Versailles, OpĂ©ra royal. Uthal de MĂ©hul, le 30 mai 2015, 20h. L’opĂ©ra sans violons (!) de MĂ©hul, gĂ©nie lyrique d’une violence classique rare, seul avec Berlioz Ă recueillir la noblesse virile d’un Gluck, et ses coupes frĂ©nĂ©tiques, renaĂ®t Ă Versailles en version de concert. C’Ă©tait au Théâtre Feydeau, siège alors de l’OpĂ©ra comique, le 17 mai 1806 que l’ouvrage est créé : en un acte, il s’agit d’exprimer les stances Ă©piques et fantastiques, ces poèmes ossianiques de James Macpherson, si prisĂ©s par l’Empereur qui en avait fait son livre de chevet : le pseudo barde mĂ©diĂ©val y chante l’apothĂ©ose des guerriers valeureux.
Pathétique ossianique de Méhul
Après les secousses sanglantes de la RĂ©volution, les faits d’armes qui ponctuent l’histoire française du Consulat, au Directoire puis portĂ©s par l’idĂ©al impĂ©rial, le goĂ»t est Ă la veine marcial ; aux cĂ´tĂ©s de Lesueur (Ossian, ou les Bardes, 1804), MĂ©hul participe par la finesse tendue de sa langue, un souci exceptionnel de la dĂ©clamation française (comme l’a montrĂ© un rĂ©cent enregistrement de son opĂ©ra Hadrien, opĂ©ra créé en 1799 mais conçu dès 1792 ) Ă l’essor d’une esthĂ©tique militaire dont le nerf et la dignitĂ© rĂ©pondent aux attentes de NapolĂ©on. MĂŞme Ingres traite après les musiciens ce sublime sujet en renouvelant ainsi la peinture d’histoire d’inspiration nĂ©oclassique : le peintre reprĂ©sente la grandeur des hĂ©ros morts accueillis par les dieux dans leur sĂ©jour d’Ă©ternitĂ© (le Songe d’Ossian, 1813). Ossian, poète cĂ©lĂ©brant l’honneur et le courage des hommes bien nĂ©s inspire Ă MĂ©hul, un opĂ©ra viril dont le pathĂ©tique met donc en avant l’articulation, dans des rĂ©citatifs digne du théâtre classique de Corneille et Racine (comme c’est le cas aussi d‘Hadrien). GrĂ©try puis FĂ©tis regrette la sĂ©cheresse de la partition (donc sans violons, oĂą les altos doublĂ©s en consĂ©quence expriment spĂ©cifiquement cette couleur Ă©cossaise propre au geste d’Ossian). Pourtant l’Ă©criture orchestrale n’est pas avare en sonoritĂ©s profondes voire lugubre, apportant une couleur tragique particulière (altos, violoncelles et contrebasses, auxquels rĂ©pond les accents aigus des vents : flĂ»tes, clarinettes et hautbois. Le souffle, la grandeur et le pathĂ©tique sont l’emblème d’un ouvrage hĂ©roĂŻque et pathĂ©tique Ă redĂ©couvrir.
Versailles, OpĂ©ra royal. Uthal de MĂ©hul, le 30 mai 2015, 20h. Avec Karine Deshayes, Yann Beuron, Jean-SĂ©bastien Bou, SĂ©bastien Droy, l’excellent chĹ“ur de chambre de Namur. Les Talens Lyriques. C. Rousset, direction.
LIRE aussi notre critique complète de l’opĂ©ra de MĂ©hul : Hadrien, CLIC de classiquenews d’avril 2015.Â
Illustrations : MĂ©hul ; le songe d’Ossian d’Ingres ; Ossian les hĂ©ros français morts pour la patrie par Girodet (1805).