CRITIQUE, opĂ©ra. Paris, Théùtre des Champs-ElysĂ©es, le 22 dĂ©cembre 2021. Jacques Offenbach : La Vie parisienne (version originale en 5 actes, 1866). Christian Lacroix / Romain Dumas. Il y avait bien longtemps que le Théùtre des Champs-ElysĂ©es nâavait autant misĂ© sur une production, en proposant pas moins de 15 reprĂ©sentations de La Vie parisienne (1866) de Jacques Offenbach, et ce jusquâau 9 janvier prochain. On retrouve lĂ le spectacle de Christian Lacroix, dĂ©jĂ prĂ©sentĂ© Ă Rouen, puis Tours en dĂ©but de mois (voir la critique https://www.classiquenews.com/critique-opera-tours-grand-theatre-le-3-dec-2021-jacques-offenbach-la-vie-parisienne-version-originale-en-5-actes-1866-christian-lacroix-romain-dumas/), avec un plateau vocal lĂ©gĂšrement diffĂ©rent. On notera par ailleurs la double distribution proposĂ©e Ă Paris, selon les diffĂ©rentes dates.
Le cĂ©lĂšbre couturier français, dĂ©jĂ aguerri sur les planches en tant que costumier pour Eric Ruf et Denis PodalydĂšs notamment, signe un spectacle trĂšs fidĂšle Ă lâesprit de la partition, en forme de vaste revue colorĂ©e et richement dĂ©corĂ©e, oĂč sâagite en un joyeux flonflon, le «Tout Paris» populaire de la fin du XIXĂšme siĂšcle. Ce sont bien entendu les costumes de Lacroix qui Ă©tonnent par leur imagination dĂ©bridĂ©e, qui sâappuie sur les originaux de lâĂ©poque pour mieux les rĂ©inventer Ă lâenvi, tandis que les dĂ©cors sont revisitĂ©s Ă vue, prenant alternativement la forme dâune gare Ă peine terminĂ©e (la gare Saint-Lazare, construite pour lâexposition universelle de 1867), dâun hĂŽtel particulier ou dâun bal forain en fin dâouvrage. Lacroix privilĂ©gie les pĂ©ripĂ©ties du vaudeville, en un tourbillon de bonne humeur, mĂȘme si ce foisonnement ne provoque que trop rarement les rires du public, et ce malgrĂ© les chorĂ©graphies dĂ©sopilantes et gentiment «queer» de GlysleĂŻn Lefever.
La Vie Parisienne de 1866
tourbillonnant flon flon en 5 actes originaux
Il faut dire que cette nouvelle production a pour autre principale originalitĂ© de choisir une version inĂ©dite, reconstruite par les bons soins du Palazetto Bru Zane (voir notre prĂ©sentation http://www.classiquenews.com/tag/vie-parisienne/) dâaprĂšs la version prĂ©parĂ©e par Offenbach pour les rĂ©pĂ©titions de 1866. LâidĂ©e est de rester le plus fidĂšle possible au livret de Meilhac et Halevy, en conservant les dialogues originaux, ainsi que toutes les coupures imposĂ©es par la censure (notamment un trio au III caricaturant autant les politiques que les militaires). Les changements opĂ©rĂ©s aux deux derniers actes, jugĂ©s trop longs, sont ainsi conservĂ©s, ce qui donne un spectacle de prĂšs de 3h30. Ce retour inĂ©dit Ă une version jamais entendue par le grand public permet Ă chaque action de trouver sa rĂ©solution, mĂȘme si lâouvrage ne gagne pas en profondeur, conservant son intrigue minimaliste et son hommage au Paris tourbillonnant des derniĂšres annĂ©es du Second Empire.
Le plateau vocal rĂ©uni pour la deuxiĂšme reprĂ©sentation au Théùtre des Champs-ElysĂ©es se montre globalement moyen, du fait dâun manque de puissance certain pour la plupart des chanteurs. Les qualitĂ©s théùtrales sont plus convaincantes, malgrĂ© quelques outrances (inĂ©gale Ingrid Perruche, souvent au bord de lâhystĂ©rie) ou mĂ©formes (dĂ©cevante prestation vocale de Damien Bigourdan, malgrĂ© les rĂ©parties théùtrales avec accent brĂ©silien, plus rĂ©ussies). On note aussi les trop nombreux dĂ©calages de Flannan ObĂ© avec la fosse, manifestement gĂȘnĂ© par le trac dans ses premiĂšres interventions chantĂ©es. On aime en revanche la ligne de chant, toute de grĂące et dâesprit, dâElĂ©onore Pancrazi (MĂ©tella), malheureusement plus effacĂ©e dans les duos et ensembles, tandis que Marc Mauillon (Bobinet) affiche une belle Ă©nergie, de mĂȘme que le superlatif Franck LeguĂ©rinel en inĂ©narrable Baron, qui compense un timbre un peu terne par une prĂ©sence scĂ©nique et un Ă -propos toujours juste. Enfin, Sandrine Buendia donne un air de majestĂ© bienvenu Ă sa Baronne, trĂšs touchante, tandis que Laurent Kubla (Urbain, Alfred) sâimpose par son autoritĂ© naturelle et sa belle projection.
Si le Choeur de chambre de Namur déçoit dans ses premiĂšres interventions, trop discret dans la nĂ©cessaire prononciation (indispensable aux effets comiques), il se rattrape ensuite par sa bonne cohĂ©sion dâensemble. Peut-ĂȘtre faudrait-il augmenter le nombre dâinterprĂštes du choeur afin de modifier cette impression initiale ? Quoi quâil en soit, le plaisir vient aussi de la fosse oĂč la baguette de Romain Dumas, un peu raide dans les parties enlevĂ©es, se montre trĂšs attentive aux dĂ©tails savoureux de la partition, tout autant quâaux fins de phrasĂ©s, dâune harmonieuse respiration. Un spectacle haut en couleurs trĂšs recommandable pour les fĂȘtes de fin dâannĂ©e ou ses lendemains en janvier, Ă dĂ©couvrir pour sa version inĂ©dite de lâun des plus pĂ©tillants chefs dâoeuvre dâOffenbach.
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CRITIQUE, opĂ©ra. Paris, Théùtre des Champs-ElysĂ©es, le 22 dĂ©cembre 2021. Jacques Offenbach : La Vie parisienne. Jodie Devos, Florie Valiquette (Gabrielle), Rodolphe Briand, Flannan ObĂ© (Gardefeu), Laurent Deleuil, Marc Mauillon (Bobinet), Marc Labonnette, Franck LeguĂ©rinel (Le Baron), Sandrine Buendia, Marion Grange (La Baronne), Aude ExtrĂ©mo, ElĂ©onore Pancrazi (MĂ©tella), Damien Bigourdan, Eric Huchet (Le BrĂ©silien, Gontran, Frick), Philippe EstĂšphe, Laurent Kubla (Urbain, Alfred), Elena Galitskaya (Pauline), Louise Pingeot (Clara), Marie Kalinine (Bertha), Ingrid Perruche (Madame de Quimper-Karadec), Carl Ghazarossian (Joseph, Alphonse, Prosper), Caroline Meng (Madame de Folle-Verdure), Choeur de chambre de Namur, Les Musiciens du Louvre â AcadĂ©mie des Musiciens du Louvre, Romain Dumas (direction musicale) / Christian Lacroix (mise en scĂšne). A lâaffiche du Théùtre des Champs-ElysĂ©es jusquâau 9 janvier 2022. Photos : Marie PĂ©try et Vincent Pontet.
Approfondir
A VOIR sur ARTEconcert le Dim 2 janvier 2022, 16h40 : âRessuscitĂ©eâ dans ses partitions et livret dâorigine (version originelle en 5 actes de 1866), lâopĂ©rette La vie parisienne tient lâaffiche au Théùtre des Champs-ĂlysĂ©es en dĂ©cembre 2021. Action dĂ©lirante et cocasse, pleine de verve et dâhumour, la partition est aussi une galerie de portraits savoureuse, un hommage Ă la folle gaietĂ© du Paris du Second Empire, temps fantasmĂ© dĂ©voilĂ© dans la premiĂšre mise en scĂšne du couturier Christian Lacroix.
A LIRE aussi notre critique de LA VIE PARISIENNE, prĂ©sentĂ©e Ă TOURS, le 2 dĂ©c 2021- AprĂšs Rouen en novembre (et avant le Théùtre des Champs-ElysĂ©es pour les fĂȘtes de fin dâannĂ©es), câest le public de lâOpĂ©ra de Tours qui avait la chance de dĂ©couvrir cette nouvelle version de La Vie parisienne de Jacques Offenbach (en 5 actes) mise en images par rien moins que le couturier star Christian Lacroix (qui signe lĂ sa premiĂšre mise en scĂšne lyrique). Câest Ă lâindispensable Palazetto Bru Zane que lâon doit cette nouvelle mouture qui se veut au plus prĂšs de la version originale de 1866, et qui ne comporte pas moins de 16 numĂ©ros inĂ©dits, dont il faudra citer lâinĂ©narrable scĂšne dans laquelle une armada de bottiers germaniques opposĂ©e aux gantiĂšres marseillaises rĂ©clamant de la bouillabaisse (!), le trio militaire du III, ou encore cette apparition du Commandeur de Don Giovanni au dernier acteâŠ
OFFENBACH en fĂȘte sur Arte
ARTE cĂ©lĂšbre le gĂ©nie de Jacques Offenbach Ă travers 2 piĂšces lyriques de premier choix, son ultime : Les Contes dâHoffmann et son opĂ©ra bouffe parisien, La Vie Parisienne, dans une nouvelle production qui ressuscite (enfin) la version originale de 1866 (en 5 actes, plutĂŽt que les 3 actes selon la version tronquĂ©e dĂ©naturĂ©e pour la troupe du Palais Royal) : ainsi sont recréés 16 morceaux inĂ©dits,… Ne manquez non plus le documentaire sur la vie du Mozart des Champs-ElysĂ©es, amuseur critique et mordant de la sociĂ©tĂ© dĂ©cadente spectaculaire du Second Empire. Docu portrait “L’odyssĂ©e Offenbach”, ARTE le mer 29 dĂ©c 2021, 23h30 puis en replay jusqu’au 27 janv 2022