samedi 20 avril 2024

Richard Strauss: Elektra, 1909 Bruxelles, La Monnaie. Du 19 janvier au 4 février 2010

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Richard Strauss
Elektra
(1909)

Bruxelles, La Monnaie
Du 19 janvier au 4 février 2010


Guy Joosten, mise en scène
Lothar Koenigs, direction

Une saison en … Olympe. Innocente paraphrase rimbaldienne pour caractériser la saison 2009-2010 du Théatre Royal de la Monnaie à Bruxelles, dont une bonne part est placée, précisément, sous le signe de l’hellénisme et de la mythologie, inépuisables sources d’inspiration artistique, tant pour les plasticiens que pour les musiciens. Après Iphigénie, que la Monnaie suit d’Aulide en Tauride en compagnie du metteur en scène Pierre Audi, ce sont les autres membres de la dynastie des Atrides qui s’installent sur la scène bruxelloise à partir de ce 19 janvier. Tous … sauf un: Agamemnon, le père, bien-aimé roi de Mycènes, héros du siège de Troie (qui pour gagner ses galons, il faut bien le dire, a quand même failli sacrifier sa fille Iphigénie, afin que la déesse Diane cesse de contrarier les vents retenant la flotte grecque dans la baie d’Aulis …!). A son retour du front, il sera victime de l’abominable complot fomenté en son absence par sa parjure épouse la reine Clytemnestre et son traître amant Egisthe, avide d’usurper le lit conjugal plus encore que la couronne royale.

Chrysothémis, deuxième fille d’Agamemnon et de Clytemnestre, soeur donc d’Iphigénie, s’accomode tant bien que mal de la mort du roi son père, rêvant doucement de maternité et de bonheur conjugal. Electre, la troisième fille, rêve également … mais de révolte et de vengeance: vengeance de la mort du père, vengeance de l’assassinat lâche et vil qui a fait perdre au noble roi à la fois le trône et la vie. Electre a décidé que Clytemnestre et son méprisable amant devaient être supprimés.

Oreste le frère

Toutefois la vengeance ne peut se réaliser sans l’aide d’Oreste, le frère, dont on prétend, hélas, qu’il est mort au combat. Electre ne veut pas croire à ce nouveau coup du destin. Un inconnu se présente aux portes du palais de Mycènes. Méfiante mais débordante d’espoir, Electre le fait néanmoins entrer et finira par reconnaître, sous l’habit étranger, le frère tant attendu qui accomplira l’acte libérateur. La musique de Richard Strauss s’élève, lors de la reconnaissance du frère par la soeur, vers les cîmes du sublime, en faisant une des scènes les plus puissantes de tout le répertoire opératique.

Anti-opéra de la violence et de la hargne. Ce n’est pas tant le prétexte tiré de la mythologie antique qui a intéressé Strauss, que l’adaptation que le poète et dramaturge viennois Hugo von Hofmannsthal en fit au départ de la tragédie de Sophocle, pour le Deutsches Theater de Berlin. Strauss ayant vu la pièce de Hofmannsthal dans la production de Max Reinhardt (avec dans le rôle titre l’égérie Gertrud Eysoldt, qui quelques années auparavant avait immortalisé le rôle de Salomé dans la pièce d’Oscar Wilde), trouva dans cette hystérie de l’auto-destruction l’inspiration pour une oeuvre fondamentalement novatrice, aux contours désintégrés, libérés – plus encore que dans Salome (créé en 1905, d’après la pièce de Wilde) – des formes traditionnelles de l’opéra.

Le miracle straussien a été de traduire, en une heure 45 de musique et un seul acte, la noirceur et l’oppression, de rendre palpable en reprenant le style durchkomponiert initié par Wagner, l’accablement résultant de la névrose obsessionnelle dont « souffre » l’anti-héroïne Elektra. L’imaginaire de Hofmannsthal et la psychanalyse freudienne imprègnent l’opéra de Strauss, tout comme ils marquent la Vienne fin de siècle, qui verra cette autre dynastie, celle des Habsbourg, emportée vers le cataclysme. La valse que l’on n’ose qualifier de « viennoise », au frénétisme désordonné, qui clôture l’opéra, vient préfigurer l’effondrement, quelques années plus tard, à l’aube de la première guerre mondiale, de ce monde en sursis.

Cette nouvelle Elektra est co-produite avec le Gran Teatro del Liceu de Barcelone où elle a été présentée en février 2008. Au Théatre de la Monnaie, elle est dirigée par Lothar Koenigs, actuel directeur musical du Welsh National Opera où il a en avril 2009 dirigé Salome. Le public bruxellois attend donc le chef gallois d’origine allemande au tournant, dans l’oeuvre jumelle qu’est Elektra.

Illustration: Oreste achevant Clytemnestre et Egisthe (Bernardo Mei, 1654) (DR). Richard Strauss (DR)

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