jeudi 28 mars 2024

Rencontres ContemporainesLyon, Monastier… Les 10 puis 23 octobre 2010

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Rencontres Contemporaines, 8 compositions pour l’accordéon, Mélanie Brégand
Lyon, le 10 octobre 2010; Monastier-sur-Gazeille (43), le 23 octobre
Mélanie Brégand, accordéon.

Rencontres Contemporaines

dimanche 10 octobre 2010à 11h

Lyon, Studio des Hérideaux

samedi 23 octobre 2010à 18h

Monastier-sur-Gazeille (43)

C’est la mini-session automnale des Rencontres Contemporaines de Haute-Loire « décentralisées à Lyon » pour un concert d’accordéon-aujourd’hui. Mélanie Brégand y adapte Mendelssohn et Franck puis joue et/ou crée Gubaidulina, Lindberg, Cavanna, Martin, Dubugnon et Borrel. Du bon usage d’un instrument pas si musette qu’un vain peuple mélomane croyait, et qui désormais explore en toute liberté les espaces de l’écriture d’aujourd’hui. En octobre, de chez la Compagnie lyonnaise ACTE à la Bibliothèque haut-ligérienne du Monastier….

T’as invité Yvette Horner ?

Pas aussi ridiculisé dans le microcosme de l’orchestre que ce pauvre alto, sans doute parce qu’il n’a pas eu vraiment le temps d’y entrer… L’accordéon a longtemps évoqué des idées de bal-musette – t’as invité Yvette Horner ou Verchuren ? -, puis les soldats soviétiques en tournée occidentale. Mais quant à faire de ce piano du pauvre un élément à part entière du solisme et de l’intégration en orchestre, il aura fallu attendre plus longtemps que pour un saxo-dans-tous-ses-états, pourtant inventé au cours de ce même XIXe…Bon, du passé faisons table rase, ayons une pensée émue pour les inventeurs –Arméniens, Demian père et fils-, et considérons qu’accordéon chromatique simple ou européen, accordéon-piano, harmonéon et autres formulations technologiquement avancées rentrent désormais sans complexe dans la composition savante. La tradition d’écriture russe a retrouvé sa place et a aidé à rouvrir bien des portes « à l’Ouest », sans oublier les vents venus d’Amérique Latine piazzolienne à travers l’Atlantique. Ainsi « Rencontres Contemporaines » peut-il organiser son concert d‘automne – Lyon, puis Monastier, en Haute-Loire – autour de huit pièces où l’instrument naguère relégué aux utilités de danser ou s’amuser en toute nostalgie populaire se voit restauré dans sa dignité, soit pour transcrire des partitions « anciennes » – « laisse aller, c’est une valse noble et sentimentale » -, soit pour innover en fin XXe-début XXIe. La demande a été reformulée auprès de Mélanie Brégand, déjà présente au Monastier en 2008. Cette jeune virtuose avait dû attendre jusqu’en 2002 l’ouverture d’une classe d’accordéon au CNSM de Paris – à titre comparatif, l’un des plus grands accordéonistes européens, l’Italien Teodoro Anzelloti, dédicataire de plusieurs dizaines de partitions (certaines signées Kagel, Kurtag, Sciarrino, Globokar, Berio ou Aperghis), enseigne depuis 1987 à la Hochschule de Berne, ainsi que nous le rappelle « Musique en Liberté »… Sortie donc de la Grande Maison avec des médailles, Mélanie Brégand, lauréate des concours Avant-Scènes et Jeunes Talents, forme duos avec Florent Charpentier et Olivier Rousset, joue à la Cité de la Musique à Paris, aux Festivals de Prades, de Saint-Riquier, Dinard ou du côté de chez Monet à Giverny…


Un amas de tonnerres nasillards

Félix Mendelssohn eût-il été… heureux de voir ses Variations de 6e Sonate pour orgue jouées au tout neuf instrument de Demian par sa sœur Fanny ? De toute façon, il lui interdisait presque tout, alors le piano à bretelles, vous pensez ! Et le Pater Seraphicus, eût-il apprécié, de la tribune de Sainte-Clotilde, une transcription de son Prélude et Fugue pour orgue ? pourquoi pas, il était si gentil…Après ces incursions dans le XIXe, Mélanie Brégand passe en contemporain (photo ci-contre), et fait se lever le soleil à l’est. La grande compositrice russe Sofia Gubaidulina, qui, née en 1931, connut les rigueurs staliniennes et post-staliniennes, a toujours placé son inspiration sous le signe du recours au spirituel et des « instruments rituels ». Son œuvre fait une place éminente à l’accordéon (au moins 6 partitions importantes, aux titres et contenus du « sacré »), et son De Profundis(1978), commentaire du Psaume 130 (Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur !) possède une étonnante force tragique et reflète les possibilités les plus « modernes » de l’instrument (procédés percussifs, clusters, glissandi, trilles suraigus…). Ne croirait-on pas y entendre un peu de ce que Michaux «décrit »…pour un autre instrument : « la plainte basse et importante, façon tunnel, rageur, m’engouffrant dans ses plaintes, dans un amas de tonnerres nasillards, et tels accents de bébé blessé, perçants, déchirants… »… Egalement venu de l’est (ou nord-est), le Finlandais Magnus Lindberg a écrit deux partitions pour l’accordéon, Metal Work, et ces Jeux d’anches (1990) avec lesquels M.Brégand s’exerce – en toute « ludicité » – avant de revenir en ouest hexagonal (français) pour 4 compositions dont 2 en création.


Je te salue vieil océan !

Et d’abord un petit tour chez l’aîné des 4 : on ne croirait jamais que ce cousin d’un encore plus célèbre Italien sans prénom – Cavanna-,Bernard le compositeur, approche de la soixantaine, et dirige depuis plus de 20 ans l’Ecole de Musique de Gennevilliers. Cet autodidacte musical longtemps en marge des circuits officiels avait, nous rappelle Gérard Condé pour une émission de France-Culture, un grand-père allemand, « Karl Koop, joueur d’accordéon-musette, dont le souvenir affectif a donné son titre à un « K.Koop Konzert, comédie pompière, sociale et réaliste », concerto pour accordéon et orchestre. C’est une œuvre de dimensions bien plus modestes par laquelle M.Brégand fera faire un petit tour de « Gigue à la Duchesse » : avec cette sorte de scherzo, le compositeur écrit le 3e mouvement d’une Sonate teintée d’humour alla Cavanna. Frédérick Martin, né en 1958, a passé la première partie de sa vie en Afrique avant de revenir en France où il a « appris » la musique en exerçant aussi de petits métiers, puis a tout de même intégré « le pensionnat académique à Rome et en Californie », tout en n’oubliant pas l’importance du Black Metal (auquel il a consacré un livre). Son Oceania, écrit en 1996, retravaillé en 2008 et dédié à Mélanie Brégand pour création d’automne 2010, traduit « un sentiment aquatique, les timbres profonds de l’accordéon sont imaginés peuplés de chimères aveugles et polymorphes ; des accélérations successives rappellent les vagues océaniques, et à la fin, la musique semble retourner aux profondeurs sans néanmoins y toucher. » Annonce d’une grande métaphore poétique, aveu de lyrisme par delà la technicité ? Comme chanta un Autre Insoumis de l’écriture : « Vieil océan, tes eaux sont amères. C’est exactement le même goût que le fiel distillé par la critique sur les beaux-arts, les sciences, et tout…Les hommes, malgré l’excellence de leurs méthodes, ne sont pas encore parvenus à mesurer la profondeur vertigineuse de tes abîmes. Souvent je me suis demandé quelle chose était le plus facile à reconnaître : la profondeur de l’océan ou la profondeur du cœur humain, et quel est le plus impénétrable des deux…Déroule tes vagues épouvantables, océan hideux, compris par moi seul, et devant lequel je tombe, prosterné à tes genoux. La majesté de l’homme est empruntée ; il ne m’imposera point : toi oui. Je te salue, vieil océan !


223 rires et K.522

Richard Dubugnon est né sous une bonne étoile pour l’interdit d’interdire : 1968, et en Suisse… Honoré par le CNSM de Paris puis la Royal Academy de Londres, il a reçu divers prix de composition (Nadia Boulanger, Pierre Cardin, SACEM), tout en cultivant son jardin d’anticonformisme référentiel et littéraire. Selon Gérard Oberlé, « ce musicien affiche le masque du bouffon éternel, mais admire Tchekhov, Cortazar, Buzzati, Borges et Hergé qu’il appelle le Bach de la BD. » R.Dubugnon dit sobrement de sa brève Etude-caprice op.15/1 – rescapée d’une composition datant de ses années d’apprentissage et créée en février 2010 par M.Brégand que c’est « une pièce au caractère obstiné et capricieux ». Quant au benjamin des 4 Français accro-à-l’accor, Stéphane Borrel, né en 1974, il n’est entré en musique qu’après des études scientifiques, et a naturellement contrebalancé la formation « classique » des Conservatoires (CNR de Lyon – où il est maintenant enseignant-, CNSM) et des Universités par la composition électro-acoustique et informatique. Ses travaux – en concerts à Paris, Lyon, Annecy, Milan, Strasbourg, Louvain…- honorent souvent la « mixité » (instruments, de la vièle à roue et du piano préparé, à tous les états de l’électronique), l’espace recomposé (Qui vive : dix violoncelles en cercle pour jeu de l’oie), l’écho du tableau (Breughel) et du texte (Rimbaud,Desnos ; Rabelais pour un opéra en chantier sur Pantagruel), et sur les marges volontiers farceuses de « la parole brute » (Sans titre : sur l’enregistrement des rires de 223 personnes en ordre alphabétique, mais on semble avoir oublié celui d’Henri Bergson ?).Dans le même esprit peut-être mais incliné vers l’accordéon de M.Brégand, une Facétie, « virtuose et d’exécution très délicate », où l’auteur définit une « plaisanterie musicale un peu extravagante » – comme un certain K.522 de Mozart-Amadeus caricaturant l’Ecriture ? – et invitant « l’auditeur à trouver pourquoi ! ». Dont acte, et à l’action ! Au fait, drôle d’endroit pour la rencontre lyonnaise : c’est aux petites aubes dominicales (11h, tout de même) dans les locaux de la compagnie… ACTE, des danseurs qui dans le cadre de la Biennale viennent d’escalader des façades d’immeubles cours Lafayette.

Rencontres Contemporaines en octobre 2010. Lyon, Studio Acte, 43 rue des Hérideaux, 69008. 11h, dimanche 10 octobre 2010. Monastier-sur-Gazeille (43), Bibliothèque, samedi 23 octobre, 18h. Mélanie Brégand, accordéon. Information et réservation : T. 04 78 64 82 60 ; 06 22 62 60 ; [email protected]

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