vendredi 19 avril 2024

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le 7 octobre 2009. Récital David Daniels, haute-contre. Martin Katz, piano

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Tendre intimité du récital

Fêté outre-Atlantique, moins connu chez nous, David Daniels est le contre-ténor ayant le plus contribué à élargir le répertoire de cette voix si particulière. Loin de se cantonner à la musique dite « baroque », il a osé franchir les barrières de la musique « romantique », encore interdite il y a peu aux falsettistes, allant jusqu’à servir Berlioz avec grandeur en enregistrant de superbes Nuits d’été.
Ce concert parisien, d’une grande pudeur et d’une intimité remarquable malgré la taille de la salle du Théâtre des Champs-Elysées, démontre sa diversité stylistique et vocale.
C’est peut-être dans Brahms que le difficile mariage entre voix et esthétique vocale se fait le plus fortement sentir. Pourtant, la tenue de la voix est parfaite, l’ampleur remarquable et le soin apporté à l’interprétation de ces lieder s’avère de grande lignée. Mais il semble que ces courbes mélodiques et cet esprit réclament une voix plus pleine, plus profonde que ne peut l’être celle d’un contre-ténor, aussi doué fût-il.
Dans les Arie Antiche, la voix du chanteur se fond tout naturellement dans ces atmosphères plus légères, plus claires et lumineuses. Un aspect stylistique, aussi, à laquelle elle répond avec bien plus d’évidence.
A travers les mélodies françaises, David Daniels suit un chemin ouvert déjà par lui-même et rendu plus familier en France grâce à Philippe Jaroussky.
L’élégance est de mise, d’un raffinement exquis. Seule la diction française le sent appliqué, dans un effort de clarté louable, mais qui ôte à ces pièces une partie de la spontanéité que Philippe Jaroussky leur rendait plus naturellement – car français –.
Avec Haendel, le falsettiste américain retrouve un univers dans lequel il est peut-être sans rival actuellement. L’air de Rinaldo lui permet de déployer des trésors de nuances, jusqu’à des pianissimi émis à fleur de lèvres d’une pureté irréelle, de dérouler un legato de soie sur un souffle infini. Du très grand art.
D’un caractère tout différent, l’aria di tempesta de Partenope le montre très à l’aise dans des coloratures diaboliques, d’une grande étendue vocale, ainsi que d’une grande force dramatique.
La dernière partie de la soirée se voit consacrée aux compositeurs britanniques, une culture dans laquelle David Daniels est chez lui. Cette aisance et cette compréhension profonde du mot est palpable dans la moindre inflexion, dans chaque reflet de sa voix, notamment au cœur des mélodies de Quilter, d’une délicatesse rare, que le chanteur semble défendre avec une tendresse particulière.
Le soutenant, se fondant en lui, saluons bien bas l’art du pianiste Martin Katz, déjà accompagnateur de Marilyn Horne. Grâce à un toucher de la finesse d’une caresse et une inventivité musicale audiblement sans limite, il parvient à ensorceler à la fois « son » chanteur et le public tout entier. Sa compréhension de la sensibilité haendelienne est particulièrement remarquable, d’une richesse sonore et d’une grandeur musicale qu’on entend que très rarement de nos jours, et d’une fantaisie ornementale proprement jouissive et délectable.
En bis, les deux artistes ont réussi à garder intacte la magie de ce concert avec un « Pur dicesti, o bocca bella » d’Antonio Lotti interprété avec un plaisir évident – presqu’avec gourmandise, à la manière d’une petite friandise savoureuse – et une superbe exécution de « L’Absent » de Gounod, miracle d’apesanteur dans lequel le chanteur, semblant miraculeusement à son aise à travers les mots, a su trouver le plus pur style français, retenu et pudique, conquérant une dernière fois un auditoire sous le charme.

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, 7 septembre 2009. Johannes Brahms : « Auf dem See », « Ständchen », « Nicht mehr zu dir zu gehen », « Mein Mädel hat einen Rosenmund », « O wüsst’ ich doch den Weg zurück ». Jacopo Peri : « Gioite al canto mio ». Francesco Durante : « Danza, danza fanciulla ». Giulio Caccini : « Amarilli ». Girolamo Frescobaldi : « Cosi mi disprezzate ». Reynaldo Hahn : « A Chloris », « Quand je fus pris au pavillon », « Chanson au bord d’une fontaine », « Paysage ». Georg Friedrich Haendel : Rinaldo, « Cara sposa, amante cara », Partenope, « Furibondo spira il vento ». Roger Quilter : « Music when soft voices die ». Ralph Vaughan Williams : Linden Lea. Sir Edward Elgar : « Where corals lie ». Herbert Norman Howells : « King David ». Roger Quilter : « Drink to me only with thine eyes ». Gerald Finzi : « It was a lover and his lass ». David Daniels, haute-contre. Martin Katz, piano

Comptre-rendu mis en ligne par Adriens De Vries. Rédigé par Nicolas Grienenberger

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