L’auteur précise aussi les coutumes de réalisation scénique à l’époque de Rossini: toiles peintes spectaculaires mais costumes bariolés car alors chacun apporte sa propre tenue de scène ! Réserve intéressante, la biographie de Stendhal si vénérée depuis toujours en raison du prestige de l’écrivain, en prend pour son grade: source discutable qui ne s’appuie en réalité que sur l’enthousiasme débordant de l’écrivain pour l’opéra de Rossini, quelques anecdotes véridiques et beaucoup d’affabulation littéraire.
La mise en contexte permet de comprendre pourquoi Rossini, outre un génie manifeste pour la coloratura, nostalgie des arabesques illimitées des castrats et chanteuses baroques, écrivaient pour l’orchestre, comme les auteurs germaniques (un reproche qui lui est fait par les critiques tâtillons, vis à vis d’Armida par exemple, rare opéra fantastique du jeune compositeur) en développant plus qu’ailleurs, l’orchestration de ses partitions (avec cuivres présents et banda sur scène): l’orchestre du San Carlo était l’un des meilleurs et des plus nombreux en Europe d’autant que ses effectifs correspondaient au volume immense du théâtre. Il fallait donc aussi le faire sonner.
Mais Rossini c’est la voix, un idéal vocal fondé sur le génie de l’ornementation et des figures virtuoses (les fameux abbellimenti intégrés dans la ligne mélodique pour en souligner la grâce), capables ainsi de caractériser un personnage selon son humeur dans une situation précise: le texte essaie de définir une typologie vocale chez Rossini et présente les chanteurs créateurs des opéras rossiniens en identifiant dans quels rôles ils ont excellé; s’en produit une galerie illustrée et commentée de portraits particulièrement emblématique sur l’esthétique lyrique de l’époque, soit précisément entre 1815 et 1822. Ainsi paraissent dans leur gloire vocale, outre les Colbran et Garcia déjà cités, les ténors Andrea Nozzari et Giovanni Davide, la basse Michele Benedetti; le contralto Rosmunda Pisaroni… autant de chanteurs exceptionnels, détenteurs du bel canto le plus pur et le plus agile.
Ainsi sont présentés les opéras napolitains de Rossini soit: Elisabetta, regina d’Inghilterra, Otello, Armida, Mosè in Egitto, Ricciardo e Zoraide, Ermione, La Donna del lago, Maometto II (recyclé à paris sous le titre Le Siège de Corinthe en 1826) et Zelmira… chacun voit son intrigue récapitulée; les enjeux vocaux et interprétatifs résumés; la partie dédiée aux toiles peintes renforce la connaissance du décor de l’époque, alors réduit au décoratif panoramique; de nombreux compléments enrichissent l’évocation rossinienne: glossaire des termes techniques, nombreux tableaux présentant les oeuvres dans leur époque. De très nombreux extraits et illustrations musicales, un travail important sur l’iconographie contemporaine témoignent encore de l’impact du génie rossinien au début de sa carrière. Une référence en somme qui éclaire le feu précoce, incroyablement doué d’un Rossini seulement âgé de 23 ans en 1815.
Paul-André Demierre: Les opéras napolitains de Rossini. Editions Papillon, Genève. 283 pages. ISBN 2-9403120-39-4. Dépôt légal octobre 2010.