ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE : TURANDOT

pucciniLILLE. PUCCINI : TURANDOT. 7, 8, 9 juillet 2020. Lille grâce à l’ONLILLE, Orchestre National de Lille poursuit en été son offre lyrique. Dans le cadre de son nouveau festival intitulé « Les Nuits d’été » (2è édition en juillet 2020), l’ONLILLE aborde TURANDOT de Puccini, les 7, 8 et 9 juillet 2020 (20h) dans son superbe auditorium du Nouveau Siècle. La partition est la dernière transmise par Puccini, qui hélas meurt avant d’avoir achever la totalité du IIIè acte : de fait si l’on respecte le manuscrit originel, Puccini a interrompu la composition après le suicide de Liu et le départ immédiat de Timur… ; c’est Toscanini, puccinien de la première heure, qui demande à Franco Alfano (l’auteur de Madonna Imperia d’après Balzac, 1921) de terminer l’ouvrage avec les lourdeurs parfois emphatiques que l’on sait (duo enfin amoureux entre Calaf et Turandot : « Mio fiore mattutino »), pour la création de l’œuvre à la Scala en avril 1926.

 

Les Nuits d’été à Lille
le nouveau rv lyrique estival
présenté par l’Orchestre National de Lille

 

 


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LA PRINCESSE AUX 3 ÉNIGMES… L’opéra est un mythe lyrique qui ne cesse de transporter grâce aux diaprures et vertiges de l’orchestre ; à travers la figure de la princesse chinoise, se fixe l’attrait pour les héroïnes inclassables, ici héritière des sorcières et enchanteresses baroques, devenue grâce à l‘imagination de Puccini, une divinité marmoréenne dont toute sensualité semble écartée : c’est une princesse, osons le dire, « frigide ». Dans certaine production, les metteurs en scène prennent acte de l’inachèvement du drame par Puccini qui n’a pas laissé de duo amoureux ; ainsi interdite de passion comme de toute tendresse, Turandot est-elle vouée à la mort et se suicide en fin d’action… Mais aujourd’hui, la fin imaginée par Alfano permet d’envisager un autre destin pour la chinoise, enfin initiée grâce à Calaf, aux délices d’un amour pur et sincère.

Après l’opéra tragique, Madama Butterfly (créé sans succès à la Scala en février 1904) où il convoque un Japon de pacotille, sublimé par l’opulence d’un orchestre à la fois flamboyant et dramatique, Puccini aborde à nouveau l’Asie, à travers le portrait de la princesse chinoise Turandot. La déité règne sur un royaume transi ; ayant promis à son aïeule martyrisée par un étranger de la venger, en imposant à chaque prince qui veut l ‘épouser, la résolution de 3 énigmes… Turandot paraît jusque là mort de Liu (au III), telle une femme glaciale, impérieuse, inflexible ; le prince Calaf qui au début de l’opéra, ose braver l’interdit et répondre aux 3 énigmes, affronte un roc, muré, et comme pétrifiée par sa haine et sa volonté de vengeance.

TURANDOT-orchestre-national-de-lille-juillet-2020-annonce-critique-classiquenewsLes pages symphoniques évoquant la Chine impériale et le faste parfois terrifiant et ennuyeux de la Cour (le trio des 3 ministres chargés des rites, PIM PAM POM), la terrifiante et solennelle confrontation de la princesse et du prince étranger au II où la jeune femme évoque le destin atroce de son aïeule (« Questa Reggia » : un Everest pour toute soprano dramatique qui doit posséder un instrument puissant, clair et agile, d’un format wagnérien…) ; l’aube au début du III, et le célèbre « Nessun dorma »  qui a fait la légende des plus grands ténors (Pavarotti en tête) convoquent le meilleur orchestre puccinien, doué de chromatisme audacieux, de couleurs, d’envolées lyriques, proprement picturales. Rien de mieux pour l’Orchestre National de Lille prêt à relever tous les défis sous la direction de son directeur musical, le très impliqué Alexandre Bloch.

 

 
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Alexandre Bloch © Ugo Ponte

 

 

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 Orchestre National de Lille / ONLILLE © Ugo Ponte

 
 

 
 

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PUCCINI : Turandotboutonreservation
Version de concert
Les Nuits d’été de l’Orchestre National de Lille

Mardi 7, mercredi 8, jeudi 9 juillet 2020, 20h
LILLE, Auditorium du Nouveau Siècle

 

RÉSERVEZ VOS PLACES
directement sur le site de l’ONLILLE Orchestre National de Lille
https://www.onlille.com/saison_19-20/concert/turandot/

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ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE
Alexandre Bloch, direction

Calaf : Jorge de León
David Pomeroy (concert du 8 juillet 2020)

Turandot : Ingela Brimberg
/ Miina-Liisa Värelä (concert du 8 juillet 2020)

Liu : Eri Nakamura
Timur : Nicolas Testé
Ping & le Mandarin : Philippe-Nicolas Martin
Pang : Sahy Ratia
Pang : Tividar Kiss
Altoum, empereur de Chine : Éric Huchet

Orchestre National de Lille
The Hungarian National Choir
Jeune Chœur Des Hauts-De-France

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TURANDOT en direct du Liceu

pucciniARTE.TV/opera Mardi 15 octobre 2019, 20h, en direct. PUCCINI : TURANDOT en direct du Liceu de Barcelone, mise en scène : Franck ALEU, vidéaste / direction musicale : Josep PONS. 3 énigmes sont révélées par le prince Calaf pour obtenir la main de la princesse vierge Turandot. 3 personnages sont clés au centre de ce drame oriental à la fois cruel, barbare et finalement transcendé par l’amour : Calaf donc, le prince étranger ; Turandot, la vierge hystérique et frigide ; Liu enfin, celle qui aime en secret Calaf mais se sacrifie volontiers… Elle meurt assassinée après avoir été torturée, inquiétée par les policiers de Turandot.

 

 

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Turandot au LICEU de Barcelona par Franc ALEU (DR)

 

 

20 ans après l’inauguration du Liceu (7 octobre 1999), voici le dernier opéra de Puccini, demeuré inachevé, ici dans l’incarnation de la soprano lyrique et dramatique (car il faut un volume sonore exceptionnel pour exprimer les affres émotionnels de la princesse chinoise) : Irène Theorin. Le dernier acte reprend les esquisses laissées fragmentaires par Puccini ; il est achevé sous la dictée tyrannique du chef Toscanini par Franco Alfano pour être créé à la Scala de Milan en 1926. Le Liceu a tout misé pour cette superproduction puccinienne sur les ressources créatives du vidéaste Franc ALEU : effet d’annonce, bluff médiatique ou réelle aptitude opératique ? A vous de juger ce 15 octobre 2019 sur ARTE.TV/opera  à 20h.

Avec Gregory Kunde (Calaf), Ermonela Jaho (Liù)
Orchestre et choeur du LICEU de Barcelone.

 

 

 

 

 

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INFOS
https://www.liceubarcelona.cat/es/temporada-2019-2020/opera/turandot

COMPTE-RENDU, opéra. PARIS, Opéra Bastille, 14 sept 2019. PUCCINI : Madame Butterfly. Ana Maria Martinez, Marie-Nicole Lemieux, Giorgio Berrugi… Orchestre de l’opéra. Giacomo Sagripanti, direction. Robert Wilson, mise en scène.

puccini-giacomo-portrait-operas-classiquenews-dossier-special-HOMEPAGE-classiquenewsCOMPTE-RENDU, opéra. PARIS, Opéra Bastille, 14 sept 2019. PUCCINI : Madame Butterfly. Ana Maria Martinez, Marie-Nicole Lemieux, Giorgio Berrugi… Orchestre de l’opéra. Giacomo Sagripanti, direction. Robert Wilson, mise en scène. Retour de la mise en scène mythique de Madame Butterfly (1993) de Robert Wilson à l’Opéra National de Paris ! La direction musicale de l’archicélèbre opus de Puccini est assuré par le chef Giacomo Sagripanti. Une reprise qui n’est pas sans défaut dans l’exécution mais toujours bienvenue et heureuse grâce à la qualité remarquable de la production.

Madame Butterfly est l’opéra préféré de Puccini, « le plus sincère et le plus évocateur que j’ai jamais conçu », disait-il. Il marque un retour au drame psychologique intimiste, à l’observation des sentiments, à la poésie du quotidien. Puccini pris par son sujet et son héroïne, s’est plongé dans l’étude de la musique, de la culture et des rites japonais, allant jusqu’à la rencontre de l’actrice Sada Jacco qui lui a permis de se familiariser avec le timbre des femmes japonaises ! Si l’histoire d’après le roman de Pierre Lotti « Madame Chrysanthème » fait désormais partie de la culture générale et populaire, de propositions scéniques comme celle de Robert Wilson ont la qualité d’immortaliser davantage et l’oeuvre, et l’expérience esthétique et artistique que sa contemplation représente.

 

Madame Butterfly de Wilson,
minimalisme tu me tiens !

L’opus, un sommet lyrique en ce qui concerne l’expression et le mélodrame, très flatteur pour les gosiers de ses interprètes sur scène, pose souvent de problème dans la mise en scène. L’histoire de la geisha répudiée après mariage et idylle avec un jeune lieutenant de l’armée américaine est d’un côté très contraignante au niveau dramaturgique, et très excessive au niveau du pathos et de l’affect.
Une œuvre aussi exubérante dans le chant et aussi tragique dans sa trame, se voit magistralement mise en honneur par une mise en scène minimaliste et immobile comme celle que nous avons le bonheur de redécouvrir en cette fin d’été. Ici, Bob Wilson, avec ses costumes et ses incroyables lumières (collaboration avec Heinrich Brunke pour les dernières), se montre maître de l’art dans le sens où l’utilisation de l’artifice, épuré, est au service de l’histoire. Rien n’y est ajouté, rien n’y est jamais explicité… De la froideur gestuelle apparente des personnages sort une intensité maîtrisée, qui captive et qui hante bien au-delà des deux heures de représentation.

Un travail si particulier doit être un défi supplémentaire pour les chanteurs, qui doivent se maîtriser et physiquement et psychologiquement, tout en chantant un petit éventail d’émotions souvent excessives ou exacerbées. En l’occurrence nous sommes mitigés par rapport à l’exécution. Le ténor italien Giorgio Berrugi faisant ses débuts à l’Opéra de Paris dans le rôle du lieutenant F.B Pinkerton, a un chant délicieux : sa voix est très seine et le timbre est beau. Le duo d’amour qui clôt l’acte 1 « Bimba, bimba… dalli occhi pieni di malia… vogliatemi bene » est un véritable sommet d’expression musicale pour lui et pour la soprano, il le chante avec vaillance et sentiment. S’il est légèrement plus audible qu’Ana Maria Martinez en Butterfly pendant ce duo, nous avons trouvé son interprétation bouleversante d’humanité. Son air de l’acte II : « Un bel di vedremo » a été d’une grande intensité théâtrale, mais nous constatons en cette première quelques problèmes d’équilibre entre la fosse et la scène, et elle s’y trouve pénalisée.
Les nombreux rôles secondaires paraissent parfois également affectés par cette question, plusieurs de leurs performances se distinguent cependant : Laurent Naouri impeccable et implacable en Sharpless, Marie-Nicole Lemieux à la présence remarquable en Suzuki, ou encore le Goro plus-que-parfait de Rodolphe Briand ! Les chœurs dirigés par Alessandro di Stefano, sont tout à fait dans la même situation, et nous félicitons ses efforts.

La direction de Giacomo Sagripanti pourrait être à l’origine du déséquilibre notoire et regrettable pour une si magnifique production. Il s’agît d’une impression que nous avons surtout au premier acte. S’il existe une certaine volonté du chef d’apporter une lecture plus cristalline qu’émotive, bienvenue, l’orchestre réussi à vibrer plus équitablement au troisième acte.

Reprise mythique à l’Opéra National de Paris à découvrir et redécouvrir encore à l’Opéra Bastille les 9, 12, 19, 26, 29 et 30 octobre ainsi que les 1, 2, 5, 6, 8, 9 et 13 novembre 2019 avec deux distributions.

COMPTE-RENDU, opéra. NANCY, Opéra, 23 juin 2019. PUCCINI : Madame Butterfly. Seo, Montvidas. Emmanuelle Bastet / Pitrènas.

Nouvelle Tosca à l'Opéra de TOURSCOMPTE-RENDU, opéra. Nancy. Opéra National de Lorraine, 23 juin 2019. PUCCINI : Madame Butterfly. Sunyoung Seo, Edagaras Montvidas, Cornelia Oncioiu… Orchestre symphonique et lyrique de Nancy. Modestas Pitrènas, direction. Emmanuelle Bastet, mise en scène. Nouvelle production du chef-d’œuvre puccinien, Madame Butterfly, à l’affiche à l’Opéra National de Lorraine. La metteur en scène Emmanuelle Bastet signe un spectacle intimiste, d’une grande délicatesse et sensibilité et le chef Modestas Pitrènas assure la direction musicale de l’orchestre et des chanteurs superbement investis à tous niveaux!

Madame Butterfly était l’opéra préféré du compositeur, « le plus sincère et le plus évocateur que j’ai jamais conçu », disait-il. Il marque un retour au drame psychologique intimiste, à l’observation des sentiments, à la poésie du quotidien. Puccini pris par son sujet et son héroïne, s’est plongé dans l’étude de la musique, de la culture et des rites japonais, allant jusqu’à la rencontre de l’actrice Sada Jacco qui l’a permit de se familiariser avec le timbre des femmes japonaises !
L’histoire de Cio-Cio-San / Butterfly s’inspire largement du roman de Pierre Loti : Madame Chrysanthème. Le livret est conçu par les collaborateurs fétiches de Puccini, Giacosa et Illica, d’après la pièce de David Belasco, tirée d’un récit de John Luther Long, ce dernier inspiré de Loti. Il parle du lieutenant de la marine américaine B.F. Pinkerton qui se « marie » avec une jeune geisha nommé Cio-Cio San (« Butterfly »). Le tout est une farce mais Butterfly y croit. Elle se convertit au christianisme et a un enfant de cette union. Elle sera délaissée par le lieutenant qui reviendra avec une femme américaine, sa véritable épouse, pour récupérer son fils bâtard. Butterfly ne peut que se tuer avec le couteau hérité de son père, et qu’il avait utilisé pour son suicide rituel Hara-Kiri.

 

 

 

Nouvelle Butterfly à Nancy

Éblouissante simplicité
quand le mélodrame se soumet au drame

 

 

 

Madama-Butterfly nancy emmanuelle bastet Sunyoung Seo  critique opera par classiquenews la nouvelle Butterfly de Nancy opera critique classiquenews ©C2images-pour-l’Opéra-national-de-Lorraine-9-362x543La mise en scène élégante et épurée d’Emmanuelle Bastet, avec les sublimes décors de son collaborateur fétiche Tim Northon, représente une sorte de contrepoids sobre et délicat à la musique marquée par la sentimentalité exacerbée de Puccini. Les acteurs-chanteurs sont engagés et semblent tous portés par la vision théâtrale pointue et cohérente de Bastet. Dans ce sens, le couple protagoniste brille d’une lumière qui dépasse les clichés auxquels on assigne souvent les interprètes des deux rôles. La soprano sud-coréenne Sunyoung Seo est très en forme vocalement et incarne magistralement , âme et corps, le lustre de son aveuglement, derrière lequel se cachent illusion et désespoir. Elle est très fortement ovationnée après le célèbre air « Un bel di vedremo ». Le ténor Edgaras Montvidas est quant à lui un lieutenant Pinkerton tout à fait charmant et charmeur. Le Suzuki de la mezzo-soprano Cornelia Oncioiu se distingue par le gosier remarquable et sa voix à la superbe projection, ainsi que par un je ne sais quoi de mélancolique et touchant dans son jeu. Le Sharpless du baryton Dario Solaris séduit par la beauté du timbre et la maîtrise exquise de sa voix. Les nombreux rôles secondaires agrémentent ponctuellement la représentation par leurs excellentes performances, que ce soit le Goro vivace et réactif de Gregory Bonfatti ou le passage grave et intense de la basse Nika Guliashvili en oncle Bonze.

Madama-Butterfly nancy opera montvideas pinkerton critique opera classiquenews ©C2images-pour-l’Opéra-national-de-Lorraine-1-362x241Le choeur de l’Opéra National de Lorraine sous la direction de Merion Powell est à la hauteur des autres éléments de la production. La direction musicale de Modestas Pitrènas se présente presque comme une révélation. Il a réussi à maîtriser la rythmique de l’opus et à fait scintiller le coloris orchestral d’une façon totalement inattendue ! S’il y a eu des imprécisions dans l’exécution ponctuellement chez les vents, la direction du chef et l’interprétation de l’orchestre sont tout aussi poétiques que la mise en scène. Production heureuse d’un sujet malheureux, revisité subtilement par Emmanuelle Bastet et son équipe artistique.

 

 

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COMPTE-RENDU, opéra. Nancy. Opéra National de Lorraine, 23 juin 2019. PUCCINI : Madame Butterfly. Sunyoung Seo, Edagaras Montvidas, Cornelia Oncioiu… Orchestre symphonique et lyrique de Nancy. Modestas Pitrènas, direction. Emmanuelle Bastet, mise en scène. Illustrations : Sunyoung Seo (Cio-Cio-San) © C2images pour l’Opéra national de Lorraine
 

Carmen, Violetta, Mimi… 3 visages de l’éternel féminin au XIXè

puccini-giacomo-portrait-operas-classiquenews-dossier-special-HOMEPAGE-classiquenewsARTE, Dim 7 juillet 2019. CARMEN, VIOLETTA, MIMI, ROMANTIQUES ET FATALES
« Mimi, Carmen, Violetta » compose un triptyque lyrique pour un film choral consacré aux héroïnes des trois opéras romantiques les plus joués dans le monde aujourd’hui : Carmen, La Traviata et La Bohême. Mais alors Mozart n’existe pas dans cette (pseudo) statistique ? Et Don Giovanni, et La Flûte enchantée ? Et Elvira, Anna, Zerlina, Pamina ? Quelle omission.
Selon la présentation de l’éditeur, voici donc « Trois grandes figures d’émancipation féminine : Carmen, cet obscur objet de désir, qui paie de sa vie son indomptable liberté… Violetta, la courtisane adulée qui, en sacrifiant son amour, devient une sorte de sainte laïque… Et enfin la douce et pauvre Mimi, la petite brodeuse dont la jeunesse est fauchée par la tuberculose ». Mais alors que dire de Mimi, digne et misérable, fauchée avant d’avoir pu cultiver et affirmer son maour (pour Rodolfo le poète). On peut rêver mieux comme modèle d’émancipation féminine. Mimi est quand même une victime de la Bohème parisienne, entre pauvreté, misère, indigence…
Qui sont-elles ? Et d’où viennent-elles ? A travers un montage d’archives baigné de musique et « aussi savant que sensible », le film part en quête des personnages, qui apparaissent à Paris, quasiment en même temps, au milieu du 19ème siècle, sous la plume de 3 écrivains (Alexandre Dumas Fils, Prosper Mérimée, Henry Murger). Des écrivains qui font évoluer la littérature en puisant dans leur propre vie la matière de leurs histoires.
A l’origine des mythes, on découvre avant tout 3 femmes de chair et de sang : muse, amante ou héroïne de fait divers, … comme la matière de Madame Bovary : elles viennent de la réalité, en rien de l’histoire antique ou de la fable héroïque.
Tout le mérite revient aux compositeurs d’avoir su enrichir leur psychologie jusqu’à parvenir à des personnages devenus des archétypes, des symboles, autant de visages de l’éternel féminin…

En suivant leur parcours, c’est aussi tout le 19ème siècle, romantique, réaliste, naturaliste, qui est suggéré : ses modes, sa littérature, sa musique, l’essor bourgeois né de la révolution industrielle… La musique baigne entièrement le film qui permet de faire entendre les pages les plus célèbres des 3 opéras de Giuseppe Verdi, Georges Bizet, Giacomo Puccini.

arte_logo_2013ARTE, Dim 7 juillet 2019, 18h15 CARMEN, VIOLETTA, MIMI, ROMANTIQUES ET FATALES. Auteurs : Cyril Leuthy et Rachel Kahn / Réalisation : Cyril Leuthy – Coproduction : ARTE France/ ET LA SUITE PRODUCTIONS / INA avec la participation de France Télévisions (2018-52mn) / illustration

CD, compte rendu critique. « VERISMO » : Boito, Ponchielli, Catalani, Cilea, Leoncavallo, Mascagni, Puccini, airs d’opéras par Anna Netrebko, soprano (1 cd Deutsche Grammophon)

verismo-anna-netrebko-VIGNETTE-160-cd-presentation-review-cd-critique-cd-classiquenews-582-594-1CD, compte rendu critique. « VERISMO » : Boito, Ponchielli, Catalani, Cilea, Leoncavallo, Mascagni, Puccini, airs d’opéras par Anna Netrebko, soprano (1 cd Deutsche Grammophon). De La Wally à Gioconda, d’Adrienne Lecouvreur à Marguerite, sans omettre les pucciniennes Butterfly, Liù et Turandot, aux côtés de Manon Lescaut, Anna Netrebko confirme son immense talent d’actrice. En plus de l’intensité d’une voix de plus en plus large et charnelle (medium et graves sont faciles, amples et colorés), la soprano émerveille et enchante littéralement en alliant risque et subtilité. C’est à nouveau une réussite totale, et après son dernier album Iolanthe / Iolanta de Tchaikovsky et celui intitulé VERDI, la confirmation d’un tempérament irrésistible au service de l’élargissement de son répertoire… Au très large public, Anna Netrebko adresse son chant rayonnant et sûr ; aux connaisseurs qui la suivent depuis ses débuts, la Divina sait encore les surprendre, sans rien sacrifier à l’intelligence ni à la subtilité. Ses nouveaux moyens vocaux même la rendent davantage troublante. CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2016.

verismo-anna-netrebko-582-582-classiquenews-presentation-review-critique-cd-deutsche-grammophonDe Boito (né en 1842), le librettiste du dernier Verdi (Otello et Falstaff), Anna Netrebko chante Marguerite de Mefistofele (créé à La Scala en 1868), dont les éclats crépusculaires préfigurent les véristes près de 15 années avant l’essor de l’esthétique : au III, lugubre et tendre, elle reçoit la visite du diable et de Faust dans la prison où elle a été incarcérée après avoir assassiné son enfant. « L’altra notte in fondo al mare » exprime le désespoir d’une mère criminelle, amante maudite, âme déchue, espérant une hypothétique rémission. Même écriture visionnaire pour Ponchielli (né en 1834) qui compose La Gioconda / La Joyeuse sur un livret du même Boito : également créé à La Scala mais 8 ans plus tard, en 1876, l’ouvrage affirme une puissance dramatique première en particulier dans l’air de Gioconda au début du IV : embrasée et subtile, Netrebko revêt l’âme désespérée (encore) de l’héroïne qui dans sa grande scène tragique (« Suicidio ! ») se voue à la mort non sans avoir sauvé celui qu’elle aime, Enzo Grimaldi… l’espion de l’Inquisition Barnaba aura les faveurs de Gioconda s’il aide Enzo à s’enfuir de prison. En se donnant, Gioconda se voue au suicide.

JUSTESSE STYLISTIQUE. Une telle démesure émotionnelle, d’essence sacrificielle, se
retrouve aussi chez Flora dans La Tosca de Puccini (né en 1858), quand la cantatrice échange la vie de son aimée Mario contre sa pudeur : elle va se donner à l’infâme préfet Scarpia. Anna Netrebko éblouit par sa couleur doloriste et digne, dans sa prière à la Vierge qu’elle implore en fervente et fidèle adoratrice… (« Vissi d’arte » au II).
Mais Puccini semble susciter toutes les faveurs d’une Netrebko, inspirée et maîtresse de ses moyens. Sa Manon Lescaut, défendu aux côtés de son époux à la ville, – le ténor azerbaïdjanais Yusif Eyvazov-, se révèle évidente, naturelle, ardente, incandescente, … d’une candeur bouleversante au moment de mourir. Le velours de la voix fait merveille. Le chant séduit et bouleverse.
Même finesse d’intonation pour sa Butterfly : « Un bel dì vedremo », autre expression d’une candeur intacte celle de la jeune geisha qui demeure inflexible, plus amoureuse que jamais du lieutenant américain Pinkerton, affirmant au II à sa servante Suzuki, que son « époux » reviendra bientôt…

TURANDOT IRRADIANTE… Plus attendus car autrement périlleux, les deux rôles de Turandot (l’ouvrage laissé inachevé de Puccini) : deux risques pourtant pleinement assumés là encore qui révèlent (et confirment) l’intensité dramatique et la justesse expressive dont est capable la diva austro-russe. Pourtant rien de plus distincts que les deux profils féminins : d’un côté, la pure, angélique et bientôt suicidaire Liù ; de l’autre, l’impériale et arrogante princesse chinoise (elle paraît ainsi en tiare d’or en couverture du cd) : Turandot dont la diva, forte de ses nouveaux graves, d’un médium large et tendu à la fois, sait dévoiler sous l’écrasante pompe liée à sa naissance, le secret intime qui fonde sa fragilité… (premier air de Turandot: « In questa reggia »). Le souci du verbe, la tension de la ligne vocale, l’éclat du timbre, la couleur, surtout la finesse de l’implication imposent ce choix comme l’un des plus bouleversants, alors qu’il était d’autant plus risqué. « La Netrebko » sait ciseler l’hypersensibilité de la princesse, sa pudeur de vierge autoritaire sous le décorum (qu’elle sait plus à déployer dans le choix du visuel de couverture du programme ainsi que nous l’avons souligné précédemment). Est-ce à dire que demain, Anna Netrebko chantera le rôle dans son entier sur les planches ? La question reste posée : rares les cantatrices capables de porter un rôle aussi écrasant pendant tout l’opéra.


CLIC_macaron_2014SOIE CRISTALLINE POUR PURS VÉRISTES
. Aux côtés des précurseurs visionnaires, – ici Boito et Ponchielli, place aux véristes purs et durs, créateurs renommés, parfois hautains et exclusifs, au sein de la Jeune Ecole (la Giovane Scuola), ainsi qu’en avant-gardistes déclarés, il se nommaient ; paraissent ici Giordano (1867-1948), Leoncavallo (1857-1919), Cilea (1866-1950). Soit une décennie miraculeuse au carrefour des deux siècles (1892-1902) qui enchaîne les chefs d’oeuvres lyriques, vrais défis pour les divas prêtes à relever les obstacles imposés par des personnages tragiques (souvent sacrificiels), « impossibles ».
Pour chacun d’eux, Anna Netrebko offre la soie ardente de son timbre hyperféminin, sachant sculpter la matière vocale sur l’écrin orchestral que canalise idéalement Antonio Pappano. L’accord prévaut ici entre chant et instruments : tout concourt à cette « ivresse » (souvent extatique) des sentiments qui très contrastés, exige une tenue réfléchie de l’interprète : économie, intelligibilité, intelligence de la gestion dramatique autant qu’émotionnelle. La finesse de l’interprète éblouit pour chacune des séquences où perce l’enivrement radical de l’héroïne. Sa Nedda (Pagliacci de Leoncavallo, créé en 1892), exprime en une sorte de berceuse nocturne, toute l’ardente espérance pourtant si fébrile
de la jeune femme malheureuse avec son époux Canio, mais démunie, passionnée face à l’amour de son amant le beau Silvio. Plus mûre et marquée voire dépassée par les événements révolutionnaires, Madeleine de Coigny (André Chénier de Giordano, créé en 1896) impose l’autorité d’une âme amoureuse qui tout en dénonçant la barbarie environnante (incendie du château familial où meurt sa mère, fuite, errance, déchéance, misère…), s’ouvre à l’amour du poète Chénier, son unique salut.
Mais en plus de l’intensité dramatique – fureur et dépassement, Anna Netrebko sait aussi filer des sons intérieurs qui ciselés – c’est à dire d’une finesse bellinienne, donc très soucieux de l’articulation du texte, illuminent tout autant le relief des autres figures de la passion : La Wally (de Catalani, 1854-1893) et sa cantilène éthérée, comme l’admirable scène quasi théâtrale d’Adrienne Lecouvreur (de Cilea,), regardent plutôt du côté d’une candeur sentimentale, grâce et tendresse où là encore l’instinct, le style, l’intonation confirment l’immense actrice, l’interprète douée pour la sensibilité économe, l’intensité faite mesure et nuances, soit la résurgence d’un certain bel canto qui par sons sens des phrasés et d’une incarnation essentiellement subtile approche l’idéal bellinien. La diversité des portraits féminins ici abordés, incarnés, ciselés s’offre à la maîtrise d’une immense interprète. Chapeau bas. « La Netrebko » n’a jamais été aussi sûre, fine, rayonnante. Divina.

CD, compte rendu critique. « VERISMO » : Boito, Ponchielli, Catalani, Cilea, Leoncavallo, Mascagni, Puccini, airs d’opéras par Anna Netrebko, soprano. Orchestre de l’Accademia Santa Cecilia. Antonio Pappano, direction. Enregistrement réalisé à Rome, Auditorium Parco della Musica, Santa Cecilia Hall, 7 & 10/2015; 6/2016 — 1 cd Deutsche Grammophon 00289 479 5015. CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2016. Parution annoncée : le 2 septembre 2016.

 

 

 

Impériale diva

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Discographie précédente

 

 

Anna Netrebko chante Verdi chez Deutsche GrammophonCD. Anna Netrebko : Verdi  (2013)  …     Anna Netrebko signe un récital Verdi pour Deutsche Grammophon d’une haute tenue expressive. Soufflant le feu sur la glace, la soprano saisit par ses risques, son implication qui dans une telle sélection, s’il n’était sa musicalité, aurait été correct sans plus … voire tristement périlleuse. Le nouveau récital de la diva russo autrichienne marquera les esprits. Son engagement, sa musicalité gomment quelques imperfections tant la tragédienne hallucinée exprime une urgence expressive qui met dans l’ombre la mise en péril parfois de la technicienne : sa Lady Macbeth comme son Elisabeth (Don Carlo) et sa Leonora manifestent un tempérament vocal aujourd’hui hors du commun. Passer du studio comme ici à la scène, c’est tout ce que nous lui souhaitons, en particulier considérant l’impact émotionnel de sa Leonora … En LIRE +

 

 

 

 

iolanta anna netrebko tchaikovski cd deutesche grammophon clic de classiquenews janvier 2015CD. Simultanément à ses représentations new yorkaises (janvier et février 2015), Deutsche Grammophon publie l’opéra où rayonne le timbre embrasé, charnel et angélique d’Anna Netrebko, assurément avantagée par une langue qu’elle parle depuis l’enfance. Nuances, richesse dynamique, finesse de l’articulation, intonation juste et intérieure, celle d’une jeune âme ardente et implorante, pourtant pleine de détermination et passionnée, la diva austro-russe marque évidement l’interprétation du rôle de Iolanta : elle exprime chaque facette psychologique d’un personnage d’une constante sensibilité. De quoi favoriser la nouvelle estimation d’un opéra, le dernier de Tchaïkovski, trop rarement joué.  En jouant sur l’imbrication très raffinée de la voix de la soliste et des instruments surtout bois et vents (clarinette, hautbois, basson) et vents (cors), Tchaïkovski excelle dans l’expression profondes  des aspirations secrètes d’une âme sensible, fragile, déterminée : un profil d’héroïne idéal, qui répond totalement au caractère radical du compositeur. Toute la musique de Tchaïkovski (52 ans) exprime la volonté de se défaire d’un secret, de rompre une malédiction… La voix corsée, intensément colorée de la soprano, la richesse de ses harmoniques offrent l’épaisseur au rôle-titre, ses aspirations désirantes : un personnage conçu pour elle. Voilà qui renoue avec la réussite pleine et entière de ses récentes prises de rôles verdiennes (Leonora du trouvère, Lady Macbeth) et fait oublier son erreur straussienne (Quatre derniers lieder de Richard Strauss). LIRE notre dossier complet ” IOLANTA par Anna Netrebko “

 

CD. Anna Netrebko : Souvenirs (2008) …   Anna Netrebko n’est pas la plus belle diva actuelle, c’est aussi une interprète à l’exquise et suave musicalité. Ce quatrième opus solo est un magnifique album. L’un de ses plus bouleversants. Ne vous fiez pas au style sucré du visuel de couverture et des illustrations contenues dans le coffret (lequel comprend aussi un dvd bonus et des cartes postales!), un style maniériste à la Bouguereau, digne du style pompier pure origine… C’est que sur le plan musical, la diva, jeune maman en 2008, nous a concocté un voyage serti de plusieurs joyaux qui font d’elle, une ambassadrice de charme… et de chocs dont la tendresse lyrique et le choix réfléchi des mélodies ici regroupées affirment une maturité rayonnante, un style et un caractère,  indiscutables. EN LIRE +

 

 

 

 

Prochains rôles d’Anna Netrebko :

netrebko anna macbeth classiquenews review account ofLady Macbeth dans Macbeth de Verdi : 18,21, 27 décembre 2016 à l’Opéra de Munich
Leonora dans Il Trovatore de Verdi : 5-18 février 2017 à l’Opéra de Vienne
Violetta Valéry dans La Traviata de Verdi : 9-14 mars 2017, Scala de Milan
Tatiana dans Eugène Onéguine de Tchaikovski : 30 mars-22 avril 2017, Metropolitan Opera New York
puis à l’Opéra Bastille à Paris, du 16 au 31 mai 2017, rôle assuré en alternance avec Sonya Yoncheva (juin 2016)

 

 

DVD, compte rendu critique. JONAS KAUFMANN : An evening with PUCCINI (Sony classical)

puccini-kaufmann-an-evening-with-puccini-jonas-kaufmann-critique-dvd-review-CLIC-de-CLASSIQUENEWS-mai-2016-1-dvd-sony-classicalDVD. JONAS KAUFMANN : An evening with PUCCINI (Sony classical). Jonas Kaufmann aime tellement Puccini qu’il n’hésite pas en début de ce programme diffusé au cinéma puis édité en avril 2016, à narrer la biographie du compositeur vériste: voix off sur les 10 mn du Preludio sinfonico de 1882;  biographie enivrante car le ténor qui chante a aussi une voix de narrateur totalement séduisante. Dans les faits les amateurs et connaisseurs du cas Kaufmann retrouvent tous les titres du cd Puccini  (Puccini Album : nessun dorma enregistré en septembre 2014, édité par Sony en septembre 2015 : clic de classiquenews), chantés ici par ordre chronologique de création des oeuvres. Toujours généreux  et fabuleusement timbré, aux phrasés filigranés, le ténor chante en plus le lamento de Tosca  (recondita armonia), mais aussi un autre air de La Fanciulla del West,  perle ou “encores” (bis), au même titre que l’éblouissant Ombra di Nube, ou Non ti scordar di me. .. La voix rauque et féline du plus grand ténor actuel enchante littéralement pour chaque personnage, autant de portrait d’amoureux éperdu qui comme c’est le cas du héros puccinien, n’a jamais manqué de profondeur ni de droiture morale. Sensible à ses publics – dont de très nombreuses admiratrices, le beau ténébreux rechante Nessun dorma avec un aplomb irrésistible, une fragilité nouvelle mais au diapason de la fatigue bien compréhensible vu le programme lyrique de la soirée scaligène.

Le divin chantre se trompe même dans les paroles … menu fretin au regard de son charisme exceptionnel

Enregistré en juin 2015 à Milan, le récital lyrique et symphonique éblouit par sa musicalité et la personnalité radicalement impliquée du ténor. Un must.

DVD, compte rendu critique. JONAS KAUFMANN : An evening with PUCCINI (Sony classical)

Madama Butterfly à Tours

pucciniTours, Opéra. Puccini : Madama Butterfly. Les 7,9,11,13 octobre 2015. Familier de l’Opéra de Tours, le metteur en scène Alain Garichot s’empare de la tragédie amoureuse qui met en scène la jeune japonaise Cio-Cio-San, abandonnée par son époux récemment rencontré, l’officier américain (Pinkerton), mais la jeune femme désoeuvree se voit contrainte au suicide par son sens de l’honneur, car le bel étranger qui l’avait épousée sans y croire, reparaît à Nagazaki mais au bras de sa véritable épouse américaine … Madama Butterfly est un drame exotique qui passionna Puccini. La force du sentiment exprimé dépasse le fait divers.  Après l’extase amoureuse et l’ivresse sensorielle d’un mariage de pacotille auquel elle est seule à croire sincèrement, Cio Cio San bientôt enceinte, est condamnée à l’abandon et à l’attente… solitude, désespoir, trahison, humiliation sont les étapes d’un cÅ“ur juvénile et tendre qui avait cru à la sincérité des sentiments échangés avec l’époux étranger…
Exotique, l’opéra de Puccini écarte les ficelles et les clichés d’un orientalisme anecdotique ou simplement décoratif : comme Turandot, autre drame extrême oriental (qui se déroule en Chine et qu’il laissera inachevé), Puccini élabore un langage orchestral inouï par son raffinement instrumental et ses harmonies imprévues, aussi moderne et coloré que les partitions de Ravel et Debussy.
La force poignante de Butterfly, tragédie intime dessine une géographie personnelle et pudique que Puccini exprime avec une sensibilité inédite à l’opéra. De sorte que grâce à la musique, l’épisode devient drame universel. Les vertiges de la jeune japonaise atteignent convulsions et grandeur des héroïnes du grand opéra. Opéra événement à Tours et qui inaugure la nouvelle saison lyrique 2015-2016 du théâtre tourangeau.

voix-humaine-anne-sophie-duprels-tours-opera-classiquenews-copyright-2015Pourquoi ne pas manquer cette production de Butterfly à Tours ? Pour la direction toujours cohérente, dramatique et détaillée de Jean-Yves Ossonce, le travail du metteur en scène Alain Garichot toujours clair et respectueux de la partition, et dans le rôle-titre, la soprano intense et fine musicienne Anne-Sophie Duprels, que les tourangeaux avaient pu découvrir la saison dernière dans la production mémorable de La Voix humaine, couplée à l’Heure espagnole… (Voir le reportage vidéo : La Voix humaine et L’Heure espagnole à l’Opéra de Tours). Illustration : Anne-Sophie Duprels dans La Voix Humaine de Cocteau / Poulenc à l’Opéra de Tours en avril 2015.

 

 

 

boutonreservationTours, Opéra. Puccini : Madama Butterfly
4 représentations à ne pas manquer
Mercredi 7 octobre 2015 – 20h00
Vendredi 9 octobre – 20h00
Dimanche 11 octobre – 15h00
Mardi 13 octobre – 20h00

 

 

Billetterie, ouverte du mardi au samedi : 10h-12h, 13h-17h45
02 47 60 20 20
theatre-billetterie@ville-tours.fr

Production Opéra de Tours
Décors, costumes et accessoires réalisés dans les ateliers de l’Opéra de Tours

 

 

 

Tragédia giapponese en trois actes
Livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa
Création le 17 février 1904 à Milan
Editions Ricordi

Direction : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Alain Garichot
Décors : Denis Fruchaud
Costumes : Claude Masson
Lumières : Marc Delamézière

Cio-Cio-San : Anne-Sophie Duprels
Suzuki : Delphine Haidan
Kate Pinkerton : Pascale Sicaud Beauchesnais
F. B. Pinkerton : Avi Klemberg *
Sharpless : Jean-Sébastien Bou
Goro : Antoine Normand
Oncle Bonze : Luc Bertin-Hugault *
Commissaire : Ronan Nédélec

Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire / Tours
Choeurs de l’Opéra de Tours et Choeurs Supplémentaires

Présenté en italien, surtitré en français
* débuts à l’Opéra de Tours

 

 

 

Conférence Madama Butterfly de Puccini
Samedi 3 octobre 2015,  14h30
Grand Théâtre – Salle Jean Vilar
Entrée gratuite

 

 

CD, compte rendu. Puccini : Turandot (Bocelli, Wilson, Mehta, 2014)

TURANDOT-puccini-zubin-mehta-500-cd-decca-andrea-bocelli-Dans Turandot pour une fois, le titre de l’opéra indique clairement la prééminence du personnage féminin : si le premier acte la rend absente car il est conduit par le rappel des princes décapités et l’apparition sur scène du nouveau candidat aux épreuves :  Calaf (cet étranger dont l’identité véritable sera au III le prétexte d’une chasse répressive des plus terrifiante), la jeune femme concentre toute l’action aux actes II et III : de gardienne du temple refusant toute sexualité, la fille de l’empereur s’ouvre peu à peu à l’amour. .. de pétrifiée inhumaine, elle devient aimante et humaine : une métamorphose que seule peuvent dévoiler  la psychanalyse et bien sûr, l’opéra. Dans cette production discographique qui fait suite aux représentations ibériques (Valencia, printemps 2014), la maîtrise du conteur Mehta s’impose immédiatement, nimbant toutes les scènes d’un souffle souvent prenant. Car le maestro n’en est pas à sa première Turandot, loin s’en faut…

Zubin Mehta renouvelle avec panache et finesse sa vision de Turandot

Flamboyante Turandot flanquée de ses 3 ministres impétueux, nerveux, palpitants

CLIC_macaron_2014Jennifer Wilson, soprano américaine née en 1966 en Virginie  (Fairfax) affirme une langueur incandescente marquée par une blessure ancestrale, celle de la princesse qui la précédée, humiliée assassinée par un prince étranger, icône douloureuse à laquelle Turandot s’est dédiée en une dévotion exclusive. La cantatrice affirme un tempérament vocal affirmé et sauvage, entre puissance et tempérament de feu dotée d’aigus perçants et soutenus que Zubin Mehta connaît bien pour l’avoir dirigée en Brünnhilde dans son Ring de 2010. Aux 3 énigmes posées la soprano apporte une constance enflammée habitée par l’ombre de son aînée martyrisée.

D’autant que malgré le déséquilibre de la partition, – laissée inachevée apres la mort de Puccini (après la scène de torture de Liu au III), Zubin Mehta impose une baguette généreuse, souvent somptueusement narrative ciselant l’une des partitions les plus spectaculaires et modernes (harmonies et instrumentarium) de Puccini.  Le chef sait exprimer avec un réel souffle les miroitements de ce conte oriental pour lequel le compositeur a  façonné un imaginaire sonore captivant où les percussions sont souveraines (atmosphère létale du début du III comme un rêve qui s’étire et trouve sa résolution avec le fameux Nessun dorma du prince Calaf. …).

German Olvera baryton Pong PUCCINI TURANDOT zubin mehtaTemps  fort antérieur avec la scène des 3 énigmes, l’apparition des trois ministres, leur asujetissement au rituel épuisant de la cour impériale, aux préparatifs de la cérémonie des énigmes, leurs états d’âme portés par trois chanteurs très en verve et en finesse  (ce qui est rare) de surcroît excellemment enregistrés  (avec le Pong tout en finesse grave de German Olvera, un baryton mexicain timbré au phrasé passionnant et qui fait l’honneur du centre de perfectionnement Placido Domingo au Palau de les Arts Reina Sofia de Valencia : retenez ce nom, c’est l’une des révélations de la nouvelle Turandot). D’une constance juvénile à toute épreuve, le chant soutenu parfois dur du ténor vedette Andrea  Bocelli soutient tous les défis de sa partie. Mais à force d’être seulement vaillant en toute circonstance, le ténor manque de nuances et l’on se demande quand même comment à son contact,  la princesse frigide s’infléchit au désir suscité par cet étranger un rien raide.

L’argument principal de cette nouvelle version demeure les chatoiements sonores, le raffinement instrumental que parvient à obtenir Mehta et l’exceptionnelle incarnation des trois ministres impériaux Ping, Pang, Pong (German Olvera, Valentino Buzza, Pablo Garcia Lopez) qui ici gagnent une réelle vérité dramatique, intensifiée par la prise de son très équilibrée) : à chacune de leur intervention, en accord avec un orchestre nerveux et sensuel, la réalisation rend honneur à l’une des partitions les plus enchanteresses du grand Giacomo. Que du bonheur.

Les nouvelles productions sont rares et cette Turandot fait honneur au prestige de la marque jaune. Orchestrale ment intéressante car Mehta exploite très judicieusement l’orchestre espagnol, vocalement honorable voire prenante la version est une belle surprise de cet été 2015. (Parution : 31 juillet 2015).

 

CD. Giacomo Puccini : Turandot. Andrea Bocelli, Jennifer Wilson, German Olvera, Valentino Buzza, Pablo Garcia Lopez… Coro de la Generalitat Valenciana, Orquestra de la Comunitat Valenciana. Zubin Mehta, direction. 2 CDs 0289 478 82930.

La Mimi d’Anna Netrebko

Anna Netrebko chante MimiCinéma. Opéra. La Bohème de Puccini avec Anna Netrebko. En direct de Londres, le 10 juin 2015, 20h15. A la faveur de la nuit, parce qu’une bougie dans la mansarde s’éteint, deux jeunes cœurs amoureux s’enlacent : ainsi Mimi couturière miséreuse et Rodolfo le poète étudiant s’aiment dans le Paris 1830. Outre la vie parisienne (Barrière d’Enfer, Café Momus), l’opéra de Puccini exprime avec un raffinement orchestral ciselé et une ivresse mélodique irrésistible la fragilité et la sincérité des sentiments. L’amour des deux jeunes amants résistera-t-il aux aléas du temps ? La production plutôt classique mais lisible du Royal Opera House ressuscite le Paris bohème du XIXè, du Quartier Latin aux portes de Paris. Anna Netrebko et Joseph Calleja interprètent Mimi et Rodolfo, les coeurs maudits, lui rattrapés par la jalousie et l’ennui, elle frappée par la maladie. Par contraste, Puccini souligne le profil des amants opposés : extravertis et affrontés mais toujours passionnément amoureux, Musetta (qui paraît au II dans la scène du Café Momus) et Marcello. La jeunesse, la fatalité et la misère hantent l’opéra de Puccini qui évite subtilement l’artifice et la maniérisme grâce à la justesse et la profondeur de son écriture. Même au coeur de la douleur, la musique souveraine selon Puccini, se doit d’être caressante, d’une ineffable gravité poétique.

En direct au Cinéma le mercredi 10 juin à 20h15
LA BOHEME (1896) de Giacomo Puccini 
Avec Anna Netrebko, Lucas Maechem, Joseph Calleja – direction : Dan Ettinger. Opéra en Italien sous-titré en français – 2h50 avec deux entractes. A l’affiche du Royal Opera House de Londres jusqu’au 16 juillet 2015. Aucun doute, l’argument principal de cette reprise londonienne reste la Mimi de la soprano austro russe Anna Netrebko qui en juillet est donc puccinienne, avant de reprendre en août suivant (8-17 août 2015) à Salzbourg le rôle qui lui a valu une nouvelle gloire planétaire, Leonora du Trouvère de Verdi. Depuis sa Donna Anna en 2002 à Sazlbourg qui l’avait révélée, Anna Netrebko cumule les paris risqués mais assumés : récemment, après sa Leonora, Lady Macbeth et Iolanta de Tchaikovski.

A l’origine, La Bohème évoque les amours tragiques et tendres de la couturière Mimi et du poète Rodolphe dans le Paris des années 1830. Au Café Momus, à la barrière d’enfer sous la neige, l’action de La Bohème est une page spectaculaire, sentimentale et atmosphérique du Paris romantique rêvé, celui décrit par le roman de Burger (Scènes de la vie de Bohème). Mimi et Rodolfo comme Musetta et Marcello, leurs comparses, vivent l’expérience amoureuse, sa fragilité (ils se séparent mais ne peuvent cesser de s’aimer), son éternité (leurs duos d’amour sont les plus beaux de tout le répertoire romantique italien)…

Synopsis

ACTE I : Le soir de Noël, à Paris, au Quartier Latin. Sous leur mansarde gelée, quatre amis Rodolfo le poète, Marcello le peintre, Schaunard le musicien et Colline le philosophe tentent de se réchauffer. Ils expédient leur bailleur venu récolter son loyer et sortent réveillonner sauf Rodolfo tout à ses écritures. Frappe à sa porte la pauvre voisine, Mimi qui n’a plus d’allumettes pour sa bougie.Mais elle a perdu sa clé et lorsque leurs deux bougies s’éteignent, dans le noir leurs mains se croisent et fous d’amour, ils s’embrassent.

ACTE II  : Au Café Momus, Mimi et Rodolfo retrouvent Marcello. Musetta paraît : c’est l’ancienne copine de Marcello, à présent flanqué d’un nouveau protecteur, le riche et vieux Alcindoro. Chacun à des tables séparées dîne. Musetta entend rendre jaloux Marcello qu’elle veut reconquérir : le stratagème fonctionne et tous soupent à la barbe du vieillard qui doit payer la note.

ACTE III : Petit matin, près de la Barrière d’Enfer, aux portes de Paris enneigé. Mimi raconte à Marcello que Rodolfo l’a quittée. Mais en réalité ce dernier miséreux, en peut payer les soins de la maladie de Mimi : il préfère se mettre à l’écart et prendre à riche protecteur… Mais les deux amants se retrouvent, reportent leur séparation au printemps alors que Marcello et Musetta se disputent.

ACTE IV : Retour à la mansarde du premier acte. A l’arrivée du printemps, Marcello et Rodolfo songent à leurs amours perdues. Colline et Schaunard apportent un déjeuner frugal que les quatre amis masquent en festin. Musetta leur annonce que Mimi a quitté son riche protecteur. Elle est très gravement malade. Rodolfo s’approche de la condamnée : les amants évoquent les mois de bonheur passés : Mimi meurt dans les bras de Rodolfo qui dit son nom deux fois. Rideau.

Compte rendu, opéra. Marseille, Opéra. Le 13 mars 2015. Puccini : Tosca. FM Carminati, direction.

DVD. Puccini: un séduisant Trittico (Opus Arte)Devant ce livret est d’une remarquable concision, faisant l’économie d’un acte, Victorien Sardou, célèbre dramaturge en son temps, aura l’élégance de reconnaître l’opéra supérieur à sa pièce, pourtant triomphalement défendue par Sarah Bernhardt dans le monde entier. L’histoire lui donne raison : on joue partout l’opéra qui, seul, nous rappelle son drame, irreprésentable aujourd’hui.

 

 

 

Le drame au risque du mélo… 

L’œuvre. Puccini ouvre le XXe siècle lyrique avec la création de sa Tosca à Rome, en 1900, évoquant les tragiques événements d’un jour de juin 1800 dans la même ville. L’action est une conséquence, au niveau de l’histoire individuelle de quatre personnages, des événements de la grande Histoire collective. Les troupes  révolutionnaires françaises, menées par le général Bonaparte ont instauré en 1798 la République romaine. Mais le roi Ferdinand Ier des Deux-Siciles reprend la ville l’année d’après, chargeant le baron Scarpia d’établir une police secrète pour traquer et exterminer les républicains. Voilà le fond historique.

Dans le contexte du drame, son épouse, la reine Marie-Caroline, sœur de Marie-Antoinette, s’apprête à y fêter la victoire et une cantate chantée par la fameuse diva Floria Tosca doit être l’un des moments de la célébration. Les monarchistes réactionnaires célèbrent donc à Rome leur pouvoir retrouvé, comme on a fêté dans le sang, l’année précédente, la fin de la brévissime République parthénopéenne de Naples par la restauration royaliste appuyée par l’Autriche.

 

 

 

Un héroïne sotte et sommaire

On trouvera difficilement, dans le répertoire lyrique qui pourtant en abonde, personnage féminin plus séduisant vocalement mais plus sot et sommaire que Floria Tosca. Voilà donc une diva célèbre à Rome (mais on oublie que les femmes étaient interdites de scène pour indécence, d’où l’emploi de castrats dans la ville pontificale), amante d’un peintre fameux, qui vient le voir sur son lieu de travail, San Andrea della Valle, ne jette même pas un regard (autre que de travers lorsqu’elle voit peinte une femme) sur son Å“uvre en chantier, qui ignore sa commande de peindre en cette église une Madeleine, qui, comme Rome, ne se fait pas en un jour, lui fait une scène de jalousie primaire et puérile et tombe dans le piège grossier improvisé par Scarpia, avant de trahir, pour sauver son voltairien de Mario, l’introuvable cachette du prisonnier évadé recherché (Angelotti, Consul de la défunte République romaine) qu’on devait lui cacher. Bon, admettons, Mario le lui aura imprudemment dit pour calmer ses jaloux transports. Mais c’est une héroïne sans guère de profondeur, qui ne devient intéressante, touchante et bouleversante de naïveté existentielle et religieuse que dans sa « prière » du second acte et gagne en humanité, paradoxalement, en tuant Scarpia. Tout en croyant encore sottement au simulacre d’exécution de son amant promis par celui-ci avant qu’elle ne le tue. On le sait, tout finira dans le sang.

 

Réalisation

Il faut dire d’emblée que la production de Louis Désiré, qui signe mise en scène, décors, costumes, a le mérite d’une cohérence totale, à quelques réserves près. Dans sa Note d’intention, il précise  :

« le pari d’une Tosca cinématographique, comme vue par une fenêtre indiscrète, pas de face, avec de soudains gros plans et des mouvements montrant plusieurs angles du même endroit. »

En faisant, évidemment, la part de la métaphore et de la comparaison de ce propos avec le constat de l’impossibilité filmique de la réalisation sur une scène, ce « même endroit » est forcément la place fixe du spectateur : ce n’est donc pas son regard, la caméra, l’objectif qui change, c’est l’objet. En effet, tournant sur elle-même, la scénographie unique offre divers « regards », divers angles, différentes perspectives obliques, jamais frontales d’un décor à la fois un et multiple : église, château Saint-Ange. C’est ingénieux et beau, mais d’une lourdeur qui nécessite deux entractes pour en arrimer des éléments distincts, le Palais Farnèse et le château-prison.

Il faut perdre ses références culturelles et ses habitudes de l’œuvre pour apprécier ce décor : pas de San Andrea della Valle, lumineux exemple du baroque tardif romain, à voir cette étroite et ombreuse chapelle néo-classique, pas de fastueux Palais Farnèse rutilant de dorures et illuminé et enluminé, illustré de fresques au plafond et de tableaux aux murs, mais une austère façade charbonneuse en ligne de fuite en biais, pas de terrasse lumineuse sous le ciel du Castello Sant’ Angelo surmontée de sa statue ailée de l’ange, mais une geôle, une grille, une  noire cage où croupit le prisonnier ; le petit pâtre, en principe éclairant de sa chanson naïve le jour levant, est ici un petit oiseau aussi en cage, une victime.

De tout le décor émane une atmosphère angoissante, oppressante, avec des plis et des replis de l’ombre, et, si le metteur en scène se réclame du cinéma, c’est  assurément du film noir, avec son art subtil des contrastes des ténèbres et des lumières, des dégradés de gris parfois, mais non de clairs-obscurs, mélange des deux. Quant aux « gros plans » dont il parle, c’est forcément métaphorique, avec les lumières extraordinairement dramatiques et picturales de Patrick Méeüs, sculptant les corps, creusant les visages, particularisant à certains moments tel ou tel personnage passant aussi au premier plan ou sur l’encorbellement d’un balcon à l’acte II. Mais, plus que du film noir, nous avons ici une esthétique, délibérée ou non, digne du « roman gothique » contemporain, sinon de l’opéra, de son sujet historique, ce sombre courant littéraire en plein Siècle des Lumières, fait de terreur, d’horreur, avec ses moines maléfiques, ses bourreaux, dans des châteaux sinistres, d’Otrante ou ailleurs, et dont Sade est aussi un fleuron.

Les costumes, presque tous noirs, telle la confrérie sans faste, néfaste, des moines, moinillons, et dignitaires de l’Église pour le Te deum, avec un bel effet de noir et blanc des enfants jetant en l’air, sinon leur future soutane par-dessus les moulins, leur aubes blanches par-dessus leur tête. Sur cette noirceur monochrome, la robe dorée de Tosca, mantille noire au premier acte ou cape d’or au second, lui confère la grâce d’un papillon solaire égaré par une nuit sans lune.

Le décor tournant ramène à la fin, comme une nostalgique réminiscence et contraste cruel d’art et de beauté, d’amour et de mort, pour l’artiste condamné, la chapelle de l’église, le diptyque des deux Madeleines comme la vanité cruelle d’une religion inutile, réduite à la représentation, écho visuel ironique aux questions désespérées de la prière de Tosca, à laquelle « ne répond que le silence éternel de la divinité. »

Le double panneau des Madeleines que peint Mario à l’acte I, au teint de porcelaine rosée, sont une dissonance stylistique, hollywoodienne ou trop XIXe siècle finissant, peut-être vaguement inspirées des couleurs renaissance de la peinture préraphaélite anglaise ou de Italia und Germania de Friedrich Overbeck, peintre du courant similaire des Nazarener, qui offre deux allégories de femme, la blonde aux yeux bleus et la brune, dont le corsage rouge est de la teinte de la Madeleine brune de Mario, qui semble avoir anticipé le caprice de Tosca lui intimant de lui faire les yeux bruns. Mais la taille de ces « belleze diverse » rend bien invraisemblable que la rageuse et orageuse diva ne les ait même pas envisagées d’entrée.

Autre bémol, l’effet théâtral de la théâtrale diva accordant au cadavre de Scarpia la grâce d’une croix et de deux candélabres comme cierges funèbres, le mimodrame traditionnel, est escamoté au profit d’un aparté au rideau avec la phrase parlée sur la terreur terrassée du Scarpia redouté par toute Rome ; de même le saut dans le vide remplacé par une mort debout devant le rideau avec, après le cri, un sourire aux spectateurs, s’il crée une distance brechtienne, arrache le spectateur à l’émotion de la théâtralité tragique pour le tirer, sinon franchement vers le comique, du moins vers la comédie.

 

Interprétation

Théâtralement, c’est d’une belle tenue aussi même si elle n’est pas toujours à la  même hauteur.

Sur les accords brutaux de Scarpia en elliptique ouverture, le rideau se lève sur un Angelotti traqué de belle trempe (Antoine Garcin). En pendant pendard malgré sa soutane, Jacques Catalayud, en sacristain bougon, grognon, gourmand, mais dévot inquiétant déjà, donne à ce rôle une dimension théâtrale et vocale qu’on entend et voit rarement. Dans un crescendo magnifique à l’orchestre, ce premier acte culmine avec une grandeur terrifiante sur le Te deum presque démoniaque, mené par le tonnerre et la foudre de la voix de Carlos Almaguer en Scarpia à l’habit rouge, où la foule des enfants de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône (Samuel Coquard) semble dissoudre leur grâce enfantine dans la noirceur d’un chœur d’esprits plus infernaux que paradisiaques (Pierre Iodice).

Malheureusement, à l’acte II, d’une noirceur plus intimiste, le grand baryton mexicain, tout en cherchant à plier son immense voix d’airain à quelques nuances, marque ses limites dans un personnage plein de subtilité machiavélique, certes adepte de la conquête brutale, mais tout de même d’un raffinement aristocratique dans ses paroles et ses actes, puisqu’il ne se contente pas de prendre, ce qui est en son pouvoir,  mais de séduire pour réduire même par une violence sadienne, sadique, qui peut être également séduction, ce qu’insinue la musique, les harmonies délicates que prête Puccini au personnage dramatiquement le plus intéressant de l’œuvre.

Le ténor Giorgio Berrugi a certainement la voix de lirico spinto de Mario, large, solide, cependant, il a quelques, sinon faiblesses, hésitations d’intonation dans les deux seuls passages héroïques du personnage comme sa promesse à Angelotti (« Mi costasse la vita, vi salveró ! » de l’acte I et le « Vittoria, Vittoria ! » du II, aux aigus difficiles à attraper. Plus à l’aise dans le lyrisme amoureux, il est émouvant dans son lamento nuancé « E lucevan le stelle… » qui mérite plus d’applaudissements du public.

Adina Aaron prête sa beauté et son élégance à Tosca et s’avère assez bonne comédienne. Cependant, le timbre, plus feutré que fruité, semble avoir perdu des harmoniques et la voix manque de brillant et de mordant et elle détimbre quelques pianissimi filés. Elle a une fâcheuse tendance à chercher quelques effets hors de la musique. Dans sa « prière », elle lie abusivement deux phrases musicales, mais, pour ce faire, coupe une phrase grammaticale et s’offre un point d’orgue pour un inutile effet de souffle qui ravit le public mais ravit de l’émotion au personnage.

Fabrizio Maria Carminati, chef remarqué pour ce genre d’ouvrage,  conduit magistralement un orchestre au mieux de sa forme au premier acte, drapant de volupté délicate les deux amants aux gestes et mots sensuels. Mais, que se passe-t-il au second ? Comme si le paroxysme exacerbé déjà ne suffisait pas, il semble ajouter du pathos au pathétique, ce qui donne du pâteux, déchaîne à l’excès les cuivres. Du cinquième rang côté cour, on n’entend pas la cantate de Tosca, ses cris déchirants fortissimo ensuite sont étouffés, et même le tonitruant Almaguer a du mal à passer la rampe, du Spoletta de Loïc Félix, apprécié ailleurs, je ne pourrai rien dire, il était inaudible, comme le pourtant solide Sciarrone de Jean-Marie Delpas. Effet d’un emplacement acoustiquement défavorable car la musique est fatalement spatialisée ? Troublé dans mon admiration pour Carminati, à l’entracte, je consulte des amis, fins musiciens et amateurs éclairés : ils m’avouent la même gêne de leur dixième et douzième rang… Fort heureusement, effet ici bénéfique, la prière de Tosca ramène la beauté musicale d’un orchestre maîtrisé et non déchaîné,  qui se poursuit au dernier acte.

Mélodrame signifie, littéralement, de l’italien, ‘drame mélodieux’, drame en musique,  et il y a toujours un danger, à exécuter excessivement Puccini, à ensevelir la musique sous le son, de faire du drame un mélo.

 

 

 

 

 

 

 

 

Puccini : TOSCA (1900)

Opéra en trois actes. Livret Giuseppe Giacosa et Luigi Illica,

d’après la pièce de Victorien Sardou (1887).

Nouvelle production à l’Opéra de Marseille, le13 mars 2015.

Tosca de Giacomo Puccini à l’Opéra de Marseille,

Les 11, 13, 15, 18 et 20 mars.

Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Marseille et la Maîtrise des Bouches-du-Rhône

Direction musicale : Fabrizio Maria CARMINATI

Mise en scène / Décors / Costumes : Louis DÉSIRÉ ;

Lumières : Patrick MÉEÜS

Distribution :

Floria Tosca : Adina AARON ;

Mario Cavaradossi : Giorgio BERRUGI ; Scarpia : Carlos ALMAGUER ;

Le Sacristain : Jacques CALATAYUD ; Angelotti : Antoine GARCIN ; Spoletta : Loïc FELIX ; Sciarrone : Jean-Marie DELPAS.

 

 

Compte-rendu, opéra. Tours, Grand théâtre, Mars 2015 : Puccini : Il Trittico. Jean-Yves Ossonce, direction. Pierre-Emile Fourny, mise en scène.

Le chef Jean-Yves Ossonce – directeur des lieux-,  retrouve Paul Emile Fourny après un Roméo et Juliette déjà convaincant. L’inspiration du metteur en scène (et directeur de l’Opéra de Metz), redouble même de pertinence dans ce triptyque  (Il Trittico) où l’efficacité théâtrale prolonge Verdi pour atteindre un impact rare, d’un esthétisme… cinématographique. Le choix du metteur en scène s’est porté sur le jeu d’acteurs (impeccable de bout en bout), laissant la place aux protagonistes de la nouvelle production (créée en Slovénie jusqu’alors inédite en France).

Quai de Seine, cloître des recluses, maison familiale… : chaque univers du Trittico est scrupuleusement respecté, rehaussé même par l’intelligence du propos visuel ; la leçon de Puccini, deux tragédies préalables, une comédie fine, rossinienne et verdienne, est restituée dans tout sa force et son délire poétique. Un tel jeu des contrastes est un terrible défi pour les metteurs en scène (et aussi les chefs) : dans son déroulement, la soirée est riche en découvertes et satisfactions.

C’est d’abord, le jeu exceptionnellement fluide et nuancé du baryton Tassis Christoyannis (applaudi auparavant pour un Don Giovanni impeccable et mordant) : sombre Michele dans Il Tabbaro (à l’issue sauvage et barbare : Paul-Emile Fourny reprend le premier canevas de Puccini, celui des deux morts finales): tout en regards millimétrés, en gestes et postures naturels, le chanteur se montre un formidable acteur qui sait aussi exprimer les failles non dites du patron de Luigi : un être déchiré que la perte de l’amour de sa femme (et de leur enfant) a précipité dans l’amertume haineuse, silencieuse et… meurtrière.
Quel contraste avec son délire burlesque et lui aussi parfaitement mesuré, d’une finesse rare, pour Gianni Schicchi : son intelligence lumineuse et positive contraste avec le profil étriqué et gris de la famille du défunt ; les sketches s’amoncellent sur la scène sans pourtant encombrer la finalité et l’enjeu de chaque situation, et fidèle à son fil rouge qui est l’eau, d’Å“uvre en Å“uvre, Paul-Emile Fourny fait traverser des eaux d’égout aux personnages qui viennent visiter le mort et ses héritiers… eaux boueuses et sales pour une famille de sacré filous âpres au gain. La cohérence de chaque rôle est formidable ; elle offre une leçon de pétillance et de saine comédie. C’est drôle et léger, mais aussi outrageusement juste et profond. La dernière réplique (parlée) de Gianni, à l’adresse du public, n’en gagne que plus de pertinence.

 

 

SUOR-ANGELICA-il-trittico-puccini-opera-de-tours-Jean-yves-ossonce-mars-2015

 

 

 

Dans le volet central, le plus bouleversant, Suor Angelica, le soprano tendre et intense de Vannina Santoni éblouit la scène par sa présence simple, elle aussi d’une absolue justesse d’intonation. Femme condamnée par sa famille au cloître, Angélique doit renoncer à tout et finit suicidaire après avoir appris que son garçon était mort depuis… 2 ans. Celle à qui tout fut exigé jusqu’au sacrifice de sa propre vie, exulte ici avec une intensité contenue, un feu émotionnel qui va crescendo jusqu’à la mort. Le style, l’économie, la concentration de Vannina Santoni nous hantent encore par leur exactitude, et aussi une grande humilité qui est toujours le propre des grands interprètes.

Courrez voir et applaudir ce Triptyque nouveau à l’Opéra de Tours, d’autant qu’en chef lyrique aguerri, Jean-Yves Ossonce apporte le soutien et l’enveloppe instrumentale idéale aux chanteurs : travail d’orfèvre là encore où outre les somptueux climats symphoniques, – parisien au bord de la Seine dans Il Tabbaro, de l’enfermement ultime pour Suor Angelica-, le chef construit le dernier volet tel une comédie chantante, vrai théâtre musical qui grâce au délicat équilibre voix / orchestre réussit totalement cette déclamation libre et articulée dont Puccini a rêvé : une farce légère et subtile sertie comme un gemme linguistique. Où l’on rit souvent, où l’on est touché surtout. Superbe production. Encore une date, le 17 mars à 20h.

 

 

 

Compte rendu, opéra. Marseille, Opéra, le 13 mars 2015. Puccini: Tosca. Aaron, Berrugi…

Devant ce livret est d’une remarquable concision, faisant l’économie d’un acte, Victorien Sardou, célèbre dramaturge en son temps, aura l’élégance de reconnaître l’opéra supérieur à sa pièce, pourtant triomphalement défendue par Sarah Bernhardt dans le monde entier. L’histoire lui donne raison : on joue partout l’opéra qui, seul, nous rappelle son drame, irreprésentable aujourd’hui.

 

 

 

Le drame au risque du mélo

 

Il Trittico de Puccini (1918) à l'Opéra de ToursL’œuvre. Puccini ouvre le XXe siècle lyrique avec la création de sa Tosca à Rome, en 1900, évoquant les tragiques événements d’un jour de juin 1800 dans la même ville. L’action est une conséquence, au niveau de l’histoire individuelle de quatre personnages, des événements de la grande Histoire collective. Les troupes  révolutionnaires françaises, menées par le général Bonaparte ont instauré en 1798 la République romaine. Mais le roi Ferdinand Ier des Deux-Siciles reprend la ville l’année d’après, chargeant le baron Scarpia d’établir une police secrète pour traquer et exterminer les républicains. Voilà le fond historique. Dans le contexte du drame, son épouse, la reine Marie-Caroline, sÅ“ur de Marie-Antoinette, s’apprête à y fêter la victoire et une cantate chantée par la fameuse diva Floria Tosca doit être l’un des moments de la célébration. Les monarchistes réactionnaires célèbrent donc à Rome leur pouvoir retrouvé, comme on a fêté dans le sang, l’année précédente, la fin de la brévissime République parthénopéenne de Naples par la restauration royaliste appuyée par l’Autriche.

Un héroïne sotte et sommaire. On trouvera difficilement, dans le répertoire lyrique qui pourtant en abonde, personnage féminin plus séduisant vocalement mais plus sot et sommaire que Floria Tosca. Voilà donc une diva célèbre à Rome (mais on oublie que les femmes étaient interdites de scène pour indécence, d’où l’emploi de castrats dans la ville pontificale), amante d’un peintre fameux, qui vient le voir sur son lieu de travail, San Andrea della Valle, ne jette même pas un regard (autre que de travers lorsqu’elle voit peinte une femme) sur son Å“uvre en chantier, qui ignore sa commande de peindre en cette église une Madeleine, qui, comme Rome, ne se fait pas en un jour, lui fait une scène de jalousie primaire et puérile et tombe dans le piège grossier improvisé par Scarpia, avant de trahir, pour sauver son voltairien de Mario, l’introuvable cachette du prisonnier évadé recherché (Angelotti, Consul de la défunte République romaine) qu’on devait lui cacher. Bon, admettons, Mario le lui aura imprudemment dit pour calmer ses jaloux transports. Mais c’est une héroïne sans guère de profondeur, qui ne devient intéressante, touchante et bouleversante de naïveté existentielle et religieuse que dans sa « prière » du second acte et gagne en humanité, paradoxalement, en tuant Scarpia. Tout en croyant encore sottement au simulacre d’exécution de son amant promis par celui-ci avant qu’elle ne le tue. On le sait, tout finira dans le sang.

Réalisation. Il faut dire d’emblée que la production de Louis Désiré, qui signe mise en scène, décors, costumes, a le mérite d’une cohérence totale, à quelques réserves près. Dans sa Note d’intention, il précise :

« le pari d’une Tosca cinématographique, comme vue par une fenêtre indiscrète, pas de face, avec de soudains gros plans et des mouvements montrant plusieurs angles du même endroit. »

En faisant, évidemment, la part de la métaphore et de la comparaison de ce propos avec le constat de l’impossibilité filmique de la réalisation sur une scène, ce « même endroit » est forcément la place fixe du spectateur : ce n’est donc pas son regard, la caméra, l’objectif qui change, c’est l’objet. En effet, tournant sur elle-même, la scénographie unique offre divers « regards », divers angles, différentes perspectives obliques, jamais frontales d’un décor à la fois un et multiple : église, château Saint-Ange. C’est ingénieux et beau, mais d’une lourdeur qui nécessite deux entractes pour en arrimer des éléments distincts, le Palais Farnèse et le château-prison.

Il faut perdre ses références culturelles et ses habitudes de l’œuvre pour apprécier ce décor : pas de San Andrea della Valle, lumineux exemple du baroque tardif romain, à voir cette étroite et ombreuse chapelle néo-classique, pas de fastueux Palais Farnèse rutilant de dorures et illuminé et enluminé, illustré de fresques au plafond et de tableaux aux murs, mais une austère façade charbonneuse en ligne de fuite en biais, pas de terrasse lumineuse sous le ciel du Castello Sant’ Angelo surmontée de sa statue ailée de l’ange, mais une geôle, une grille, une  noire cage où croupit le prisonnier ; le petit pâtre, en principe éclairant de sa chanson naïve le jour levant, est ici un petit oiseau aussi en cage, une victime.

De tout le décor émane une atmosphère angoissante, oppressante, avec des plis et des replis de l’ombre, et, si le metteur en scène se réclame du cinéma, c’est  assurément du film noir, avec son art subtil des contrastes des ténèbres et des lumières, des dégradés de gris parfois, mais non de clairs-obscurs, mélange des deux. Quant aux « gros plans » dont il parle, c’est forcément métaphorique, avec les lumières extraordinairement dramatiques et picturales de Patrick Méeüs, sculptant les corps, creusant les visages, particularisant à certains moments tel ou tel personnage passant aussi au premier plan ou sur l’encorbellement d’un balcon à l’acte II. Mais, plus que du film noir, nous avons ici une esthétique, délibérée ou non, digne du « roman gothique » contemporain, sinon de l’opéra, de son sujet historique, ce sombre courant littéraire en plein Siècle des Lumières, fait de terreur, d’horreur, avec ses moines maléfiques, ses bourreaux, dans des châteaux sinistres, d’Otrante ou ailleurs, et dont Sade est aussi un fleuron.

Les costumes, presque tous noirs, telle la confrérie sans faste, néfaste, des moines, moinillons, et dignitaires de l’Église pour le Te deum, avec un bel effet de noir et blanc des enfants jetant en l’air, sinon leur future soutane par-dessus les moulins, leur aubes blanches par-dessus leur tête. Sur cette noirceur monochrome, la robe dorée de Tosca, mantille noire au premier acte ou cape d’or au second, lui confère la grâce d’un papillon solaire égaré par une nuit sans lune.

Le décor tournant ramène à la fin, comme une nostalgique réminiscence et contraste cruel d’art et de beauté, d’amour et de mort, pour l’artiste condamné, la chapelle de l’église, le diptyque des deux Madeleines comme la vanité cruelle d’une religion inutile, réduite à la représentation, écho visuel ironique aux questions désespérées de la prière de Tosca, à laquelle « ne répond que le silence éternel de la divinité. »

Le double panneau des Madeleines que peint Mario à l’acte I, au teint de porcelaine rosée, sont une dissonance stylistique, hollywoodienne ou trop XIXe siècle finissant, peut-être vaguement inspirées des couleurs renaissance de la peinture préraphaélite anglaise ou de Italia und Germania de Friedrich Overbeck, peintre du courant similaire des Nazarener, qui offre deux allégories de femme, la blonde aux yeux bleus et la brune, dont le corsage rouge est de la teinte de la Madeleine brune de Mario, qui semble avoir anticipé le caprice de Tosca lui intimant de lui faire les yeux bruns. Mais la taille de ces « belleze diverse » rend bien invraisemblable que la rageuse et orageuse diva ne les ait même pas envisagées d’entrée.

Autre bémol, l’effet théâtral de la théâtrale diva accordant au cadavre de Scarpia la grâce d’une croix et de deux candélabres comme cierges funèbres, le mimodrame traditionnel, est escamoté au profit d’un aparté au rideau avec la phrase parlée sur la terreur terrassée du Scarpia redouté par toute Rome ; de même le saut dans le vide remplacé par une mort debout devant le rideau avec, après le cri, un sourire aux spectateurs, s’il crée une distance brechtienne, arrache le spectateur à l’émotion de la théâtralité tragique pour le tirer, sinon franchement vers le comique, du moins vers la comédie.

Interprétation. Théâtralement, c’est d’une belle tenue aussi même si elle n’est pas toujours à la  même hauteur. Sur les accords brutaux de Scarpia en elliptique ouverture, le rideau se lève sur un Angelotti traqué de belle trempe (Antoine Garcin). En pendant pendard malgré sa soutane, Jacques Catalayud, en sacristain bougon, grognon, gourmand, mais dévot inquiétant déjà, donne à ce rôle une dimension théâtrale et vocale qu’on entend et voit rarement. Dans un crescendo magnifique à l’orchestre, ce premier acte culmine avec une grandeur terrifiante sur le Te deum presque démoniaque, mené par le tonnerre et la foudre de la voix de Carlos Almaguer en Scarpia à l’habit rouge, où la foule des enfants de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône (Samuel Coquard) semble dissoudre leur grâce enfantine dans la noirceur d’un chœur d’esprits plus infernaux que paradisiaques (Pierre Iodice).

Malheureusement, à l’acte II, d’une noirceur plus intimiste, le grand baryton mexicain, tout en cherchant à plier son immense voix d’airain à quelques nuances, marque ses limites dans un personnage plein de subtilité machiavélique, certes adepte de la conquête brutale, mais tout de même d’un raffinement aristocratique dans ses paroles et ses actes, puisqu’il ne se contente pas de prendre, ce qui est en son pouvoir,  mais de séduire pour réduire même par une violence sadienne, sadique, qui peut être également séduction, ce qu’insinue la musique, les harmonies délicates que prête Puccini au personnage dramatiquement le plus intéressant de l’œuvre.

Le ténor Giorgio Berrugi a certainement la voix de lirico spinto de Mario, large, solide, cependant, il a quelques, sinon faiblesses, hésitations d’intonation dans les deux seuls passages héroïques du personnage comme sa promesse à Angelotti (« Mi costasse la vita, vi salveró ! » de l’acte I et le « Vittoria, Vittoria ! » du II, aux aigus difficiles à attraper. Plus à l’aise dans le lyrisme amoureux, il est émouvant dans son lamento nuancé « E lucevan le stelle… » qui mérite plus d’applaudissements du public.

Adina Aaron prête sa beauté et son élégance à Tosca et s’avère assez bonne comédienne. Cependant, le timbre, plus feutré que fruité, semble avoir perdu des harmoniques et la voix manque de brillant et de mordant et elle détimbre quelques pianissimi filés. Elle a une fâcheuse tendance à chercher quelques effets hors de la musique. Dans sa « prière », elle lie abusivement deux phrases musicales, mais, pour ce faire, coupe une phrase grammaticale et s’offre un point d’orgue pour un inutile effet de souffle qui ravit le public mais ravit de l’émotion au personnage.

Fabrizio Maria Carminati, chef remarqué pour ce genre d’ouvrage,  conduit magistralement un orchestre au mieux de sa forme au premier acte, drapant de volupté délicate les deux amants aux gestes et mots sensuels. Mais, que se passe-t-il au second ? Comme si le paroxysme exacerbé déjà ne suffisait pas, il semble ajouter du pathos au pathétique, ce qui donne du pâteux, déchaîne à l’excès les cuivres. Du cinquième rang côté cour, on n’entend pas la cantate de Tosca, ses cris déchirants fortissimo ensuite sont étouffés, et même le tonitruant Almaguer a du mal à passer la rampe, du Spoletta de Loïc Félix, apprécié ailleurs, je ne pourrai rien dire, il était inaudible, comme le pourtant solide Sciarrone de Jean-Marie Delpas. Effet d’un emplacement acoustiquement défavorable car la musique est fatalement spatialisée ? Troublé dans mon admiration pour Carminati, à l’entracte, je consulte des amis, fins musiciens et amateurs éclairés : ils m’avouent la même gêne de leur dixième et douzième rang… Fort heureusement, effet ici bénéfique, la prière de Tosca ramène la beauté musicale d’un orchestre maîtrisé et non déchaîné,  qui se poursuit au dernier acte.

Mélodrame signifie, littéralement, de l’italien, ‘drame mélodieux’, drame en musique,  et il y a toujours un danger, à exécuter excessivement Puccini, à ensevelir la musique sous le son, de faire du drame un mélo.

 

 

TOSCA (1900)

Opéra en trois actes,. Livret Giuseppe Giacosa et Luigi Illica, d’après la pièce de Victorien Sardou (1887). Musique de Giacomo Puccini. Nouvelle production, Opéra de Marseille, le 13 mars 2015. A l’affiche les 11, 13, 15, 18 et 20 mars.

Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Marseille et la Maîtrise des Bouches-du-Rhône

Direction musicale: Fabrizio Maria CARMINATI

Mise en scène / Décors / Costumes : Louis DÉSIRÉ ;

Distribution : Floria Tosca : Adina AARON ; Mario Cavaradossi : Giorgio BERRUGI ; Scarpia : Carlos ALMAGUER ;  Le Sacristain : Jacques CALATAYUD ; Angelotti : Antoine GARCIN ; Spoletta : Loïc FELIX ; Sciarrone : Jean-Marie DELPAS.

 

 

REPORTAGE VIDEO : Il Trittico de Puccini à l’Opéra de Tours (les 13,15, 17 mars 2015)

DVD. Puccini: un séduisant Trittico (Opus Arte)VIDEO. Tours, Opéra. Il Trittico de Puccini. Les 13, 15 et 17 mars 2015. Nouvelle production événement à l’Opéra de Tours sous la baguette fine et dramatiquement souple de Jean-Yves Ossonce. Sur la scène tourangelle, les chanteurs dirigés par le metteur en scène Paul-Emile Fourny éblouissent par leur incarnation saisissante, d’autant que la réalisation scénographique et visuelle d’une justesse cinématographique, souligne le génie du dernier Puccini : les 3 actes courts et tous différents du Trittico (Triptyque, créé à New York en 1920), tous singuliers et si différents, composent cependant une unité théâtrale qui résume les affres tragiques et comiques de la comédie humaine. © CLASSIQUENEWS.TV 2015. LIRE aussi notre présentation complète de la production d’Il Trittico à l’Opéra de Tours, distribution, modalités de réservation…

 

 

SUOR-ANGELICA-il-trittico-puccini-opera-de-tours-Jean-yves-ossonce-mars-2015

Juste et sincère, la soprano Vannina Santoni dans le rôle éprouvant, déchirant de Suor Angelica, volet central du Trittico de Giacomo Puccini  (© photo CLASSIQUENEWS.TV 2015)

 

 

 

 

 

boutonreservationTours, Opéra à l’Opéra de Tours. 3 dates événements :
Giacomo Puccini : Il Tritico, le Triptyque (1918)
Nouvelle production

Vendredi 13 mars 2015 – 20h
Dimanche 15 mars 2015 – 15h
Mardi 17 mars 2015 – 20h

 

OPERA. Tours : Trittico superlatif de Puccini, les 13, 15 et 17 mars 2015

TOURS : nouveau Trittico, 1918 par Jean-Yves OssonceTours, Opéra. Il Trittico de Puccini. Les 13, 15 et 17 mars 2015. Nouvelle production événement à l’Opéra de Tours sous la baguette fine et dramatiquement souple de Jean-Yves Ossonce. Sur la scène tourangelle, les chanteurs dirigés par le metteur en scène Paul-Emile Fourny éblouissent par leur incarnation saisissante, d’autant que la réalisation scénographique et visuelle d’une justesse cinématographique, souligne le génie du dernier Puccini : les 3 actes courts et tous différents du Trittico (Triptyque, créé à New York en 1920), tous singuliers et si différents, composent cependant une unité théâtrale qui résume les affres tragiques et comiques de la comédie humaine.

 

 

 

Tragique et sincère pétillant et délirant, le théâtre de Puccini triomphe à Tours

Triptyque / Trittico étincelant à l’Opéra de Tours

 

 

Tours : Jean-Yves Ossonce dirige la 7ème Symphonie de DvorakLa production créée en Slovénie fait escale avant Metz, (horizon 2016) à Tours : elle est magnifiquement portée par une troupe de chanteurs et surtout d’acteurs parfaitement préparés, pilotés, engagés. Parmi un collectif au chant et jeu de scène ciselés, ne manquez surtout pas la bouleversante Suor Angelica de la soprano qui monte : Vannina Santoni, son timbre angélique et poignant transfigure le pauvre cÅ“ur de la sÅ“ur cloîtrée à son insu, SÅ“ur Angélique ; c’est aussi l’excellent baryton, Tassis Christoyannis aussi suggestif et profond dans la tragédie d’Il Tabarro (Michele), que fin et truculent en Gianni Schichi : l’interprète a tout pour séduire, captiver, transporter : la gouaille burlesque, la subtilité d’un jeu mozartien et rossinien, la fluidité sincère pour chaque sentiment et chaque situation… A leurs côtés, les amateurs retrouvent le ténor vaillant et solide Florian Laconi… Tours réunit donc la crême du chant lyrique pour honorer comme rarement le théâtre puccinien. Le dernier Puccini égale  le dernier Verdi, en sensibilité, justesse, tendresse (bien sûr Schichi fait penser à Falstaff… voire en plus cynique et glaçant). Quant aux actes qui précèdent : si Il Tabbaro est un concentré stupéfiant de vérisme nuancé (la fin dans cette production est… glaçante), Suor Angelica (le volet central), suscite la compassion cathartique, celle portée, incarnée par la jeune religieuse recluse et culpabilisée, dont les élans du cÅ“ur et le cri lyrique si mesuré et contenu, rappellent et synthétisent les larmes déchirantes de Madama Butterfly (Cio Cio San) : Paul-Emile Fourny signe l’une de ses meilleures mises en scène, d’autant éloquente sous la direction musicale du chef Jean-Yves Ossonce. Production incontournable. LIRE aussi notre présentation complète de l’opéra Il Trittico de Giacomo Puccini, présenté à l’Opéra de Tours, les 13, 15, 17 mars 2015.

 

 

boutonreservationTours, Opéra à l’Opéra de Tours. 3 dates événements :
Giacomo Puccini : Il Tritico, le Triptyque (1918)
Nouvelle production

Vendredi 13 mars 2015 – 20h
Dimanche 15 mars 2015 – 15h
Mardi 17 mars 2015 – 20h

Conférence Il Trittico de Puccini :
Samedi 7 mars – 14h30 – Grand Théâtre – Salle Jean Vilar
Entrée gratuite

Naples, Turandot au San Carlo

turandot-puccini-san-carlo-napoli-classiquenews-annonce-mars-2015Naples, San Carlo. Puccini : Turandot. 21 mars>1er avril 2015. De la légende de Gozzi, d’un orientalisme fantasmé, Puccini fait une partition où règne d’abord, souveraine par ses audaces tonales et harmoniques, la divine musique. Le raffinement dramatique et psychologique de l’orchestre déployé pour exprimer la grandeur tragique de la petite geisha Cio Cio San dans Madama Butterfly (1904) se prolonge ici dans un travail inouï de raffinement et de complexe scintillement. Puccini creuse le mystère et l’énigme, données clés de sa Turandot, princesse chinoise dont tout prétendant doit résoudre les 3 énigmes sans quoi il est illico décapité. Rempart destiné à préserver la virginité de la jeune fille, comme le mur de feu pour Brünnhilde, dans La Walkyrie de Wagner, la question des énigmes cache en vérité la peur viscérale de l’homme ; une interdiction traumatique qui remonte à son ancêtre, elle même enlevée, violée, assassinée par un prince étranger. C’est l’antithèse du Tristan und Isolde de Wagner (1865) et ses riches chromatismes irrésolus qui à contrario de Turandot ne cesse d’exprimer la langueur de l’extase amoureuse accomplie. Mêlant tragique sanguinaire et comique délirant, Puccini n’oublie pas de brosser le portrait des 3 ministres de la Cour impériale, Ping, Pang, Pong (II) qui, personnel attaché aux rites des décapitations et des noces (dans le cas où le prince candidat découvre chaque énigme de Turandot), sont lassés des exécutions en série, ont la nostalgie de leur campagne plus paisible.

 

 

 

L’orchestre océan de Turandot

 

pucciniAu III, alors que Turandot désemparée veut obtenir le nom du prétendant, Liù, l’esclave qui accompagne Timur, le roi déchu de Tartarie, résiste à la torture et se suicide devant la foule… Puccini glisse deux airs époustouflant de souffle et d’intensité poétique : l’hymne à l’aurore de Calaf en début d’acte, et la dernière prière à l’amour de Liù. Génie mélodiste, Puccini est aussi un formidable orchestrateur. Turandot et ses climats orchestraux somptueux et mystérieux se rapprochent de La ville morte de Korngold (1920) aux brumes symphoniques magistralement oniriques. Le genèse de Turandot est longue : commencée en 1921, reprise en 1922, puis presque achevée pour le III en 1923. Pour le final, le compositeur souhaitait une extase digne de Tristan, mais le texte ne lui fut adressé qu’en octobre 1924, au moment où les médecins diagnostiquèrent un cancer de la gorge. Puccini meurt à Bruxelles d’une crise cardiaque laissant inachevé ce duo tant espéré. C’est Alfano sous la dictée de Toscanini qui écrira la fin de Turandot. En 1926, Toscanini créée l’opéra tout en indiquant où Puccini avait cessé de composer. En dépit de son continuum dramatique interrompu par le décès de l’auteur, l’ouvrage doit être saisi et estimé par la puissance de son architecture et le chant structurant de l’orchestre : vrai acteur protagoniste qui tisse et déroule, cultive et englobe un bain de sensations diffuses mais enveloppante. La musique orchestrale faite conscience et intelligence. En cela la modernité de Puccini est totale. Et l’Å“uvre qui en découle, dépasse indiscutablement le prétexte oriental qui l’a fait naître.

 

 

 

boutonreservationTurandot de Puccini au San Carlo de Naples
les 21,22,26,27,28,29 mars, et 1er avril 2015.
Valchuha / Agostini
De Simone
Avec Lise Lindstrom / Elena Pankratova (Turandot), Marcello Giordani (Calaf), Riccardo Zanellato (Timur), Eleonora Buratto (Liu)…

 

 

Londres. Butterfly au ROH Covent Garden

pucciniLondres, ROH, Covent Garden. Puccini : Madama Butterfly. Du 20 mars au 11 avril 2015. La production londonienne est prometteuse. Scénographiée par le duo provocateur mais théâtralement toujours abouti, Leiser-Caurier, sous la direction de Nicola Luisotti, voici une lecture du drame de Cio Cio San qui devrait frapper l’audience grâce entre autres à la distribution apparemment cohérente : Opolais, Jagde, Viviani, Bosi, Shkosa. En 1904, Puccini aborde la rive japonaise en sachant éviter les imageries caricaturales grâce à une écriture d’un raffinement harmonique extrême dont le sens de la couleur et le chromatisme ciselé réinventent la notion même d’orientalisme plus qu’ils ne l’illustrent. Le compositeur renouera avec ce scintillement exotique à l’orchestre presque 20 ans plus tard, Turandot, princesse chinoise cré à Milan en 1926, à titre posthume…
A Nagasaki, si l’officier américain Pinkerton (ténor) se marie avec la geisha Cio Cio San dite aussi Butterfly (soprano), il vit tout cela comme un jeu sans conséquence. C’est pourtant dans l’esprit de la jeune femme, un mariage réel dont naît rapidement un garçon : Puccini, comme Massenet à son époque, exploite les forces et mouvements contradictoires. Facétie insouciante de l’américain, chant tragique et solitaire puis suicidaire et désespéré de Cio Cio San. Le compositeur renforce par l’orchestre la psychologie des personnages, en particulier la figure de la geisha dont les relations avec ses semblables sont complexes et nettement défavorables. Jeune prostituée, elle inspire l’exclusion. C’est la solitude de plus en plus accablante pour l’héroïne, et son abandon / trahison par Pinkerton qui achèvent toute résistance. Au final, Cio Cio San n’a jamais existé et son fils est même repris par la femme véritable de Pinkerton… La vraie revanche de Butterfly reste le chant orchestral exceptionnellement raffiné que lui réserve Puccini qui n’a jamais semblé plus inspiré par une figure féminine. Ni Tosca, ni Turandot ni même Mimi, ne semblent doublées par un orchestre aussi raffiné, harmoniquement miroitant, d’une texture scintillante aussi sophistiquée que Ravel ou Debussy.

boutonreservationMadame Butterfly de Puccini au Royal Opera House de Covent Garden, Londres
8 représentations : les 20,23,28,31 mars puis 4,6,9 et 11 avril 2015
Production déjà présentée en 2011
Nicola Luisotti, direction
Patrice Caurier et Moshe Leiser, mise en scène

Nouveau Trittico / Triptyque à l’Opéra de Tours

Tours, Opéra. Puccini : Il Trittico, le Triptyque. Les 13, 15, 17 mars 2015.  Il y eut à l’opéra, au XVIIIè, ce goût particulier pour les opéras ballets de Rameau en un Prologue et 3 entrées : chacune depuis Les Indes Galantes (1735), ayant son propre climat et son sujet particulier. Puccini semble reprendre ce principe du “3 en 1″ (mais sans les ballets évidemment, avec un orchestre aussi somptueux). Avec cette subtile relation des actes séparés entre eux : il y a bien une secrète unité dramatique entre les 3 volets. La désillusion les relie allusivement.

 

 

 

3 drames en 1 soirée

 

DVD. Puccini: un séduisant Trittico (Opus Arte)Giorgetta dans il Tabarro, comme Angelica dans Suor Angelica éprouvent chacune la brûlure tragique : toute deux sont abonnées à l’accablement le plus cynique. La première doit voir le visage de son aimé mort (sortant de la houppelande où l’avait enseveli le mari de Giorgetta, Michele) ; de même, à Angelica, il n’est rien épargné : recluse dans le couvent où elle se consume, elle apprend que son propre enfant est mort… de surcroît sa famille lui fait payer encore le fruit de cet adultère en exigeant d’elle qu’elle renonce à tout héritage… seule l’apparition de la Vierge en fin de drame lui apporte un soulagement bien précaire dans le suicide qu’elle réalise alors. Il est plus difficile de relier le dernier drame, Gianni Schicchi, aux deux derniers : car ici le rusé filou trompe une famille entière qui se rend coupable de réécrire le testament de leur riche patriarche. L’espérance déçue pourrait être un lien apparemment : condamnée de fait, et Giorgetta et Angelica ; déçue et dindon de la farce qui se retourne contre elle, grâce au stratagème de Schicchi, la famille du riche Buoso Donati. Victimes absolues, Giorgetta et Angelica ont notre compassion. Par contre Gianni Schicchi est bien inspiré de donner une leçon aux héritiers Donati…

Puccini, à travers la diversité des époques et des situations : une péniche amarrée à Paris pour Il Tabarro ; un couvent itlaien au XVIIè pour Suor Angelica, enfin la demeure d’un riche marchant à Florence en 1299…  pour Gianni Schicci, s’intéresse principalement à raffiner l’orchestration de chaque épisode. Peintre et même alchimiste des harmonies subtiles (ambiance parisienne sur la Seine d’Il Tabarro ou la Florence médiévale et sentimentale de Gioanni Schicchi), il ose tout, sachant toujours être au service de la sensualité et de la tendresse : les rêves perdues de Giorgetta (après la mort de son fils) ; le lyrisme tragique et humble de Suor Angelica, surtout, l’amour tendre des protégés de Schicchi, Rinuccio et Lauretta qui peuvent en effet en fin d’action se marier. Ici, le compositeur épingle l’hypocrisie familiale, l’étau affectif décidé par des clans stupides. En exploitant toutes les ressources expressives de chaque tableau, Puccini crée pour la scène new yorkaise (les 3 drames ont été conçus pour le metropolitan Opera en décembre 1918) une nouvelle langue : aussi raffinée que Tosca, La Bohème, Madama Butterfly mais sur un ton léger, resserré, d’une délicatesse intimiste régénérée. Le ton comique de Gianni Schicchi n’oublie jamais la gravité des sentiments, l’ivresse sincère des désirs…

 

 

Pourquoi ne pas manquer Il Trittico à Tours ?
Outre l’éloquence de l’orchestre flamboyant, Il Trittico / Le Triptyque séduit aussi grâce à la cohérence défendu entre les drames par le seul choix d’une même interprète entre les différents actes. A Tours, l’argument demeure la participation de l’excellente soprano Vannina Santoni dans les rôles d’Angelica et de Lauretta, déjà remarquée dans une convaincante production de La Chauve Souris présentée en décembre 2014 (elle y interprétait la délicieuse servante Adèle) . A ses côtés, le non moins engagé et superbe acteur, Tassis Christoyannis (il y a peu de temps Don Giovanni sur la même scène) prête son baryton subtile et dramatique aux rôles de Michele (Il Tabarro) puis surtout à Gianni Schicchi. Nouvelle production événement.

 

 

boutonreservationPuccini: Il Trittico, Le Triptyque (1918) à l’Opéra de Tours
Paul-Emile Fourny, mise en scène
Jean-Yves Ossonce, direction

Vendredi 13 mars, 20h
Dimanche 15 mars, 15h
Mardi 17 mars, 20h

distributions :

Il TABARRO
Opéra en un acte
Livret de Giuseppe Adami
Création le 14 décembre 1918 à New-York
Editions Ricordi

Direction : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Paul-Emile Fourny
Décors et Lumières : Patrick Méeüs
Costumes : Giovanna Fiorentini

Giorgetta : Giuseppina Piunti *
La Frugola : Cécile Galois
Michele : Tassis Christoyannis
Luigi : Florian Laconi
Il Tinca : Antoine Normand
Il Talpa : Franck Leguérinel

 

 

SOEUR ANGELIQUE
Opéra en un acte
Livret de Giovacchino Forzano
Création le 14 décembre 1918 à New-York
Editions Ricordi

Direction : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Paul-Emile Fourny
Décors et Lumières : Patrick Méeüs
Costumes : Giovanna Fiorentini

Soeur Angelica : Vannina Santoni
Tante Princesse : Cécile Galois
L’Abbesse : Delphine Haidan
Soeur Genovieffa : Aurélie Fargues
Soeur Osmina : Chloé Chaume

 

 

GIANNI SCHICCHI
Opéra en un acte
Livret de Giovacchino Forzano
Création le 14 décembre 1918 à New-York
Editions Ricordi

Direction : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Paul-Emile Fourny
Décors et Lumières : Patrick Méeüs
Costumes : Giovanna Fiorentini

Gianni Schicchi : Tassis Christoyannis
Lauretta : Vannina Santoni
Zita : Cécile Galois
Rinuccio : Florian Laconi
Gherardo : Antoine Normand
Nella : Chloé Chaume
Marco : Franck Leguérinel
La Ciesca : Delphine Haidan
Betto : Nicolas Rigas
Simone : Ronan Nédélec
Spinelloccio : Jacques Lemaire
Notaro : François Bazola

 

 

Nouveau Trittico de Puccini à Tours

Tours, Opéra. Puccini : Il Trittico.  Les 13,15,17 mars 2015. 3 miniatures véristes. 3 en 1. Puccini a composé en 1918, un ensemble de 3 ouvrages destinés à être représentés en une seule soirée, enchaînant: Il Tabarro, Suor Angelica, Gianni Schicchi. Le cycle fut créé à New York, au Metropolitan Opera le 14 décembre 1918.

DVD. Puccini: un séduisant Trittico (Opus Arte)Il Tabarro (la Houppelande) d’après le drame de Didier Gold (1910) est un pur joyau vériste en un acte, où la misère quotidienne se change en tragédie. On y retrouve le trio  emblématique de l’opéra italien: une soprano (Giorgetta) mariée à un baryton (Michele) qui le trompe avec un ténor (Luigi). L’intrigue se déroule sur les quais de Seine: Luigi est décidé à quitter la femme qu’il doit partager, il sera débarqué à Rouen. Mais Michele démasque l’identité de l’amant de sa femme et l’étrangle puis le cache sous sa  houppelande… En peu d’effets, le compositeur brosse chaque tableau, variant les climats, entre impressionnisme et expressionnisme avec un sens prodigieux de l’efficacité et de la synthèse.

 

 

 

3 miniatures véristes

 

Suor Angelica. Même acte d’un réalisme sec et froid dans Suor Angelica. L’action se déroule dans un couvent italien du XVIIè où une ancienne aristocrate a été enfermée après avoir eu un enfant suite à une liaison illégitime. Sa tante vient la visiter: lui fait signer un acte où la jeune femme renonce au patrimoine familial,t out en lui annonçant la mort de son enfant qu’elle n’a plus jamais revu. Au comble de la solitude et du dénuement, Suor Angelica imagine la misère de son enfant mort (Senza Mamma): elle avale un poison. La Vierge lui apparaît en lui présentant un enfant. Ici pas de rôle masculin mais une confrontation entre l’agent du destin (la tante) et la tendresse défaite de la l’héroïne.

Gianni Schicchi peut avoir été inspiré par un fait réel conté par Dante des Les Enfers (Chant XXX, vers 1308). L’action se passe à Florence… A la mort du vieux Buoso Donati, les membres de sa famille entendent récupérer les biens que le défunt a légué à un couvent. Schicchi (baryton) est appelé au chevet du mort, avec sa fille Lauretta qu’aime passionnément Rinuccio, le neveu de Buoso. Schicci prend l’aspect du mourant dans son lit afin de dicter ses dernières (fausses) volontés à son notaire: il lèguera tout son patrimoine à chacun des membres avides et complices. Puccini marque le contraste en invoquant dans ce tableau cynique et funèbre, la tendresse des deux amants : Rinuccio (Hymne à Florence) et Lauretta qui dans son air (O mio caro Babbino) pastiche la première manière du compositeur. Schicchi réalise ainsi le complot mais il s’octroie la maison du mort, écartant tout autre prétendant, afin d’y abriter l’amour des deux jeunes gens. Gianni Schicchi est une autre fable satirique, lyrique mais grinçante qui renouvèle depuis Falstaff, l’art de la pure comédie italienne, approchée par épisode et petites touches dans l’acte I de Tosca, grâce au personnage du sacristain.

 

 

 

 

Giacomo Puccini : Il Tritico, le Triptyque (1918)

Il Trittico : approche et enjeux des œuvres

 

pucciniIl Tabarro. De la fièvre, de l’angoisse dans un orchestre omniprésent (au risque d’étouffer parfois les voix?), doit ici projeter et préserver l’âpre réalisme d’un conte très cynique où le trio traditionnel de l’opéra italien exalte les tensions émotionnelles entre les protagonistes; la soprano et le ténor, Giorgetta et Luigi s’aiment en cachette, à la barbe de l’époux véritable de celle ci, Michele (baryton). Les deux amants ont à voir avec ceux de Louise de Charpentier: deux âmes enflammées, ardentes et nostalgiques, portant chevillé au coeur l’amour de l’asphalte parisien, ce Belleville où ils sont tous deux nés: jamais Puccini n’a autant déclaré sa flamme à la ville lumière : ce Paris des amants, d’un romantisme radical et suicidaire, déjà perceptible dans La Bohème (d’ailleurs l’ombre de Mimi flotte incidemment dans l’air du ténor à sa fenêtre au début du drame)… Souvent, le portrait de celui que l’on trompe est loin d’être tout noir : Michele n’est pas un mari despotique; ardent, “bon et honnêteâ€, il sait lui aussi s’ouvrir aux effluves d’une nostalgie silencieuse… certes endeuillée par leur enfant mort. Et est-il si dindon, inconscient àa la tromperie de son épouse ? Tant d’humanité chez ce personnage le rend naturellement émouvant.  Il y a dans la description puccinienne d’une histoire somme toute anecdotique, la pure ivresse délirante d’un abandon à la mort: ces 3 inadaptés ne sont pas heureux et cultivent finalement une addiction à la déploration tragique…
Au regard du raffinement de l’orchestration, on rêverait d’un Puccini joué comme Ravel: où le génie des mélodies s’assortisse d’un raffinement de la langue orchestrale : chaque maestro se doit de faire jaillir ces joyaux d’instrumentation qui font de Puccini le plus fascinant orchestrateur de son temps… On voit bien que l’écriture de Puccini transfigure l’anecdote : Il Tabarro pourrait être l’esquisse et le manifeste de toute l’esthétique lyrique de l’opéra italien au début du XXè. Une direction mesurée, claire et brillante suffirait à rendre tout le génie puccinien, si évident dans ce triptyque…  Après tout jouer Wagner intimiste n’est pas si contre productif ! Dans le cas de Puccini, le bénéfice serait tout autant profitable.

 

Suor Angelica. Avec le recul, et en comparaison avec ses deux autres volets, Suor Angelica est l’opéra le moins réussi de la trilogie du Trittico puccinien. Les 30 premières minutes restent bavardent et anecdotiques même si elles sont destinées à exposer lieu, action, caractères: les épisodes qui se succèdent: les rayons de soleil sur la fontaine transformant l’eau en or; la piqûre de guêpe et le remède concocté par Angelica en soeur guérisseuse; puis les fruits de la quête, enfin l’annonce d’une visite au parloir… sont musicalement faibles; tout bascule avec la confrontation de la tante d’Angélique, cette princesse venue laver l’honneur d’une famille salie par la faute d’Angélique… laquelle se montre révoltée contre l’ordre qui la contraint à l’expiation … depuis 7 ans. Ainsi se dévoile le secret de Suor Angelica qui a eu hors mariage, un enfant.
La tragédie s’épaissit encore lorsque la tante apprend à sa nièce détestée que son pauvre garçon est mort de maladie… Puccini écrit enfin le premier grand air du drame: lamento grave et sombre d’une jeune mère anéantie par ce qu’elle vient d’apprendre et qui retrouve le souffle sacrificiel et délirant de Butterfly. La suite de l’opéra en un acte est déséquilibré et la descente de la grâce divine mise en parallèle avec la mort par poison d’Angelica pose des problèmes de réalisation scénique que souvent les productions ne règlent pas… bien au contraire.  Attention ! :  si les chefs n’y veillent pas, Tout peut basculer dans le ridicule pathétique et la théâtralité sirupeuse. Le vérisme n’est pas afféterie.

 

Gianni Schicchi. D’après un conte décrit par Dante, Puccini adapte pour la première fois, le genre comique dont il fait ici, après le Falstaff de Verdi, un pur joyau délirant, délicieusement cynique et parfaitement satirique. Comme Paris dans Il Tabarro, c’est ici Florence qui inspire les pages les plus lyriques auxquelles le compositeur associe le duo des amants, Lauretta et Rinuccio; du reste c’est pour eux que l’ingénieux Gianni Schicchi (le père de la jeune fille) élabore son plan en travestissement et usurpation afin qu’ils s’aiment dans la maison florentine dont ils savent si justement célébrer le charme. Par la voix de Rinuccio s’exprime une vibrante apologie de la cité Toscane et de ses environs; et Puccini réserve à Lauretta le plus bel air de l’opéra (o moi caro bambino…) très habilement placé dans le fil narratif, quand encore circonspect quant à l’application du stratagème, Gianni succombe finalement à l’insistance de sa fille si insistante et si amoureuse; en outre, le compositeur oppose avec finesse l’ardente juvénilité des deux cÅ“urs aimants à l’étroitesse d’esprits des parents du défunt venus récupérer, coûte que coûte, leur part d’héritage. La verve comique doit éviter boursouflure, car la partition exige a contrario la subtilité truculente des operas Buffa de Donizetti (Don Pasquale) …

 

 

 

boutonreservationTours, Opéra à l’Opéra de Tours. 3 dates événements :
Giacomo Puccini : Il Tritico, le Triptyque (1918)
Nouvelle production

Vendredi 13 mars 2015 – 20h
Dimanche 15 mars 2015 – 15h
Mardi 17 mars 2015 – 20h

Conférence Il Trittico de Puccini :
Samedi 7 mars – 14h30 – Grand Théâtre – Salle Jean Vilar
Entrée gratuite

 

 

Compte rendu, opéra. Paris. Opéra Bastille, le 30 novembre 2014. Giacomo Puccini : La Bohème. Ana Maria Martinez, Piotr Beczala, Mariangela Sicilia, Tassis Christoyannis… Orchestre et choeurs de l’opéra. Sir Mark Elder, direction. Jonathan Miller, mise en scène.

DVD. Puccini: un séduisant Trittico (Opus Arte)La Bohème revient à l’Opéra de Paris pour cette fin d’automne et pour Noël ! La production nostalgique et classique de Jonathan Miller datant de 1995 est reprise avec deux distributions de chanteurs. L’histoire adaptée des « Scènes de la vie de Bohème » de Henri Mürger (1849) présente des tableaux où s’illustrent les aventures et mésaventures des bohèmes du Paris des années 1830. Elle est racontée musicalement par les Choeurs et l’Orchestre de l’Opéra National de Paris, sous la direction musicale du chef Sir Mark Elder.

Equilibre parfait entre gaîté et tristesse

Giacomo Puccini (1858 – 1924) n’est pas encore totalement abandonné dans l’ébullition violente et créative du vérisme de ses Å“uvres plus tardives comme Madama Butterfly, La Tosca, La Fanciulla del West quand il crée La Bohème en 1896. Il commence la composition en 1893 (il donne lui-même cette précision dans sa polémique avec Leoncavallo, auteur d’une Bohème presque contemporaine) et l’oeuvre reçoit un accueil favorable sans reproduire pourtant l’enthousiasme déchaîné par Manon Lescaut. La critique a été plus partagée, certains y voient la fin de la carrière de Puccini et d’autres y voient le chef-d’oeuvre absolu de l’Italien.

Ce soir, la production classique de Jonathan Miller avec la direction so British de Sir Mark Elder, permet de constater davantage qu’il s’agît d’un bijou lyrique de grande originalité (pour son époque, bien évidemment). La Bohème captive donc par ce mélange savant, mais surtout sensible, de tristesse et de gaîté, entre réalisme et impressionnisme, avec son lyrisme passionné incontestable et une description méticuleuse des caractères.

La distribution des chanteurs regroupe plusieurs artistes investis, complices. Le quatuor initial des bohèmes dans leur mansarde, au froid, évoque déjà une certaine nostalgie au sourire timide, celle de la vie d’artiste et d’étudiant. Les tubes lyriques dont l’oeuvre est riche commencent avec « Che gelida manina » chanté par Piotr Beczala dans le rôle de Rodolfo. Il inspire tout de suite frissons et applaudissements qui augmenteront et continueront avec le « Si, mi chiamano mimi » de Mimi, interprété par la soprano Ana Maria Martinez. Ils ferment le premier tableau avec le duet d’amour « O soave fanciulla », bizarrement un peu moins touchant que les solos précédents.

La Musetta de Mariangela Sicilia est la vedette au deuxième tableau, avec une prestation piquante, très réussie de sa chanson « Quando m’en vo ». Le tableau global est une réussite en vérité, musicale et théâtrale. Les bohèmes se trouvent dans un café du quartier latin où ils s’amusent à être fabuleux. Et fabuleuses sont aussi les prestations ! Quelle verve et quelle sensibilité musicale, quel fantastique travail d’acteur ! Au troisième tableau, le plus sombre, nous avons droit au « Donde lieta usci » de Mimi d’un sentimentalisme à briser les cÅ“urs, continuation naturelle des frissons amorcés. Dans cet acte, Martinez régale l’audience avec une certaine profondeur de caractère qui relève de la tragédie, par sa force et sincérité, mais qui reste indéniablement proche de l’auditeur contemporain : Mimi, dans l’isolement glacial et le froid méchant de l’hiver parisien d’autrefois, retourne seule vers le nid solitaire d’où elle est sortie (sa chambre de bonne) en faisant ses adieux, sans rancune… C’est au quatrième et dernier tableau qu’elle meurt de froid dans la mansarde des bohèmes, dans les bras d’un Piotr Beczala très touchant.

Insistons également sur les performances si sensibles de Tassis Christoyannis (que nous sommes toujours contents de voir et entendre) en Marcello, le peintre, ou encore celles d’Ante Jerkunica et Simone del Savio, respectivement le philosophe et le musicien.

La direction de Sir Mark Elder est souvent pétillante et légère. Si l’orchestration de Puccini paraît souvent disparate et peu sophistiquée, elle est toujours très efficace (et ce malgré des incohérences parfois frappantes!). Dans ce sens, les instrumentistes offrent à l’auditoire une performance touchante, sans excès. Si nous avons trouvé les changements de tableaux d’une longueur presque insupportable, nous gardons le meilleur des souvenirs pour la mise en scène à la fois économe et somptueuse de Miller. Nous invitons tous nos lecteurs à vivre et revivre l’histoire des bohèmes; vous vous laisserez séduire et toucher comme.nous par le roman des étudiants et des artistes amoureux lors d’une soirée extraordinaire. Encore à l’Opéra Bastille les 2, 4,6, 9, 11, 13, 15, 18, 21, 23, 26, 28 et 30 décembre 2014 (deuxième distribution à partir du 15).

CD. coffret. Renata Tebaldi : Voce d’angelo, the complete Decca recordings (66 cd Decca)

tebaldi renata voce d angelo complete decca recordingsCD. coffret. Renata Tebaldi : Voce d’angelo, the complete Decca recordings (66 cd Decca). Elève de Carmen Melis, diva de La Scala de Milan, la jeune Renata débute dans le rôle d’Elena de Mefistofele en 1944, elle a 22 ans (plus tard en 1958 pour Decca justement, elle chantera sous la direction de Tulio Serafin à Rome, le rôle de Marguerite, offrant à l’héroïne sacrifiée sa chair angélique dans une fresque orchestrale pleine de souffle et de ressentiment goethéen…). Puis à 24 ans, c‘est le chef Arturo Toscanini antinazi convaincu, qui deux ans plus tard (1946) lance sa prodigieuse carrière pour le concert de réouverture de La Scala. Le maestro lui fait apprendre le rôle titre d’Aida dès 1950 (avec del Monaco : c’est un triomphe). Plus qu’en Europe, c’est principalement à New York que La Tebaldi s’impose ensuite sans faiblir jusqu’en 1973 ! La diva enchaîne les prises de rôles, surtout véristes dont Adrienne Lecouvreur montée pour elle avec Franco Corelli… Le rythme est trépidant et l’usure de la voix menace : en 1959 à 37 ans, Tebaldi doit cependant modérer ses engagements pour se reposer… La soprano ne fut guère bellinienne, – comme une Sutherland plus tard. Elle avait pourtant la noblesse et la pureté des aigus : mais Tebaldi s’intéresse à Verdi et surtout à ses successeurs italiens : Puccini et les véristes (Mascagni, Cilea, Ponchielli…). Cet ange descendu du ciel aurait-elle néanmoins un grain de voix adapté pour les rôles très dramatiques ? c’est là qu’elle rejoint Maria Callas.

 

 

 

Tebaldi, l’ange tragique

 

CLIC D'OR macaron 200Au regard de ce coffret évidemment incontournable, la voix d’ange, vraie rivale de Callas sur le plan expressif et esthétique, Renata Tebaldi, fut surtout une … vériste ; moins la verdienne étincelante comme on aime nous la présenter exclusivement. Ici 27 opéras intégraux l’attestent. Certes la voix d’ange comme il est rappelé sur le coffret, saisit par sa pureté d’émission : la cantatrice avait tout autant un tempérament ardent, prête à déclamer avec une expressivité ciselée. De même ses Puccini diamantins confirment l’aisance et l’éclat d’une voix étincelante et inoubliable pour ceux qui l’ont écoutée sur scène (Mimi ici en 1951, 1959 ; Butterfly de 1951 et 1958 ; Manon Lescaut de 1954…), et qui eut pour partenaires dans les années 1950 / 1960 : en particulier l’excellent et solaire Carlo Bergonzi (Rodolfo de La Bohème, ou Pinkerton de Madama Butterfly, Radamès d’Aida), Mario del Monaco (Dick Johnson de la Fanciulla del West, Radamès d’Aida, Manrico du trouvère), Fernando Corena… L’importance des opéras véristes est d’autant plus pertinente qu’elle nuance l’image de la cantatrice blanche, désincarnée, céleste…

Renata-Tebaldi-1960Qu’il s’agisse de sa subtile Adriana Lecouvreur (1961, à la déclaration digne et tragique propre aux grandes actrices sur la scène du théâtre), surtout de l’éblouissante Gioconda, sur le livret de Boito (1967, pour nous un accomplissement inégalé à ce jour, d’autant que sous la direction de Lamberto Gardelli, Tebaldi chante Gioconda avec des graves riches, aux côtés de Nicolai Ghiuselev, Marylin Horne, Carlo Bergonzi… ), surtout son rôle de Marguerite dans Mefistofele d’Arigo Boito (1958), La Tebadli assure un chant plein, expressif proche du texte, d’une déclamation troublante parce que pure et aussi articulée : son style, sa musicalité rayonnent. Sa Tosca confirme l’étendue d’une voix qui savait être puissante et tragique voire sombre (le coffret réunit ses deux emplois dans le rôle de Floria, 1951 et 1959) : c’est là que la comparaison avec la Callas paraît incontournable : elle révèle deux natures lyriques égales, indiscutables, deux conceptions distinctes tout autant cohérentes l’une et l’autre… Ses trois rôles les plus tardifs étant ici Il Trittico de Puccini (Giorgetta, Suor Angelica, Lauretta)1962), La Wally (1968), Un ballo in maschera (Amelia, 1970 aux côtés de Luciano Pavarotti). Ce dernier formera ensuite un duo tout autant légendaire avec Joan Sutherland toujours pour Decca, dans le sillon ouvert par la sublime Tebaldi.

Pour les 10 ans de sa disparition, Decca a bien raison de rééditer l’intégrale des opéras (et récitals thématiques) devenus mythiques à juste titre, d’autant que le duo qu’elle forme avec Mario del Monaco (la félinité mordante du timbre), avec Carlo Bergonzi (au style musical d’une élégance princière absolue) est un modèle inoubliable de musicalité comme d’intelligence expressive. Quelle autre diva d’une telle trempe peut revendiquer des partenariats aussi convaincants ? Coffret événement. Cadeau idéal pour les fêtes 2014.

 

 

CD. coffret. Renata Tebaldi : Voce d’angelo, the complete Decca recordings (66 cd Decca).66 cd Decca 478 1535

 

 

Compte rendu, opéra. Théâtre des Bouffes du nord, le 21 novembre 2014. Puccini : Mimi, scènes de la vie de Bohème. Frédéric Verrières, Bastien Gallet. Guilaume Vincent

DVD. Puccini: un séduisant Trittico (Opus Arte)Le soir tombe bien plus tôt dans les brumes de novembre.  Paris s’enguirlande peu à peu des phares et klaxons, mais au dessus de tout ce bouillonnement luisent les mansardes couronnées de zinc.  Ces témoins des heures faméliques et inspirées des bohèmes d’hier, demeurent studieuses et souvent tout aussi précaires.  C’est au cœur des spectres de Murger, entre le métro aérien et les voies du Nord que le Théâtre des Bouffes du Nord a ouvert ses portes ce soir.  A l’affiche : « MIMI ». Une réverbération vers ces Scènes de la Vie de Bohème qui semblent demeurer encore et toujours dans l’âme de Paris.  Résolument moderne, la fantaisie lyrique de cette production fait intervenir à la fois la musique contemporaine, la pop, le théâtre.  L’univers riche de la création au sens brut du terme.

 

 

Nouvelle « MIMI », une révolution lyrique et scénique

 

mimi-puccini-bouffes-du-nord-2014MIMI c’est d’abord l’articulation d’un mythe opératique. Loin de l’hommage, du clin d’œil simpliste, de la parodie superficielle, de la réécriture sacrilège, c’est une pièce à l’état pur, une expérience forte d’une nouvelle énergie.  Création totale d’une équipe engagée et talentueuse, MIMI jaillit sur scène comme un oriflamme d’une génération qu’on entend peu sur les scènes conventionnelles.  La partition de Frédéric Verrières est d’une grande inspiration. Même si ça et là des longueurs sont sensibles, le tout est d’une grande cohérence.  Nous sommes face à une superposition d’ombres, de dentelles à la fois délicieuses, mystérieuses, passionnées.  Les retours à Puccini sont comme une ligne de crêtes qui ponctuent le cours de l’intrigue sans se dénaturer.  Un très beau travail de dialogue et de renouveau. Le livret de Bastien Gallet demeure assez intense, malgré des petits écueils de modernisme à outrance qui n’apportent que du gag. La cohérence est maintenue malgré tout.

La mise en scène de Guillaume Vincent retrace une intrigue qui met l’accent sur l’humanité des personnages. Le public s’identifie immédiatement avec les uns ou les autres, et surtout quand on a vécu en papillon de nuit, ce parcours initiatique de la vie parisienne étudiante.  La jeunesse finalement se manifeste par un sol jonché de matelas qui représenteraient le manque de repères concrets, l’instabilité de la situation des apprentis artistes. Ces mêmes matelas sont la pyramide funéraire qui avale Mimi à la fin de la pièce, comme une victime inerte de la précarité et de la passion.

L’ensemble Court-circuit précis et multicolore, étonnant de nuances dans les pages pucciniennes, est mené par un Jean Deroyer plutôt engagé. Une phalange musicale qui offre la part belle aux cuivres et aux bois pour offrir une ambiance lisse et racée, entre le brass band et l’harmonie.  Parfois d’une inquiétante sobriété, Court-circuit nous porte vers une musique aux contours saillants, à la brutalité subtile qui ponctue notre temps.

Le cast est dominé par la figure enflammée de Camélia Jordana. Transfigurée d’idole pop à « cousette » tendance, Camélia Jordana nous révèle la fragilité, l’insouciance insolente de cette Mimi à double tranchant.  Elle est tour à tour une silhouette et une flamme, une idée et une sensation.  Habitués à des Mimi martyrs,  Camélia Jordana nous secoue avec efficacité et passion dans une Mimi terriblement féminine, belle à s’y brûler. Véritable égérie de la révolution lyrique, que la musique contemporaine ne la quitte plus, nous en redemandons.  D’ailleurs elle nous a propulsés vers le paroxysme de l’émotion avec sa dernière scène,  dans une subtilité d’approche, une mort symbolique et bouleversante, un souffle coupé et la force du silence qu’elle a réussi à cueillir en un soupir.

Face à elle une équipe lyrique de grande qualité avec une Mimi 2 lyrique, incarnée avec émotion et un panache absolu par Judith Fa. Une Musette espiègle et truculente campée par la libertine Pauline Courtin. Le Marcel enthousiasmant de jeunesse et d’élégance de Christophe Gay, courtise en permanence les difficultés de la double partition sans y succomber.  Christian Helmer demeure trop juste néanmoins, il se révèle un Rodolphe un brin terne, la voix est belle mais pas de flamme.

Personnage ajouté par le livret, mais d’une richesse extraordinaire c’est la Comtesse Geschwitz de Caroline Rose.  Spectaculaire dans ses scènes de débauche et débordant de comique décadent. A la lisière des héroïnes d’Otto Dix,  Caroline Rose aurait pu réveiller les parfums subtils de Marlene Dietrich au milieu des océans passionnants de Puccini et de Verrières. Caroline Rose nous révèle une actrice et une chanteuse enthousiasmante.

Comment décrire une révolution ? Si la comparaison est hors sujet, le sort voulut que MIMI cohabite à Paris avec une reprise sempiternelle de la très sage Bohème de Puccini. Mais l’avenir est en marche,  MIMI sonne le glas du spectacle lyrique des tenants de la convention.  Que le public de Paris prenne position, après MIMI rien ne sera comme avant.

Compte rendu rédigé par notre envoyé spécial Pedro-Octavio Diaz

 

 

 

 

Compte rendu, opéra. Théâtre des Bouffes du nord, le 21 novembre 2014. Puccini : Mimi, scènes de la vie de Bohème. Spectacle librement inspiré de La Bohème de Giacomo Puccini Frédéric Verrières (partition), Bastien Gallet (livret). Guillaume Vincent. Avec :

Camélia Jordana (Mimi 1)

Judith Fa ( Mimi 2)

Pauline Courtin (Musette)

Christophe Gay (Marcel)

Christian Helmer (Rodolphe)

Caroline Rose (La comtesse Geschwitz)

Ensemble Court-circuit. Jean Deroyer, direction

Mise en scène : Guillaume Vincent

 

 

 

La Bohème de Puccini au cinéma

boheme bordeaux opera cinemaLa Bohème de Puccini au cinéma. Le 26 septembre 2014, 19h45. Depuis l’Opéra de Bordeaux. 7 ans après … La production de La Bohème de Puccini (1896) présentée à Bordeaux en 2007 ressuscite ce 2014, sous la baguette de Paul Daniel. La mise en scène de Laurent Laffargue, située avant mai 1968-, est portée par une nouvelle distribution dont Nathalie Manfrino (Mimi) et Sébastien Guèze (Rodolfo). A l’origine, La Bohème évoque les amours tragiques et tendres de la couturière Mimi et du poète Rodolphe dans le Paris des années 1830. Au Café Momus, à la barrière d’enfer sous la neige, l’action de La Bohème est une page spectaculaire, sentimentale et atmosphérique du Paris romantique rêvé, celui décrit par le roman de Burger (Scènes de la vie de Bohème). Mimi et Rodolfo comme Musetta et Marcello, leurs comparses, vivent l’expérience amoureuse, sa fragilité (ils se séparent mais ne peuvent cesser de s’aimer), son éternité (leurs duos d’amour sont les plus beaux de tout le répertoire romantique italien)… La Bohème de Puccini est diffusée dans les salles de cinéma, le 26 septembre 2014 à partir de 19h45. Production marquant le début de la nouvelle saison lyrique de l’Opéra national de Bordeaux. Leoncavallo compose lui aussi une Bohème en 1897 qui connaît un succès immédiat alors que celle de Puccini peine à convaincre. Leur destin actuel est à présent inversé ! Réservations : www.akuentic.com

Puccini : La Bohème par Anna Netrebko à Chicago

puccini-boheme_puccini_netrebko_callejaFrance Musique, ce soir 19h. Puccini : La Bohème avec Anna Netrebko. Depuis l’Opéra de Chicago, la soprano russo autrichienne Anna Netrebko incarne Mimi, cousette émancipée du Paris bohémien et hautement artistique ; au café Momus, puis à la barrière d’enfer enneigée, les amours de Mimi et de Rodolphe éprouvent le choc de la vie réelle, souvent difficile et tragique… Phtisique, Mimi se sent condamnée et Rodolphe ne parvient pas vraiment, malgré ce qu’il dit, à quitter sa jeune maîtresse. Plus qu’un opéra à airs, mettant surtout en avant les chanteurs, Puccini exprime la couleur particulière du Paris romantique (inspiré du roman de Henry Murger, Scènes de la vie de Bohème paru en 1845) où malgré la misère des artistes, l’amour et le pur lyrisme en leur fragilité idéalement brossée, étreignent les coeurs prêts à s’enivrer. La flamboyante partition orchestrale de Puccini est le vrai protagoniste d’un opéra qui outre son sujet parfois léger, déconcerte par ses audaces harmoniques. Du pain béni pour les chefs soucieux de nuances et d’évocations poignantes.
La production de Chicago bénéficie surtout de son plateau vocal : Anna Netrebko est une Mimi palpitante et hypersensible, ange trop fragile mais incandescent (comme le fut avant elle l’inégalable Mirella Freni : son modèle ?) et comme partenaire l’excellent ténor Joseph Calleja, certes piètre acteur mais voix stylée taillée pour les jeunes poètes amoureux du Paris romantique

logo_francemusiqueOpéra enregistré le 15 juin 2013 à l’Opéra Lyrique de Chicago.
Opéra en quatre tableaux créé le 1er février 1896 au Teatro Regio de Turin, Italie.
Musique de Giacomo Puccini (1858-1924).
Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après le roman de Henri Mürger Scènes de la vie de Bohème.

Anna Netrebko, Mimì
Joseph Calleja, Rodolfo
Elizabeth Futral, Musetta
Lucas Meachem, Marcello
Andrea Silvestrelli, Colline
Joseph Lim, Schaunard
Dale Travis, Benoit/Alcindoro

Choeur et orchestre de l’Opéra Lyrique de Chicago
Emmanuel Villaume, direction

Consultez la page dédiée à La Bohème de Puccini sur le site de France Musique

La Fanciulla del West en direct de Bastille

bastille_fanciulla_del_west_puccini_opera_bastille_2014En direct de l’Opéra Bastille : La Fanciulla del West de Puccini, lundi 10 février 2014, 19h30 … Dans le réseau des salles UGC. Ici triomphe l’amour et Minnie se distingue du milieu des mineurs par ses rêves utopiques, son désir de dépassement, son ardente croyance dans la construction d’un monde pacifié, hors des joutes viriles sans lendemain qui se nourrissent d’alcool, de rivalités potaches, d’affrontements réguliers.
La figure de Minnie ne partage rien avec les héroïnes antérieures de Puccini: ni Manon, ni Tosca, ni même Cio Cio San et pas encore Turandot. A contrario des sacrifiées tragiques, voici une femme forte qui inscrit ses rêves en lettres d’or à la face d’une société masculine permissive, jalouse, sauvage, étriquée. Dans une société phallocratique, la femme n’est elle pas l’avenir de l’homme ?

Pourquoi y aller ? 3 raisons pour ne pas manquer La Fanciulla del West à l’Opéra Bastille à Paris :
- la direction de Carlo Rizzi, fin maestro, ardent défenseur d’une dramaturgie haletante et certainement détaillée
- Claudio Sgura dans le rôle de Jack Rance, le voyou au cœur tendre, épris de la belle Minnie
- Nina Stemme, hier wagnérienne accomplie sous la direction de Philippe Jordan dans Tannhäuser : son timbre ample et chaud devrait apporter chair et fièvre à l’âme généreuse de la belle Minnie ; y compris lorsque la jeune femme cache son amant et doit même tricher aux cartes pour sauver l’homme qu’elle aime…

 

Informations et réservations sur le site de l’Opéra national de Paris, page dédiée à la nouvelle production de La Fanciulla del West de Puccini (production créé à Amsterdam, Nederlandse Opera)

 

 

 

 

 

 

 

La Fanciulla del West de Puccini à l’Opéra Bastille

bastille_fanciulla_del_west_puccini_opera_bastille_2014Puccini: La Fanciulla del West. France Musique le 22 février 2014, 19h30  En direct de l’Opéra Bastille à Paris. La Fanciulla del West raconte le rêve américain dans l’écriture d’un Puccini soucieux de plaire à l’audience anglosaxone en 1910: dans un décor de Far-west, Minnie est une jeune femme pleine de courage et de tendresse; un coeur tendre qui dans un monde d’hommes (celui des chercheurs d’or), sait imposer sa fière féminité; une sorte d’héroïne moderne. Créé le 10 décembre 1910, sur les planches du Metropolitan de New York, l’opéra de Puccini est une offrande vériste du compositeur italien à l’adresse des USA.

Puccini s’inspire de la pièce de David Belasco (1905), The girl of the Golden. Le compositeur assiste à la création (triomphale) de son 7è opéra (en 3 actes), l’un des rares opus qui met en scène une action amoureuse qui se termine … bien. Success love story, The Fanciulla métropolitaine séduit immédiatement le public américain et les New Yorkais sous le charme réservent une salve d’hommage au compositeur italien. Dans la fosse, Arturo Toscanini porte la tension et la réussite de la production dont font partie Emmy Destinn (Minie) et Enrico Caruso (Dick Johnson), … avant l’exceptionnel et désormais légendaire Franco Corelli dans le rôle masculin.

Minnie et Jack. Le sujet central de la ruée vers l’or en Californie inspire à Puccini l’une de ses pages orchestrales les plus flamboyantes (et les plus audacieuse). La valeur de l’écriture puccinienne vient du respect permanent du créateur vis à vis de la psychologie des personnages.
Parmi les garçons brusques au coeur tendre, tous épris de la belle barmaid, propriétaire du saloon La Polka, Minnie tient la dragée haute: elle leur enseigne la lecture comme institutrice et incarne aussi la loyauté morale: elle leur lit la Bible. C’est une âme noble et admirable par son humanité et sa générosité. Alors que Jack Rance le shérif (baryton) aime lui aussi Minnie, survient l’étranger par lequel la catastrophe arrive: Jack Johnson (ténor). Un vaillant au passé trouble qui saisit dès son apparition le coeur de la jeune femme… D’autant que Minnie est une âme romantique qui croit au prince charmant.
Eprise, la jeune femme sauve des griffes du shérif Rance, Jack qui est en fait un bandit en fuite (de son vrai nom Ramerrez). Ici triomphe l’amour et Minnie se distingue du milieu des mineurs par ses rêves utopiques, son désir de dépassement, son ardente croyance dans la construction d’un monde pacifié, hors des joutes viriles sans lendemain qui se nourrissent d’alcool, de rivalités potaches, d’affrontements réguliers.
La figure de Minnie ne partage rien avec les héroïnes antérieures de Puccini: ni Manon, ni Tosca, ni même Cio Cio San et pas encore Turandot. A contrario des sacrifiées tragiques, voici une femme forte qui inscrit ses rêves en lettres d’or à la face d’une société masculine permissive, jalouse, sauvage, étriquée. Dans une société phallocratique, la femme n’est elle pas l’avenir de l’homme ?

Diffusion en direct sur France Musique le samedi 22 février 2014 à 19h30

La Fanciulla del West de Puccini à l’Opéra Bastille

Paris, Bastille. Puccini: La Fanciulla del West. 1-28 février 2014 … La Fanciulla del West raconte le rêve américain dans l’écriture d’un Puccini soucieux de plaire à l’audience anglosaxone en 1910: dans un décor de Far-west, Minnie est une jeune femme pleine de courage et de tendresse; un coeur tendre qui dans un monde d’hommes (celui des chercheurs d’or), sait imposer sa fière féminité; une sorte d’héroïne moderne. Créé le 10 décembre 1910, sur les planches du Metropolitan de New York, l’opéra de Puccini est une offrande vériste du compositeur italien à l’adresse des USA.
Puccini s’inspire de la pièce de David Belasco (1905), The girl of the Golden. Le compositeur assiste à la création (triomphale) de son 7è opéra (en 3 actes), l’un des rares opus qui met en scène une action amoureuse qui se termine … bien. Success love story, The Fanciulla métropolitaine séduit immédiatement le public américain et les New Yorkais sous le charme réservent une salve d’hommage au compositeur italien. Dans la fosse, Arturo Toscanini porte la tension et la réussite de la production dont font partie Emmy Destinn (Minie) et Enrico Caruso (Dick Johnson), … avant l’exceptionnel et désormais légendaire Franco Corelli dans le rôle masculin.

Bastille_puccini_fanciulla-del-west-opera-bastille-2014-570

 

La Fanciulla fait son entrée à Bastille

 

Le sujet central de la ruée vers l’or en Californie inspire à Puccini l’une de ses pages orchestrales les plus flamboyantes (et les plus audacieuse). La valeur de l’écriture puccinienne vient du respect permanent du créateur vis à vis de la psychologie des personnages.
Parmi les garçons brusques au coeur tendre, tous épris de la belle barmaid, propriétaire du saloon La Polka, Minnie tient la dragée haute: elle leur enseigne la lecture comme institutrice et incarne aussi la loyauté morale: elle leur lit la Bible. C’est une âme noble et admirable par son humanité et sa générosité. Alors que Jack Rance le shérif (baryton) aime lui aussi Minnie, survient l’étranger par lequel la catastrophe arrive: Jack Johnson (ténor). Un vaillant au passé trouble qui saisit dès son apparition le coeur de la jeune femme… D’autant que Minnie est une âme romantique qui croit au prince charmant.
Eprise, la jeune femme sauve des griffes du shérif Rance, Jack qui est en fait un bandit en fuite (de son vrai nom Ramerrez). Ici triomphe l’amour et Minnie se distingue du milieu des mineurs par ses rêves utopiques, son désir de dépassement, son ardente croyance dans la construction d’un monde pacifié, hors des joutes viriles sans lendemain qui se nourrissent d’alcool, de rivalités potaches, d’affrontements réguliers.
La figure de Minnie ne partage rien avec les héroïnes antérieures de Puccini: ni Manon, ni Tosca, ni même Cio Cio San et pas encore Turandot. A contrario des sacrifiées tragiques, voici une femme forte qui inscrit ses rêves en lettres d’or à la face d’une société masculine permissive, jalouse, sauvage, étriquée. Dans une société phallocratique, la femme n’est elle pas l’avenir de l’homme ?

 

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La fanciulla del West fait son entrée au répertoire de l’Opéra national de Paris (il était temps), du 1er au 28 février 2014. 10 représentations à l’Opéra Bastille.
Diffusion en direct dans les salles de cinéma, le lundi 10 février (réseau UGC), 19h30
Diffusion en direct sur France Musique le samedi 22 février 2014 à 19h30

 

 

 

Pourquoi y aller ? 3 raisons pour ne pas manquer La Fanciulla del West à l’Opéra Bastille à Paris :
- la direction de Carlo Rizzi, fin maestro, ardent défenseur d’une dramaturgie haletante et certainement détaillée
- Claudio Sgura dans le rôle de Jack Rance, le voyou au cœur tendre, épris de la belle Minnie
- Nina Stemme, hier wagnérienne accomplie sous la direction de Philippe Jordan dans Tannhäuser : son timbre ample et chaud devrait apporter chair et fièvre à l’âme généreuse de la belle Minnie ; y compris lorsque la jeune femme cache son amant et doit même tricher aux cartes pour sauver l’homme qu’elle aime…

 

Informations et réservations sur le site de l’Opéra national de Paris, page dédiée à la nouvelle production de La Fanciulla del West de Puccini (production créé à Amsterdam, Nederlandse Opera)

 

 

 

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Compte-rendu : Nancy. Opéra National de Lorraine, le 4 octobre 2013. Giacomo Puccini : Turandot. Katrin Kapplusch, Rudy Park, Karah Son. Rani Calderon, direction musicale. Yannis Kokos, mise en scène.

Turandot Yannis KokosL’Opéra National de Lorraine nous a habitués à l’excellence, et la maison nancéenne ne déroge pas à la règle pour son premier spectacle de la saison 2013-2014, avec une Turandot de haut niveau.
Un ouvrage dramatiquement fort, une distribution choisie avec soin et une mise en scène de toute beauté, les ingrédients sont là pour une soirée mémorable. Le dernier ouvrage de Puccini, celui où le compositeur a déversé son âme – au point que la mort l’emporte avant qu’il ait pu l’achever –, offre une grande fresque musicale, épique autant qu’amoureuse, rappelant bien souvent Tristan. L’orchestration, dense et riche, tonnant aussi bien qu’elle murmure, et multiplie les effets de masses auxquels succèdent bien des scènes d’une tendre intimité.

 

 

Une princesse de glace en rouge et noir

 

L’Opéra de Nancy a eu le nez fin en confiant la direction musicale au chef iranien Rani Calderon, qui sculpte littéralement la sonorité de l’Orchestre Symphonique et Lyrique, multiplie les plans sonores, fait varier à l’infini les atmosphères et exécute les rubati voulus par le compositeur. Quelques décalages sont parfois à noter, mais gageons que tout rentrera dans l’ordre durant les représentations suivantes. En outre, le chef aime les voix, et cela se sent dans son geste, ménageant là un chanteur, portant ici au contraire un autre, lui offrant le socle instrumental nécessaire au déploiement de sa vocalité. Un vrai chef de théâtre, comme on aimerait en entendre plus souvent.
La mise en scène de Yannis Kokos sert l’œuvre par son dépouillement et son esthétisme, toute en rouge et noir, comme un grand tableau au sein duquel se fait durement sentir le poids de la fatalité et du destin façonnés par la terrible princesse. Seule concession au sourire, la virevoltante fantaisie tricéphale des Ministres, subtilement chorégraphiée, notamment dans leur superbe scène ouvrant le deuxième acte, où, enivrés par les vapeurs de la fumée, les trois hommes évoquent chacun la maison où les porte leur fantaisie. On n’oubliera pas de sitôt la place centrale occupée par le gong, qui celle le destin des prétendants, et qui se fait miroir, pour refléter la salle et ceux qui l’occupent.
Un très beau travail, sublimé par une direction d’acteurs sobre et précise, suivant de près la musique, et rehaussé par de magnifiques masques et costumes.
Grand succès également du côté des chanteurs. Dès les premières phrases du Mandarin, ici incarné in extremis par le ténor Florian Cafiero – alors que le rôle est d’ordinaire dévolu à un baryton, sinon une basse –, haut de place et bien chantant, on devine l’attention minutieuse apportée au choix des interprètes.
L’Empereur Altoum de John Pierce, au volume certes plus modeste, mérite également des éloges pour son émission claire et incisive, là où bien souvent on distribue des chanteurs à la voix fatiguée.
La basse hongroise Miklos Sebestyen incarne un Timur à l’humanité touchante, mais manquant parfois de profondeur dans le bas du registre, avec une voix un rien corsetée, se libérant étonnamment vers l’aigu.
Très belle réussite pour le trio épatant formé par Chang Han Lim, François Piolino et Avi Klemberg, respectivement Ping, Pang et Pong. Dotés de voix complémentaires et s’harmonisant parfaitement, les trois larrons composent des Ministres d’une justesse parfaite, tant dans l’ironie que dans le rêve. Chacun apporte sa pâte vocale, chaude et ductile pour le premier, ample et riche pour le second, percutant et bien projeté pour le troisième, formant ainsi une palette de couleurs inépuisable. Leur chorégraphie, parfaitement exécutée par tous les trois, participe de cette gémellité entre eux, d’une efficacité redoutable.
Arrivée au dernier moment pour remplacer la titulaire prévue, la jeune soprano coréenne Karah Son, ancienne élève de l’Académie de la Scala de Milan avec Mirella Freni, remporte tous les suffrages dans le magnifique rôle de Liù, notamment grâce à des aigus piano de superbe facture. La nuance forte paraît un peu indurée en début de représentation, mais l’instrument s’assouplit au court de la soirée, pour culminer dans un suicide poignant et lumineux d’amour vrai, servi par une grande musicalité à fleur de peau.
Révélation de la soirée, le Calaf ahurissant du coréen Rudy Park laisse sans voix. A un large médium rappelant un baryton, le ténor associe un aigu puissant et solide, comme s’il parvenait à monter avec la totalité de sa voix, dans un seul moule vocal qu’il paraît tenir du grave à l’aigu. Ses appels clôturant le premier acte laissent le public pantois, ainsi que ses adresses à l’Empereur où, même tournant le dos à la salle, sa voix semble presque aussi sonore que de face ! Son duo avec Turandot lui permet de déployer un contre-ut impressionnant, pour culminer dans un « Nessun dorma » de grande école, superbement phrasé, attentif aux mots et conquérant d’ampleur vocale. Au rideau final, il est salué par une grande ovation de toute la salle, en lisse devant un tel phénomène vocal, défiant les règles habituelles de l’art du chant.
Face à lui, la Turandot de l’allemande Katrin Kapplusch tient vaillamment sa partie, davantage soprano lirico-spinto que grand soprano dramatique, et vient à bout de ce rôle difficile sans encombre, grâce à une excellente maîtrise technique et une gestion intelligente de ses moyens. La voix, de belle étoffe, homogène sur toute la tessiture, offre des graves élégamment poitrinés et des aigus sonores, convaincante dans ses imprécations, ainsi qu’une véritable leçon de musique au dernier acte. L’humanisation de sa princesse de glace et son éveil à l’amour sont ainsi particulièrement sensibles, grâce à de magnifiques nuances, et lui permettent d’achever l’œuvre dans une grande émotion.
Les chœurs de l’Opéra-Théâtre de Metz et de l’Opéra National de Lorraine, nombreux et débordants d’enthousiasme, participent pour beaucoup à la réussite de cette soirée, masse sonore à la cruauté inflexible, et laissant tomber le rideau sur une apothéose enivrante de puissance et d’éclat. Conquis, les spectateurs n’ont pas ménagé leur plaisir devant tant de bonheurs musicaux, et ont bruyamment manifesté leur exaltation, remerciant ainsi Nancy pour une si belle ouverture de saison.

Nancy. Opéra National de Lorraine, 4 octobre 2013. Giacomo Puccini : Turandot. Livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni. Avec Turandot : Katrin Kapplusch ; Calaf : Rudy Park ; Liù : Karah Son ; Timur : Miklos Sebestyen ; Ping : Chan Hang Lim ; Pang : François Piolino ; Pong : Avi Klemberg ; Altoum : John Pierce ; Un mandarin, le Jeune Prince de Perse : Florian Cafiero. Chœurs de l’Opéra National de Lorraine et de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole. Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy. Rani Calderon, direction musicale. Mise en scène, décors et costumes : Yannis Kokos ; Lumières : Patrice Trottier ; Dramaturgie : Anne Blancard ; Chorégraphie : Natalie Van Parys ; Perruques, maquillages, masques : Cécile Kretschmar.