CRITIQUE, opĂ©ra. LYON, le 9 oct 2021. VERDI : Falstaff. OpĂ©ra de Lyon, Daniele Rustioni (direction). AprĂšs les festivaliers dâAix-en-Provence cet Ă©tĂ© en juillet, les Lyonnais ont eu la primeur de cette superbe production. Une nouvelle rĂ©ussite du duo Barrie Kosky et Daniele Rustioni, magnifiĂ©e par une distribution exemplaire. Une soirĂ©e importante Ă plus dâun titre : lâOpĂ©ra de Lyon inaugure sa saison avec une jauge enfin maximale et inaugure en mĂȘme temps le mandat de son nouveau directeur Richard Brunel, particuliĂšrement Ă©mu au dĂ©but et Ă lâissue de la reprĂ©sentation. Commencer une nouvelle saison par le dernier opus de Verdi faisait Ă©galement sens, dâautant que Falstaff nâavait pas foulĂ© lâOpĂ©ra lyonnais depuis 17 ans. Et le duo Kosky / Rustioni nous a mijotĂ© une comĂ©die aux petits oignons.
Un Falstaff finement cuisiné
Sur scĂšne en effet, le Falstaff de Christopher Purves apparaĂźt en cuisinier affairĂ© ; sâil nâa pas la corpulence attendue du rĂŽle, il en a les contours, tour Ă tour drolatique et sĂ©rieux, extraordinaire de prĂ©sence scĂ©nique. La magie de Barrie Kosky opĂšre une fois de plus (aprĂšs son fabuleux Coq dâOr vu ici mĂȘme en juin dernier). Sa direction dâacteur dâune prĂ©cision dâentomologiste fait merveille. Aucun temps mort, une musique virevoltante pour un drame parmi les plus littĂ©raires (la plume magistrale de Boito) et les plus dramatiquement efficaces du rĂ©pertoire verdien. Les dĂ©cors de Katrin Lea Tag sont dĂ©licieusement vintage, couleurs acidulĂ©es au mur (quâon retrouvera dans le costume quâendosse Falstaff au 3Ăš acte), tables et chaises de bistrot, qui composent un tableau Ă la Hockney et illustrent une sorte de temporalitĂ© figĂ©e en contraste avec le tourbillon des personnages en perpĂ©tuelle agitation dans cette comĂ©die dâune Ă©poustouflante jeunesse, comĂ©die « de la boisson, de la nourriture et du sexe », nous dit le metteur en scĂšne. En Ford, StĂ©phane Degout est toujours aussi magistral, voix solidement charpentĂ©e, diction impeccable, ambitus vocal passant sans aspĂ©ritĂ© aucune du grave Ă lâaigu, dâune Ă©lĂ©gance extrĂȘme dans son costume trois piĂšces, dotĂ©e dâune moustache en berne qui ne laisse pas deviner la hargne qui le saisit quand il apprend que sa rĂ©putation est Ă©cornĂ©e.
En contrepoint, deux jeunes premiers idĂ©alement incarnĂ©s par Giulia Semenzato (Nannetta), timbre finement projetĂ©, tout en grĂące aĂ©rienne, malgrĂ© une moindre puissance, mais comĂ©dienne remarquable, et par son fiancĂ© Juan Francisco Gatell (Fenton), tĂ©nor rompu aux rĂŽles rossiniens, mĂȘlant grĂące de tenorino et puissance dramatique efficace dans le magnifique duo du premier acte, tendre et Ă©lĂ©giaque Ă souhait. Tout aussi drĂŽle et pleine dâabattage, la mezzo jubilatoire de Daniela Barcellona dans le rĂŽle de Mrs Quickly, coryphĂ©e dâexception des commĂšres Alice (impeccable Carmen Giannattasio) et Meg (Antoinette Dennefeld, tout aussi irrĂ©sistible), qui sâempiffrent de faux gĂąteaux gĂ©ants, ornant le lit conjugal au 2Ăš acte ; saluons le CaĂŻus de Gregory Bonfanti, tĂ©nor racĂ©, théùtralement efficace, et le Bartolo de Rodolphe Briand, Ă©galement irrĂ©prochable. Seul le Pistola de Antonio di Matteo déçoit un peu par son Ă©mission engorgĂ©e, malgrĂ© une voix de basse prometteuse, mais trop souvent instable.
Dans la fosse, la baguette magique de Daniele Rustioni fait toujours autant de merveilles pour servir brillamment une partition proprement Ă©blouissante. La fugue finale, dâune prodigieuse complexitĂ©, dans laquelle intervient, dans son intĂ©gralitĂ©, lâexcellent ChĆur de lâOpĂ©ra de Lyon, restera lâun des grands moments de théùtre dâune soirĂ©e mĂ©morable.
CRITIQUE, opĂ©ra. LYON, le 9 oct 2021. VERDI : Falstaff. Christopher Purves (Falstaff), StĂ©phane Degout (Ford), Juan Francisco Gatell (Fenton), Carmen Giannattasio (Alice Ford), Daniela Barcellona (Mrs Quickly), Giulia Semenzato (Nannetta), Antoinette Dennefeld (Mrs Page), Francesco Pittari (Docteur CaĂŻus), Rodolphe Briand (Bardolfo), Antonio di Matteo (Pistola), Barrie Kosky (mise en scĂšne), Katrin Lea Tag (dĂ©cors et costumes), Franck Evin (lumiĂšres), Olaf A. Schmitt (Dramaturgie), Anass Ismat (Chef des chĆurs), Orchestre et ChĆurs de lâOpĂ©ra de Lyon, Daniele Rustioni (direction).