vendredi 19 avril 2024

Toulouse. Halle-aux-Grains, le 17 mars 2012. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n°2 en ut mineur… Tugan Sokhiev, direction.

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Mahler réussi diversement à Tugan Sokhiev à Toulouse, si la première symphonie avait semblé prometteuse, la quatrième avait été éblouissante de bout en bout. La deuxième lui réussi plus diversement cette année.

Le meilleur d’abord car c’est ce qui restera pour le public : un final grandiose marqué par une musicalité pure et une émotion naissant de la beauté. Cet acte libératoire de Mahler qui cherche à se (et nous) rassurer sur l’au-delà, trouve dans l’interprétation de Tugan Sokhiev à la tête de son Orchestre du Capitole et avec un chœur qu’il affectionne, l’Orfeon Donostiarra, un véritable aboutissement. Prouvant une nouvelle fois quelle aisance est la sienne à diriger des forces colossales,Tugan Sokhiev sculpte le son du chœur avec délicatesse, stimule chaque instrumentiste individuellement et équilibre le son afin de ménager les solistes. La cinquième partie est magnifique. Mahler qui cherche à s’élever coûte que coûte, Mahler qui compose une marche du triomphe et fait monter en puissance un chœur du pianissimo au plus fort possible trouve un écho fraternel dans la direction de Tugan Sokhiev. Les âmes s’envolent et un incroyant le temps de cette apothéose embrasserait presque la foi…

Tugan Sokhiev et ses forces nous ouvrent le ciel !

Dès qu’il y du chant, la structure devient limpide sous la baguette et les mains nues de Tugan Sokhiev ; son amour pour les voix et le texte le pousse au sublime et il obtient des choristes et des instrumentistes de se dépasser à leur tour. L’Orfeon Donostiarra chante sans partition et semble comprendre chaque mot, chaque intention. L’implication vocale et personnelle de chacun permet des nuances incroyablement contrastées. Le murmure du début est un de ces moments de grâce pure en musique et la montée en puissance des voix se fait sans rien céder sur l’homogénéité ou la beauté des couleurs. Ce chœur est porté par une âme musicale de haute volée. L’orchestre est comme galvanisé, magnifique d’engagement. Il n’est pas beaucoup d’orchestres français capables de jouer Mahler avec cette aisance. Nous ne distinguerons personne tant chacun a été merveilleux, vraiment chacun ! Tous les pupitres sont royaux dans une écoute mutuelle de tous les instants. La montée vers la vie éternelle est prodigieusement organisée par Tugan Sokhiev qui trouve le tempo juste, le geste exact et la puissance terrible qui fera trembler les murs des tombaux pour les vaincre. La peur elle- même s’évanouit sous une baguette si sure de sa voie. Le cosmos s’ouvre à notre entendement et plus d’une fois nous croyons que voler nous sera permis. Cette ascension vers la lumière et la joie est tonitruante comme il se doit et les dernières mesures sont d’un enthousiasme total. Le Public ne s’y est pas trompé qui à fait un triomphe aux nombreux artistes.

Les solistes sont diversement impliquées. Ainsi Anastasia Kalagina trouve le ton exact pour ses interventions, le mot est précis, et compris. La voix slave a un beau métal qui lui permet même en allégeant de très bien passer l’orchestration parfois lourde de Mahler. Le choix de cette soprano qui avait déjà illuminé l’an dernier un Requiem de Brahms superbe avec les mêmes interprètes est excellent. Celui de la mezzo allemande Janina Baechle beaucoup moins, en raison de mots flous, d’intentions opposées à celles demandées par Mahler et d’un timbre un rien trop clair. Faire du beau son et rien que du beau son dans Urlicht ! Mahler demande certes une belle voix mais aussi une diseuse et une véritable incarnation révoltée de cette âme à qui le Paradis est refusé.
En repartant à rebours dans la symphonie, on l’aura compris Urlicht a été vocalement à côté. Dans le Scherzo, le chef a cherché un jeu joyeux à l’humour enfantin, quand Mahler envisageait plutôt un prêche moqueur et moqué dans un humour grinçant. Dans l’andante Tugan Sokhiev a pris un tempo qui devient larmoyant permettant certes d’apprécier la beauté de l’orchestre mais est ce bien ainsi que Mahler avait prévu la chose ? L’allegro maestoso initial avait perdu son avancée inéluctable de marche Funèbre pour des variations de tempo découpant en scènes, souvent très convaincantes, mais au prix de la perte de l’unité prévue initialement de cette Totenfeier.

Si tout avait été du niveau de la cinquième partie nous tenions une interprétation majeure de cette deuxième symphonie. Nous nous « contenterons » de ce final magique et inoubliable préparé par une ascension finalement plutôt étrange. Tugan Sokhiev expérimente son Mahler et sa maturité lui permettra de dominer la complexité d’un compositeur qui ne peut se comprendre rapidement mais demande une lente assimilation. Pas de doutes, ce chef talentueux et son orchestre dévoué vont nous offrir d’autres Mahler somptueux.
Les medias ne s’y sont pas trompés, ainsi Radio-classique la veille avait diffusé le concert et Medici.tv l’a capté ce soir, il est possible de le visionner gratuitement. Le final, à partir de la partie 5, mérite à mon avis de faire partie des anthologies du plus beau Mahler connu, chacun pourra juger.

Toulouse. Halle-aux-Grains. Le 17 mars 2012. Gustave Mahler (1860-1911) : Symphonie n°2 en ut mineur, « Résurrection ». Anastasia Kalagina, soprano ; Janina Baechle, mezzo-soprano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Choeur de l’Orfeon Donostiarra, chef de chœur : José Antonio Sainz Alfaro. Direction : Tugan Sokhiev. Illustration: © P. Nin

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