Diseur chanteur à la mâle fièvre…
L’investissement du baryton, qui défendra pour la saison lyrique 2011-2012 de l’Opéra National de Paris, une étonnante et prometteuse suite de prises de rôles (Tannhäuser du 6 au 29 octobre 2011; Pelléas… du 28 février au 11 mars 2012), pour nous, ascension si légitime, fait miracle: chaque mélodie se fait drame; chaque phrase, invitation à la gravité amoureuse; l’épanchement émotionnel s’y réalise avec mesure et subtilité, … Stéphane Degout retrouve ici un répertoire serti de trésors lyriques et vocaux qu’il a très sérieusement approfondi au CNSMD de Lyon avec son professeur Hélène Lucas (qui l’accompagne au piano). Le rapport au texte se fait théâtre d’un accomplissement naturel grâce à une articulation souveraine et des couleurs moirées somptueuses, qui rehaussent l’intensité sombre d’un Duparc, la nostalgie vénéneuse et si grave (mais si captivante) d’un Hahn (inoubliable « Cimetière de campagne »).
Le chant affirme sa mâle fièvre; ses transes oniriques… Il devient flux miroitant (impressionnisme affleurant), permettant aux rives du texte, de produire ces constellations millimétrées d’intonations ténues, de connotations, de références dans l’implicite… le voyage poétique aborde de nouveaux continents à mesure que le chanteur sert au plus juste chaque image du verbe en action.
Ses Debussy coulent; ses Duparc interrogent; ses Saint-Saëns (mélodies persanes) envoûtent; par ce chant allusif et mordant, Chabrier triomphe dans ses couleurs et ses accents (les cigales); et avant Ravel (Histoires naturelles), c’est Reynaldo Hahn que l’on écoute et réécoute sans s’habituer jamais à la fascinante vérité qui s’en dégage… (Cimetière de campagne). Sublime.
Mélodies. Stéphane Degout, baryton. Saint-Saëns, Debussy, Chabrier, Hahn, Ravel. Hélène Lucas, piano. 1 cd Naïve