RAMEAU : Castor et Pollux, version 1754. Dossier. Dans sa premiĂšre version de 1737, la seconde tragĂ©die lyrique de Rameau (aprĂšs Hippolyte et Aricie de 1733) renouvelle un choc esthĂ©tique dont seul Ă©tait capable le gĂ©nie dramatique et instrumental de Rameau. Câest cependant en 1754 que le compositeur prĂ©sente une nouvelle version de lâopĂ©ra Castor et Pollux, sans prologue, avec de nouvelles sĂ©quences pour les actes II, III, IV et V, imposant en pleine Querelle des Bouffons (aux cĂŽtĂ© de titan et lâAurore de Mondonville), la suprĂ©matie de lâopĂ©ra français malgrĂ© les dĂ©lices de lâopĂ©ra buffa napolitain. Ainsi Rameau hier opposĂ© Ă Lully (quâil dĂ©naturait), Ă©tait devenu le meilleur reprĂ©sentant du gĂ©nie français Ă lâopĂ©ra. AprĂšs la RĂ©volution française, Castor et Pollux disparaĂźt de la scĂšne et ne ressuscite quâen 1903 grĂące Ă la Scola Cantorum de Paris, suscitant un nouveau choc esthĂ©tique chez Debussy. Rameau sâintĂ©resse surtout Ă lâĂ©volution psychologique des caractĂšres, le profil et les aspirations des deux jumeaux Dioscures qui aiment une mĂȘme femme (TĂ©laĂŻre) mais se retrouvent dans un mĂȘme sens de la loyautĂ© fraternelle et du sacrifice pour lâautre. Des deux spartiates, câest surtout Pollux (baryton) qui affirme un sens moral supĂ©rieur, ne dĂ©sirant que le bonheur de son frĂšre et pour lui, renonçant Ă lâamour.
Lâamour de Pollux pour son frĂšre CastorâŠ
Castor et Pollux 2014 au TCE. Pourtant jumeaux, ils nâont pas le mĂȘme pĂšre. NĂ©s de LĂ©da, et conçus par elle dans la mĂȘme nuit, Castor a pour pĂšre Tyndare, roi de Sparte, et Pollux, Zeus. Dans la mise en scĂšne trĂšs subjective et partisane prĂ©sentĂ©e Ă Paris, les deux frĂšres sont les faces dâune mĂȘme mĂ©daille, contraires, opposĂ©es mais complĂ©mentaires et insĂ©parables : « les deux frĂšres ont toujours un rapport de clair-obscur tragique, voire cruel. Lorsque lâun est vivant, lâautre est une ombre noire… Lâautre est prĂ©sent comme parfois les morts sont prĂ©sents parmi nous. La condition de la vie de lâun est la mort de lâautre ». Christian Schiaretti rĂ©alise sur la scĂšne un passage en trompe lâĆil : « du théùtre dĂ©ployĂ© dans son rituel Ă un théùtre dĂ©ployĂ© dans ses artifices ». La scĂšne prolonge la salle du théùtre parisien : les costumes antiques rappelant aussi lâĂ©poque de la salle, les annĂ©es 1920 (en vĂ©ritĂ© le TCe a Ă©tĂ© inaugurĂ© en 1913 au moment du Sacre du printemps de Stravinsky). « Puis, lorsque Castor tombe sous les coups de LyncĂ©e, le monde en trompe- lâĆil bascule. La magie théùtrale prend le pas sur la rĂ©alitĂ© en offrant tour Ă tour statues vivantes, danses animales, jeux dâombres, espaces mĂ©tamorphosĂ©s. »
Synopsis et temps forts par acte
Dans le Prologue, VĂ©nus dompte Mars le dieu de la guerre : câest lâĂ©vocation du traitĂ© de Vienne qui met fin alors en 1754 Ă la guerre de succession du trĂŽne de Pologne. Selon une vision maçonnique crĂ©dible, Castor et Pollux suit une trame symbolique, telle une initiation, des tĂ©nĂšbres Ă la lumiĂšre, du Mal Ă la Raison lumineuse. OpĂ©ra funĂšbre et de dĂ©ploration, lâouvrage sâouvre au I sur un lugubre chĆur de dĂ©ploration : Castor vient dâĂȘtre tuĂ© par LincĂ©e. Sa fiancĂ©e dĂ©truite, TĂ©laĂŻre reçoit lâhommage du frĂšre de Castor, Pollux qui vient de tuer LincĂ©e et dĂ©pose sa dĂ©pouille aux pieds de la veuve. Tout en lui demandant sa main, Pollux accepte de rĂ©aliser le dĂ©sir de TĂ©laĂŻre : adoucir les dieux et permettre le retour Ă la vie de son frĂšre Castor. (Illustration : Castor et Pollux dans la version remarquable de William Christie, rĂ©fĂ©rence de la discographie).
Au II, Zeus tente dâinflĂ©chir la dĂ©cision de Pollux en lui vantant les plaisirs cĂ©lestes (divertissement dansĂ©). MalgrĂ© les suivantes dâHĂ©bĂ©, dĂ©esse de la jeunesse Ă©ternelle, Pollux poursuit son destin : remplacer Castor aux Enfers pour le ramener Ă la vie.
Au III (acte fantastique et de magie noire) : Survient PhĂ©bĂ©, amoureuse de Pollux qui essaye elle aussi dâempĂȘcher le Dioscure dâatteindre les Enfers en une superbe scĂšne de fantastique tĂ©nĂ©breux oĂč la sorciĂšre invoque monstres et dĂ©mons contre Pollux. En vain. Mercure protĂšge et conduit Pollux jusquâaux champs ElysĂ©es.
Au IV, acte infernal, malgrĂ© les enchantements des ombres heureuses, Castor se languit de TĂ©laĂŻre. Pollux le rejoint et lui prĂ©sente son projet. Sâil accepte le sacrifice de son frĂšre, Castor reviendra sur terre que pour un jour seulement : le temps de faire ses adieux Ă TĂ©laĂŻre, puis de restituer Ă son frĂšre, son propre droit Ă la vie.
Au V, PhĂ©bĂ©, haineuse et jalouse du couple reconstruit TĂ©laĂŻre et Castor, se suicide pour rejoindre aux enfers Pollux dont elle condamnait le sacrifice.TĂ©laĂŻre comprenant quâelle a perdu dĂ©finitivement son aimĂ©, invoque les dieux. Zeux paraĂźt et dĂ©crĂšte que les Dioscures se partageront Ă tour de rĂŽle le sĂ©jour immortel. Un divertissement final, solennel qui convoque toutes les planĂštes conclue le drame.
AGENDA 2014 :
Castor et Pollux de Rameau au TCE Ă Paris
nouvelle production
Les 13, 15, 17, 21 octobre 2014, 19h30
Le 19 octobre, 17h
John Tessier Castor
Edwin Crossley-Mercer Pollux
Omo Bello Télaïre
MichĂšle Losier PhĆbĂ©
Jean Teitgen Jupiter
Reinoud van Mechelen Mercure, un spartiate, un athlĂšte
Hasnaa Bennani Cléone, une ombre heureuse
Marc Labonnette Un grand prĂȘtre
Le Concert Spirituel ChĆur du Concert Spirituel
Hervé Niquet direction musicale
Christian Schiaretti mise en scĂšne
Illustrations : Rameau, les Dioscures Castor et Pollux par Nicolas Poussin, XVIIĂšme, visuel de la version discographique de l’opĂ©ra Castor et Pollux par Les Arts Florissants et William Christie (DR)