DVD, coffret. PYOTR ILYITCH TCHAIKOVSKY : The Ballets (Royal opera House, 3 DVD Opus Arte). Coffret Ă©vĂ©nement qui complĂšte lâoffre Ă©galement en dvd rĂ©capitulatif Ă©ditĂ© ce NoĂ«l par BelAirclassiques et dĂ©diĂ© Ă lâĂ©cole russe du Bolshoï⊠Quoiquâon en dise, Tchaikovski aura permi aux chorĂ©graphes et danseurs internationaux de perfectionner leur art, quâil sâagisse de lâacrobatie virtuose et un rien froide, ou de lâĂ©lĂ©gance racĂ©e sublimement incarnĂ©e⊠Voici 3 ballets qui restent ⊠inaltĂ©rables.
Parlons dâabord du LAC DES CYGNES / Swan Lake version Osipova / Golding / Gruzin. EnregistrĂ© en mars 2015 au Royal Opera House, Covent Garden, et retransmise dans les cinĂ©mas du monde entier, le ballet fĂ©erique de Piotr Illiytch rĂ©unit deux tĂȘtes dâaffiche du Royal Ballet, lâĂ©toile russe Natalia Osipova (originaire du Bolshoi) et le canadien, Matthew Golding, nouveau duo pour ce lac attendu. La conception dâAnthony Dowell, qui date de 1987, sâinspire de lâoriginale de 1895 (Petipa / Ivanov), souhaite aussi rĂ©actualiser le propos en incluant des inserts venus de diffĂ©rents chorĂ©graphes plus contemporains, emblĂ©matiques Ă Londres : en particulier Frederick Ashton. Sans omettre des citations de lâĂ©poque de Tchaikovski. Il en rĂ©sulte un mĂ©lange parfois confus, qui affecte le trĂšs haut niveau du Corps de Ballet londonien, pourtant au meilleur de sa forme, autant dans la rĂ©alisation synchronisĂ©e des ensembles, que dans le soutien au solos virtuoses (superbe Rothbart de Gary Avis). Technicienne, Natalia Osipova nâest pas une actrice affĂ»tĂ©e, ce qui altĂšre son double emploi : Odette, le cygne blanc, et Odile, le cygne noir. Expressive en Odette, elle manque de relief et de profondeur, mais aussi de prĂ©cision dans la noirceur dâOdile. RacĂ© certes mais uniforme dans sa posture disciplinaire, Matthew Golding fait finalement un prince Siegfried plus hautain quâhumain, ce qui nuit Ă la finesse Ă©motionnelle de ses duos avec Odile / Odette. Evidemment, lâampleur de ses portĂ©s est magistrale. LĂ encore, une approche mĂ©canique, virtuose⊠mais froide et distanciĂ©e qui ignore totalement lâempathie et la connexion avec sa partenaire. Dans la fosse, Boris Gruzin fait feu de tout bois, rĂ©alisant de la matiĂšre et soie tchaikovskienne, un scintillement orchestral continu. Trop technique et glaçante, la lecture ne dĂ©trĂŽne pas lâexcellent duo Svetlana Zakharova / Roberto Bolle Ă Milan en 2004⊠Oui on nous dira nostalgie, nosltalgie, et « goood old times »⊠mais quand mĂȘme.
LA BELLE AU BOIS DORMANT version Nuñez, Muntagirov. Tout autre est la conception, elle aussi éclectique mais mieux assemblée et conçue de Monica Mason et Christopher Newton : à partir de la chorégraphie de Marius Petipa, ils conservent les ajouts signés Ashton, Wheeldon, Dowell, tout en redessinant la volupté onirique du conte originel français (Perrault)
grĂące aux costumes et dĂ©cors signĂ©s par Olivier Messel. Il en rĂ©sulte une lecture Ă la fois majestueuse et trĂšs fine sur le plan de la caractĂ©risation psychologique des personnages. On prĂ©fĂšre souvent grossir et Ă©paissir le ballet de Tchaikovski en faisant ronfler les rĂ©fĂ©rences Ă la solennitĂ© Grand SiĂšcle, au risque dâĂ©carter tout ce qui relĂšve du drame : rien de tel ici. Car rayonne en un trio irrĂ©sistible trois danseurs-acteurs prodigieux littĂ©ralement : Marianela Nunez (Princesse Aurora, Ă la fois proche et Ă©nigmatique), Kristen McNally (sidĂ©rante Carabosse par laquelle surgit la catastrophe et lâemprise des tĂ©nĂšbres, mais avec quelle Ă©conomie gestuelle : sa pantomime est du trĂšs grand art), enfin le Prince de Vladimir Muntagirov trouve le ton juste et la balance parfaite entre puissance athlĂ©tique et prĂ©sence affĂ»tĂ©e, sans omettre une excellente interaction avec ses partenaires, dans toutes les situations. VoilĂ qui nous change du « rien que technique et virtuositĂ© solistique » du Lac des cygnes prĂ©cĂ©demment prĂ©sentĂ©. Le geste souple et habitĂ© de Koen Kessels rend service Ă une partition colorĂ©e et raffinĂ©e dont il sait retirer toute boursouflure. Magistral.
CASSE NOISETTE, 2016 : les 90 ans de Peter Wright. Le Royal Ballet fĂȘte ainsi les 90 ans du metteur en scĂšne et producteur Peter Wright, dans lâune de ses rĂ©alisations les plus emblĂ©matiques (et applaudies). Créée en 1984, la conception enchante en respectant lâempire du rĂȘve qui montre comment le magicien Drosselmeyer emmĂšne la jeune Clara jusquâau monde enneigĂ© de la FĂ©e DragĂ©e, et au royaume des bonbons. Les aventures qui sâen suivent saisissent par leurs pĂ©ripĂ©ties contrastĂ©es voire martiales : le casse-noisette Hans-Peter se transforme en prince⊠Mais Wright offre Ă partir de la nouvelle onirique dâHoffmann (Casse noisette et le roi des souris, 1816), une rĂ©flexion trĂšs fine de la magie de NoĂ«l, sachant et questionner le sens de la fĂ©erie et lâexpĂ©rience morale quâen tirent les jeunes protagonistes. Saluons lâexcellent Gary AVIS, magicien dĂ©miurge, dâune prĂ©sence convaincante, entre autoritĂ© et mystĂšre. Il accompagne Clara dans son rite qui est aussi lâissue heureuse dâun envoĂ»tement diabolique, car son neveu Hans-Peter a Ă©tĂ© transformĂ© par le roi des souris, en casse-noisette, or seul lâamour dâune jeune fille pourra lâen libĂ©rer.
Au premier acte, confrontĂ©e Ă un immense sapin (qui ne cesse de grandir Ă mesure que le songe devient rĂ©el), Clara rayonne par son angĂ©lisme jamais miĂšvre (trĂšs juste Francesca Hayward). Le Casse-noisette devient prince (seyant et habile Federico Bonelli)⊠Au pays de la FĂ©e DragĂ©e, les danses de caractĂšres se succĂšdent avec variĂ©tĂ© et virtuositĂ©. Jusquâau suprĂȘme pas de deux de la FĂ©e DragĂ©e, auquel lâĂ©toile Lauren Cuthbertson rĂ©serve son Ă©lĂ©gance mĂ»re dâune sublime souplesse : face Ă la Clara attendrie et naĂŻve de Hayward, Cuthbertson Ă©blouit par sa grĂące adulte. Le charme de la production, dĂ©fendu par des solistes de premier plan, semble atemporel. IrrĂ©sistible.
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DVD, coffret. PYOTR ILYITCH TCHAIKOVSKY : The Ballets (Royal opera House, 3 DVD Opus Arte).