vendredi 29 mars 2024

Rousseau: Le Devin du village (1752)La Chabotterie (Vendée), le 7 août 2012,20h

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L’année Rousseau continue sa carrière (2012: tricentenaire de la naissance) et connaît grâce au festival vendéen Musiques à la Chabotterie l’un de ses temps forts: Hugo Reyne et La Simphonie du Marais proposent en plein air le 7 août 2012, sous la voûte étoilée et dans la cour d’honneur d’un logis historique parmi les plus beaux du département (La Chabotterie), Le devin du village (1752), pastorale en deux actes qui fut l’un des succès les plus importants au XVIIIè, et dans l’oeuvre de Jean-Jacques, outre sa plus grande fierté musicale, un hommage à la comédie italienne.


Rousseau compositeur

Si le philosophe et le penseur, fondateur de la conscience romantique, républicaine, et déjà écologiste sont mieux connus, on ignore que l’homme de lettres ambitionnait une carrière de musicien et de compositeur.
A plusieurs reprises, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) échafaude de nouveaux systèmes; en lui, coule le vent de la transformation et des réformes à venir: il propose une nouvelle notation musicale chiffrée dès 1742… évidemment écartée. A la fin de sa vie, ses attentes si ardentes quant à un nouveau type de spectacle musical, théâtral et lyrique seront satisfaites grâce à l’oeuvre de Gluck au milieu des années 1770…
Mais auparavant, le copiste de partitions qui par cette activité patiente et concentrée approfondit sa connaissance des manières et des styles à son époque, croise le fer avec sa bête noire: Jean-Philippe Rameau, le compositeur officiel de Louis XV.
Rousseau, musicien exclu, par jalousie et par amertume, le considère comme l’homme à abattre: le représentant d’un ordre révolu condamné à disparaître… l’Histoire allait lui donner raison. En homme des Lumières, Rousseau pose les jalons de la pensée révolutionnaire.


Le devin du village

A partir de 1749 (37 ans), Rousseau répond à l’invitation de Diderot pour son Encyclopédie: il rédige de nombreux articles sur la musique, véritables manifestes esthétiques explicitant ses propres convictions sur la musique à son époque et de ce point de vue, brûlantes critiques contre la machine officielle et l’art d’un Rameau jugé trop grandiloquent, artificiel, pompeux…

Fou d’opéra italien et de comédie populaire, admirateur de Gluck (cet homme providentiel venu réformer l’opéra français jusque là trop sophistiqué), Rousseau milite pour un spectacle proche du peuple.

Le devin du village créé à Fontainebleau, le 18 octobre 1752, devant Louis XV incarne à l’heure de la Querelle des bouffons, un hommage rendu à la simplicité rafraîchissante des tréteaux italiens, les comédies courtes et légères signées Pergolesi ou Jommelli, que les parisiens découvrent… alors que règne l’incontournable et si savant Rameau, génial représentant de la tragédie lyrique.
L’année suivante, Rousseau écrit encore sa Lettre sur la musique française: réquisitoire (féroce) contre le style défendu à la Cour et sur les planches de l’Académie Royale.

Ici s’opposent deux esthétiques; celle spectaculaire et grandiloquente qui fait les délices de la cour et de la monarchie: l’élite des privilégiés; celle plus directe et émotionnelle, franche et accessible qui brosse le portrait des caractères de la rue ; en somme, les héros de l’antiquité et de la mythologie, de la fable amoureuse et de la Bible contre les langueurs des bergers et des soubrettes…
Le chant des airs et récits surdimensionnés contre l’immédiate séduction des romances et des chansons… A la fin de sa vie, Rousseau publie un recueil de romances (1775, 3 ans avant de mourir): « Consolations des misères de ma vie ».

Le Devin du village illustre la veine musicale défendue dès ses débuts par l’auteur séditieux de L’Emile (1762). Ses détracteurs ont bien reconnu dans ses goûts et son positionnement idéologique, le fondateur d’une nouvelle pensée, celle de l’avenir. Au final, à la querelle si violente par plumes interposées, entre Rameau et Rousseau, c’est Jean-Jacques qui a vaincu: malgré tout le génie de Dardanus et de Castor et Pollux, Rameau appartenait à un ordre définitivement révolu… Ce Devin démiurge permettant aux deux amoureux villageois maladroits (Colette et Colin) de s’accomplir, ne serait-il pas Rousseau déguisé, … protecteur et visionnaire pour le nouveau monde à naître ?

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