vendredi 29 mars 2024

Une saison d’opéra: Gérard Mortier Arte, lundi 21 septembre 2009 à 22h30

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Une saison d’Opéra
Dernière saison lyrique de Gérard Mortier à l’Opéra de Paris

Arte
Lundi 21 septembre à 22h30

Réalisation : Richard Copans
Coproduction : ARTE France, Les Films d’Ici (2009-1h30)

Le 15 juillet dernier Gérard Mortier quittait la direction de l’Opéra de Paris, un poste qu’il occupait depuis 2004. Retour sur la dernière saison de son mandat, à travers le regard du cinéaste Richard Copans.

Paris, place de la Bastille, l’un des plus grands opéras du monde. Une immense fabrique d’émotions. Mais quelle convergence de volontés anime une si grande maison ? Comment est conçue puis déployée, une politique de création, de renouvellement des lectures et des mises en scène et de recherche de nouveaux publics ?
D’un côté, le travail des équipes de production (artistes et techniciens) en train de monter Parsifal, Wozzeck, Les Noces de Figaro. De l’autre, le travail stratégique de l’équilibre de la saison, de la planification, du marketing et de la tarification. Le chaud et le froid, la passion créatrice… et le chant des chiffres.
Il ne s’agit pas ici d’un portrait du directeur Gérard Mortier, mais d’un portrait de sa politique. Ce n’est pas la vision idéale d’un lieu de création, mais celle d’une communauté au travail, creuset d’une politique qui cherche à penser l’époque.
Aujourd’hui que le temps est au bilan, après bien des polémiques parisiano parisiennes, fustigeant les outrances d’un directeur trop militant et engagé, sachant toujours donner la parole aux hommes de théâtre (quitte à trahir parfois les partitions), force est de reconnaître cependant l’apport du défricheur. Son regard sur l’opéra a suscité débats et volées de bois verts: jamais l’opéra ne fut plus habité, assumé, défendu, en connexion étroite avec notre société. Les partisans d’une mal scène n’ont dans l’oeil qu’une partie des données: la machine lyrique se doit de participer à la rue, aux questions sociétales. On voit bien ce qu’a donné un genre décoratif et purement esthétique porté par l’idéal et la propagande monarchique…

Avec Nicolas Joel (sucesseur de Gérard Mortier à l’Opéra de Paris, depuis l’été 2009), pas de lectures fracassantes mais un respect des oeuvres et aussi des découvertes prometteuses comme Mireille à l’affiche de l’Opéra Garnier dès le 14 septembre 2009. Première dans la Maison parisienne avec de surcroît une belle exposition sur Gounod et l’opéra français (bibliothèque-musée de l’Opéra Garnier).

En mettant l’accent sur l’oeuvre et le travail de Gérard Mortier à Paris, qui a suscité un taux de refinancement jamais atteint avant lui, et permis un taux de remplissage dépassant les 95% (quand même!), le documentaire cible au coeur de la fonction de l’opéra dans la cité: genre esthétique et intellectuel ou scène vivante et engagée, critique comme enchantée?

Notre avis par Camille de Joyeuse
Dans ce documentaire quasi brut, activité à tous les étages. La voix off articule en peu de mots l’orientation du propos et va à l’essentiel. Autour des productions à l’affiche: Wozzeck, Parsifal, Les Noces ou Cosi (par les jeunes apprentis de l’Atelier lyrique), tous les métiers du spectacle se croisent, se combinent; les sensibilités s’affûtent sous l’oeil du metteur en scène toujours en recherche d’un geste, d’une formule orale qui puissent précisément exprimer sa vision du texte… Ici, Krisztof Warlikowski explique au choeur qu’il s’agit d’un chant de conflit; conflit d’idées politiques comme si les républicains affrontaient les démocrates… là, c’est le chef des choeurs qui dans un français hésitant gesticule, précise sa pensée: « vous n’êtes pas acteurs… vous êtes existence humaine! »… L’acte de chanter est donc politique, c’est une expérience et une épreuve qui mettent en jeu des idées moins des sentiments. D’ailleurs, le directeur Gérard Mortier le dit très clairement: il faut organiser une programmation grâce à une structure idéologique car les abonnés, les publics fidèles aiment retrouver dans l’ensemble des spectacles ainsi proposés dans l’espace d’une saison lyrique, des thèmes récurrents, les épisodes d’une grande histoire. Ainsi l’ont fait et ont gagné le pari de la culture populaire et avisée: Chéreau à Nanterre, Mouchkine au Théâtre du Soleil, Peter Stein à Berlin…
L’opéra n’est pas un spectacle anodin de pur divertissement: la scène est une tribune qui doit surprendre et élever le public à une conscience décuplée et critique sur le monde et notre société. C’est tout l’apport de ce film passionnant où l’on voit les hommes et les femmes travailler; c’est le bénéfice de l’ère Mortier à l’Opéra de Paris où malgré la critique haineuse contre la politique du directeur, le public (et les mécènes) a suivi les options artistiques et même dépassé les records de remplissage et de billetterie. Avec Nicolas Joel, les choses ont évolué et il n’est pas sûr que l’opéra y gagne encore en acuité polémique, en engagement et en pertinence sociétale ou politique….
Ne manquez pas, l’explication sur la connotation des personnages dans Parsifal: longtemps, dans la tradition de Bayreuth, le fol innocent ressemblait à une jeune fille blonde, et Klingsor, à une vieux juif pervers et calculateur. Dans la version de Warlikowski, Parsifal a le look d’un sdf, déraciné; et Klingsor ressemble à un chef mafieux ou à un souteneur (Kundry n’est-elle pas sa chose?). Questions de points de vue…

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