vendredi 19 avril 2024

Saint-Saëns: Samson et DalilaMarseille, Montpellier. Du 17 novembre au 23 janvier 2010

A lire aussi

Camille Saint-Saëns,
Samson et Dalila, 1877

Marseille, Opéra
Du 17 au 26 novembre 2010

Montpellier, Opéra Berlioz-Le Corum
Les 21 et 23 janvier 2011


Un opéra biblique créé à Weimar en allemand
« Je n’ai guère besoin de la foi, pour l’entendre murmurer« ,
disait Saint-Saëns, qui compose la partition d’un opéra intense,
fiévreux même, voire mystique. Pour honorer un dieu qui le soutient aux
pires moments, le héros qui a succombé à la séduction de la belle
Dalila, offre tout ce qu’il a, jusqu’à sa vie pour éradiquer le pouvoir
des Philistins. Le compositeur qui aime lire et se passionner pour de
nombreux sujets, y compris ceux qui n’intéressent pas directement la
musique, découvre en 1866, le Samson que Voltaire rédige pour
Rameau en 1732. Le contexte biblique, ses horizons orientalisants, et la
figure légendaire des personnages de l’Ancien Testament excitent
l’imagination du musicien qui songe d’abord à un oratorio, genre en
vogue dans les années 1860. Mais le librettiste Ferdinand Lemaire
convainc Saint-Saëns d’envisager une forme profane, un opéra biblique. A
l’époque où les satires et parodies d’Offenbach font ricaner l’audience
des salles sous le Second-Empire, l’idée est originale. Elle paraît
même risquée. Saint-Saëns préfère abandonner son projet. Mais en 1869,
Liszt lui demande instamment de poursuivre et d’achever son oeuvre;
d’ailleurs, il lui offre son théâtre de Weimar, où règne un climat
esthétique et artistique plus ouvert et serein qu’à Paris. De fait, Samson et Dalila
est créé à Weimar en 1877, en allemand. L’oeuvre applaudie partout en
Europe ne sera représentée intégralement à l’Opéra de Paris qu’en …
1892. La création en français avait eu lieu dès 1878, à Bruxelles, sur
la scène de La Monnaie, qui l’accueille en mars 2007.

Un maître de la construction dramatique
Saint-Saëns oeuvre pour un renouvellement de la musique française, selon ses propres valeurs: unité, mesure, clarté, équilibre. L’intrigue efficace permet à l’action musicale, donc à la dramaturgie, de s’accomplir sans temps mort ni redite. Avec Samson,
il offre un équivalent français à l’opéra wagnérien. Mais en soulignant
la construction et l’équilibre des tableaux: choeur des hébreux,
bacchanale des Philistins; héroïsme tragique et noble de Samson, volupté
languissante et irrésistible de Dalila; enfin, autocratie impériale du
grand prêtre, maître des Philistins, Dagon. A la caractérisation limpide
des protagonistes, au nombre desquels il ne faut pas omettre le corps
des deux choeurs identifiés (Hébreux et Philistins), Saint-Saëns assure
la continuité et la force cohérente de la partition grâce au continuum
symphonique, ce liant puissant qui enveloppe l’arête des épisodes
isolés, qui insuffle à l’ensemble de la reconstitution archéologique, sa
netteté suggestive et son lyrisme convaincant. Parfaitement mesuré dans
son utilisation du symphonisme wagnérien, Saint-Saëns sait assimiler
Wagner et s’en détacher. La page de la Bacchanale donne la preuve
de son inspiration personnelle: le sens de la coloration,
l’orchestration sont nettement français. Chaque invention instrumentale
assoit la progression du drame. Aucune option formelle n’a été retenue
sans nécessité scénique.
La grande cohérence de sa construction
impose l’oeuvre aujourd’hui. Que l’on veuille n’y voir qu’un « Tannhäuser
français », certes. Mais la partition dévoile la maîtrise du
Saint-Saëns, dramaturge, évocateur efficace de l’Histoire Sainte. A son
époque et dans le contexte de la grande machine française léguée par
Meyerbeer, oser un opéra biblique était visionnaire et courageux.
Remercions Liszt de lui avoir permis de porter à son terme, l’opéra que
l’on connaît aujourd’hui, que l’on commence d’évaluer à sa juste mesure.

Approfondir
Lire aussi notre dossier « Samson et Dalila » de Camille Saint-Saëns
dans la production diffusée sur Mezzo en février 2007, avec Olga
Borodina (Dalila, également à l’affiche de La Monnaie) et Placido
Domingo (Samson).

Illustrations
Pierre Paul Rubens, Hercule et Omphale (Paris, musée du Louvre)
Portrait de Camille Saint-Saëns (DR)

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