette ce qu’est devenu Rienzi. Annonciateur des figures torturées de Tannhäuser, de Siegmund, et dans une moindre mesure de Lohengrin, le rôle de Rienzi demande une tessiture étendue et un souffle illimité, en particulier dans son grand solo du V (Allmächt’ger Vater): invocation en forme de prière d’une intensité épique irrésistible. Impressionnante par ses marches, processions, cérémonies, émeutes (annonciatrices des révolutions à venir), la partition suscite l’admiration du public à sa création. Wagner la reniera par la suite, raison pour laquelle elle ne figure toujours pas dans la programmation de Bayreuth.

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