vendredi 19 avril 2024

Vincenzo Bellini: Norma (Anderson, Biondi, 2001) 2 dvd Arthaus Musik

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Parme, 2001: le Teatro Regio accueille une oeuvre romantique clé, celle marquant le sommet de l’écriture bellinienne propre aux années 1831: Norma, créée la même année que La Sonnambula. Il faut de la subtilité et de la finesse tant sur le plan vocal qu’instrumental pour réussir tout opéra de Bellini; sans omettre une technique irréprochable, au service du style et de l’intonation.
Ecartons d’emblée ce qui refroidit dans cette captation live parmesane de 2001: les décors et les costumes d’une laideur caricaturale: peaux de bêtes et arbre mort (en guise de chêne vénérable) pour évoquer le motif d’une Gaule envahie par les romains… Même June Anderson n’est pas épargnée, portant une grosse fibule dorée qui lui mange toute l’épaule droite!
Pire, preuve qu’il ne suffit pas de jouer sur instruments anciens pour être fin et pertinent: Fabio Biondi montre d’évidentes limites chez Bellini: dramatisme outrancier, rythmique répétitive et systématique, geste éparpillé et brouillon (sans baguette), imposant une lourdeur et des tempi retardés souvent déconcertants…


June Anderson, sublime Norma

Heureusement sur la scène, opère une toute autre magie: celle essentiellement des femmes, car avouons que le ténor coréen Shin Young Hoon, même s’il s’applique à chanter toutes les notes, veille au legato et à la musicalité de son chant, réussit une bonne articulation (un vrai défi pour un asiatique) demeure maniéré voire précieux… tout à fait étranger à la perversité du rôle de Pollione qui abandonnant Norma (avec laquelle il a eu deux enfants) se voit déjà possesseur d’une plus jeune lolita, Adalgisa…
Face à lui, inclinons-nous devant la maestrià superlative de la soprano June Anderson, devenue avec raison, l’interprète légendaire du rôle-titre… rivale tout aussi époustouflante que sa consoeur Gruberova dans le même répertoire: leur longévité est à la hauteur de leur génie vocal.

En 2001, la diva Anderson déploie un bel canto enchanteur, totalement concentré sur l’expressivité élégiaque qui fait de son style, un art supraterrestre, très légitime dans le cas d’un personnage de prêtresse devineresse par laquelle s’exprime le vouloir des dieux et dont le destin, de par sa nature supérieure, ne peut être commun. La soprano architecture son incarnation selon une courbe expressive faite de tension aristocratique, jusqu’à son sacrifice finale: femme blessée et déchue mais âme loyale qui sait renoncer… June Anderson impose un legato incroyable, un style sans fioritures et d’une pureté exemplaire (le contrôle du vibrato est exceptionnel), surtout son articulation et son intonation en font l’une des plus grandes belliniennes actuelles. Le chant Bellinien, avant Rossini et Verdi déploie une voie équilibrée entre divin et humain, idéal et naturel. June Anderson dont les aigus sont encore très en place, possède la clé de cette combinaison ténue, délicate… dont la maîtrise est le secret des plus grandes interprètes.

A ses côtés (Grisi face à La Pasta, du vivant de Bellini), Daniela Barcellona se distingue sans réserve dans le rôle d’Adalgisa, c’est dire la qualité de son chant et l’excellente partenaire pour Anderson: voix plus grave et sombre d’alto, mais comme sa consoeur, claire et naturellement expressive: quel duo! Bellini portraiture deux femmes victimes (du même homme: Pollione), deux âmes qui se respectent et savent au-delà de la rivalité qui pourrait les opposer, s’unir en une compassion fraternelle: Norma a ce regard ému et maternel pour sa jeune cadette, elle aussi prêtresse… elle a éprouvé les mêmes déchirements, vécu les mêmes attentes… qui seront déçues.

Tout cela s’entend avec tact, finesse, vérité et justesse grâce au duo
féminin au-delà de toute critique. Visuellement la production déçoit;
l’orchestre patine, mais pour l’immense June Anderson et sa partenaire
couronnée de la même sincérité vocale, le dvd mérite évidemment le
meilleur accueil. D’autant que les témoignages de l’art bellinien de
June Anderson reste rare au cd comme au dvd.

Vincenzo Bellini (1801-1835): Norma, 1831. June Anderson, Norma. Daniela Barcellona, Adalgisa. Shin Young Hoon, Pollione… Coro del festival Verdi, Orchestra Europa Galante. Fabio Biondi, direction. Enregistrement live, Teatro Regio de Parme, 2001.
8 07280 72359 5, 2 dvd Arthaus Musik

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