FĂŞtant cette annĂ©e ses 70 ans, le Septembre musical de Montreux-Vevey continue de s’imposer comme l’un des festivals majeurs de la Suisse Romande, et donc un rendez-vous incontournable pour le mĂ©lomane amateur de grands orchestres comme de grands solistes. L’Ă©dition 2017 a vu ainsi dĂ©filer des solistes de la trempe de Martha Argerich, Leonidas Kavakos, Daniil Trifonov, mais aussi – nous les avons entendus – James Ehnes, MikhaĂŻl Pletnev et Midori.
Le premier s’est lancĂ© – au Temple Saint-Martin de Vevey – dans la folle aventure de l’intĂ©grale des Sonates et Partitas pour violon seul de J.S. Bach. Le violoniste canadien ne s’y avère pas qu’un simple exĂ©cutant de la partition, mais avant tout un traducteur et un acteur dont la maturitĂ© d’interprĂ©tation fait forte impression. Dans ces Ĺ“uvres fameuses, l’instrument entre dans une symbiose permanente, et sonne Ă nos oreilles comme une dĂ©claration d’émotion, avec notamment de très beaux aigus. MĂŞme si certaines pièces accusent une certaine rapiditĂ© d’exĂ©cution – par exemple dans la fameuse Chaconne de la Partita n°2 -, il Ă©mane de son jeu une respiration artistique forte et une sensibilitĂ© Ă fleur de peau qui font de cet artiste, l’un des plus talentueux et attachants de sa gĂ©nĂ©ration. Visiblement très Ă©mu par ce qu’il vient d’entendre, le public lui offre une vive ovation Ă l’issue de sa performance.
Trois soirées au Septembre musical de Montreux-Vevey
Le second, assez rare en tant que concertiste depuis qu’il dirige l’Orchestre National de Russie, a offert – au Reflet-Théâtre de Vevey – un programme plus Ă©clectique, rĂ©unissant Bach, Grieg, Mozart. Dans le PrĂ©lude et Fugue en la mineur de Bach, le virtuose russe gratifie l’auditoire de sa technique hors pair : sens de la construction, clartĂ© du contrepoint, expressivitĂ©, capacitĂ© Ă faire chanter l’instrument. Avec Grieg, on trouve des moments de poĂ©sie et d’apaisement dans la Ballade op. 24 et une sincère tentative de faire ressortir le romantisme Ă©chevelĂ© de la juvĂ©nile Sonate op. 7. Après l’entracte, c’est Mozart qui est Ă l’honneur au travers de trois de ses Sonates (les KV 311, 457 & 533). Pletnev – cela se voit et s’entend – vit dans l’intimitĂ© de Mozart, qu’il joue avec un respect et une affection touchantes, et son interprĂ©tation relève le dĂ©fi de ce grand voyage dans les trĂ©fonds de l’âme mozartienne avec beaucoup de finesse, d’élĂ©gance, de fraĂ®cheur. Avec un très beau sens des nuances et un jeu d’une grande clartĂ©, il retrouve la puretĂ© mĂ©lodique de ces Sonates, leur brillance et leur virtuositĂ©, en toute simplicitĂ©. Il offre, en bis, le fameux RĂŞve d’amour de Liszt puis le Scherzo de Borodine.
Entre ces deux soirĂ©es, nous avons pu Ă©galement assistĂ© Ă un concert qui affichait le Youth Orchestra of Bahia (YOBA), orchestre composĂ© de jeunes issus des quartiers dĂ©favorisĂ©s de la citĂ© brĂ©silienne (Ă l’image du plus connu El Sistema vĂ©nĂ©zuĂ©lien fondĂ© par Gustavo Dudamel). DirigĂ©e par son fondateur et directeur musical Ricardo Castro, la jeune phalange s’Ă©chauffe d’abord avec une pĂ©tillante Ouverture de Candide de Leonard Bernstein avant d’accueillir en son sein la cĂ©lèbre violoniste japonaise Midori pour une exĂ©cution du Concerto pour violon de Beethoven. Dès le premier mouvement, l’interprète montre qu’elle est aujourd’hui en pleine maturitĂ© artistique et technique : la puissance et la beautĂ© du son, la fiabilitĂ© de la tenue d’archet, le contrĂ´le de l’interprĂ©tation dans ses moindres dĂ©tails, l’Ă©conomie du comportement (tout de concentration et d’intĂ©rioritĂ©) concourent Ă crĂ©er un moment de musique vraiment mĂ©morable.
La seconde partie de soirĂ©e propose une pièce aussi rare qu’originale avec le ChĂ´ros n°6 d’Heitor Villa-Lobos, le ChĂ´ro Ă©tant une tentative Ă©tonnante de fusionner la musique orchestrale et la musique des rues du BrĂ©sil. Le cycle des douze Choros composĂ©s par le compositeur brĂ©silien nĂ©cessite des effectifs instrumentaux variĂ©s de la guitare seule au grand orchestre, et c’est tout le BrĂ©sil avec ses percussions caractĂ©ristiques, sa lumière et sa joie intrinsèque qui s’exprime Ă travers les instruments de l’orchestre classique. Et disons-le tout de go, le YOBA – en terme de richesse des timbres et de fini instrumental – n’a ici rien Ă envier aux grandes phalanges europĂ©ennes sous la baguette de Ricardo Castro qui, de son cĂ´tĂ©, allie Ă©nergie et prĂ©cision. Bref, une double belle dĂ©couverte que cette partition et cet orchestre au Septembre Musical de Montreux-Vevey !
Compte-rendu, concert. Montreux & Vevey, les 29, 30 & 31 aoĂ»t 2016. JS Bach, E Grieg, W. A. Mozart, L. van Beethoven… James Ehnes, MikhaĂŻl Pletnev, Midori, Orchestre des Jeunes de Bahia.
Illustrations : JamesEhnes, Pletnev, Midori (DR)