samedi 20 avril 2024

Toulouse. Halle-Aux-Grains. Le 1 er janvier 2011. Musiques diverses: Offenbach, Saint-Saëns, Katchaturian (1903-1978)… Orch. National du Capitole de Toulouse. Direction : Tugan Sokhiev

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Magie Sokhiev à Toulouse

Comme il est doux de débuter l’année au milieu de gens heureux ! Ce concert du Nouvel An devient une telle institution à Toulouse que la vaste Halle aux Grains avec ses deux mille places devient trop petite ! Grande effervescence dès 17 h sur la Place Dupuy avec plusieurs dizaines de personnes cherchant des places pour un concert affiché complet depuis l‘année dernière ! C’est regrettable, mais la plus part seront resté dehors. Aucune petite souris n’a pu trouver une place supplémentaire dans la vaste salle de concert pleine à craquer. Fauteuils roulants en grand nombre, enfants de tous âges, vieillards charmants, la ville entière était représentée. Salle comble, fleurie avec goût et un orchestre des grands jours ont d’emblée promis un magnifique concert de début d’année. Le chef de l’orchestre, avec qui il vit une lune de miel sans ombre : Tugan Sokhiev a, dès son entrée en scène, irradié de bonheur farceur et s’est précipité sur sa baguette. C’est à un tempo quasi furieux qu’il a enlevé l’ouverture de la Vie Parisienne dans la réorchestration si brillante de Manuel Rosenthal. Un petit temps d’adaptation a été nécessaire plus pour le public que l’orchestre, car la disposition des musiciens suivant la « solution viennoise » avait complètement changé les repères acoustiques du lieu.


Lorsque Tugan est heureux, ce sont les toulousains qui fondent.

Les seconds violons très exposés à l’extrême droite, les 4 cors, juste derrière, trompettes et gros cuivre dans leur dos, avaient du mal à se situer par rapport aux autres instrumentistes. La rangée de contrebasses au fond sur toute la largeur, juste devant une partie de percussions était par contre très à l‘aise, dominant tout. Les violoncelles, juste à côté des premiers violons, étaient poussés à jouer les solistes et les alti devaient se faire entendre un peu cernés. Cette disposition très étudiée a eu l’avantage de stimuler les musiciens et de surprendre les oreilles des spectateurs. Mais surtout il a semblé qu’elle occasionnait un plus grand confort sonore dans les Forte. Que dire d’un tel concert qui ne soi pas sec ? Ayant fait des choix de musiques qu’il aime, entre France et Russie, obtenant de ses musiciens qu’ils se surpassent, Tugan Sokhiev, heureux comme il l’était a osé lâcher sa sensibilité. Il n’y a eu que de la belle musique, jamais rien de facile. La finesse de rendu du moindre détail était un vrai délice. Chacun a pu déguster son morceau préféré. Pour votre serviteur le plus inattendu a été Khatchatourian, vraiment somptueux. Le plus audacieux Chostakovitch avec une ouverture festive époustouflante et le plus émouvant le pas de deux de Casse Noisette offert avec des nuances allant jusqu’au FFFF et un tempo élargi aux limites du possible, mais quelle effusion dans ces envolées de violoncelles sur les arpèges des harpes ! Et lorsque les cuivres enflamment la mélodie sublime, c’est comme un décollage d’A380 ! Durant le concert, la virtuosité a été de tous les pupitres avec des cordes en folie pour l’ouverture de Russland et Ludmilla de Glinka, des bois d’une sensualité vibrante (hautbois et clarinette), des flûtes lumineuses, et des percussions à la fête, mais c’est le violon solo de Geneviève Laurenceau qui a fait chavirer les cœurs. Osant des sonorités âpres dans la danse macabre de Saint-Saens, elle a joué à la perfection, avec des doubles-cordes et des traits virtuoses diaboliques : l’aisance technique fabuleuse et le charme dangereux du démon mêlés dans une interprétation à l’humour digne des dessins animés. Ce festival de musiques, souvent fait pour briller, a été dirigé avec élégance, audace et jubilation par un Tugan Sokhiev souriant et présentant toutes les pièces en français et avec gourmandise.

Rien que du bonheur ! Avec baguette, à mains nues, en dansant, en ne bougeant plus, en regardant la partition ou par cœur, nous avons eu droit à un festival de direction d’orchestre et même à des moments sans rien faire que sourire à ses musiciens ou au public, encourageant du simple regard ! Un vrai grand chef charismatique, un vrai grand orchestre, un magnifique public comblé et la félicité a diffusé en ces deux heures de concert avec trois bis, qui ont passé comme un rêve de bonheur possible sur terre. Merci aux musiciens d’avoir ainsi prouvé que travail, exigence la plus haute et joie font bon ménage. Merci à Tugan Sokhiev maestro du bonheur ! Merci à une municipalité qui donne à ses concitoyens un orchestre et un chef de cette qualité suprême. L’hiver semblait enterré en sortant d’un tel concert, capable de faire fondre de bonheur la banquise elle même.

Toulouse. Halle-Aux-Grains. Le 1 er janvier 2011. Musiques diverses de Jacques Offenbach (1819-1880) ; Camille Saint-Saens (1835-1921) ; Aram Katchaturian (1903-1978) ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975) ; Emile Waldteufel (1837-1915) ; Mikail Ivanovitch Glinka (1804-1857) ; Piotr Illych Tchaikovski (1840-1893). Violon : Geneviève Laurenceau ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Direction : Tugan Sokhiev.

Illustration: Tugan Sokhiev. Patrice Nin © 2010.

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