BEETHOVEN 2020. ENTRETIEN avec François-FrĂ©dĂ©ric GUY, piano. Le pianiste François-FrĂ©dĂ©ric Guy a une actualitĂ© bien chargĂ©e. Rien dâĂ©tonnant Ă cela pour cet artiste qui a tissĂ© tant de liens intimes avec le compositeur Ă lâhonneur cette annĂ©e 2020, Ludwig van Beethoven, et qui en fait figure de spĂ©cialiste en France et jusquâen Asie. Entre des Ă©vĂšnements de grande envergure, comme les cinq concertos donnĂ©s en une seule soirĂ©e au Théùtre des Champs-ĂlysĂ©es avec lâexcellent Orchestre de Chambre de Paris (le 18 janvier dernier, lire ci aprĂšs notre compter rendu complet), la Folle JournĂ©e de Nantes consacrĂ©e Ă Beethoven, et bientĂŽt l’intĂ©grale des Trios Ă l’Arsenal de METZ (mars 2020), ce musicien passionnĂ© a pris le temps de se poser pour nous entretenir de sa vie avec Beethoven, mais pas seulementâŠ
FRANĂOIS-FRĂDĂRIC GUY,
à la croisée des chemins beethovéniens
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En 1998, vous avez gravĂ© votre premier disque consacrĂ© Ă Beethoven avec la sonate HammerKlavier opus 106: le dĂ©but dâune longue histoire, mais a-t-elle rĂ©ellement commencĂ© Ă cette Ă©poque?
CâĂ©tait effectivement mon premier disque solo, chez Harmonia Mundi, dans la collection des Nouveaux InterprĂštes de Radio France. Je me dois de citer Anne-Marie RĂ©by, Ă lâĂ©poque productrice sur France Musique de lâĂ©mission « En blanc et noir », qui mâa permis de jouer cette sonate Ă lâantenne: le producteur dâHarmonia Mundi lâa entendue et mâa proposĂ© de lâenregistrer. GrĂące au succĂšs de ce disque, jâai trĂšs rapidement travaillĂ© avec des chefs prestigieux comme Esa-Pekka Salonen ou Michael Tilson Thomas, et lĂ tout a commencĂ©, grĂące Ă ce disque et Ă©videmment grĂące Ă lâamour de Beethoven!
Ă quand remonte cet amour de Beethoven?Â
Il a commencĂ© bien avant! Quand jâĂ©tais enfant; mes parents Ă©taient de grands mĂ©lomanes et nous avions quelques disques Ă la maison. Nous avions notamment le premier concerto de Beethoven par Wilhelm Kempff et le chef Ferdinand Leitner. Je lâĂ©coutais tout le temps! Jâavais huit ans quand Ă mon cours de piano Ă lâĂ©cole de musique dâĂvreux, jâai jouĂ© dâoreille tout le dĂ©but de ce concerto Ă mon professeur. Elle mâa grondĂ© car je nâavais pas fait les exercices, mais câĂ©tait pour le principe. En rĂ©alitĂ© elle a Ă©tĂ© scotchĂ©e, au point que la semaine suivante, elle mâa offert la partition du concerto. Câest sur cette partition que jâai appris le concerto pour passer mon prix au CNSM. Je lâai gardĂ©e avec moi longtemps et partout aprĂšs, sur les scĂšnes de concert. Ensuite, il y a eu la Hammerklavier: en 1988, jâai Ă©tĂ© admis dans la classe de Dominique Merlet, en jouant la fugue de la Hammerklavier, qui Ă©tait le morceau imposĂ©. Jâai immĂ©diatement aprĂšs travaillĂ© la sonate entiĂšre. Elle est devenue mon Ćuvre fĂ©tiche.
Et pourtant elle est loin dâĂȘtre la plus accessible, tant pour lâinterprĂšte que pour le public!
CâĂ©tait en effet entrer de plain-pied dans la plus grande Ćuvre, la plus extrĂȘme, celle qui change le cours de lâhistoire, celle qui comme le disait Beethoven « donnera du fil Ă retordre aux pianistes dans les cinquante prochaines annĂ©es »⊠il aurait pu dire les cent cinquante prochaines annĂ©es! Câest un tel dĂ©fi de la jouer! Moi qui lâai donnĂ©e plus de cent fois au concert, je dois la rĂ©apprendre trĂšs sĂ©rieusement Ă chaque fois. Elle est si difficile pour la mĂ©moire, et ses objectifs spirituels et musicaux sont si Ă©levĂ©s que nous devons hisser toujours plus haut notre niveau quotidien pour atteindre sa stratosphĂšre, notamment dans son adagio qui ne peut se comparer quâaux grands mouvements lents des derniers quatuors Ă cordes ou Ă celui de la neuviĂšme symphonie. Il faut avoir beaucoup travaillĂ© les Ćuvres de Beethoven, y compris celles de jeunesse, pour accĂ©der Ă son univers!
Est-ce que la cĂ©lĂ©bration de lâanniversaire de la naissance de Beethoven revĂȘt selon vous une importance particuliĂšre dans le monde actuel?Â
Oui, bien sĂ»r. Nos sociĂ©tĂ©s ont besoin de cĂ©lĂ©brations, câest inscrit dans lâinconscient collectif. Ce quâil y a de touchant, câest que le monde entier sâempare de cette commĂ©moration, du nom de Beethoven et de son Ćuvre, pour lâinscrire en quelque sorte au patrimoine mondial de lâhumanitĂ©. Câest magnifique! Par exemple au Japon, chaque annĂ©e au mois de novembre tous les enfants, les orchestres et choeurs amateurs et professionnels interprĂštent la neuviĂšme symphonie de Beethoven, le temps dâun week-end: cela donne plusieurs centaines d’exĂ©cutions au mĂȘme moment, impressionnant non? Si un compositeur est capable de susciter un tel engouement 250 ans aprĂšs, il mĂ©rite vraiment dâĂȘtre inscrit au patrimoine mondial de lâhumanitĂ©, cela dâautant plus que sa musique met lâhomme au centre des prĂ©occupations musicales. Il arrive Ă rĂ©sumer avec ses notes de musique toutes nos sensations, nos sentiments, nos aspirations, quâelles soient Ă©levĂ©es ou plus ordinaires. Lâaspiration Ă la fraternitĂ© est la plus fondamentale dans sa musique; elle nous rapproche de notre propre devise française: LibertĂ©, Ă©galitĂ©, fraternitĂ©. Il est quelque part lâenfant de la rĂ©volution française, quâil a suivie et aimĂ©e, mĂȘme si elle Ă©tait un peu trop sanglante Ă son goĂ»t. Il y a des thĂšmes dans la neuviĂšme symphonie, dans la sonate Waldstein notamment, qui sont des hymnes Ă la fraternitĂ©, et cela est unique dans lâhistoire de la musique. Beethoven vise lâhumanitĂ©, ce qui fait que sa musique reste actuelle, intemporelle, universelle et nous touche.
En somme, la musique de Beethoven rassembleâŠ
Oui, tout le monde se rĂ©fĂšre Ă lui. En particulier les compositeurs contemporains. Lorsquâon demandait Ă Boulez quelle Ă©tait la rĂ©fĂ©rence musicale de sa premiĂšre sonate, il rĂ©pondait la sonate opus 78 « à ThĂ©rĂšse » de Beethoven. Quant Ă celle de sa deuxiĂšme sonate, il nommait la Hammerklavier. Et Boulez nâest pas le seul! Beethoven est Ă la croisĂ©e des chemins: il est encore un des classiques de la premiĂšre Ă©cole de Vienne, il en a parachevĂ© les formes musicales. En particulier il a dĂ©montrĂ© quâil pouvait tout faire avec la forme sonate, dans la symphonie, la sonate, le quatuor. Une fois cela fait, il dynamite tout, nous plonge dans lâunivers des sensations et des sentiments, sâĂ©cartant de la musique formelle, et nous ouvre la porte du romantisme. Nâappartenant Ă personne, il appartient Ă tout le monde et il est avec tout le monde. LâĆuvre de Beethoven ne vieillit pas et les gens le ressentent, que ce soient les musiciens qui lâinterprĂštent, ou le public.
Cette annĂ©e 2020 est-elle une annĂ©e particuliĂšre dans votre carriĂšre?Â
Câest une annĂ©e qui marque forcĂ©ment un aboutissement. Cela fait une quinzaine dâannĂ©es que je me consacre Ă lâĆuvre de Beethoven: jâai enregistrĂ© les 32 sonates, deux fois les concertos, deux fois Ă©galement lâintĂ©grale des sonates avec violoncelle, lâintĂ©grale des sonates pour violon et piano. Cette annĂ©e anniversaire, je dĂ©couvre cette cette faculté de pouvoir jongler dâune Ćuvre Ă lâautre et cela me procure une sensation trĂšs agrĂ©able! Mais pour moi, lâanniversaire de Beethoven câest bien Ă©videmment tous les ans!
Vous avez une vie de compagnonnage avec Beethoven, comme autrefois les artisans et artistes qui travaillaient sur lâĂ©dification des cathĂ©dralesâŠ
Si on pouvait rassembler lâĆuvre de Beethoven en un seul livre, cela serait un Ă©norme livre comme ceux quâon trouvait dans les monastĂšres autrefois, que lâon ne pouvait soulever quâĂ plusieurs, et aussi gros soit-il jâen ferais mon livre de chevet! Jâaime comparer Beethoven Ă LĂ©onard de Vinci: câest un crĂ©ateur, pas seulement un musicien; il a fait Ă©voluer le piano. Dans ses lettres, Beethoven se plaignait rĂ©guliĂšrement des pianos. Il pestait aprĂšs ces instruments qui ne lui permettaient pas dâexprimer son bouillonnement intĂ©rieur, cette Ă©nergie qui lui est propre; il voulait des triples fortissimos quâil nâobtenait pas sur les Broadwood ou les Graf, il voulait quâon puisse jouer vite, quâon tienne les sons avec la pĂ©dale, il voulait lâorchestre au piano. Les facteurs ont Ă©tĂ© obligĂ©s de sâatteler Ă la tĂącheâŠDans sa tĂȘte Beethoven imaginait le piano comme LĂ©onard de Vinci imaginait les machines volantes.
“Jâaime comparer Beethoven Ă LĂ©onard de Vinci:
câest un crĂ©ateur, pas seulement un musicien”
 
Vous procédez par intégrales successives, pour quelle raison?
LâĆuvre de Beethoven est pour moi comme un grand puzzle. Le Beethoven Project se poursuit comme il a commencĂ©. Mon dernier enregistrement des concertos en fait partie, car cette fois-ci ils sont en jouĂ©-dirigĂ©. Jâajoute progressivement des piĂšces au puzzle pour avoir au bout du compte cette image complĂšte du compositeur. Rien nâest cloisonnĂ©: je passe dâune sonate Ă un trio ou une sonate pour violon, et mĂȘme Ă la symphonie. Jâai dirigĂ© rĂ©cemment la quatriĂšme symphonie Ă lâArsenal de Metz, avec le Sinfonia Varsovia. Auparavant jâavais dirigĂ© la cinquiĂšme et la septiĂšme. Lâan prochain ce sera la neuviĂšme. Mon intention nâest cependant pas dâarrĂȘter le piano pour la direction dâorchestre. Simplement, je ne peux pas imaginer ĂȘtre dans le monde de Beethoven sans ĂȘtre confrontĂ© Ă ses symphonies. Quand jâĂ©tais adolescent jâai Ă©tĂ© tentĂ© de devenir chef dâorchestre, jâai travaillĂ© avec Seiji Osawa pour apprendre la direction, et finalement je suis restĂ© pianiste pour des raisons personnelles. Si je ne lâai jamais regrettĂ©, cette attrait pour la direction ne sâest jamais Ă©teint. Câest par le biais du jouĂ©-dirigĂ© que jâai pu commencer Ă imaginer diriger lâorchestre.
Pensez-vous que le joué-dirigé va de paire avec une vision chambriste du concerto?
Câest un lieu commun. Le jouĂ©-dirigĂ© est plus que cela. Il met en valeur les trois aspects du concerto: la partie du soliste, sa dimension symphonique du fait que lâon dirige, et en mĂȘme temps son cĂŽtĂ© musique de chambre, puisque les instrumentistes sont autour du piano qui se trouve de fait Ă lâintĂ©rieur de lâorchestre, en devient un instrument au mĂȘme titre que les autres, mĂȘme sâil a sa spĂ©cificitĂ© de par son timbre et la richesse de sa partition. Câest une trinitĂ© indissociable, et cela sâentend jâespĂšre dans lâenregistrement. Ce cĂŽtĂ© « art total » du jouĂ©-dirigĂ© mâa Ă©normĂ©ment intĂ©ressĂ©. Les concertos ont Ă©tĂ© conçus et créés en jouĂ©-dirigĂ©, sauf le cinquiĂšme en raison de la surditĂ© du compositeur. Le jouĂ©-dirigĂ© revĂȘt donc une forme dâauthenticitĂ©.
Les concertos, les sonates, ces intégrales que vous avez enregistrées correspondent-elles à des cycles selon vous?
Oui, bien sĂ»r, et ce sont des cycles autobiographiques! En tĂ©moignent les sonates quâil compose tout au long de sa vie.
Mais pas les concertos, qui ont Ă©tĂ© composĂ©s en lâespace assez court dâune dĂ©cennieâŠ
Cela Ă cause de sa surditĂ©. Quand on entend la Fantaisie chorale qui est une Ă©bauche dâun concerto mais aussi de la neuviĂšme symphonie, on peut imaginer un concerto de cette Ă©poque peut-ĂȘtre avec chĆur, qui aurait Ă©tĂ© trĂšs novateur, dans des dimensions tout aussi stupĂ©fiantes !
Pour quelle raison avoir enregistré à nouveau les concertos?
Je ne me suis pas limitĂ© aux concertos. Toute ma discographie contient des doubles, voire triples enregistrements, comme celui de la Hammerklavier. Jâai besoin de revenir aux Ćuvres qui comptent vraiment pour moi. En ce qui concerne les concertos il y a eu une Ă©volution: il y a dix ans, ma rencontre exceptionnelle avec Philippe Jordan a Ă©tĂ© un coup de foudre musical et amical. Nous avons donnĂ© le quatriĂšme concerto Ă la salle Pleyel, sous lâimpulsion dâEric Montalbetti, qui dirigeait alors lâOrchestre Philharmonique de Radio France. Ensuite, aprĂšs en avoir donnĂ© l’intĂ©grale Ă Paris et dans dâautres salles de concerts europĂ©ennes, nous avons trĂšs rapidement enregistrĂ© les concertos. Le jouĂ©-dirigĂ© sâest imposĂ© Ă moi ces derniĂšres annĂ©es car jâavais envie dâavoir cette sensation unique de contrĂŽler le geste musical de la premiĂšre Ă la derniĂšre note. Une rencontre avec un chef dâorchestre stimule la crĂ©ativitĂ©, mais le fait de maĂźtriser lâintĂ©gralitĂ© de lâinterprĂ©tation musicale est aussi une immense stimulation crĂ©atrice. AprĂšs sept ans dâexpĂ©rience de cette pratique, le moment Ă©tait venu dâenregistrer cette version avec le Sinfonia Varsovia que je connais depuis des annĂ©es. Cela mâa ouvert de nouvelles perspectives musicales, notamment au niveau de la dimension symphonique de cette musique. Jâai voulu quâon entende cette fusion totale.
A cĂŽtĂ© de ces monuments, il y a toutes ces piĂšces: les Bagatelles, les VariationsâŠ
Beethoven a aussi un cĂŽtĂ© populaire. Cela sâentend dans ses thĂšmes. Ils sont quelques fois trĂšs peu recherchĂ©s: on peut les siffler dans la rue, comme ces quatre premiĂšres notes de la cinquiĂšme symphonie. Câest sa façon dâaccrocher celui qui Ă©coute sa musique. Quatre notes qui ne sont mĂȘme pas un thĂšme, juste une succession immĂ©diatement apprĂ©hendable. La force de Beethoven est dans cette efficacitĂ©. Son gĂ©nie a Ă©tĂ© ensuite de bĂątir une cathĂ©drale sonore Ă partir de ces quatre notes. Les variations hĂ©roĂŻques sont construites sur trois notes, les Variations Diabelli sur un thĂšme dont il se moquait, trente trois mignatures dâune durĂ©e totale encore plus longue que la Hammerklavier! Le Carnaval opus 9 de Schumann vient quelque part des Variations Diabelli. Et puis il y a ces petites piĂšces que sont les Bagatelles, qui comptaient Ă©normĂ©ment pour lui, ses confidences! Elles sont dâune certaine maniĂšre lâĂ©quivalent des intermezzos de Brahms. Il a exprimĂ© avec elles un raffinement Ă©purĂ©, comparable Ă celui des mazurkas de Chopin. Elles ont Ă©tĂ© leur modĂšle. Beethoven a toujours Ă©tĂ© le modĂšle. Quand Brahms a Ă©crit sa premiĂšre sonate pour piano, il Ă©tait tellement saisi par la Hammerklavier quâil nâa pas pu sâempĂȘcher de citer son premier thĂšme Ă deux reprises, en do majeur, puis en si bĂ©mol, la tonalitĂ© de la Hammerklavier!
Allez-vous enregistrer ces petites piĂšces?
Peut-ĂȘtreâŠJâaimerais enregistrer les variations Diabelli, et les variations EroĂŻca que jâai souvent donnĂ©es lâannĂ©e derniĂšre. Je ne pense pas aujourdâhui Ă une intĂ©grale des variations! JâespĂšre en tout cas jouer de nouvelles Ćuvres de Beethoven. Lâan passĂ© jâai appris la sonate pour cor et piano, peu frĂ©quentĂ©e, une sonate en dehors des sentiers battus qui mâa donnĂ© beaucoup de plaisir.
Quelles autres symphonies allez-vous diriger?
Celles qui sont programmĂ©es en concert sont les troisiĂšme, quatriĂšme, cinquiĂšme, septiĂšme et neuviĂšme. Pour la neuviĂšme je dirigerai lâorchestre et les chĆurs de lâOpĂ©ra de Limoges. Câest avec ce mĂȘme orchestre que jâaurai lâimmense et redoutable honneur de diriger lâopĂ©ra FidĂ©lio en 2022. Je connais trĂšs bien cette Ćuvre de lâintĂ©rieur et dâautre part jâai eu la chance de travailler longtemps avec dâexcellents chanteurs: Paul Gay, Karine Deshayes, Sophie Koch⊠Je nâai jamais dirigĂ© dâopĂ©ra, mais son univers mâest familier. Ce sera sĂ»rement une folie, car quand mĂȘme je suis un pianiste, mais une expĂ©rience incroyable! Alain Mercier, le directeur de lâOpĂ©ra de Limoges, tenait Ă me confier cet opĂ©ra, aprĂšs de nombreux projets menĂ©s ensemble. Pour le moment cela me semble juste vertigineux: câest un Ă©norme dĂ©fi, mais il mâĂ©tait impossible de le refuser!
Comment situez-vous cet opéra Fidélio?
Il est aussi Ă la croisĂ©e des chemins: ce nâest plus un opĂ©ra mozartien, mais câest encore un peu un singspiel. Ce nâest pas encore lâopĂ©ra de Wagner, et pourtant FidĂ©lio a Ă©tĂ© le modĂšle pour Wagner, avec le FreischĂŒtz de Weber!
Quels sont vos projets dâenregistrements pour lâavenir?
Continuer avec Beethoven! JâespĂšre enregistrer Ă nouveau les Sonates pour piano d’ici 2027, qui sera elle aussi une annĂ©e de grande commĂ©moration. Dans lâimmĂ©diat, le « Brahms Project » se poursuit avec Miguel Da Silva et Xavier Phillips: nous enregistrons les deux sonates opus 120 et le trio opus 114 dans leurs versions avec alto sur un CD qui paraĂźtra bientĂŽt. Et puis lâidĂ©e dâenregistrer Ă lâavenir ses deux concertos pour piano en jouĂ©-dirigĂ© nâest pas sans me trotter dans la tĂȘte. La musique française fait Ă©galement partie de mes projets, avec un disque Debussy-Murail.
Vous citez le compositeur Tristan Murail: quelle est la place de la musique contemporaine dans votre répertoire?
Elle est fondamentale, et constamment prĂ©sente dans ma vie de musicien. Je mâintĂ©resse aux compositeurs qui me proposent un univers nouveau, inouĂŻ, comme lâĂ©tait la musique de Beethoven lorsquâon lâa entendue pour la premiĂšre fois. Tristan Murail, au mĂȘme titre quâHugues Dufour que jâai beaucoup interprĂ©tĂ©, fait partie de ceux-lĂ . A lâinstar de celle de Beethoven, sa musique rĂ©ussit lâexploit dâĂȘtre Ă la croisĂ©e des chemins: elle appartient au XXIĂšme siĂšcle, radicale dans son langage, elle a en mĂȘme temps cette qualitĂ© propre Ă la musique spectrale de paraĂźtre familiĂšre Ă lâoreille. Tristan Murail mâa Ă©crit une piĂšce intitulĂ©e « Cailloux dans lâeau », en hommage Ă Debussy, que jâai créée lâan dernier. Au mois de septembre, jâaurai le bonheur de crĂ©er deux nouvelles piĂšces pour piano qui feront partie du mĂȘme recueil. Ce nâest pas tout! Il y a quelques annĂ©es jâai jouĂ© son concerto pour piano et orchestre (le DĂ©senchantement du Monde, ndlr) en co-crĂ©ation avec Pierre-Laurent Aimard. Un grand Ă©vĂšnement se prĂ©pare pour la saison 2021-2022: je donnerai en crĂ©ation mondiale son nouveau concerto pour piano, avec lâorchestre philharmonique de la NDR, le 28 mai 2021 Ă la Elbphilharmonie de Hambourg. Puis je le jouerai Ă lâOpĂ©ra de Tokyo avec lâorchestre symphonique de la NHK, et enfin en 2022 Ă Paris avec lâorchestre philharmonique de Radio France.
Une autre sortie discographique imminente va marquer mon actualitĂ© contemporaine: jâenregistre en fĂ©vrier deux grands cycles de piĂšces pour piano de Marc Monnet, regroupĂ©s sous le titre « En piĂšces », dont jâavais créé le premier livre au festival Musica en 2012.
Vous ĂȘtes artiste associĂ© de lâOrchestre de Chambre de Paris, statut qui vous rĂ©unit dans de nombreux projets. Quel est le prochain?
Il sâagit de la crĂ©ation parisienne du Concerto pour piano dâAurĂ©lien Dumont. Ce concerto est nĂ© de ma commande au compositeur, en partenariat avec deux orchestres. Je lâai donnĂ© en crĂ©ation mondiale Ă lâOpĂ©ra de Limoges en octobre 2019. La crĂ©ation parisienne est prĂ©vue le 23 avril au Théùtre des Champs-ĂlysĂ©es, avec lâOCP. Ce concerto a Ă©tĂ© spĂ©cialement Ă©crit pour ĂȘtre interprĂ©tĂ© en jouĂ©-dirigĂ©, comme Ă lâĂ©poque de Mozart et de Beethoven. Dâailleurs il tire sa substance du douziĂšme concerto de Mozart, K414, que je jouerai aussi lors de ce concert. En deuxiĂšme partie, je dirigerai lâorchestre dans lâouverture de Don Giovanni, et la Symphonie Haffner (n°35, K385).
Auparavant un autre Ă©vĂšnement attend les parisiens, dans le cadre de la cĂ©lĂ©bration de « lâannĂ©e Beethoven ». Il sâagit de lâintĂ©grale des Sonates qui sera donnĂ©e en mars Ă lâauditorium de Radio France. Pouvez-vous nous en donner les dĂ©tails?
Câest un projet un peu hors-norme qui rassemble ses sonates et variations pour piano. Radio-France mâa demandĂ© de parrainer neuf pianistes de la nouvelle gĂ©nĂ©ration pour donner lâintĂ©grale des 32 sonates ainsi que les immenses variations « EroĂŻca » et « Diabelli » Ă lâauditorium de Radio-France le week-end du 20 au 22 mars prochains. Jâouvrirai et clĂŽturerai cette grande croisiĂšre beethovenienne comme jâaime le faire depuis de nombreuses annĂ©es. Mon dĂ©sir est surtout de montrer Ă quel point cette gĂ©nĂ©ration est douĂ©e, flamboyante, passionnante. Jâai eu moi-mĂȘme la chance de participer Ă une intĂ©grale des 32 sonates avec cinq de mes collĂšgues il y a exactement vingt ans, grĂące Ă un magnifique projet de RenĂ© Martin, le directeur des Folles JournĂ©es de Nantes et du festival de la Roque dâAnthĂ©ron. Aujourdâhui, lâidĂ©e me ravit de choisir Ă mon tour de jeunes artistes dâune maturitĂ© musicale et dâune variĂ©tĂ© de personnalitĂ©s exceptionnelles. Je suis fier de les parrainer en cette annĂ©e de cĂ©lĂ©bration du gĂ©nie crĂ©ateur de Beethoven. Permettez-moi de les citer: Guillaume Bellom, Jean-Paul Gasparian, RĂ©my Geniet, Maroussia Gentet, Alexandre Kantorow (que nous remercions dâĂȘtre restĂ© dans lâĂ©quipe dâorigine malgrĂ© son agenda si chargĂ© depuis sa victoire Ă©clatante au dernier Concours Tchaikovsky), IsmaĂ«l Margain, SĂ©lim Mazari, Nathalia Milstein et Tanguy de Williencourt. Il sâagira dâun partage unique, et avant tout dâune grande et rĂ©jouissante fĂȘte musicale!
Propos recueillis par Jany Campello pour classiquenews.com, février 2020
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A ne pas manquer: les 32 sonates de Beethoven, Auditorium de Radio France, du 20 au 22 mars 2020. Programme et réservations sur maisondelaradio.fr
COMPTES-RENDUS, CRITIQUES sur CLASSIQUENEWS
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COMPTE-RENDU, critique, concert. PARIS, TCE, le 18 janv 2020. BEETHOVEN / FF GUY : les 5 Concertos pour piano. François-Frédéric GUY, piano et direction. Orchestre de Chambre de Paris
https://www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-concert-paris-tce-le-18-janv-2020-beethoven-ff-guy-les-5-concertos-pour-piano/
COMPTE-RENDU, critique festival Les solistes Ă Bagatelle, 16 septembre 2018, rĂ©cital François -FrĂ©dĂ©ric Guy, piano, Debussy, Murail, Beethoven. A lâorangerie du parc de Bagatelle, sous le ciel radieux dâun Ă©tĂ© qui nâavait pas dit son dernier mot, le public est venu nombreux dimanche 16 septembre, Ă©couter les deux derniers concerts clĂŽturant le festival Les Solistes Ă Bagatelle. Un rĂ©cital de piano, puis de musique de chambre, comme de tradition dans cet Ă©vĂšnement, avec pour fil conducteur la musique du compositeur Tristan Murail, au cĆur de chacun des deux programmes. Comme se plait Ă le dire Anne-Marie Reby Guy, sa directrice artistique, le festival vit avec son temps, et les Ćuvres de compositeurs vivants sont les composantes incontournables de la programmation. Cette annĂ©e, Tristan Murail, mais aussi Bruno Mantovani, Ivan Fedele, George Benjamin et Allain Gaussin, auront ainsi apportĂ©, dans sa diversitĂ©, la touche contemporaine.
https://www.classiquenews.com/compte-rendu-festival-les-solistes-a-bagatelle-16-sept-2018-recital-francois-frederic-guy-piano-debussy-murail/
LIRE aussi notre grand DOSSIER BEETHOVEN 2020
DOSSIER BEETHOVEN 2020 : 250 ans de la naissance de Beethoven. Lâanniversaire du plus grand compositeur romantique (avec Berlioz puis Wagner Ă©videmment) sera cĂ©lĂ©brĂ© tout au long de la saison 2020. Mettant en avant le gĂ©nie de la forme symphonique, le chercheur et lâexpĂ©rimentateur dans le cadre du Quatuor Ă cordes, sans omettre la puissance de son invention, dans le genre concertant : Concerto pour piano, pour violon, lieder et sonates pour piano, seul ou en dialogue avec violon, violoncelle⊠Le gĂ©nie de Ludwig van Beethoven nĂ© en 1770, mort en 1827) accompagne et Ă©blouit lâessor du premier romantisme, quand Ă Vienne se disperse lâhĂ©ritage de Haydn (qui deviendra son maĂźtre fin 1792) et de Mozart, quand Schubert aussi sâintĂ©resse mais si diffĂ©remment aux genres symphonique et chambriste. Venu tard Ă la musique, gĂ©nie tardif donc (nâayant rien composĂ© de trĂšs convaincant avant ses cantates Ă©crites en 1790 Ă 20 ans), Beethoven, avant Wagner, incarne le profil de lâartiste messianique, venu sur terre tel un Ă©lu sachant transmettre un message spirituel Ă lâhumanitĂ©. Le fait quâil devienne sourd, accrĂ©dite davantage la figure du solitaire maudit, habitĂ© et rongĂ© par son imagination crĂ©ative. Pourtant lâhomme sut par la puissance et la sincĂ©ritĂ© de son gĂ©nie, par lâintelligence de son caractĂšre pourtant peu facile, Ă sĂ©duire et cultiver les amitiĂ©s. Ses rencontres se montrent souvent dĂ©cisives pour lâĂ©volution de sa carriĂšre et de sa reconnaissance. Pour souligner combien le gĂ©nie de Beethoven est inclassable, singulier, CLASSIQUENEWS dresse le portrait de la vie de Beethoven (en 4 volets), puis distingue 4 Ă©pisodes de sa vie, particuliĂšrement dĂ©cisifsâŠ