Paris, TCE, le 31 octobre 2014. Milos, guitare. Rodrigo: Concerto dâAranjuez. Fin de mois ibĂ©rique et romantique pour lâOrchestre de chambre de Paris qui sous le titre dâun programme intitulĂ© « soirĂ©e Ă Madrid » invite le guitariste Milos dans un classique du rĂ©pertoire symphonique pour guitare, le cĂ©lĂ©brissime concerto dâAranjuez de Rodrigo, composĂ© en 1939 au cours de la derniĂšre annĂ©e de son sĂ©jour Ă Paris et pendant la Guerre civile.
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Programme espagnol. SurnommĂ© le « Mozart espagnol », Juan CrisĂłstomo de Arriaga compose son unique opĂ©ra, Los esclavos felices, Ă lâĂąge de 15 ans⊠PrĂ©coce, le musicien meurt Ă 20 ans. Il incarne un style virtuose, parfois fulgurant au diapason dâune vie fauchĂ©e avant lâĂąge mĂ»r. Tout comme Arriaga, Manuel de Falla, un siĂšcle plus tard, Ă©tudie Ă Paris. Dâune saveur piquante, Le Magistrat et la MeuniĂšre est une premiĂšre Ă©bauche qui deviendra par la suite Le Tricorne ; câest un mimodrame, rarement donnĂ© comme ce soir dans la version originale, pour petit ensemble. Il en va diffĂ©remment du Concerto dâAranjuez, la piĂšce la plus cĂ©lĂšbre de Joaquin Rodrigo (1901-1999), interprĂ©tĂ©e par le guitariste nĂ© en 1983 au Montenegro, MiloĆĄ KaradagliÄ ou tout simplement « Milos », son nom de scĂšne dĂ©sormais : ses rĂ©fĂ©rences aux danses populaires (en particulier dans le finale – Allegro gentile-, la danse de cour associĂ©es aux rythmes ternairesâŠ) tentent dâeffacer les horreurs de la guerre civile qui dĂ©chire alors lâEspagne.
Un nouveau poĂšte de la guitare : Milos
Milos a depuis son enfance une affection particuliĂšre pour le folklore et le spleen ibĂ©rique : Ă 8 ans, il a un choc en Ă©coutant Asturias dâAlbĂ©niz (par Segovia) que lui fait dĂ©couvrir son pĂšre. ElĂšve Ă Londres (Royal Academy of Music) de Michael Lewin, lâadolescent Milos apprend son mĂ©tier en Ă©coutant aussi le guitariste classique Julian Bream. Le jeune Milos adapte pour la guitare plusieurs piĂšces de Granados, originellement Ă©crites pour le piano. ll sâagit dâĂ©largir le rĂ©pertoire comme approfondir la musique espagnole. Dans son premier album discographique Ă©ditĂ© chez Deutsche Grammophon « Mediterraneo » (juin 2011), Milos enregistre le cĆur du rĂ©pertoire espagnol romantique : autour dâAlbeniz, Granados, TĂĄrrega, mais aussi Carlo Domeniconi⊠RĂ©cemment Milos a travaillĂ© avec le compositeur Andrew Lloyd Weber pour le thĂšme principal de la comĂ©die musicale « Theme from Stephen Ward »⊠En multipliant les rencontres et les formes musicales, le guitariste enrichit une expĂ©rience dĂ©jĂ riche dans lâunivers de la guitare classique. Le MontĂ©nĂ©grin veut rendre accessible la guitare au plus grand nombre : son charme et sa constance relĂšvent aujourdâhui ce dĂ©fi. Milos connaĂźt dâautant mieux le Concerto dâAranjuez de Rodrigo quâil lâa enregistrĂ© (avec dâautres piĂšces du compositeur dont InvocaciĂłn y danza, Fantasia para un gentilhombreâŠ) sous la direction de Yannick NĂ©zet SĂ©guin.
Le concerto dâAranjuez de Rodrigo Ă©crit Ă Paris alors que lâEspagne sâentredĂ©chire pendant la Guerre Civile (1939) est le premier de ses 5 Concertos pour guitare. On y relĂšve lâinfluence des maĂźtres anciens Domenico Scarlatti, Padre Soler. Le titre renvoie au jardins (enchanteurs) du palais royal dâAranjuez, Ă©difiĂ© pour Felipe II. Câest une partition panthĂ©iste, un hymne au miracle de la nature oĂč sâexpriment directement les merveilles du jardin cĂ©lĂ©brĂ© : chant des oiseaux, ruissellement des fontaines multiples, jusquâau parfum des magnolias en fleurs⊠un Eden terrestre en temps de guerre. Au temps de la barbarie, le compositeur affirme a contrario le miracle atemporel et Ă©blouissant des fleurs et des oiseaux⊠Le second mouvement (Adagio oĂč dialoguent la guitare avec les bois et les cuivres : cor anglais, basson, hautbois, cor dâharmonieâŠ), le plus introspectif, entre sĂ©rĂ©nitĂ© et tristesse pudique nâest pas inspirĂ© des victimes du bombardement de Guernica survenu en 1937 (comme on le dit trĂšs souvent), mais de la lune de miel du compositeur avec sa femme Victoria.
Soirée à Madrid
Paris, vendredi 31 octobre 2014
Théùtre des Champs-Eysées, 20h
Orchestre de chambre de Paris
Roberto Forés Veses, direction
MiloĆĄ KaradagliÄ, guitare
Programme
Arriaga : Les Esclaves heureux, ouverture
Rodrigo : Concerto dâAranjuez, pour guitare et orchestre
De Falla : Le Magistrat et la MeuniĂšre
Rappel : critique du cd Latino de Milos par Elvire James, juin 2012
Milos, le nouveau poĂšte guitariste. En roi du tango et des mĂ©lodies populaires les plus nobles qui parlent au coeur immĂ©diatement, Carlos Gardel dont Por una cabeza Ă©crit en 1935, lâannĂ©e de sa mort, paraĂźt ici dâune suavitĂ© souveraine, lĂ©gĂšre, badine Ă laquelle Milos apporte une distinction pudique. MĂȘme entrain pour cet autre tango trĂšs connu, La Cumparsita de lâuruguayen Gerardo Matos Rodriguez, composĂ©e en 1917: Milos souligne avec un sens des nuances personnel, le dĂ©sĂ©quilibre et les vertiges dâun air ciselĂ© entre nostalgie et tendresse⊠LIRE la critique complĂšte du cd Latino par Milos (Villa-Lobos, Piazzolla, Gardel, …)
LIRE aussi la critique du cd Mediterraneo par Milos (Albeniz, Tarreaga, Granados⊠)