CD. Rameau 2014. Quel bilan discographique ? L’année Rameau, pour le 250ème anniversaire de la mort du génie dijonnais, s’achève. Les concerts et opéras à l’affiche ont été diversement accueillis, plus ou moins convaincants, mais d’une indiscutable éloquence quant à l’inventivité et au génie du Rameau réformateur. Le compositeur mort en 1764 aura bien fait évoluer l’art musical français du XVIIIème, sous le règne de Louis XV et à l’époque des Lumières, malgré l’esthétique aimable, décorative ambiante instillé par La Pompadour. Qu’en est-il des réalisations discographiques édités pour l’année des 250 ans ? Certaines majors ont réédité les perles de leur catalogue (ainsi Erato, voir chapitre coffrets… ; d’autres son restées étrangement muettes (Decca, Archiv, Deutsche Grammophon) ; ou ont confirmé une approche résolument neuve, dépoussiérée voire excessive (Teodor Currentzis pour Sony classical… mais l’audace ne suscite t elle pas le renouvellement de l’interprétation?… C’est surtout de la part des petits labels privés et indépendants que la surprise a jailli, – plus audacieux et défricheurs que jamais, révélant des œuvres oubliées ou confirmant des gestes nouveaux, ceux des nouveaux champions raméliens, inspirés par une ardeur inédite d’une élégance prometteuse (Bruno Procopio, Benoît Babel, Alexis Kossenko…). Voici nos coups de coeur par ordre décroissant d’importance…
Tout Rameau 2014
en 10 cd et 2 coffrets majeurs
Le Rameau le plus impétueux, le plus troublant : Teodor Currentzis
CD. Rameau : the sound of light (Currentzis, 2012). The sound of light… Lumineux et même solarisé (serait-ce une référence indirecte à son appartenance à une loge comme à ses nombreux ouvrages pénétrés de symboles et rituels maçonniques : de Zaïs à Zoroastre…?). Frénétique, motorique, surexpressive… la lecture de Teodor Currentzis, jeune chef athénien formé dans la classe d’Illya Musin à Saint-Pétersbourg (à 22 ans) qui est passé par l’Opéra de Novossibirsk puis actuellement Perm, – où il est directeur artistique,…
Le mieux concertant : Benoît Babel et Zaïs
CD. Rameau, Handel : Concertos pour orgue, Pièces pour clavecin… (Zaïs, Paul Goussot, Paraty, 2013). Attention, programme remarquablement audacieux. Et sur le plan interprétatif : quelle fulgurance dans un jeu à la fois noble, généreux et aussi percutant voire d’une mordante énergie ! Sans réserve, voici le cd que nous attendions pour l’année Rameau 2014 : d’une plénitude enthousiasmante et par le choix de son programme, dans les œuvres retenues et transcrites, l’expression la plus sincère et la plus directe de cette furie musicale, doublée d’élégance propre au génie raméllien : l’affinité des interprètes (instrumentises de l’ensemble Zaïs et organiste)…
CD. Le Jardin de Monsieur Rameau (William Christie, le Jardin des Voix 2013). A chacune de ses éditions, l’académie de jeunes chanteurs des Arts Florissants, le Jardin des Voix fait le pari de l’engagement artistique et de la complicité humaine, vertus collégiales partagées par tous les participants, professionnels et jeunes apprentis. Le miracle d’une telle aventure humaine et musicale se réalise pleinement dans chacun des programmes et peut-être d’une façon souvent inouïe pour cette promotion 2013 (la 6ème du genre) où les 6 nouveaux élus (la parité y est préservée : 3 chanteuses, 3 chanteurs), portés par l’exigence de grâce et…
Bruno Procopio, chef décapant et raffiné.
Orchestralement impeccable et sur instruments modernes !
Le mieux chambriste : Bruno Procopio, clavecin
Rameau: Pièces de clavecin en concert (Bruno Procopio, clavecin… label Paraty). Avec ses Pièces pour clavecin en concert, Rameau offre un aboutissement inégalé dans l’art de la musique de chambre mais selon son goût, c’est à dire avec impertinence et nouveauté: jamais avant lui, le clavecin, instrument polyphonique et d’accompagnement n’avait osé revendiquer son autonomie expressive de la sorte. Publié en 1741, voici bien le sommet du chambrisme français sous la règne de Louis XV: alors que Bach se concentre sur le seul tissu polyphonique, Rameau fait éclater la palette sonore du clavier central, qui de pilier confiné devient soliste…
Les plus poétiques : Alexis Kossenko et Sabine Devieilhe…
CD. Rameau : le grand théâtre de l’Amour. Sabine Devielhe. Le sentiment de notre rédacteur Benjamin Ballif suscite l’unanimité de la rédaction de classiquenews : le nouvel album des Ambassadeurs, complices du premier récital lyrique de la jeune diva française Sabine Devieilhe émerveille. La chanteuse était sacrée ” révélation lyrique” aux dernières Victoires de la musique 2013. Voici un Rameau inventif et audacieux, expressif et intelligent qui convainc absolument. Il est d’autant plus pertinent qu’il met en avant cette sensualité raffinée propre au XVIIIè français et qui fait aussi de Rameau, à côté du scientifique et du…
CD. Rameau : Les fêtes de l’Hymen et de l’Amour (Niquet, février 2014, 2 cd Glossa). A l’époque où La Pompadour enchante et captive le coeur d’un Louis XV dépressif, grâce à ses divertissements toujours renouvelés, Rameau et son librettiste favori Cahuzac imaginent de nouvelles formes lyrique et théâtrales. Quoiqu’on en dise, les deux compères forment l’un des duos créateurs les plus inventifs de l’heure, ce plein milieu XVIIIè, encore rocaille et rococo qui pourtant par sa nostalgie et ses aspirations à l’harmonie arcadienne préfigure déjà en bien des points, l’idéal pacificateur et lumineux des Lumières. Au contact de Cahuzac,…
3 opéras de référence par William Christie
CD. Rameau : Hippolyte et Aricie (Christie, 1996). Dès 1996, William Christie et ses Arts Florissants, portés par une expérience collective de près de 17 ans, inaugure avec cette gravure historique devenue légendaire, un cycle Rameau particulièrement saisissant. Autant Zoroastre par son sujet et le profil des protagonistes évoque le choc des forces du Bien et du mal en un opéra véritablement spectaculaire, autant Les Boréades réactivent sous le prétexte du sujet du Dieu du vent du nord (Borée), le fantastique des phénomènes naturels (tempêtes multiples), … autant Hippolyte, premier grand ouvrage du Dijonais, sorte de déclaration de tout ce qu’il va réaliser par la suite (1733) est un ouvrage où perce la solitude des ” grands ” (Phèdre et Thésée), Rameau y analyse comme un texte de Corneille et surtout de Racine (le théâtre parlé grande référence des génies lyriques) l’impuissance trouble des âmes saisies dans leur éloquente solitude et leur conscience terrifiée : le couple royal implose en plein vol et la musique dans le chant de l’orchestre nous dit tout de leur errance et de leur course au vide. Ici la fosse exprime les vertiges infernaux, Hippolyte également (voir ici tout l’acte II : Thésée aux Enfers, à la recherche de son ami Pirithoüs) mais Rameau peint aussi à travers les amours d’Hippolyte et Aricie, le formidable printemps d’un l’amour juvénile le plus tendre jamais peint de cette façon (depuis Lully) sur une scène lyrique…
CD. Rameau : Zoroastre (Christie, 2001). En ces temps de célébration Rameau (2014 marque le 250ème anniversaire de sa mort en 1764), où les grands projets lyriques se font rares – aucune grande tragédie lyrique du Dijonais n’est à l’affiche ni l’Opéra de Paris, héritière de l’institution pour laquelle le compositeur a écrit tous ses opéras (Académie royale de musique), ni même à l’Opéra de Dijon (qui ne manque pas de moyens pour célébrer son plus grand génie musical et patrimonial), le disque remplit opportunément notre soif et comble d’une certaine façon notre attente. D’autant qu’avec la renaissance du…
CD. Rameau : Castor et Pollux (Christie, 1992). La deuxième tragéde lyrique de Rameau célèbre l’amour fraternel et viril. La réalisation de William Christie est liée à cet accord exemplaire (légendaire) entre un plateau de solistes quasi idéal (Daneman, Shirer, Padmore…), un choeur palpitant (sauf les sopranos pour le tableau d’Hébé), des instrumentistes conteurs, inventifs, nuancés. La direction du chef est exactement emblématique de sa sensibilité comme raméllien de premier plan : aiguë sans être cassante ni raide, précise et mordante, d’une fluidité hautement dramatique, capable d’une tendre et poétique sincérité. La plasticité de la déclamation lyrique française, engagée,…
Coffrets événements
CD. Coffret Rameau 2014 (27 cd ERATO). Nul ce coffret événement pour l’année Rameau 2014 récapitule 40 ans d’interprétation raméllienne : comme souvent, les approches les plus pertinentes sont extrahexagonales, voire anglo-saxonnes… Paillard et Harnoncourt, puis McGegan et Gardiner, surtout William Christie qui réinvente Rameau en lui restituant sa poétique symphonique singulière… voilà autant d’interprètes majeurs qui font de la réédition anniversaire élaborée par Erato pour l’année Rameau 2014 et en 27 cd, une somme événement. Evidemment CLIC de classiquenews. Le coffret prend valeur d’odyssée discographique dévoilant les jalons marquants de l’interprétation ramellienne depuis 40 ans – c’est dire son…
à venir …
La moisson continue en 2015. En liaison avec l’activité du Centre de musique Baroque de Versailles grand coordinateur de l’année Rameau 2014 en France et dans le monde, deux nouveautés absolues sont annoncées en 2015, désormais à suivre : Les Fêtes de Polymnie et Le temple de la Gloire, qui fut entre autres révélations, un temps fort de la programmation Rameau au Château de Versailles, pendant cet automne 2014…