vendredi 19 avril 2024

Wagner 2013 : Les années 1840: Le Vaisseau Fantôme, Tannhäuser, Lohengrin

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Wagner 2013. Les années 1840: Le Vaisseau Fantôme, Tannhäuser, Lohengrin …   En 1842, Rienzi avait marqué une première synthèse indiscutable.  Mais même s’il reste meyerbeerien, autant que beethovénien, Wagner change ensuite sa manière et la couleur de son inspiration avec Le Vaisseau fantôme: il quitte l’histoire et ses références naturellement pompeuses pour la légende: Tannhäuser et surtout Lohengrin confirment cette direction poétique.

Le Vaisseau Fantôme est créé en 1843 également à Dresde et suscite un scandale: wébérien et surtout wagnérien, l’ouvrage précise aux côtés du héros maudit, la place d’une héroïne amoureuse (Senta), déterminée, sacrificielle dont l’amour pur permet le salut du Hollandais errant. Avec le Wanderer navigateur, Wagner invente un nouveau type de déclamation, plus ample que le récitatif, mélodiquement structuré sur le texte auquel il est étroitement inféodé. Premier grand opéra romantique, Le Vaisseau Fantôme dépasse les leçons de Weber et de Marschner; Wagner réalise déjà son idéal rêvé d’un opéra où chant et musique fusionnent dans le seul but d’expliciter et de commenter le drame.

Dossier Wagner 2013
Les années 1840 à Dresde

Le Vaisseau fantôme, Tannhäuser, Lohengrin… vers le Ring
1843-1848: les opéras de la trentaine

Wagner face portraitTannhäuser créé à Dresde en 1845 va plus loin encore: orchestration foisonnante et subtile, usant avec finesse des leitmotive (plus riche que dans Le Vaisseau Fantôme); surtout, si l’on retrouve la présence d’une femme salvatrice (Elisabeth, opposée à la vénéneuse Vénus), le rapport du poète héros (Tannhäuser) avec la société des hommes n’est pas sans contradictions ni tensions conflictuelles: doué d’une vision supérieure, le héros affronte l’étroitesse bourgeoise des classes dominantes. S’il est bien l’élu capable de réformer le monde, son action reste totalement incomprise: dans le retour de Rome,  Tannhäuser invente un nouveau type de ténor, prolongement de Florestan de Fidelio de Beethoven. En relation avec sa propre expérience, la vie terrestre qu’y représente Wagner, n’est qu’épreuves et souffrance, frustration et insatisfaction; la mort offre souvent une alternative, une délivrance finale (ce qui sera valable pour Tristan et le Crépuscule des Dieux: Isolde et Brünnhilde meurent chacune en fin d’ouvrage en une extase amoureuse libératrice). Du reste, l’héroïne féminine esquissée par Senta dans Le Vaisseau Fantôme, se précise avec Brünnhilde et Isolde.

Il en va tout autrement avec Lohengrin, composé de 1845 à 1848. L’opéra n’est créé qu’en 1850 et offre avec Genoveva de Schumann, strictement contemporaine de Lohengrin (et aussi créée après les révolutions de 1848), un premier aboutissement de l’opéra romantique allemand construit sur une trame légendaire nourrie de plusieurs sources. Les événements se précipitent: proche de Bakounine, Wagner le révolutionnaire se range du côté des insurgés: poursuivi, il fuit Dresde jusqu’à Weimar où son admirateur et ami Liszt, l’aide à gagner Zurich en Suisse. Le compositeur d’opéras se fait alors théoricien de la musique: il expose dans l’Art de la révolution (1849), Opéra et drame (1851), ses propres conceptions de la musique et du théâtre lyrique. Jamais art et vie n’ont été plus entremêlés. Liszt crée à Weimar Lohengrin en 1850. Grand air du ténor, choeurs omniprésents, couple noir (Telramund/Ortrud)… climat féerique mais d’une force réaliste manifeste, Lohengrin précise davantage le système lyrique wagnérien: subtilité des leitmotive, suprématie du héros dont l’offre de salut est incomprise par les hommes qui en sont indignes; surtout impossibilité de l’amour: Elsa trop naïve, manipulée par Ortrud, se laisse guider par le poison du doute et perd l’amour que lui offrait l’élu Lohengrin, venu pourtant pour la sauver…

Les années 1850: vers le Ring…

Wagner après Le Vaisseau, Tannhäuser, Lohengrin achève son second cycle stylistique. La force de son écriture dans les années décisives de 1840 montre à quelle point il est en accord avec les assauts révolutionnaires de son époque. Il réinvente l’opéra au moment où les sociétés et les régimes politiques implosent. Le feu révolutionnaire semble même nourrir la flamme créatrice.  Wagner se pose radicalement comme un solitaire décalé (à la différence de Verdi qui après 1848 est au sommet de sa gloire). Rien de tel chez Richard qui reste persona non grata, exilé et poursuivi, établi en Suisse; ses ouvrages sont tous interdits et les années 1850 sont pourtant celles d’une production éblouissante dont la justesse et la puissance découlent d’un travail abstrait, dans le cabinet, en dehors des impératifs de calendrier et des contraintes liées aux interprètes disponibles : tous les piliers de la future Tétralogie : L’Or du Rhin (1854), La Walkyrie (1856), Siegfried (1857), mais aussi Tristan (1859) sont élaborés sans idée des chanteurs précis, sans confrontation aux interprètes, sans le contexte de commande à livrer… Le temps de la conception s’est imposé; il a préservé la profonde unité de l’œuvre lyrique de la maturité. A partir de 1848, le compositeur retient l’idée de mettre en musique la légende des Nibelungen: la mort de Siegfried est d’abord écrite, puis Wagner sur les traces de la Trilogie d’Eschyle (L’Orestie), songe à écrire un prélude sur…  la jeunesse de Siegfried: remonter aux sources, à la genèse de l’histoire de Siegfried… en remontant le fil de l’action, Wagner pénètre dans la dimension psychologique, du manifeste à l’inconscient, en sorte une démarche freudienne avant l’heure. Peu à peu le projet se construit, s’étoffe; le poème du Ring est fini en 1852; sa composition le sera en … 1874. Dès lors, l’auteur est sur le métier de son œuvre la plus aboutie (Der Ring), où même si la formulation poétique du livret est parfois pompeuse, rien n’égale la puissance des idées désormais indissociables de la trame orchestrale. Verbe et musique s’unissent pour réaliser l’unité et l’accomplissement du drame, l’oeuvre de la mémoire et l’épaisseur des expériences vécues: aucun individu sur la scène n’échappe au dévoilement de sa nature profonde ni au travail d’une lente métamorphose.

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