vendredi 19 avril 2024

Tribute to Jerome Robbins . Opéra National de Paris1 dvd Bel Air Classiques

A lire aussi
Quelques mois après sa mort, l’Opéra de Paris rend un hommage développé au chorégraphe new yorkais Jerome Robbins; en passant l’Atlantique, le regard des Français retient en particulier cette élégance faussement insouciante mêlée d’humour et de culture qui revisite ici de 1956 à 1975, l’histoire de l’art chorégraphique, non sans auto dérision. La scène parisienne ajoute une création signé Benjamin Millepied qui malgré son titre, « Triade » met en scène 2 couples (il y a bien 4 danseurs) et répétitif, brouillon, se voulait un écho au maître dont il fut assistant, n’atteint jamais l’inventivité ni la grâce d’un Robbins résolument inclassable.

Robbins forever

Intéressant, voire surprenant dans l’oeuvre du chorégraphe, The Concert, placé en conclusion du programme parisien, manie l’humour dès 1956: sur la musique de Chopin, concertos, préludes et valses, Robbins imagine un concert déjanté à partir des titres dont le compositeur pianiste affublait ses partitions; analyse avec une justesse les rapports humains exacerbés lors d’un récital de piano (ce qui resitue Chopin au coeur du ballet); sketchs, saynètes hilarantes (la boutique au chapeau, le meurtre de la ballerine par l’étudiant timide, le groupe des 6 sylphides évanescentes aux gestes décalés, le ballet final des papillons…); c’est aussi une galerie de portraits dont les personnages paraissent et reparaissent d’un épisode à l’autre: la jeune femme enamourée et rêveuse (piquante Dorothée Gilbert), le mari aux pulsions criminelles et sa femme tyrannique; la snob; le timoré… même la pianiste se prête au jeu: singeant des tics de soliste maniaque… pour finir en chasseuse de papillons, filet en mains.
Tout cela est rehaussé dans le sens d’une épure dessinée, à la façon des illustrations de Saul Steinberg pour le New Yorker. Référence pleinement assumée par Robbins à laquelle il ajoute aussi, américanisme oblige, des éléments propres au cinéma, à la comédie musicale… sources désormais familières dans son oeuvre.
C’est évidemment le cas dans son autre ballet plus récent (1975): En sol. Même élégance sertie par la musique de Ravel (dont le centenaire en 1975 était le prétexte du ballet, hommage alors du New York City ballet), même finesse d’un humour transformé par cette élégance native. Marie-Agnès Gillot éblouit dans ce tableau plein de grâce et d’harmonie. Robbins a le sens de la pose, du geste cursif; les collectifs rappellent souvent Joyaux de Balanchine (un modèle approché à New York toujours vénéré), autre créateur new yorkais marqué par la finesse et la subtilité, une décontraction élastique et allusivement esthétique qui revisite l’esprit de Broadway.

L’élève d’Ella Daganova, dont les parents immigrés juifs russes aux USA s’impliquèrent pour lui offrir une éducation culturelle sans failles, devient danseur à Broadway; suit l’enseignement et les conseils de Fokine et Antony Tudor. Jerry danse même en soliste particulièrement exposé, Pétrouchka de Fokine. Puis avec Bernstein en 1944, le touche à tout génialement créatif et esthète chorégraphie Fancy Free (auquel succède rapidement cet autre joyau du musical: On the town... : en écho à l’Amérique en guerre, 3 matelots roublards en permission dans la ville se disputent les bonnes grâce d’une jeune new yorkaise. En 1948, Robbins devient danseur du New York City Ballet: il y approfondit sa connaissance et sa pratique des ballets de Balanchine (Le Fils Prodigue, Till Eulenspiegel). Le chorégraphe réalise aussi un autre chef d’oeuvre à Broadway, West side story. Directeur de sa propre compagnie, Les Ballets USA, de 1958 à 1961. Après la mort de Balanchine, en 1983, Robbins s’interroge encore sur l’enjeu et l’esthétique de la danse; avant de mourir, Jerry l’infatigable travaille encore à perfectionner la pulsation et le mouvement de son dernier ballet, Noces pour le New York City Ballet.

Le programme présenté à Paris en septembre 2008 permet de revoir la subtilité stylistique des étoiles parisiennes: Marie-Agnès Gillot (En Sol, Triade); Laetitia Pujol (Triade); surtout Claire-Marie Osta et Agnès Letestu comme Benjamin Pech et Nicolas Le Riche dans In the night (1970): variations nocturnes où Robbins relit l’attraction-aimantation du pas de deux, figure romantique par excellence sur le musique de l’incontournable Chopin dans l’imaginaire fantasmatique de Jerry. C’est enfin l’épatante Dorothée Gilbert dans la spectatrice éperdue envahissante du Concert. Spectacle plein d’humour et de finesse enchanteurs, vivifiés par la très haute technicité du corps de ballet de l’Opéra national de Paris.

Tribute to Jerome Robbins. Robbins: En Sol, In the Night, The Concert. Millepied: Triade. Etoiles et corps de Ballet de l’Opéra national de Paris. Orchestre de l’Opéra de Paris. Koen Kessels, direction. Elena Bonnay et Vessela Pelovska, pianos. 1 dvd Bel Air classiques. 3 760115 300705. Durée: 1h41mn.

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, concert. LILLE, Nouveau Siècle, le 18 avril 2024. SIBELIUS : symphonie n°7 [1924] – BEETHOVEN : « GRAND CONCERTO » pour piano n°5 « L’Empereur » [1809]....

SUITE & FIN DU CYCLE SIBELIUS... La 7ème est un aboutissement pour Sibelius pour lequel l'acte de composition est...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img