jeudi 28 mars 2024

Saint-Céré. Château de Castelnau-Bretenoux, le 7 août 2012. Mozart: Die Zauberflöte. Marion Tassou, Raphaël Brémard…Joël Suhubiette, direction

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Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale, Hélène Biard. S’il y a un opéra qui tient une place à part dans la production opératique de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) c’est bien La Flûte Enchantée. Composée pour l’essentiel pendant l’été 1791, le singspiel (oeuvre en langue allemande moitié chantée, moitié parlée très populaire au XVIIIe siècle), est cependant créée le 30 septembre 1791 soit plus de trois semaines après La Clemenza di Tito (séria commandé par l’Opéra de Prague au début de l’été 1791) au Theater auf der Wieden dirigé par Emmanuel Schikaneder qui est le librettiste et le premier Papageno de La Flûte Enchantée.

Une Flûte enchantée séduisante au festival de Saint Céré


Pour l’édition 2012 du festival de Saint-Céré, ses responsables ont programmé une production dont la première représentation, dans la mise en scène d’Éric Pérez, remonte à 2009. Si le plateau vocal a changé, il n’en réunit pas moins des chanteurs français qui ont ainsi la possibilité, pour les plus jeunes notamment, de se confronter au grand répertoire, de parfaire leur formation, de développer leurs dons de chanteurs comme de comédiens. S’agissant de La flûte enchantée, le dessein d’Éric Pérez et des responsables du festival, est de donner les dialogues en français et de faire chanter les airs et ensembles en allemand.

Éric Pérez qui est aussi chanteur a créé une mise en scène loufoque, légère, très drôle qui fonctionne parfaitement; elle permet aux chanteurs d’exprimer librement leur talent d’artiste sans avoir besoin de forcer ; elle permet au public d’entrer dans le spectacle sans effort. Dès 2009, la jeunesse des personnages a été prise en compte et parfaitement intégrée à la scénographie qui est vivante et dynamique. Si le cube à deux niveaux qui sert de décor unique où les chanteurs évoluent peu, de prime abord, paraît bien nu, les éléments de décors conçus par Patrice Gouron situent facilement l’action. Le travail d’Éric Pérez avec les chanteurs met les sentiments de chacun en avant sans jamais forcer le trait donnant ainsi une dimension profondément humaine à l’oeuvre; d’autant que celle ci est défendue avec vaillance par une équipe jeune, dynamique, complice, sans complexes.

Ajoutons que les costumes et le décor essentiellement constitué d’éléments mobiles s’imbriquant sur le cube, tout en favorisant le jeu et les mouvements libres des chanteurs acteurs, achèvent de plonger le public dans un univers rafraîchissant, plutôt très ludique.

Depuis ses débuts, il y a plus de trente ans, la spécificité du festival de Saint Céré est de faire appel uniquement à des chanteurs français et c’est aussi ce qui fait sa force car il s’agit pour eux d’une réelle porte d’entrée vers un milieu pas toujours immédiatement accessible. Le plateau vocal de La flûte enchantée ne fait pas exception et réunit nombre de jeunes talents qui, stimulés entre autres, par la présence de l’excellent Jean Claude Saragosse, donnent le meilleur d’eux mêmes.
Dans le quatuor principal, notons la très belle performance d’Isabelle Philippe qui assume crânement le redoutable rôle de la Reine de la nuit dont les deux airs sont chantés avec une belle assurance (quel dommage cependant que le costume, magnifique par ailleurs, n’ait pas été rallongé de quelques centimètres sur le devant !). Jean Claude Saragosse, artiste au répertoire éclectique campe un Sarastro à la fois humain et autoritaire qui dispense son savoir aux prétendants avec justesse et mesure. Saragosse chante les deux arie du sage avec sensibilité et une maîtrise rassurante; tout comme Isabelle Philippe, Jean Claude Saragosse assume parfaitement la tessiture grave de son rôle et en artiste accompli il sculpte chaque mot avec beaucoup de soin et d’attention.
Face aux deux « régnants », le couple des prétendants/candidats, Tamino/Pamina, est campé par deux jeunes artistes qui sont dotés de jolies voix et qui se prennent au jeu avec un enthousiasme savoureux très réjouissant; si Marion Tassou (Pamina) est certes une très belle et prometteuse chanteuse elle a quelques progrès à faire en ce qui concerne le jeu d’acteur encore peu sûr, mais sa jeunesse et sa volonté nous font espérer des futurs convaincants. En revanche, Raphaël Brémard se prend au jeu avec une belle aisance et incarne avec panache un prince qui, même s’il peut paraître falot, montre en cours de soirée, de véritables qualités de meneur. La voix du jeune homme est encore un peu tendre mais l’aria du premier acte est chanté sans complexe donnant au prince l’image d’un jeune homme comme les autres. Dans les rôles secondaires, saluons les très belles apparitions de Jean Michel Ankaoua, qui est un papageno gouailleur et joyeux à souhait, et de Cécile Limal (Papagena) dont la première apparition en costume de cocote provoque, après une seconde de stupeur, un éclat de rire général lui aussi à la candeur sincère et rafraîchissante; Anouschka Lara, Sabine Garrone et Mélodie Ruvio campent trois suivantes certes ambitieuses, à l’image de la souveraine qu’elles servent, mais dont la part de juvénilité n’a pas non plus complètement disparu.
Pendant nécessaire et double solaire des trois dames, le trio Agathe Peyrat, Marielou Jacquard et Albane Meyer, incarnent avec talent la sagesse et le savoir oubliés par les ombres de la nuit. Dans tous les cas, la diction est excellente et c’est d’autant plus appréciable que si, rappelons le, les dialogues sont en français, les airs et ensembles sont, eux, chantés en allemand; le passage d’une langue à l’autre est loin d’être évident : il est réalisé pourtant avec une rigueur nécessaire et bienvenue. Ici, il n’y a pas de choeur au sens où nous l’entendons, dans la mesure où ce sont les artistes invités pour incarner les personnages secondaires (trois dames, trois enfants, hommes d’armes, le sprecher) qui chantent la partition. Pourtant réduit, l’effectif instrumental joue avec une assurance qui lui fait honneur; et Joël Suhubiette, son chef pour la production de l’édition 2012 du festival, dirige la très belle musique de Mozart avec un appétit dynamique, une vitalité communicante, une sûreté de métier qui insufflent aux chanteurs et aux musiciens, énergie et aplomb.

Cohérence mais juvénilité, audace mais expressivité…
les responsables du festival de Saint Céré ont largement réussi leur pari en reprogrammant la très belle production de La Flûte Enchantée.

Saint Céré. Château de Catselnau-Bretenoux, le 7 août 2012. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Die Zauberflöte , La Flûte enchantée, opéra en deux actes sur un livret d’Emmanuel Schikaneder. Marion Tassou, Pamina; Raphaël Brémard, Tamino; Jean Claude Saragosse, Sarastro; Isabelle Philippe, Reine de la nuit; Jean Michel Ankaoua, Papageno; Anouschka Lara, Première dame; Sabine Garrone, Deuxième dame; Mélodie Ruvio, Troisième dame; Cécile Limal, Papagena; Matthieu Toulouse, Der Sprecher; Samuel Oddos, Monostatos; Agathe Peyrat, Premier enfant; Marielou Jacquard, Deuxième enfant; Albane Meyer, Troisième enfant; Joël O’Canga, Premier homme d’arme; Julien Fanthou,Deuxième homme d’arme; Choeur et Orchestre Opéra-Éclaté; Joël Suhubiette, direction musicale; Éric Pérez, mise en scène; Patrice Gouron, décors et lumières; Jen-Michel Angays et Stéphane Laverne, costumes, Pascale Fau, maquillages. Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale Hélène Biard.

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