CRITIQUE, cd Ă©vĂ©nement. GASPARD DEHAENE : CHOPIN, « Ă la mazur » (1 cd 1001 Notes) – Entre ombre et lumiĂšre, sur lâaile de phrasĂ©s pudiquement expressifs, Gaspard Dehaene livre son Chopin, Ă lâĂ©noncĂ© sobre et clair, dâune vivacitĂ© immĂ©diatement touchante. Ce quâapporte le pianiste, câest une comprĂ©hension naturelle et libre de lâĂ©lĂ©gance passionnĂ©e du grand exilĂ©, de sa pudeur secrĂšte, de ses miroirs crĂ©pusculaires (Nocturne en do diĂšse mineur), de ses soupirs suspendus tels quâils se dĂ©ploient avec toute la noblesse de lâintimitĂ© prĂ©servĂ©e dĂšs la Ballade premiĂšre (opus 52 n°4), celle qui a dĂ©cidĂ© le tennisman Dehaene Ă se dĂ©dier dĂ©sormais au piano. La piĂšce saisit par son ampleur enivrĂ©e, sobrement dĂ©ployĂ©e tel le manifeste personnel dâune passion indĂ©fectible pour la musique.
Mazurkas mystérieuses
Quand Gaspard Dehaene exprime lâineffable poĂ©sie de ChopinâŠ
entre hypnose et danse
On retrouve cette retenue chantante, bellinienne, dĂ©licatement articulĂ©e dans les Mazurkas qui sont les chapitres dâun journal intime, dont le pianiste fait des miniatures vivantes inscrites dans la pudeur, conçues comme autant de questions qui convoquent et interrogent lâĂąme ; Gaspard Dehaene, fabuleusement onirique (la N°3 de lâopus 24, PrĂ©lude en la majeurâŠ) souligne combien lâĂ©criture de Chopin rĂ©ussit Ă faire de la danse Ă 3 temps originaire de Mazurie, lâexpression dâun temps suspendu, heureux, un baume effaçant toute blessure ; cristallisation et jubilation dâun temps sublimĂ© (N°4 du mĂȘme opus 24 ; N°1 de lâopus 30).
Chaque Mazurka Ă©grĂšne son ineffable insouciance et ses multiples vies intĂ©rieures dĂ©ployĂ©es en perspectives bienheureuses et mĂ©lancoliques, dâune verve parfois vertigineuse (N°4 de lâopus 30).
Quel contrastes avec la Grande Polonaise au panache enflammĂ©, dâune majestĂ© furieusement assumĂ©e ; sans omettre le grand souffle rayonnant de la Barcarolle opus 60, au rubato superbement architecturĂ© qui exprime la jubilation scintillante dâun bonheur direct, Ă©panoui, que le pianiste restitue dans sa respiration Ă©perdue, sa grande finesse suggestive. La Barcarolle vogue son destin de rĂȘve, tant le jeu exprime une intelligence retenue, mesurĂ©e, Ă©toilĂ©e.
Lâeau de la Berceuse opus 57 captive par sa danse hypnotique et une digitalitĂ© enchantĂ©e, avant que les 3 Mazurkas de lâopus 63, plus crĂ©pitantes encore que les prĂ©cĂ©dentes, et subtilement narratives, nâaffirment le mĂȘme naturel expressif : un brio sans clinquant, une sincĂ©ritĂ© qui rayonne tout autant, entre inquiĂ©tude et jubilation intĂ©rieure.
ĂpurĂ©e, sans attache, la Valse « LâAdieu » qui conclut le programme dĂ©ploie ses arabesques filigranĂ©es en guise de rĂ©vĂ©rence (sujet dâun clip vidĂ©o tout autant poĂ©tique, ci dessous). Gaspard Dehaene renoue ici avec la rĂ©ussite de son prĂ©cĂ©dent cd dĂ©diĂ© Ă Schubert (« Vers lâAilleurs », lequel Ă©tait dĂ©jĂ tout un programme). Superbe cheminement.
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CRITIQUE, cd. GASPARD DEHAENE : CHOPIN, « Ă la mazur » (1 cd 1001 Notes) – EnregistrĂ© Ă Villefavard nov 2020 – durĂ©e : 1h 09mn. Parution : le 28 janvier 2022. CLIC de CLASSIQUENEWS janvier 2022.
Ă la Mazur
Frédéric Chopin (1810-1849)
Ballade No. 4 en fa mineur, opus 52
4 Mazurkas, Op. 24
Polonaise No. 5 en fa diĂšse mineur, Op. 44
Prélude en la majeur, Op. 28 No. 7
4 Mazurkas, Op. 30
Barcarolle en fa diĂšse majeur, Op. 60
Berceuse en ré bémol majeur, Op. 57
3 Mazurkas op. 63
Nocturne en ut diĂšse mineur, Op. posth.
Valse en la bémol majeur, Op. 69 No. 1
Gaspard Dehaene, piano
Un album du label 1001 Notes / Référence 1001 NOTES 16 :
Acheter lâalbum sur le site du label 1001 Notes :
https://festival1001notes.com/collection/projet/a-la-mazur
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CONCERT : Gaspard Dehaene joue les piÚces de son nouvel album « A la mazur » salle GAVEAU à PARIS, le 9 février 2022.
Lire notre présentation ici :
http://www.classiquenews.com/recital-de-gaspard-dehaene-piano-a-gaveau/
Réservez vos places ici : https://festival1001notes.com/collection/projet/a-la-mazur
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VOIR LE CLIP VIDEO La Valse de lâADIEU / Gaspard Dehaene joue FrĂ©dĂ©ric Chopin :
https://www.youtube.com/watch?v=ynpmWrFxBqs
En traversant un champs dâoliviers, tout en Ă©coutant Chopin, Gaspard Dehaene retrouve la joie de jouer au tennis. La musique hypnotique de Chopin questionne la passion du tennisman pour la musique⊠En Ă©cho, comme un miroir, se rĂ©pondent le geste du sportif, la puissance canalisĂ©e du pianiste⊠rĂ©unis sur le terrain de tennis. Communication secrĂšte et complĂ©mentaritĂ© fĂ©conde plutĂŽt que confrontation. L’un est double, et vice versa.
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LIRE aussi la critique du cd SCHUBERT : Vers l’Ailleurs (fev 2019) par Gaspard Dehaene / CLIC de CLASSIQUENEWS :
CD, critique. VERS LâAILLEURS. GASPARD DEHAENE, piano. Schubert, Liszt, Bruneau-Boulmier (1 cd Collection 1001 Notes â nov 2018). ITINERANCES POETIQUES⊠Le pianiste Gaspard Dehaene confirme une sensibilitĂ© Ă part ; riche de filiations intimes. Câest un geste explorateur, qui ose des passerelles enivrantes entre Schubert, Liszt et la piĂšce contemporaine de Rodolphe Bruneau-Boulmier. Ce 2Ăš cd est une belle rĂ©ussite. AprĂšs son premier (Fantaisie â Ă©galement Ă©ditĂ© par 1001 Notes), le pianiste français rĂ©cidive dans la poĂ©sie et lâoriginalitĂ©. Il aime prendre son temps ; un temps intĂ©rieur pour concevoir chaque programme ; pour mesurer aussi dans quelle mesure chaque piĂšce choisie signifie autant que les autres, dans une continuitĂ© qui fait sens. La cohĂ©rence poĂ©tique de ce second cd Ă©blouit immĂ©diatement par sa justesse, sa sobre profondeur et dans lâĂ©loquence du clavier maĂźtrisĂ©, sa souple Ă©lĂ©gance. Les filiations inspirent son jeu allusif : la premiĂšre relie ainsi Schubert cĂ©lĂ©brĂ© par Liszt. La seconde engage le pianiste lui-
mĂȘme dans le sillon qui le mĂšne Ă son grand pĂšre, Henri QueffĂ©lec, Ă©crivain de la mer, et figure inspirant ce cheminement entre terre et mer, « vers lâAilleurs ». En somme, câest le songe mobile de Schubert, â le wanderer / voyageur, dont lâerrance est comme rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e et superbement rĂ©investis, sous des doigts complices et fraternels.
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