Cd, critique. Si jâai aimé⊠Sandrine Piau, soprano (1 cd Alpha classics / mars 2018). Ce programme rĂ©jouissant exhume plusieurs mĂ©lodies françaises avec orchestre dont celles intactes et graves de Camille Saint-SaĂ«ns, dĂ©cidĂ©ment touchĂ© par la grĂące quand il sâagit dâexprimer le sentiment amoureux, porteur lui-mĂȘme de souvenirs et de langueur, entre nostalgie et dĂ©sir. âšOn ne peut en dire de mĂȘme des mĂ©lodies de ThĂ©odore Dubois, trĂšs datĂ©es et rien quâacadĂ©miques, câest Ă dire dĂ©coratives et sucrĂ©es. Pourtant lâune dâentre elles, a donnĂ© son titre au recueil, lĂ oĂč une piĂšce de Saint-SaĂ«ns eut Ă©tĂ© mieux rĂ©habilitĂ©e⊠(Si jâai parlé⊠si jâai aimé⊠sonne un rien miĂšvre : trop frĂȘle offrande pour une réévaluation de la mĂ©lodie française orchestrĂ©e, fin de siĂšcle). Quelques impressions prĂ©alables, signes d’une apprĂ©ciation en demi teintes quant Ă la sĂ©lection des piĂšces retenues ici : « Aux Ă©toiles » de Duparc, instrumental capable de douceur tendre et de gravitĂ© ; Dubois rien que bavard (« Chanson de Marjolie ») ; mais la sensibilitĂ© dâAlexandre Guilmant (« Ce que dit le silence ») et Lâempressement et dĂ©sir de « lâEnlĂšvement » de Saint-SaĂ«ns, trĂšs au dessus de ses confrĂšresâŠ.
Perles oubliées de la mélodie française
Que n’a-t-on choisi, profitant d’une telle interprĂšte soliste, deux mĂ©lodies parmi les plus bouleversantes du rĂ©pertoire s’agissant de la mĂ©lodie française : L’EnamourĂ©e / Ma colombe de Reynaldo Hahn (superbement rĂ©exhumĂ©e par Anna Netrebko et dont le thĂšme colle pile poil au thĂšme de ce cd ; et La mort d’OphĂ©lie de Berlioz ? Invraisemblable oubli qui se fait avec le recul, faute impardonnable en vĂ©ritĂ© (cf notre playlist en fin d ‘article de l’EnamourĂ©e de HAHN).
Rare coloratoure encore suractive, mais voix mĂ»re, Sandrine Piau affiche crĂąnement lâexpĂ©rience et les annĂ©es, Ă©tincelant par son style suprĂȘme, une distinction du timbre, et un sens de la couleur comme de la ligne qui suscitent lâadmiration. Pourtant, la seule ombre Ă notre avis reste lâarticulation et lâintelligibilitĂ© : on perd souvent 70% du texte. Dommage qui paraĂźt vĂ©tille avec le recul tant la justesse et lâintelligence du chant, ailleurs, se rĂ©vĂšle superlatif. Câest que la soprano maĂźtrise sa voix comme un instrument : usant de toutes les nuances de lâĂ©mission comme de lâintonation, avec une subtilitĂ© qui avait dĂ©jĂ fait la valeur de ses incarnations baroques, ou romantiques françaises.
Pourtant les poĂšmes ici de Hugo, Verlaine, Gautier, Banville, rĂ©gnier, BarthĂ©lĂ©my ou Courmont mĂ©ritent le meilleur soin : on jugera sur piĂšces ainsi, les deux extraits des Nuits dâĂ©tĂ© de Berlioz, en comparaison avec ce que rĂ©alise sa consĆur VĂ©ronique Gens⊠dans Villanelle ou Au cimetiĂšre, dâemblĂ©e le caractĂšre est lĂ , caractĂ©risĂ©, superbement incarné⊠aussi profond voire bouleversant que le texte est inintelligible pour partie.
On se dit quand mĂȘme que le programme eut Ă©tĂ© idĂ©al si la chanteuse soignait davantage la dĂ©clamation et lâarticulation dans les aigus. Nonobstant cette mince rĂ©serve, le programme est superbe.
Le genre de la mĂ©lodie renaĂźt ainsi grĂące Ă un travail de recherche rĂ©cent sur lâactivitĂ© de la SociĂ©tĂ© nationale de musique Ă la fin du XIXĂš qui favorise les compositeurs hexagonaux Ă©videmment ; dâautant que les teintes et Ă©quilibres affinĂ©s de lâorchestre sur instruments dâĂ©poque, ainsi requis, ajoute Ă la qualitĂ© allusive de lâapproche. La mĂ©lodie gagne ses lettres de noblesse et de subtilitĂ© ainsi dĂ©fendue ; parmi plusieurs pĂ©pites, dĂ©sormais Ă Ă©couter et rĂ©estimer, citons surtout les Ćuvres de Camille Saint-SaĂ«ns : Extase, Papillons, Aimons-nous, LâenlĂšvement⊠Curieux choix dâavoir intercalĂ© un extrait de la Symphonie gothique de Godard, qui tombe un peu comme un chevaux dans la soupe. Mais on sâincline avec bienveillance et gratitude devant Le poĂšte et le fantĂŽme de Massenet comme les subtils Papillons blancs de Louis Vierne (lui aussi bien oubliĂ©). TrĂšs beau programme.
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Cd, critique. Si jâai aimé⊠Sandrine Piau, soprano (1 cd Alpha classics) – enregistrĂ© en mars 2018 Ă Metz. MĂ©lodies avec orchestre de Saint-SaĂ«ns, Massenet, Dubois, Vierne⊠Le Concert de la loge / J. Chauvin, direction.
Approfondir
Le prĂ©sent recueil souffre d’une absence de taille : la mĂ©lodie de Reynaldo HAHN, L’EnamourĂ©e / perle / joyau sur le thĂšme de l’amour / en total connexion avec la thĂ©matique de ce recueil frustrant donc :
VIDEO CLIP audio L’EnamourĂ©e de Reynaldo HAHN par Anna Netrebko :
https://www.youtube.com/watch?v=kUZPljVpWak
VIDEO CLIP L’EnamourĂ©e de HAHN par Anna Caterina Antonacci
https://www.youtube.com/watch?v=NAyeGq4qUM0
VIDEO CLIP L’EnamourĂ©e de Reynaldo HAHN par l’excellent baryton Bruno Laplante :
https://www.youtube.com/watch?v=vSXhPH_HGtQÂ
VIDEO CLIP (2014) L’enamourĂ©e de Reynaldo HAHN par Solene Le Van
https://www.youtube.com/watch?v=JiiF6pvYXw4
VIDEO : 6 mélodies de Reynaldo HAHN par Solen Le Van, Young Musicians Foundation, Los Angeles 2014