samedi 20 avril 2024

Semaine du WandererLyon, CNSMD: du 17 au 24 octobre 2012

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CNSMD de Lyon

Semaine du Wanderer

Lyon, du 17 au 24 octobre 2012

Lyon, Oullins, Semaine du Wanderer (17 au 24 octobre 2012). Concert symphonique Schubert, Winterreise ; Histoire du Soldat : CNSMD, Goethe-Institut, Théâtre de la Renaissance.

Wanderer, romantisme allemand, Winterreise : système planétaire autour duquel le CNSMD lyonnais, en association avec le Goethe-Institut, construit dans les jours d’automne commençant un centre d’intérêt. Un concert symphonique Schubert dirigé par Peter Csaba ,(la Fantaisie Wanderer revue par Liszt – J.F.Heisser -, la 6e Symphonie), le Winterreise (François le Roux, David Selig), un colloque, et l’écho stravinskyen de l’Histoire du Soldat….

Le monde appartient au voyageur

« Le monde, dans son immensité, appartient au voyageur ; car il peut aller librement à travers les montagnes et les vallées. Les champs, il est vrai, sont cultivés par d’autres et pour d’autres, mais il les possède par le regard. Le vent est aussi mon ami, la pluie et le soleil sont mes compagnons…je parcours les longues routes en triomphe. Dès qu’un aspect disparaît derrière moi, un autre se présente au devant, et le monde ne m’a jamais montré la fin du voyage. », chante le poète Friedrich Ruckert. Der wanderer – le voyageur, en allemand – ne serait-il pas Le personnage emblématique du romantisme, et pas seulement en langue allemande ? Il semble à tous les « poteaux indicateurs » du parcours central-européen. Et quand on a réussi à cerner ses trajets « descriptifs et objectifs », il nous faut encore prendre le suivre en ce « chemin vers l’intérieur » que conseillait le poète Novalis. « Amer savoir que l’on tire du voyage », dira le sceptique et très français Baudelaire. Auquel avait répondu par avance Goethe en lançant sur les routes son adolescent Wilhelm Meister pour des « années d’apprentissage » du monde, double plutôt heureux et en tout cas moins malheureux du tragique Werther en proie à ses « souffrances » amoureuses et existentielles.

Voix off et confession tragique

Et puis, au cœur de ce romantisme, il y a une musique du Wanderer, celle de Schubert source de vérité entre toutes les œuvres du XIXe. Franz, qui pourtant s’éloigna si peu physiquement de son Autriche Centrale, sauf pour quelques séjours de vacances (studieuses) au pied des montagnes, fut le porte-parole-et-chant le plus divinatoire du Wanderer – son double ?- , dans cinq partitions vocales : Der Wanderer (D.493 ; D.649), Der Wanderer an den Mond (D.970, le voyageur à la lune), Wandrers Nachtlied (D.224 et 768, Goethe), Das Wandern (Müller, 1er de La Belle Meunière). Sans oublier la Fantaisie pour le piano, qui cite D.493. Et bien sûr le cycle de 24 lieder, ce Winterreise (Voyage d’hiver) que Müller lui inspira et qui à lui seul pourrait constituer Un manifeste du romantisme, en même temps que le Testament de Schubert, un ensemble dont la nouveauté sans aucune concession, le mystère (qui est le voyageur ? d’où vient-il ? où va-t-il ? est-ce une voix off , une confession tragique ?), l’âpreté laissèrent désemparés ses premiers auditeurs, les amis même du compositeur. Sans oublier tous les échos – rythmiques, par la marche ; harmoniques, par le kaléidoscope des modulations ; « formalistes », par la conception d’un Temps cyclique à retours, souvenirs, obsessions – que l’on apprend vite à repérer et déchiffrer dans la structure et la conduite des œuvres instrumentales – piano seul ou avec instruments à cordes ; quatuors et quintettes -…

Le futur antérieur de la saison glacée

Le C.N.S.M.D de Lyon qui aime à unir pédagogie « supérieure » et traduction publique en concerts avait commencé un cycle des symphonies de Schubert en 2010. A l’entrée de l’hiver 2012-13 (l’automne commençant n’est-il pas le futur antérieur de la saison glacée ?), le propos se précise et se centre autour d’une série, « Wanderer, chemin intérieur chemin d’hiver ». L’Orchestre, dirigé par Peter Csaba, aborde la 6e Symphonie, de 1818 – on sait qu’à part la 8e, dite Inachevée, la 9e, à tous points de vue si Grande, et peut-être la 5e, lumineuse, « les autres » sont bien moins fréquentées -, un carrefour stylistique où les poteaux indicateurs pointent tour à tour Beethoven (le Scherzo), ou Haydn et Mozart (l’allegro initial), mais affirment aussi Schubert en recherche( andante,finale). Et près l’ouverture si beethovénienne-dramaturgique de Coriolan, on ira vers l’architecture grandiose que construisit l’autre Franz (et Wanderer), Liszt, pour faire mieux connaître la pièce la plus virtuose –son auteur n’arrivait même pas tout à fait à la jouer devant le public des intimes ! – que Schubert écrivit pour le clavier.

La dimension spatiale de l’orchestre lisztien

L’orchestre lisztien ne donne pas seulement sa dimension spatiale à cette Fantaisie-Wanderer : subtilement, il en fait un miroir de l’intériorité douloureuse, par delà l’aspect incontestablement héroïque de cette « nouvelle » partition. De toute façon, la démarche lisztienne, comme toujours avec ses transcriptions, est passionnante ; et la générosité ne s’en absente jamais, rejoignant dans le spectaculaire celle de Schumann qui fit redécouvrir le manuscrit de la IXe Symphonie, après la mort si précoce de Franz le Viennois. Jean-François Heisser, l’un des plus grands et… héroïques pianistes d’aujourd’hui (très beethovénien, mais aussi « espagnol », et attaché à la création contemporaine : Berio, Stockhausen, Boulez,Amy, Manoury…) qui portera à l’incandescence la Fantaisie, sous la direction attentive et passionnée de Peter Csaba, avec ses jeunes instrumentistes CNSMD.

Un voyage au bout de l’hiver

Et puis au centre du dispositif concertiste on s’engagera dans le Winterreise, ce voyage au bout de l’hiver qui bientôt deux siècles après sa composition nous touche comme si son langage musical traversait notre conscience au premier jour du gel et de la neige. Les deux guides en cette aventure : François Le Roux et David Selig. Le baryton français est de ceux qui sont entrés dans l’histoire du chant au début des années 1980, et plus particulièrement pour les Rhône-Alpins qui l’ont vu et écouté en de merveilleuses interprétations à l’Opéra de Lyon, « ère (Louis)Erlo », ce très grand directeur qui fonda en 1969 l’Opéra Nouveau, et avec son Opéra-Studio (Lyon, Paris), fit se construire et émerger d’innombrables jeunes talents. François Le Roux a été un merveilleux Pelléas, puis « est devenu » Golaud, imprimant sa marque opératique dans les œuvres du répertoire français (XIXe-XXe), mais aussi dans Mozart (Papageno, Don Giovanni, Guglielmo). Son effort s’est aussi très largement porté vers la mélodie non moins française: « digne successeur des C.Panzéra, G.Souzay et C.Maurane », il a « gravé » Debussy, Ravel, Lalo, Roussel, Durey, Dutilleux, et interprète les contemporains (Birtwistle, Henze,Takemitsu, Hersant…).Mais il serait injuste de ne pas voir en lui l’interprète inspiré des lieder XIXe, notamment Schumann (Dichterliebe). Son parcours du Voyage d’hiver sera donc suivi avec beaucoup d’attention, et pas seulement par les étudiants lyonnais devant qui il intervient fréquemment pour des classes de maître. Il a pour compagnon pianistique David Selig, lui aussi professeur (accompagnement piano au CNSM) : ce musicien australien venu en France au milieu des années 1975 (travail avec Aldo Ciccolini) est évidemment concertiste, mais aussi chambriste, et grand accompagnateur de chant (.E.Amelling, S.Piau, F.Lott, V.Gens, U.Reinemann, F.Le Roux…). Il dirige depuis huit ans le Festival « Journées Romantiques », qui a lieu en situation de Wanderer sur… une péniche.

Goethe, le voyage, l’Europe

Goethe, disions-nous, et l’Europe, et le Voyage : le CNSMD travaille en étroite coopération avec le Goethe-Institut de Lyon, et les deux « maisons » construisent – avec le C.R.R. de Lyon, et d’autres instituts culturels européens rassemblés dans le réseau EUNIC – un projet sous le titre de MusiquEurope. Le « musicien voyageur Franz » (Liszt) a déjà été évoqué en conférence à deux voix le 25 septembre, et tous les 4e mardis du mois, le Goethe-Institut de la Presqu’île lyonnaise, ses « confrères » culturels et le CNSM (ou le CRR) accueilleront des concerts (étudiants et enseignants) sous cette rubrique MusiquEurope. Le 23 octobre, ce seront à l’affiche « les romantismes européens » (Kirchner, Clara Schumann, Berlioz…), immédiatement suivis d’un « romantisme dans tous ses états », table-ronde du CNSM avec les professeurs F.Sabatier, J.Ch.Margotton (Lyon) et R.Maggiore (Pise). Les « anciens » Lyonnais pourront voir en ces liens culturels européens, et notamment franco-allemands un écho des riches années où le Goethe-Institut alors dirigé par Rudolf Nunn oeuvrait en synergie (parlons fugitivement une langue de bois qui les eût bien énervés) avec l’inlassable animateur et fondateur de Musique du Temps, Roger Accart, si fervent germaniste et ami des partitions contemporaines… Echo, et pré-écho, espérons-le !

A beaucoup marché…

Autre écho : si on vous dit « a marché », ne répondez-vous pas « a beaucoup marché, s’impatiente d’arriver… » ? Et vous voilà de retour dans le leitmotiv tiré en 1917 par Stravinsky du texte très suisse de Ramuz, « L’Histoire du Soldat ». Ce « mélodrame » (dans la lignée de la fin XVIIIe, et XIXe) ou théâtre musical, selon la dénomination plus récente, a fait le tour de l’Europe et même de la planète, faisant aussi penser à ces cortèges d’exilés, « malgré nous » que le malheur des temps jeta sur les routes du XIXe, et dont les tableaux dessins ou sculptures de Daumier donnèrent l’image saisissante. Sans oublier que le XXe surpassa cela en nombre, horreur et cruauté organisatrice, mais c’est une autre Histoire, de rencontres avec le Vrai Diable et la Mort… C’est le Théâtre de la Renaissance qui accueille le road-movie ramuzien : Thomas Fersen au milieu des instrumentistes du CNSMD, dans une mise en espace de Roland Auzet, une scénographie de Gaëlle Thomas, vidéo (W.Wendling) et lumières (B.Revel).

Semaine Wanderer, du 17 au 23 octobre 2012. Concert symphonique Schubert, Orch.CNSM de Lyon (P.Csaba,J.F.Heisser), mercredi 17 et jeudi 18,20h30 (CNSM de Lyon. Salle Varèse), vendredi 19, 20h30 (Théâtre de Villefranche). Mercredi 17, jeudi 18, 20h : Histoire du Soldat, Théâtre de la Renaissance, Oullins. Vendredi 19, 20h30, Winterreise (F.Le Roux , D.Selig) CNSM, Salle Varèse. Mardi 23 , Concert des Romantismes européens, 20h30, CNSM. Mercredi 24, 18h30, Colloque, Goethe Institut, 18 rue François Dauphin.

Information et réservation : CNSMD Lyon, T.04 72 19 26 61 ; www.cnmsd-lyon.fr

Goethe Institut, T. 04 72 77 08 88 ; www.goethe.de/lyon

Théâtre Renaissance, Oullins, T. 04 72 39 74 91 ; www.theatrelarenaissance.com

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