vendredi 29 mars 2024

Sounds of the 30s: Ravel, Weill, StravinskyBollani, Chailly, 2011. 1 cd Decca

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critique cd, Riccardo Chailly, Stefano Bollani

Sounds of the 30s: Ravel, Weill… (Chailly, Bollani, 2011).

Ravel émerveillé par le jeu et la liberté de Gershwin, recycle de nombreuses sensations vécues pendant son séjour à New York en 1928, dans ses œuvres propres. La filiation avant-garde française et fantaisie jazzy s’impose d’elle-même. Ravel en est indiscutablement un trait d’union.

Ravel et le jazz? Stravinsky et le jazz? Ce programme original, dédié à l’esprit musical des années 1930 (en fait jusqu’à 1940 si l’on se réfère à la date de composition du Tango de Stravinsky dans sa version pour piano), pose judicieusement la question et rend légitime la collaboration des musiciens classiques (Riccardo Chailly avec le Gewandhaus Leipzig) avec le pianiste de jazz Stefano Bollani. Ceux là articulent avec un sens élégantissime des colorations instrumentales pendant que le soliste dépoussière les partitions non sans un engagement personnel qui s’avère à premier abord déroutant dans le premier mouvement du Concerto de Ravel (gestion des trilles) mais très juste dans le mouvement lent: l’adagio assai gagne une respiration très prenante. Sensibilité d’ailleurs aiguë et plus intérieure encore dans l’admirable Kurt Weill, Surabaya Johnny, pièce majeure dans le catalogue du compositeur berlinois mort en 1950, dont l’amertume et l’espérance sont très habilement associées. Dans ce joyau de 1929 (extrait de Happy end conçu avec Bertold Brecht), Bollani y dévoile ses talents de diseur (aux phrasés caressants), soulignant sans démonstration la tendresse et ce lyrisme émerveillé qui jaillit non sans génie dans l’esprit d’un Weill immense mélodiste. La tension et l’attention que réserve le pianiste montrent combien ce seul air, apparemment nonchalant dissimule un engagement très précis contre la barbarie nazie que Weill, en témoin direct et le premier clairvoyant, n’a jamais cessé de dénoncer. Il y a bien au coeur de la musique de Weill, une nostalgie, celle d’un monde idéal perdu ou qui n’a jamais existé, impossible utopie ici bas…
Quel fossé avec le ballet de Sabata: Mille e una notte de 1931, d’un kitsch ampoulé pour le coup littéralement et uniquement … décoratif. Plus de 26 mn de bavardage néoswinguant, citant même Gershwin… La subtilité mordante et flamboyante d’un Weill comme la tendresse enchantée d’un Ravel font défaut.

Dans Tango, Stravinsky se détache par son ironie à peine masquée par une virtuosité instrumentale que les musiciens du Leipzig savent porter à incandescence. La version piano (1940) pleine de mordante facétie (tout Chostakovitch est déjà là en germes…) accentue la ligne mélodique; le gain apporté par la version orchestre met en relief tous les registres d’un recul sur la rythmique même du tango: structure mécanique répétitive mais aussi dans le même temps son commentaire, riche en secrète résonance.

La direction de Chailly est vive et nerveuse, dramatiquement juste. Et son duo avec le pianiste Stefano Bollani, globalement pertinent.

Sounds of the 30s: Ravel, Weill, Stravinsky… (Chailly, Bollani, 2011). Stefano Bollani, piano. Gewandhausorchester. Riccardo Chailly, direction (1 cd Decca réf.: 476 4832. Durée: circa 1h05mn. Enregistré à Leipzig en septembre 2011.

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